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Parmis les énergies existantes dans le monde d’Asilia, circulaient celles des défunts du peuple natif, les Asiliens, qui transmettaient leur essence lors de l’évolution et fusionnaient avec celui ou celle qu’il choisissait, offrant ses dons et pouvoirs. Les jeunes atteignaient leur pleine maturité à trente ans, l'évolution d'Aaron ne devrait arriver que dans deux ans. Avant cela, aucun d'entre eux ne connaissait leur destinée. Ils devenaient des militaires comme Protecteur, Gardes, soldat ou bien civils. Chacun naissait avec un don particulier, lui pouvait travailler n'importe quels métaux. Le ou les dons alloués à chaque personne au moment de l'évolution s'y ajoutaient et leur étaient propres.
Un déclenchement d'évolution n'avait jamais été tenté. En effet, une préparation d’une durée de six mois était indispensable avant celle-ci, physiquement et psychologiquement et pour une bonne raison. Le corps à ce moment-là recevait une puissance phénoménale. L'être dégingandé acquérait en très peu de temps le physique d’une personne adulte, ainsi qu’un ou des dons ou pouvoirs que le psychisme devait être prêt à assimiler.
Alric, l’air ahuri posa sa main sur son épaule et lui envoya des ondes calmantes, don qu’il possédait, tandis qu’Alia vociférait en se levant et renversant sa chaise.
— C’EST HORS DE QUESTION ! JE NE TE LAISSERAI PAS FAIRE !
— Nous n’aurons peut-être pas le choix, si l’intuition de Loric est bonne, nous en aurons confirmation cet après-midi. Aaron et moi allons faire une petite visite à cette demoiselle.
Thomas avait parlé d’une voix douce et posée, lui qui était resté silencieux jusque là.
Alia fusilla son mari du regard.
— Est-ce que tu te rends compte que ce que tu veux lui faire n’a jamais été tenté ? en connais-tu les conséquences ?
Loric la regarda droit dans les yeux et répondit.
— Je n’ai pas pris cette décision à la légère, sans demander l’avis de l'Éveilleur. Il est catégorique pour dire que cela est faisable. Et nous n’avons pas le choix.
Il voulut prendre Alia dans ses bras, mais elle le repoussa puis traversa la salle à grandes enjambées et sortit en claquant la porte. Loric se frotta le visage en soupirant.
Fixant ce dernier dans les yeux, Aaron attendit la suite. Il se sentait complètement perdu et terrifié, ne comprenais pas ce qu’il se passait. Loric lui retourna son regard, triste et fatigué.
— Tu auras certaines de tes réponses cet après-midi. En attendant, allons voir l'Éveilleur. Il va t'expliquer certaines choses importantes. Est-ce que tu me fais confiance ?
Le jeune homme le dévisagea un long moment. Loric était un bon Meneur, il prenait soin des siens. Il sacrifierait sa vie pour chacun d’entre eux. Alors oui il avait confiance en lui. Il hocha donc la tête en signe d’assentiment.
Le Meneur posa sa main sur son épaule.
— Merci, mon grand. Je sais que c’est dur à encaisser, que tu ne comprends pas tout, mais ça viendra. Allons-y. Alric, tu viens avec nous.
En sortant de la salle, il fit un signe de tête à Alban qui attendait à l’extérieur. Celui-ci les observa, curieux, et fronça les sourcils en scrutant le visage décomposé d’Aaron avant de reprendre son poste. Ce dernier n’avait toujours pas dit un mot.
— J’ai besoin d’un verre, décréta Alric. Ces simples mots eurent l’effet de détendre l’atmosphère.
Ils repassèrent donc par le bureau de Loric, où ce dernier leur offrit un verre de whisky qu’ils burent cul sec avant d’en resservir un autre. Il leur demanda s’ils voulaient manger quelque chose, mais ils refusèrent. L’estomac d’Aaron trop serré pour pouvoir avaler quoi que ce soit n’aurait rien accepté.
Le groupe se dirigea vers l’aile médicale, celle-ci se situant à l’ouest de la demeure. Elle contenait une clinique avec des équipements dernier cri, une salle de rééducation avec piscine, le cabinet médical de la guérisseuse ainsi que celui de l'Éveilleur.
Loric toqua à la porte de ce dernier. La porte s’ouvrit sans que personne ne l’ait touchée.
— Je vous attendais, les accueillit une voix grave, mais douce. Entrez, je vous en prie.
Loric entra et s'installa dans un des fauteuils faisant face au bureau, Thomas et Alric restant debout derrière lui. Celui-ci invita Aaron à s’asseoir dans le second fauteuil.
Le regard doux et bienveillant de L'Éveilleur se posa sur le jeune Asilien. Il avait les yeux bleu pâle, comme tous ceux de leur race. Ses cheveux blonds et bouclés qui lui arrivaient au niveau de la nuque lui donnaient un air angélique.
Son regard se porta sur Loric.
— Alors que lui as-tu expliqué ?
— Rien à part que tu allais lui déclencher son évolution aujourd’hui.
L'Éveilleur haussa les sourcils et prit une mine désapprobatrice.
— C’est tout ? pas étonnant que ce gamin ait l’air terrifié.
— C’est toi l'expert, Jordan, je préfère que ce soit toi qui lui expliques plutôt que raconter des conneries, rétorqua Loric.
— Hé ! je ne suis pas un gamin ! objecta l’intéressé, agacé.
Alric ricana et reçut un regard noir en retour alors que Jordan lui lançait d’un air amusé.
— À l'âge de six cents ans et des poussières, je te garantis que pour moi tu es un gamin.
Aaron le dévisagea, bouche bée.
— Bon, passons aux choses sérieuses. Jordan se leva et se positionna face au jeune homme contre son bureau. Tu connais le fonctionnement de l'Évolution en temps normal. La différence avec le fait de la déclencher est dans le temps qu’elle va prendre pour se mettre en place à cent pour cent. N’ayant pas été préparé pendant les six mois précédents, et n’étant prévu que dans deux ans, cela se fera plus en douceur. En fait, elle se mettra en place en une semaine au lieu des deux heures habituelles. Tu comprends ?
— Cela veut dire que l’acquisition de ma force, mon don et mon pouvoir s’étalera sur sept jours, c’est ça ?
— Exactement.
Il se détendit quelque peu. Jordan grimaça.
— Je ne dis pas que ce ne sera pas douloureux, mais ce sera supportable.
Aaron blêmit lorsqu’il prit conscience tout à coup que sa vie allait basculer à partir d’aujourd’hui. Que l’insouciance qu’il partageait avec Tobias était terminée. Son cœur se serra, pour lui, pour eux.
Il se tourna vers Loric
— Et Tobias ?
Loric comprit ce qui lui traversait l’esprit.
— Tobias restera ton ami, ne t’inquiète pas. Vous vous êtes toujours soutenus l’un l’autre. Surtout pour faire des conneries d’ailleurs entre parenthèses. Et ça ne changera pas. Votre amitié est trop solide pour qu’il en soit autrement, le rassura-t-il en serrant son épaule.
Il regarda les personnes présentes tour à tour et compris qu’il ne serait pas seul. Sa loyauté envers eux était indéfectible, mais l’inverse était vrai. Il sentit au plus profond de lui que s’il devait protéger Lola, eux le protègeraient aussi. Il inspira profondément.
Après avoir donné son accord, Jordan et lui pénétrèrent dans la pièce attenante à son bureau. Elle était composée d’un lit médical, d’une commode blanche avec, dessus, du matériel médical d'urgence - qu’Aaron regarda d’un œil torve - une étagère avec d'autres outils médicaux et d’une chaise.
Jordan suivit son regard et un sourire amusé étira ses lèvres.
— Ne t’inquiète pas, ce ne sera pas utile. Allonge-toi.
Il s’étendit sur le lit, son cœur se mit à battre plus fort, des frissons d'appréhensions parcoururent son corps.
— Détends-toi le plus possible.
— T’es sérieux là ? Je suis tendu comme un arc et tu me demandes de me relaxer ?
Jordan gloussa.
— C’est la formule basique avant chaque intervention, un automatisme, se défendit-il en haussant les épaules. Tu vas fermer les yeux, et je vais juste apposer ma main sur ton front. Tu vas sentir un courant pénétrer en toi, essayes de ne pas l’en empêcher sinon ce sera plus douloureux, d’accord ?
D’un œil méfiant, il lui répondit.
— Comment sais-tu la manière dont ça va se passer puisque cela n’a jamais été fait ?
— Parce que j’ai l’esprit logique, et celui-ci me dit que cette manipulation est fiable à cent pour cent.
D’une manière ou d’une autre, son assurance et sa douceur l’apaisèrent.
— D’accord.
Il ferma les yeux et tenta de faire le vide dans son esprit. Un léger bourdonnement résonna puis une paume se posa sur son front. Au début rien ne se passa, puis le bruit s’intensifia. Il sentit au bout d’un moment un léger courant entrer en lui par la paume, circulant doucement au début puis s’amplifiant avant d’atteindre toutes les zones de son corps. Le vrombissement augmenta encore, et tout à coup une douleur fulgurante le traversa de part en part, son corps se cambra comme un arc et se décolla du lit. La douleur était tellement insupportable qu’il se mit à hurler.
Il entendit Jordan crier.
— Merde ! C’est quoi ce bordel ? !
La porte s’ouvrir à la volée et la voix tonitruante de Loric demanda.
— Qu’est-ce qui se passe nom de Dieu ? !
Le jeune homme n’entendit pas la réponse, car il perdit connaissance.
Lorsqu’il rouvrit les yeux, enfin, qu’il tenta de les ouvrir, car un mal de tête carabiné lui vrillait le crâne, et la lumière l’aveuglait. Il les referma et attendit de s’habituer à cette dernière. Il réussit enfin à garder les yeux ouverts, et fixa un point devant lui en attendant d’y voir plus clair. Que s'était-il passé ? Où était-il ? Petit à petit, la mémoire lui revint. Il regarda autour de lui et vit Loric, Alric, Thomas et Jordan autour du lit le regardant bouche bée, livides et les yeux écarquillés.
— Quoi, qu’est-ce qui se passe ? il referma la bouche. C’était quoi cette voix ? Cette voix de baryton ne pouvait pas être la sienne ? N'est-ce pas ?
— C’est impossible ! murmura Jordan.
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