Illusion du désert
Sous un soleil de plomb, un homme vêtu de guenilles avançait péniblement dans le sable doré. Sa peau exposée aux rayons brûlants, était couverte de plaies douloureuses. Heureusement, les conditions étaient si extrêmes qu'aucune mouche ne tournait autour de cette charogne ambulante.
Ainsi était son destin. Un pas après l'autre, il marchait vers sa fin. Il ne pouvait pas y échapper, son horizon était dénué de vie. Seul un désert infini et uniforme se dessinait autour de lui. La mort patientait tout près qu'il fasse son dernier pas. Que sa transpiration le vide des dernières gouttes d'eau qui le maintenaient en mouvement. Que son corps fonde sous la chaleur.
- Monsieur ?
Le marcheur sorti de sa torpeur. Devant lui, se tenait une fillette habillée comme les princesses des sultans. Ses grands yeux dorés étaient plantés dans ceux de l'homme.
- Vous allez bien monsieur ?
Aucun son ne sorti de sa gorge asséchée, mais ce n'était pas la raison de son silence. Il ne savait pas quoi répondre tant la situation lui paraissait surréaliste. Il était fasciné par le regard de cette apparition et faisait abstraction du reste. Le désert sans vie avait pourtant disparu. Autour d'eux, un bazar animé par des viens et va de caravanes et des cris de marchands attirants de nombreux clients. Un décor coloré par les splendides tapis et tissus, jarres, mais aussi fruits et légumes mûrs à point.
Le malheureux sursauta quand l'enfant saisit sa main. Elle l'examina avec attention et fit part de ses conclusions :
- Vous n'êtes pas en bon état, monsieur. Venez !
Malgré son petit corps, elle tira sans aucun mal le pantin brûlé jusqu'à une tente où se trouvait deux femmes adultes qui toisèrent le nouveau venu.
- Maman, Tata, il faut lui donner de l'eau et un bain d'onguent !
Aussitôt dit, elles se mirent au travail. On lui apporta de l'eau et l'installa dans un réservoir destiné à laver le linge, rapidement rempli d'un liquide crémeux. Toute cette fraîcheur et douceur soudaine le soulagea instantanément et des larmes coulèrent sous ses yeux désséchés.
- Vous allez mieux ? demanda l'enfant.
- Oui, réussit-il à prononcer.
Il sécha ses larmes d'un revers de la main.
- Qu'est-ce que vous faisiez dans le désert blessé comme ça ?
- Mourir.
Sa réponse choqua la fillette.
- Quoi ? Mais c'est horrible ! C'est trop bien de vivre !
Les deux femmes confirmèrent d'un hochement de tête. Il remarqua qu'elles se ressemblaient comme des jumelles, avec les mêmes yeux dorés que l'enfant. Il baissa le regard.
- Monsieur, il faut vous ressaisir ! Je ne veux pas savoir pourquoi vous voulez mourir, mais maintenant que vous êtes là, vous devez accepter de vivre !
L'homme releva la tête vers le grand sourire qu'elle affichait, dévoilant ses dents parfaitement blanches. Il était magnifique ce sourire, il masquait les quelques défauts de sa dentition comme ses canines pointues et crochues. Les paumettes du blessé montèrent jusqu'à ses yeux. Un sentiment de joie s'esquissait sur son visage. Sa fin n'était peut-être pas venue.
Il ferma les yeux.
Un serpent sifflait dans l'oreille d'un homme mort.
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