C'était moi c'gamin?
C’est moi ce gamin ? J’ai du mal à y croire. Pourtant je sens l’odeur du sable, même si le sable n’a pas d’odeur. Je gravis les falaises, jamais essoufflé. Je suis le sentier littoral, ça m’énerve quand je rencontre des gens, c’est mon territoire. Y a des trucs à voir partout, les belles maisons, les rochers, la mer, la vue imprenable sur Granville. Je fonce comme un malade, même si j’ai tout mon temps. La mer s’écrase tout en bas dans un bouillon d’écume. Je n’ai pas le vertige, mais je ne m’approche pas trop quand même. La vache, c’est haut !
Il y a un genre de promontoire avec un banc, je ne peux pas résister et je m’assoie. J’aimerais rester là pour l’éternité, j’aimerais surtout rester ce gamin.
Bon, il faut quand même que j’y ailles, plein de trucs importants à faire, comme le goûter ou la baignade, et surtout emmerder le frangin, c’est mon hobby.
Dans un peu plus d’une heure, la mer sera un peu moins colérique, et là un nouveau bonheur m’attend. J’ai des choix importants à faire, est-ce que j’apporte le canot pneumatique ? Ça pèse lourd et le chemin est long de la maison à la plage, la vie est parfois compliquée, quand je l’apporte c’est une corvée et je ne m’en sers pas. Quand je décide de ne pas l’apporter, je le regrette. J’espère que ma vie d’adulte, oui, j’suis pas idiot, faudra bien que j’y passe, bon bref, j’espère que ce sera moins compliqué.
Le frangin a construit un super château, je m’échauffe pour ce qui va suivre.
Maman, il a tout écrasé.
C’est comme ça tous les jours, pourtant tu le sais bien, t’as qu’à faire autre chose.
Évidemment comme d’habitude tu le défends, c’est une atteinte à ma liberté.
Oh là c’est qui ton instit cette année, va falloir que je lui parle.
J’parie qu’c’est un communiste.
Toi tu n’parles pas de choses qui te dépassent, et pour une fois ton petit frère a raison, tu devrais le laisser tranquille de temps en temps. J’vais p’t’être aussi rencontrer ton instit. Il est grand temps que je prenne les choses en main.
Maman, il a bouffé l’dernier choco.
On dit « manger » . Si vous continuez comme ça on rentre, vous êtes en retard avec vos cahiers de vacances.
OK, on fait la paix, mais c’est sous la pression.
Eh ben, demain je vais avec vous à l’école.
On va nous chambrer si tu nous accompagnes.
Je marcherai à distance, puisque vous avez honte de votre mère.
Encore une autre forme de pression !
Bon,allez donc vous baigner.
T’es qu’un faux-cul.
Et toi le chouchou.
Ben ouais, c‘est comme ça, j’peux rien faire pour toi. En attendant tu vas nager plus loin.
C’était moi c’gamin ?
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