Arc en ciel

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Eloïse marche. Comme tous les matins, son pas est lourd sur le pavé. La tête basse, rentrée dans les épaules, elle avance, résignée. Une ombre voûtée et grise. Elle se rend à la maison des Enseignements.

Comme tous les matins, depuis ses six ans, elle s’interroge, inlassablement, pourquoi faut-il qu’elle y aille. C’est absolument inutile, du temps perdu, pour elle et ses professeurs. Pourquoi s’acharner ainsi ? Pourquoi personne ne trouve le courage de dire ce qu’elle sait déjà, depuis des années ?

Elle n’est pas normale, handicapée. Son aura n’a pas de couleur. Elle n’en aura jamais. Elle n’a aucun lien avec aucun élément de la matière. C’est ainsi. Pour le dire de manière plus abrupte, comme elle l’a déjà fait, provoquant des silences affligés mais hélas temporaires, elle n’a pas d’Aura. C’est comme ça ! Ça arrive, les loupés ! Pas de chance, c’est tombé sur elle. Elle voudrait juste qu’on lui fiche la paix !

Mais non ! elle est encore, parfois, la risée de ses camarades et est devenue le défi permanent de l’équipe professorale. Ils ne peuvent ou ne veulent pas admettre son infirmité. Chaque année, c’est la même rengaine. « Il n’y a personne sur ce continent, ni sur les autres, qui n’ait pas d’Aura ni de couleur. Cela ne se peut pas ! bien sûr, il y en a pour qui elles sont extrêmement difficiles à distinguer, il y en a qui ont une maîtrise très subtile de la matière (comprenez que leurs capacités sont quasi nulles), mais personne, non personne n’est incolore ! alors, cela prendra le temps que ça prendra, mais ils sont bien décidés à l’aider à trouver sa couleur et par là-même à trouver son élément et ses capacités si « subtiles » soient-elles !

Eloïse pense que toute cette bienveillance hypocrite, c’est à gerber.

Hélas, elle n’est qu’une adolescente élevée par une mère à moitié folle depuis que son père est parti, on ne sait où. Autant dire qu’elle n’a pas voix au chapitre.

Alors, elle marche, le dos courbé, ses grands yeux couleur d’automne fixant les pavés.

Elle y met peu d’entrain mais finit, tout de même, par arriver devant la bâtisse. Un grand Bienvenu, aux sept couleurs, évidemment, est gravé sur le fronton du respectable bâtiment. Elle ne peut s’empêcher de grincer des dents en franchissant le seuil de la grande entrée aux arches romanes. Dans la cour, beaucoup d’étudiants sont déjà là, réunis en petits groupes. Bien sûr, c’est un festival d’Auras, Toutes sont représentés allant du plus vif éclat au pastel le plus doux. Car, pour couronner le tout, Eloïse, bien qu’incolore, perçoit, en revanche, de manière tout à fait précise celles des autres. Quelle ironie!

Elle s’approche de sa classe. Malgré sa différence ou plutôt à cause d’elle, Eloïse possède un talent d’oratrice remarquable et un humour féroce. Elle a, ainsi, développé de solides amitiés comme inimitiés. Elle a trouvé sa place, en tout cas, et c’est déjà beaucoup pour elle qui a, par le passé, beaucoup souffert de la solitude.

Elle relève la tête, rabat d’un revers de main rapide, ses cheveux bleus. Oui ! Toujours bravache, elle a décidé, depuis quelques mois, qu’à défaut d’aura colorée, ses cheveux changeraient de teinte aussi souvent que possible. Cela a fait son petit effet, mais, elle songe qu’il faudra bientôt qu’elle trouve autre chose, plus personne n’y prête attention.

Elle rejoint son petit groupe d’amis. Anna la Rouge et Lisa la Bleue. Celles-ci l’accueillent d’un grand sourire. Elles sont très excitées. Aujourd’hui, c’est la Conférence ! Chaque année, une personnalité influente vient les éclaboussser de son Savoir. Et, cette fois, c’est Enée, une Arc en Ciel de premier plan. Il parait que son Aura est spectaculaire. Et, les adolescents l’adorent car elle détonne parmi ceux de son rang. Elle est la plus jeune. Elle a un style particulier, bien à elle. Une rebelle, en somme.

Alors, aujourd’hui, à la Maison des Enseignements, c’est l’effervescence.

« Il me tarde tellement de la voir ! » dit Anna, en sautillant sur place. Eloise lève les yeux et soupire. Ces attitudes de groupies frisant parfois l’hystérie l’agacent. Anna lui prend la main et la taquine :

« Allez, Elo, pour une fois, fais preuve d’un peu d’enthousiasme ! Tu verras, ça fait pas mal.

-Hum…si faire preuve d’enthousiasme consiste à bêler bêtement avec le reste du troupeau, non merci !

-Rabat-joie ! Arrête ! Tu la trouves géniale, toi aussi ! lui rappelle Lisa.

-Pas du tout, s’insurge-t-elle, j’ai apprécié certains des propos qu’elle a pu tenir, c’est pas tout à fait pareil !

-c’est bien ce qu’on dit, pouffe Lisa, tu la trouves géniale ! »

Eloise sert les poings. Non ! elle ne trouve plus personne géniale, depuis longtemps ! Personne ne l’est. Jamais. Il y a toujours un moment où les gens que l’on admire, que l’on aime, sont décevants ou blessants. Et ça peut faire mal, trop mal. Alors, non, personne n’est génial !

Ses amies se sont figées. Elles la regardent, un début de frayeur dilatant leurs pupilles. Elle le voit. Aussitôt, sa petite voix intérieure s’enclenche : « Respires, Elo ! Allez, prends de l’air. Oui, inspires. Bloque. Un…Deux…trois…Ok, laisses aller, expires. Encore… »

Jusqu’à ce que ses poings se desserrent, jusqu’à ce que les pupilles de ses amies rétrécissent, jusqu’à ce qu’elles recommencent à se mouvoir…elle respire.

Alors, Anna laisse échapper un soupir.

« Putains, j’ai bien cru qu’on allait y avoir droit ! Et, c'est pas le jour!

-Ca va...je sais. Murmure Eloise dans un sourire forcé.

Et voilà, maintenant ça, mais qu’est-ce qui lui prends ? Qu’est-ce qui tournes pas rond chez elle ? Comme si ça ne suffisait pas, quand Eloise est agité par de sombres émotions, elle devient un trou noir, un vortex qui absorbe toutes les couleurs d’Auras. Enfin, ça, c'est la version professorale. Elle dit plutôt :Un putain d’aspirateur ! Voilà son don, un pouvoir de décoloration temporaire, quelques heures au plus ! Risible ! Bon, il semble que ce soit assez désagréable comme sensation et il est arrivé que, ses victimes aient eu des comportements un peu étranges, les jours suivants. Mais, selon les spécialistes, c’était du aux efforts faits par les décolorés pour retrouver leur couleur.

Cela avait fait d’elle le bouc émissaire idéal, la paria attitrée de sa classe, jusqu’à ses dix ans.

Cette année-là, Son enseignante Sophie auréolée Arc-en-Ciel, l’avait trouvée cachée derrière la porte des toilettes et pleurant convulsivement, après une énième brimade.

Elle l’avait consolée, puis relevée et prise fermement par les épaules :

« Tu dois apprendre à garder le contrôle ! Alors, ils oublieront…ils te laisseront tranquille ! Tu auras une chance de te faire une autre place… »

Elle avait été convaincante. La petite Eloïse d’alors, qui n’avait jamais pu s’appuyer sur un adulte solide, avait donné sa confiance et plus encore à son enseignante. Elle tenait à elle comme un naufragé à sa bouée. Elle l’avait écoutée, appliqué ses conseils à la lettre, assidument, travaillé les enseignements avec acharnement, pour voir ses yeux briller de fierté. Elle avait trouvé une oreille attentive quand elle se sentait perdue ou triste. C’était une merveilleuse année et, Eloïse le pensait, le début d’une nouvelle vie où elle comptait pour quelqu’un.

Et, puis, un jour, Sophie était partie, sans dire au revoir, sans laisser d’adresse.

Eloïse était effondrée, secouée d’émotions contradictoires : la sidération d’abord, puis le chagrin et enfin la colère noire, infinie. Sa confiance en autrui s’était définitivement consumée. Ce jour-là, elle avait couru à une vitesse sidérante vers la clairière où elle se réfugiait quand sa mère perdait trop contact avec la réalité. Et, elle avait laissé libre cours à ce torrent émotionnel faire son œuvre, pensant que sans Auras à aspirer, il n’y avait aucun risque. Ce jour-là, Le pan de la falaise enserrant pour partie l’endroit avait été réduit en poussière. Encore, aujourd’hui, elle oscille entre deux visions de cet évènement : une toute petite voix qui dit que la Nature partageait sa tristesse, et une autre, bien plus présente, qui dit que même la Nature s’était écroulée de rire devant sa niaiserie.

Elle avait passé deux jours et deux nuits dans cette clairière. Personne n’était venu la chercher, évidemment. Pourtant elle avait, finalement, décidé de continuer à vivre. De se donner une dernière chance.

Depuis Eloise avait réussi à garder le contrôle…à peu près…de manière acceptable. De temps en temps, elle sentait l’aspirateur s’animer et décolorer furtivement une Aura. Mais cela restait discret. Et, Sophie avait raison, ses camarades avaient presque cessé de la prendre pour cible, elle s’était fait une place et des amies et parfois, la vie était belle, de manière fugace, frivole…mais, c’était déjà ça.

Et, cela faisait plus d’un an, qu’elle n’avait plus décolorer personne.

Alors, même si ses amies sont déjà passés à autre chose, elle est inquiète. En plus, c’est vraiment pas le jour de se faire remarquer.

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Ça y est. Ils ont tous fini par trouver une place dans le gigantesque amphithéâtre. Eloise, toujours sombre, est assise entre Anna et Lisa. Mesure de précaution, selon elles, ça évitera peut-être à un voisin malchanceux de se faire copieusement insulter parce qu’il aura osé ouvrir la bouche. Elo avait bougonné qu’elle savait se tenir, pour la forme mais avait obtempéré. Elle ferme les yeux, essaie de retrouver un peu de calme, malgré son humeur de chien. Les conversations autour, peu à peu, s’éteignent. Le silence est presque complet.

Eloise ouvre les yeux. Enée est là. Bien sûr, elle a déjà vu des photos d’elle. C’est une jeune femme, de taille moyenne, athlétique. Elle est vêtue de noir, un pantalon, un chemisier et un châle, simples. Ses longs cheveux bruns regroupés en un chignon négligé dont quelques mèches dépassent, encadrent un visage carré au menton volontaire. Ses yeux bruns, en amande, un peu trop grands, observent pensivement la foule d’étudiants devant elle. Eloise ne peut s’empêcher d’être un peu déçue. Elle imaginait une entrée un peu plus spectaculaire. Avec tout ce qui se raconte sur l’Aura de cette femme. Les autres années, les invités arrivaient, auréolés glorieusement de leur couleur. Ils les inondaient de lumière, leur en mettait plein la vue. Là, rien!…La grande Enée ressemble à…à Eloïse, incolore.

Celle-ci ne peut s’empêcher de ricaner, en observant autour d’elle les regards dépités de ses camarades.

Un rire emplit la salle, prenant un peu plus au dépourvu les spectateurs. C’est Enée.

Alors, ses yeux s’animent et sont soudain si lumineux qu’Eloïse ne peut s’empêcher de rire à son tour. Enée pose les yeux sur elle quelques secondes puis revient envisager le public d’étudiants déboussolés :

« Bonjour à tous. Je suis Enée. Comme vous le savez, je fais partie du Conseil des Sages. » elle marque une pause et souriant à nouveau, elle reprend : « Vous semblez, quelque peu désarçonnés, l’un d’entre vous peut-il me dire ce qui vous arrivent ? »

Les quelques murmures qui bruissaient s’éteignent aussitôt pour laisser place à un silence de cathédrale.

Eloïse qui avait, réussi,jusque-là à étouffer son début de fou rire, pouffe à nouveau. Et, sous le regard désapprobateur de ses amies, elle lève la main. Enée, d’un signe de la tête, lui enjoint de s’exprimer :

« Pardon,euh…madame, c’est que l’on ne voit pas votre Aura.

Nullement décontenancée, Enée lui répond :

« Ah…et, où pensez-vous qu’elle soit ?

Eloïse, fidèle à elle-même, lui répond :

« Je ne sais pas, Madame…peut-être l’avez-vous oublié en partant ? » et, elle ajoute, provocante « ou peut-être est-elle avec la mienne ? Je la cherche depuis ma naissance ! »

A sa grande surprise, au lieu de s’offusquer, Enée éclate de rire puis lui répond :

« Rassurez-vous, mademoiselle, nos Auras sont là, toutes les deux. Elles sont invisibles, c’est tout. »

Eloïse est estomaquée. Elle ne comprend pas. Des Auras invisibles? Jamais entendu parler d'un truc pareil! Enée rit-elle à ses dépens ?

Le reste de l’amphithéâtre bruisse de murmures incrédules. C’est incompréhensible ! Que raconte-t-elle ?

Soudain, quelqu’un crie : « regardez ! » en pointant du doigt l’estrade.

Autour d’Enée, goguenarde, vient d’apparaitre un halo rouge qui va grandissant et laissant apparaitre successivement de l’orange, du jaune, du vert, du bleu, de l’indigo et du violet. Son aura Arc-en-Ciel est gigantesque et envahit tout l’espace de l’estrade.

Des exclamations ébahies jaillissent du public. Eloïse regarde cela, l’air lointain, cherchant toujours à comprendre ce que signifiaient exactement les paroles d’Enée.

Alors, malgré la béatitude générale, elle se lève et interpelle l’objet de tous les regards admiratifs de l’assistance.

« S’il vous plait ? S’IL VOUS PLAIT ? ENEE ? »

Celle-ci se tourne vers elle, attentive. Eloïse sent la colère monter en elle et s’exclame :

« Je n’ai pas d’Aura ! Les Auras invisibles, ça n'existe pas! Pourquoi dites-vous que j’en ai une ?!? »

Enée lève un sourcil étonné. Tout le monde a une Aura. Eloïse répond que non ! elle, elle n’en a pas !

L’Aura d’Enée semble encore grandir, et sa présence avec. Elle happe le regard de la jeune fille, qui ne voit plus que ses yeux et qui entend la voix de la femme résonner dans sa tête, dans son esprit, alors que ses lèvres restent immobiles.

« Tu as une Aura, je le sais. Je la perçois. Elle est invisible, c’est tout. »

Puis, se tournant à nouveau vers la salle, elle demande le silence, de vive voix, cette fois. Tout le monde obéit. Alors, soudainement, le gigantesque arc-en-ciel disparait. Plus rien.

Lisa murmure, pour elle-même, la question qui agite toute l’assistance « Mais, comment fait-elle ça, Nom d’une Licorne ? »

Enée sourit et les interpelle. Elle a une question pour eux.

« Qu’est-ce que l’Arc en Ciel ? »

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Eloïse s’est rassise. Elle regarde cette femme qui les mènent tous par le bout du nez, elle comprise, depuis plus de vingt minutes. Mais, où les emmène-t-elle ?

Qu’est-ce que l’Arc-en-Ciel ?

Les réponses fusent.

« Le spectre des couleurs qu’un esprit peut posséder en lien avec ses pouvoirs sur la matière »

Enée répond oui, mais encore ?

Un jeune homme propose :

« Le pont par lequel descendent les sept licornes pour ensemencer les esprits »

Elle lui demande quand est-ce qu’il a vu, ne serait-ce qu’une seule licorne, qui plus est, descendant d’un arc-en-ciel ?

Eloise cache son sourire derrière une de ses mains. Bien envoyé ! Elle aurait pas mieux dit. Elle a toujours trouvé ça débile, cette histoire de gentilles licornes toutes douces , descendant gracieusement d’on ne sait où, pour transmettre, dons et merveilles jaillissant de leurs cornes de cristal ! Pffff !

Le fait est que le jeune homme ne peut que répondre, d’un air choqué, qu’il n’en a jamais vu, mais ajoute qu’il s’agit du Dogme des Premiers, d’un air outré !

Enée, lui répond, avec un sourire, qu’il s’agit de l’écho du Dogme Premier à travers des Milliers d’années. Pour autant, ce n’est pas hérétique que d’affirmer que personne, de mémoire de mortels, n’a jamais vu, réellement, de Licornes.

Un grand « oooooooooooooooh » choqué jaillit de centaines de bouches. Elle précise alors :

« Je ne remets pas en cause le Dogme des Premiers. Mais, ma question s’adresse à nous, à vous, les suivants, donc. Peut-être devrais-je préciser ma question ? Qu’est-ce qu’un Arc-en-Ciel, pour vous ? »

Alors, Eloïse lance :

« Une illusion d’optique ! «

Elle entend des railleries fuser mais Enée lui demande de préciser.

De mémoire, en bafouillant un peu, elle indique que c’est un photométéore, c’est à dire un phénomène optique qui rend visible le spectre continu de l’astre solaire quand il brille et qu’il pleut.
Elle hésite. Enée, d’un regard impérieux, lui intime de poursuivre. Alors, elle ajoute que l’arc en ciel n’a pas d’existence matérielle. Sa position et son existence sont liées à la position de la source de lumière et de l’observateur.

Elle se tait. Un silence et L’oratrice enchaine :

« C’est exact. Quelle réflexion cela vous inspire-t-il ?

La salle gronde et quelqu’un qu’Eloïse ne parvient pas à repérer crie au blasphème. Sur l’estrade, la responsable de ce chahut sort de derrière son pupitre, droite comme une flèche, ses yeux lançant des éclairs, auréolée de vagues aux sept couleurs, qui semblent faire trembler l’atmosphère autour d’elle. Sa voix s’élève et porte jusqu’au tréfonds de la salle :

« Chercher à comprendre les phénomènes physiques et naturels qui existent dans notre monde n’est pas une tare ! Ce n’est pas non plus incompatible avec le respect de notre histoire et des dogmes des Premiers ! Bien au contraire ! »

Toute la salle s’est tue. Elle les balaye, lentement, d’un regard sévère et poursuit :

« vous connaissez tous le premier Dogme, par cœur. Celui qui dit que les licornes de l’Arc-en-Ciel, posant le pied sur notre terre, ont repoussé les Ténèbres et que, de leurs cornes, ont jaillies les sept couleurs venant semer des dons dans nos corps et nos esprits ! Et, nous donnant la capacité d’avoir une Aura ! Oui ? »

Tous acquiescèrent.

« Bien ! Vous l’avez appris et récité bêtement à vous en décrocher la mâchoire, des milliers de fois, mais avez- vous cherché à réellement le comprendre ? Vous l’approprier ? Non ! Avez-vous cherché à connaitre le second Dogme ? Connaissez-vous au moins son existence ? Non ! »

Elle est comme un orage, quand elle regagne son pupitre et tape dessus du plat de la main, créant une onde sonore, qui les fait tous sursauter.

« Ecoutez le second Dogme ! il dit « Il nous a été fait don d’une Aura, de pouvoirs sur la matière. Être détenteur de potentiels, être auréolé s’accompagne de devoirs. Les licornes ont dit « Soyez des chercheurs, soyez curieux, ouvrez grand vos yeux ! Nous vous indiquons la direction, il vous appartient d’en faire votre chemin ! ». Qu’est-ce que cela signifie ? selon vous ? …

Personne ne répond, alors elle poursuit :

« Je vais vous dire ce que cela signifie pour moi. Votre Aura est ce que vous donnez à voir aux autres. Elle dépend de l’image que vous avez de vous en partie ! Avoir une Aura Arc-en-Ciel ne signifie pas que vous valez plus que les autres, Avoir une Aura bien brillante, de couleur vive, voire éclatante ne signifie pas que vous valez plus que les autres…pas plus qu’avoir un bel habit ou de beaux bijoux ! Votre Aura montre ce que vous êtes convaincus d’être aux yeux des autres… c’est tout. Elle ne vous définit que parce que vous y croyez ! »

Le brouhaha qui s’ensuit est indescriptible. Un professeur se lève et crie à plusieurs reprises pour réclamer le silence. Au prix d’un cri plus tonitruant que les autres, il finit par obtenir gain de cause et se tourne, furibond, vers Enée et l’interpelle, de manière véhémente :

« Etes-vous en train d’insinuer que nous serions tous atteints d’hallucinations collectives, quand nous voyons les Auras ? Comment osez-vous proférer de telles balivernes ? Quelles preuves avez-vous ? Je vous somme de vous expliquer ! »

Eloïse, sonnée, regarde Enée, elle aussi. La jeune femme affiche un calme olympien quand elle déclare :

« Je dis qu’utiliser ses dons pour se fabriquer une belle Aura, quelque soit sa couleur, c’est gâcher son potentiel et cracher sur l’héritage des Licornes et des Premiers ! Je dis que leur message est bien plus profond que ce que nous enseignons à nos enfants ! il n’y a aucun blasphème, dans ces mots ! Et, si vous voulez des preuves, monsieur le professeur, il vous faudra les chercher par vous-même, comme le dit le deuxième Dogme.

-Mais enfin, prendre soin de son Aura, c’est faire profiter la société de son potentiel.

-En êtes-vous certain ?

-Mais …il en a toujours été ainsi !

-Pouvez-vous le prouver ?

-Relisez vos manuels d’Histoire, madame !

-Vous ! Relisez-les ! Et lisez-en d’autres aussi.

-Ce que vous dites est absurde.

Sans répondre, elle regarde sa montre. Puis, se tournant à nouveau vers le professeur :

« Je crains que nous ne puissions tomber d’accord. Je vous ai donné mon point de vue. Vous m’avez donné le vôtre. Restons-en là ! »

Alors qu’il semble sur le point de répondre, il s’assoit, l’air surpris. En son for intérieur, Eloïse ne peut s’empêcher de se demander s’il n’a pas été obligé à le faire par Enée. Les auréolés de Rouge peuvent avoir ce genre de pouvoir de pression psychique. Si fort, elle ne l’a jamais vu. Mais, elle n’avait jamais entendu une main faire un bruit aussi tonitruant en claquant sur un pupitre, ni une voix porter si loin sans micro, ni une aura onduler comme une mer agitée, alors pourquoi pas ?

Enée, une dernière fois, les enjoint à être curieux, à chercher eux-mêmes à apprendre et à comprendre. Puis, elle clôture la conférence. Pendant qu’une nuée de conversations fébriles s’engagent dans l’amphithéâtre. Eloïse, sourde à tout cela, se lève, mue par les interrogations qui lui brûlent les lèvres. Sans réaliser comment, elle se trouve au bas de l’estrade, regardant Enée descendre les marches, qui la mènent vers la sortie.

« Excusez-moi ! J’ai des questions !

-Comment t’appelles-tu ?

-Euh…Eloïse …mais, s’il vous plait, j’ai une question ! dit-elle d’un ton précipité. Est-ce que vous vous moquiez de moi, tout à l’heure, quand vous avez dit que vous perceviez mon Aura ?

L’air peiné de la jeune femme allume la colère chez l’adolescente. Pas ça ! Elle agrippe durement le bras d’Enée et elle s’entend, lui intimer, d’une voix glaciale, de mettre sa pitié au placard, elle n’en a pas besoin, elle a besoin d’une réponse. La jeune femme ne se dégage pas. Elle plante son regard dans les yeux d’Eloïse, comme si elle pouvait voir jusqu’au tréfonds de son âme et lui réponds à voix basse :

« Tu te trompes. J’ai de la peine quand je pense à toutes les fausses vérités qui t’ont emmenées à penser que tu n’as pas d’Aura, que tu es moins que quiconque. Tu as été assez forte pour tenir debout malgré ça. Et, oui, je perçois ton Aura ! Tu es bien plus que ce qu’on t’a laissé croire, bien plus que tu n’imagines ! Suis tes intuitions, fais toi confiance, apprends, essaie de voir avec tes propres yeux !

-Pourquoi ? Comment ?...

-Pour toi, pour le monde entier. Cherches, lis tout ce que tu trouves sur les Licornes, les Premiers, l’Arc-en-Ciel…devines entre les lignes… L’Obscurité revient…Je reviendrai te chercher avant.

-Pourquoi ?

-pour t’apprendre ce que je sais.- elle regarde sa montre bracelet- Je dois y aller, maintenant.- A bientôt. »

Et, elle passe la porte, laissant Eloïse, statufiée, une tempête de pensées anarchiques s’entrechoquant dans sa tête.

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