4.

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Le chemin du retour est bruyant : nous n'arrêtons pas de comparer nos ressentis lorsqu’on était sur la planche de surf. Enfin, ils. Pour ma part, je ne décroche pas un mot, préférant les écouter parler. Et même si je le veux, je ne peux pas. Qu'est-ce que je peux leur dire ? Leur parler des doigts de Marcus sur ma peau et les frissons de désir ? Parce que ça en était, je ne suis pas assez innocent pour prétendre ne pas reconnaître cette sensation. Ou bien les émotions qui m'ont submergé quand Marcus était perdu dans ses pensées ? Je préfère donc me taire.

— Tu ne dis rien, Jules, remarque Camille. Ça c'est mal passé ?

J'aurais dû me douter qu'elle allait s'en rendre compte.

— Pas du tout, au contraire, c'était... enivrant. Enfin, même si j'ai failli me noyer plusieurs fois, me sens-je obligé de rajouter devant leurs airs surpris.

— Moi, j'ai réussi à surfer sur une vague ! intervient Claude, fier de lui. C'était incroyable !

Nous hochons la tête, bien d'accord avec lui.

— N'empêche, ils sont vraiment sympas, lance Camille d'une voix enjouée. Sans eux, on aurait jamais fait de surf.

— C'est vrai. Au fait, Camille, Claudia t'a parlé de moi ou... ?

Nous regardons Claude, un regard moqueur aux lèvres.

— Quoi ?

Claude a une petite réputation de vrai tombeur, bien qu'en vérité, c'est lui qui tombe le plus.

— C'est vrai qu'elle est chou, répond Manon. Mais pas mon style.

— Oui, elle est très belle, renchéris-je.

Claudia a un fort caractère et se fiche complètement des convenances. Je pense qu'elle est ce type de filles qui obtient toujours ce qu'elles veulent. À côté de ça, son physique n'est pas à négliger et je connais pas mal de filles qui aimerait avoir le corps qu'elle a. Il est certain qu'on ne peut pas être insensible à ses charmes. Reste à voir si notre ami a une chance.

— Mouais, pas du tout mon style, réfléchit à voix haute Antoine. Et de toute façon j'ai déjà trouvé ma femme.

Il passe un bras derrière le dos de Camille pour l'attirer à lui.

— Tu veux dire ma femme, rectifié-je. Rappelle-toi qu'elle n'est avec toi que pour ton argent...

— Que je n'ai pas, je te signale.

— De toute façon, toi, Jules, tu préfères les troncs d'arbres et les corps bien fermes, intervient Claude, un sourire salace aux lèvres.

— Faux et je privilégie la spiritualité et l'intelligence, mais eh ! On ne peut pas tout avoir, tu en es la preuve vivante, répliqué-je du tac au tac.

Manon et Camille sourient et Antoine lâche un « tu l'as cherché, mon pote » à Claude, qui pose la main sur son cœur meurtri.

XXX

Claude s'écroule sur le canapé dans un gémissement de soulagement.

— J'ai rêvé de faire ça toute la matinée, marmonne-t-il, la joue écrasée sur le divan.

— Pousse-toi un peu, le rabroue Manon en lui tapotant les jambes pour qu'il les enlève.

— Moi, je vais prendre une douche. Le sel colle à ma peau et j'ai l'impression qu'elle est en train de s'enlever, grimacé-je.

— T'as raison et cette après-midi, c'est repos ! s'exclame Camille. Surtout que je ne pense pas qu'il fasse assez chaud pour profiter de la plage.

Antoine et Claude rugissent de bonheur et débattent aussitôt pour savoir lequel d'entre eux va dormir le plus longtemps. Je les laisse à leur compétition et file à la douche, les filles vont bien réussir à les calmer.

L'eau me lave du sable qui ruisselle sur mon corps. Je soupire d'aise sous la chaleur qui se répand sur ma peau et me réchauffe. C'est presque la même sensation que j'ai ressentie lorsque les doigts de Marcus ont glissé sur mon dos pour fermer ma combinaison... Une vague de souvenirs m'assaillent et j'ouvre les yeux pour les chasser honteusement de ma tête. Mais il est trop tard, comme en témoigne mon sexe quasiment gonflé. J'hésite un instant, le prends en main avant de tout arrêter. Je ne peux pas faire ça maintenant, c'est irrespectueux pour mes amis, on utilise la même salle de bains. Mais rien qu'à l'idée d'imaginer Marcus... Je grimace et tourne d'un coup sec le robinet d'eau. Aussitôt, l'eau change brusquement de température et j’étouffe un cri de protestation. Je m'oblige à rester quelques secondes immobile, ça te fera le plus grand bien Jules. Puis, je m'empresse de finir me savonner et de sortir de la douche, comme si j'avais peur que la tentation ne soit trop forte et que je succombe au péché.

— Au suivant, crié-je dans le couloir quand je sors de la salle de bain.

J'hésite avant de prendre la direction de ma chambre. La sensation de faim commence à faire faire protester mon ventre mais l'attrait du sommeil est le plus fort. Je me préparerais quelque chose à manger plus tard.

Je ferme mes volets lorsque la sonnerie de mon téléphone retentit. Je soupire, excédé ; il n'y a qu'eux pour m'appeler directement, ils ne vont jamais me laisser en paix. Mes parents ont le don surnaturel de venir me déranger lorsqu'il ne faut pas me déranger. Et comme à chaque fois qu'ils interviennent dans ma vie, ou presque, je n'ai pas envie de me les coltiner. Mais si je ne réponds pas maintenant, ils n'arrêteront pas de me harceler.

Je m'approche du téléphone et décroche.

— Oui, allô ?

— Jules ?

Mon cœur fait un bond dans ma poitrine. Je reconnais cette voix et ce n'est pas clairement pas celle de mon père et encore moins de ma mère. Je regarde mon écran et le nom qui s'affiche confirme mon intuition, qui n'avait pas besoin de l'être au demeurant.

— C'est Marcus.

Je sais que c'est toi. Enfin, j'ai compris que c'était toi. Comment ai-je pu oublier que nous avions échangés nos numéros ? Mais je ne pensais pas qu'il allait m'appeler. Surtout qu'on s'est vus ce matin. Je me racle la gorge, conscient que mon silence est trop long.

— Oui, désolé Marcus, je pensais que c'étaient mes parents, bredouillé-je.

— Eh bien, je ne connais pas la relation que tu as avec eux mais pendant un instant, je me suis demandé si je n'avais pas fait une connerie.

— Excuse-moi, c'est juste que je suis surpris que tu m'appelles... commencé-je pour changer de sujet tandis que je m'assois sur mon lit.

— Je sais, on s'est vus ce matin et tout ça donc je peux comprendre que ça te paraisse étrange. D'autant plus que je n'ai pas l'habitude de parler au téléphone.

« Alors pourquoi tu m'appelles ? » Mais je me retiens de justesse. Il y a quelque chose dans sa voix qui me met mal à l'aise : elle est moins forte, comme si sa gaieté s'était envolée et qu'il cherchait ses mots. Je tente l'humour pour dissiper la gêne de la situation :

— Alors je devrais m'en sentir flatté.

Un silence se fait avant qu'il ne réponde :

— Tu peux.

La nature du sentiment d'inconfort que je ressens me frappe aussitôt et j'ouvre la bouche de surprise. Marcus est nerveux. Le ton de sa voix, sa respiration trop forte et même sa déglutition, ce sont les mêmes signes que j’éprouve quand je suis stressé. Mais pourquoi l'est-il ? C'est la question à un million.

— Tu... tu voulais me dire quelque chose ? hasardé-je.

— Sinon je ne t'aurais pas appelé, Jules.

Mon prénom dans sa bouche provoque toujours en moi une sensation de chaleur diffuse et cette fois-ci ne fait pas exception. Je sens son sourire moqueur à travers le combiné et ça me rassure ; il n'a pas perdu son trait d'humour, ce n'est pas aussi grave que ça.

— Un point pour toi.

Je l'entends encore déglutir et je sais qu'il va enfin aborder le sujet de son appel.

— Tu es libre demain ?

Il a parlé tellement vite que je ne suis pas sûr d'avoir bien compris.

— Je me suis dit qu'on pourrait passer la matinée ou l'après-midi ensemble, ou les deux, enfin comme tu veux, mais se faire un petit truc, pourquoi pas retourner surfer ou ce que tu veux. Juste nous deux.

Il reprend mon souffle et le silence s'installe. Je ferme les yeux en murmurant silencieusement un « merde » bien placé suivi d'un « fait chier » plus ferme : Il a fallu que les autres choisissent ce jour précis – la journée de demain – pour décider de visiter la ville et ses alentours.

— Ça aurait avec plaisir Marcus, mais.... demain, on a prévu d'aller faire les touristes et visiter un peu. On sera parti toute la journée, je pense.

— Oh... pas de souci. J'aurais dû me douter que vous vouliez bouger un peu. Vous êtes en vacances, après tout.

Sa déception me transperce le cœur et je m'empresse de le rassurer.

— Mais on se reverra plus tard de toute façon. Si Marcus veut qu'on se voit, alors on se verra.

Je sens à travers le combiné qu'il sourit.

— Pourquoi tu es aussi obéissant tout à coup ? Je pensais qu'on devait te prendre par le bras pour obtenir ce qu'on voulait.

Je rougis au souvenir de sa main enserrant fermement mon bras et de son regard pénétrant.

— Pourquoi devrait-on me forcer alors que je suis consentant ?

Je me mords violemment la lèvre en prenant conscience de mes mots. Encore une fois Jules, ta bouche est allée plus vite que ton cerveau. Et c'était trop tard pour prétexter un bredouillement. Ce serait pire encore.

Le rire de Marcus résonna dans le haut-parler et si j'avais été en face de lui, je me serais liquéfié.

— Crois-moi, je me souviendrais de ce que tu viens de dire.

Sa voix est traînante, presque suave et une vague de chaleur inonde mon ventre. Soudain, il reprend la parole :

— Il est temps que je te laisse, tu dois certainement être mort de fatigue. Vous les touristes, vous ne savez pas vous lever à l'aurore pour profiter des joies de l'océan !

— Je ne peux pas nier ça, je n'ai qu'une envie : m'allonger et dormir.

— Alors vas-y. On se parle bientôt, à plus !

Et avant que je ne puisse ajouter quoi que ce soit, il raccroche, me laissant hébété avec mon téléphone en main.

Marcus m'a proposé de passer un moment ensemble. « Juste nous deux » a-t-il dit. Ça veut dire quoi « juste nous deux » ? Et pourquoi, juste nous deux ? Il n'aime pas mes amis ? Peut-être que lui et sa bande font semblant de...

J'écarquille les yeux de stupeur. Il ne vient pas de me proposer un... ? Impossible ! Purement impossible. Marcus n'est pas comme ça, il veut juste se montrer sympathique, parce qu'il m'aime bien et... mais pourquoi il m'aimerait bien ? Je n'ai rien fait de spécial, je suis juste moi et... voilà. J'ai dû être un boulet pour lui toute la matinée, je ne sais pas surfer et les conversations que j'ai réussi à tenir avec lui se comptent sur les doigts d'une main.

Mon cerveau tourne à plein régime et je me lève subitement pour faire les cent pas. Jamais je n'arriverai à dormir à dormir dans cet état et il faut à tout prix que je taise la petite voix dans ma tête.

Je sors brusquement de ma chambre pour rejoindre la cuisine. J'ouvre le placard dans lequel se cache le paquet de céréales et prends un bol.

— Qu'est-ce que tu fais ?

Je sursaute et manque de faire tomber la boite par terre.

— Putain, Manon, préviens la prochaine fois.

La coupable m'adresse un sourire fier.

— Quand on a eu peur comme ça, c'est qu'on a quelque chose à se reprocher, susurre Camille, à côté, les yeux rieurs.

— Pas du tout, je réfléchissais.

— À quoi ?

Je leur adresse un regard méfiant.

— Pourquoi toutes ces questions ? Aller, cracher le morceau, soufflé-je, exaspéré devant leur mine innocente.

— On t'as entendu au téléphone.. avoue Manon. Mais on t'a pas espionné promis ! C'était qui ?

J'en étais sûr, quand elles arrivent toutes les deux comme ça, l'air de rien, c'est qu'il y a anguille sous roche. Je décide de leur dire la vérité :

— C'était Marcus. Il voulait qu'on se voie demain mais je lui ai dit qu'on avait prévu de visiter.

— Attends, juste lui et toi ?

Je hoche la tête, la bouche pleine de lait et de céréales mélangés.

— Quoi ? Mais c'est grave cool, vas-y, t'en fais pas pour nous !

— Non, vous êtes mes amis, vous passez devant lui.

— Mais Jules, il t'a proposé un date ! s'écrie Manon en levant les bras au ciel.

— Mais pas du tout ! réfuté-je trop catégoriquement pour que ça paraisse sincère.

Camille secoue la tête.

— Tu es bien trop naïf...

— L’hôpital qui se fout de la charité, t'étais vierge quand on s'est connus, lancé-je, moqueur.

Elle lève les yeux au ciel mais elle ne peut pas cacher le sourire qui flotte sur ses lèvres.

— Bon aller, mange et va te coucher, on reparlera de ça tout à l'heure. Et crois-moi, ajoute Manon en se penchant d'un air conspirateur, on va tellement bien te préparer qu'il te mangera dans la main à la seconde où il te verra.

Je lève les yeux au ciel, ne préférant pas répondre. Comme si je n'avais jamais fait ça de ma vie. J'ai beau ne pas être sûr de moi, j'ai quelques expériences passées avec d'autres hommes. Mais là, on ne parle pas de n'importe lequel : c'est de Marcus qu'il s'agit. Et le défi est de taille.

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