Grand-père, comme un impair.

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Grand-père, c'est prévu qu'on en ai deux, je n'en ai pas connu un seul. Le père de ma mère est né dans le Doubs, ça sonne merveilleusement doux à mes oreilles. Je sais qu'il a quitté son petit village dans lequel il était papetier pour venir aux pieds du Mont-Blanc. Il a croisé le chemin d'une jeune fille qui fauchait du foin dans un champs, jeune fille à qui il a proposé un coup de main pour aiguiser la faux.

Je n'ai de lui que très peu de choses, une photo et quelques souvenirs de ma mère. Il est parti bien trop tôt, ma mère n'a pas pu l'avoir à son bras le jour de son mariage.

Je suis partie sur ses traces, sur les petits chemins de son département, j'ai traversé les petites ruelles d'un tout petit village, j'ai trouvé une mairie, une petite place. C'est aux archives départementales que j'ai découvert sa famille et son histoire, dont ce fameux tonton qui a embarqué pour les Amériques. Ce tonton s'est marié à New York avec une jeune française. Après vous viendrez me dire que c'est faux, cette histoire de "tonton aux Amériques". Pour nous, c'est le cas. Bon, je ne sais pas comment ça s'est passé là-bas, mais je sais qu'il est rentré chez lui pour fabriquer ses petits héritiers, à l'ombre du coq gaulois de son clocher.

L'autre grand-père, c'est encore plus mystérieux et rocambolesque. Jamais entendu parler de lui, si ce n'est en mal. Mon père ne connaissait pas son père, inconnu au bataillon. Bataillon ? Tiens, le mot tombe bien. En 1968, mon père est incorporé comme jeune soldat chez les chasseurs alpins. Il adore le ski et la montagne. Un soir, le sergent vient le voir et lui dit : "dis, tu ne nous avais pas dit que tu avais un frère !" Mon père répond qu'il ne sait pas qui est son père, alors un frère...

Il fait donc la connaissance de son petit frère (ils ont deux mois d'écart). Comment c'est possible ? La maman du petit frère était l'officielle, épouse épousée, la maman de mon papa a été l'officieuse. Charmant cinq à sept dans le petit village, dans lequel ils ont grandi tous les deux. Ils se connaissaient mais n'ont pas pu se marier. Bon, ils ont juste fait un petit en douce. Et ce petit fait en douce, qui s'est fait traiter de bâtard toute son enfance, est devenu mon papa.

Cette histoire, nous l'avons reconstitué ensemble, tous les deux, en allant tourner les pages jaunies des registres de la mairie. C'était hyper émouvant de faire ça ensemble.

Mon papa est décédé brutalement en 2018, suite à une chute dans les escaliers. Je sais que de là où il est, il a cet éternel sourire et ses yeux bleus malicieux. Il est heureux car tout le monde a repris sa place dans les branches de l'arbre. Il n'y a plus de honte, plus de secrets cachés. Juste une histoire d'amour qui n'était pas possible.

Les parents de mon papa étaient cousins germains. Mon papa est né de leur histoire.

Je n'ai pas connu mes grands-pères, mais je sens que la vie aurait été différente s'ils avaient été là.

La vie m'en a "offert" un, un monsieur venu d'Allemagne, qui est resté au pays du Mont-Blanc, après la seconde guerre. C'est à lui que je dois la maîtrise que j'ai de la langue de Goethe. Il était interprète et mes oreilles ont capté son accent et ses phrases.

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