Fin de transmission
Chaque dernier soldat qui se présente sur notre chemin déguste une salve de plombs, les quelques survivants périssent dans l’oubli de ce bunker sur aucune carte. Sa seule trace d’existence reste l’antenne réseau au sommet de la montagne, qui va bientôt tomber, comme son pays.
L’opérateur réseau pianote dans la grande salle de communication, les cadavres encore allongés sur leurs écrans. On ne fait plus dans la dentelle maintenant, enfin, est-ce qu’on a réellement fait dans la dentelle depuis le début ? En quelques minutes, notre brave soldat arrive à récupérer les codes de transmission, la mission touche à sa fin…
Notre équipe de braqueurs se tient devant les Forces Spéciales, le chef fait un signe de tête à ses camarades, ils n’ont même pas le temps de lever leurs canons vers nous que les nôtres sont déjà brandi. Je le savais qu’on leur demanderait de faire un coup pareil, personne ne peut faire confiance au gouvernement. On s’échange des tirs, mais je survis, eux non. Merci Mathilda et sa rafale, après tout, c’est elle la nettoyeuse du gang. Quentin me scrute, je suis toujours intacte. Lucille…
Elle est tombée.
Ce n’est pas possible, ça ne peut pas être réel, j’ai pourtant tout anticipé. La fratrie se rue sur elle, la prenant dans leurs bras, mais c’est trop tard, le cœur demeure fatal comme cible. Et c’est à cet instant que je comprends la situation, rien de tout ça n’est vrai, Lucille ne peut pas mourir, c’est ainsi, c’est une loi… À moins que ce ne soit moi qui veuille croire en cette loi.
Non, rien n’est réel, la mort de Lucille, une troisième Guerre mondiale, ce village de civils massacré, tout ça n’est qu’un cauchemar !
J’inspire longuement en fermant les yeux…
Quand je les réouvre, je me trouve à l’Élysée, devant le fameux bureau présidentiel. Notre élue raccroche le téléphone, elle relève la tête et m’aperçoit.
- Qu’est-ce que vous faites ici !? me demande-t-elle, surprise.
- Je vous apporte deux nouvelles, la guerre est finie. Et aussi, un Caux'nard ne meurt jamais.
Je décroche mon pistolet et lui tire une balle en pleine tête. Je ne verrais que le flash…
… Tandis que le bang m’ouvre les yeux. Face à moi, le plafond blanc de ma chambre à la planque, je déverrouille mon portable, je me suis endormie devant l’actualité maussade… Le réveil du téléphone sonne dans mes mains, comme d’habitude, je suis levé avant. Sur ma droite, mon amie sommeille toujours. Je lui donne un coup de coude.
- Lucille.
- Hum...
- Luuciiille...
- HUM...
- Lucille, faut se réveiller.
- Je n’ai pas envie d’aller courir ce matin, on ne peut pas plutôt tirer au stand ? me demande-t-elle les yeux toujours bouclés.
- Non, ça, c’est cette après-midi.
- Encore dix minutes, alors.
- T’es sûr ?
- Oui…
Dix minutes, dans notre langage ça veut dire « dégage-moi du lit sinon je vais me rendormir »
D’un coup de pied, je fais glisser Lucille qui s’effondre sur le sol dans un gros boum.
- Connard !
- Je sais, je réponds en rigolant.
Derrière la porte, on entend Sean miauler et gratter. Je le prends toujours avec moi quand on part à la campagne, pourquoi lui aussi n’aurait pas le droit de profiter du paysage et de l’air pur ?
Toute cette opération n’était qu’un rêve…
Et je ne souhaite aucunement le vivre, massacrer des populations qui n’ont rien demandé, bien qu’ils soient prêts à vous trouer la peau, dire au revoir à ses proches, en perdre durant le conflit, ou même me faire trahir. La guerre des gangs, c’est pour moi, mais la Guerre mondiale, non. Elle n’est pour personne celle-ci.
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