8 - Azéna de la tempête
18e jour de la saison du soleil 2449
L'atmosphère était tendue et chaotique. De la foule, on entendait un mélange tordu de pleurs désespérés, des soupirs déçus et des hurlements exaspérés. Du côté de la famille Kindirah, de leurs gardes ainsi que de Zorn, un silence lourd confirmait les émotions projeter par leurs sujets. Le Haut-Roi et son dragon aux écailles immaculés observaient la scène minutieusement, probablement analysant leur prochaine décision. Ils étaient comme deux divinités tombées à leurs portes, tellement fiers, rayonnant de bontés et pourtant, les plis de leurs regards sévères contredisaient cette image angélique.
Azéna bouillonnait sur place. Elle était en conflit avec ses propres valeurs, ses propres sentiments. Elle ne savait pas comment réagir à tout ça. D'un côté, elle était loyale envers les Gardiens d'Aerinda, adorant son devoir en tant que dragonnière et de l'autre, il y avait les cette petite voix qui se faisait de plus en plus bruyante dans le fond de sa conscience. Cette-dernière lui rappelait d'où elle venait, qui elle était avant toute cette histoire d'académie et de dragons. Certes, Daigorn n'avait pas été correcte, voir cruelle avec elle, mais c'était aussi ses facettes positives. Qu'aurait-elle devenu sans Bayrne et Rivatha qui l'avaient accepté dans leur famille et ce contre le gré de la tradition ? Comment aurait-elle évolué sans la loyauté et le support de Fayne, d'Argent et de Gendrel ? Et malgré qu'elle eût endurée plusieurs épreuves désagréables durant sa vie, celles-ci l'avaient forgée en qui elle était aujourd'hui. Dans le fond, elle était toujours attachée à son bercail, à son nom de famille, à son pays natal... N'avait-il rien qu'elle puisse faire sans provoquer la colère de Zorn ? Sa parole était absolue et ce pouvoir était dangereux. Elle ne désirait pas le contredire ni le trahir, mais elle n'était pas d'accord avec sa décision.
- Haut-Roi Zorn ! appela-t-elle sur un ton respectueux comme puissant.
Comme espéré, le souverain et son dragon tournèrent leurs regards vers l'archère. Prit d'une angoisse, Azéna fit de son mieux pour paraitre en contrôle, mais le coin de sa lèvre continuait de trembler, trahissant son masque.
- Je vous implore... Accordez-moi un moment de votre attention, continua-t-elle en s'agenouillant afin de démontrer sa loyauté.
Elle avait du mal à se faire entendre en cause de la foule qui jacassait, toujours affolée par la prise de décision du Haut-Roi et de la présence d'une telle créature à leurs portes.
- Silence ! exigea Zorn avec sècheresse. Ma dragonnière désire me communiquer et elle mérite le respect !
L'effet fut instantané. Le centre-ville était maintenant aussi calme qu'un cimetière. En revanche, toute l'attention était centrée sur l'adolescente à la chevelure d'argent et celle-ci sentit la pression sur ses nerfs s'amplifier. Les yeux des roturiers la suppliaient pour qu'elle leur venir en aide tandis que Zorn lui offrait un sourire béant qui démontrait toute sa confiance en elle. Son estomac se serra et elle ne put s'empêcher de croiser les doigts, balançant les bras doucement comme on ferrait avec un berceau.
- H-Haut-Roi, je comprends votre raisonnement face à cette situation, commença-t-elle avec une voix tremblante, mais elle gagna à mi-chemin le courage de continuer sans hésitation, mais sans vouloir vous manquer de respect, considérez les conséquences de cette punition sur ceux qui n'ont rien à voir avec la trahison de Seigneur Kindirah.
Elle fit une pause, se tournant vers la foule et aperçut parmi les roturiers les parents de Fayne qui avaient les yeux larmoyants. Ils la regardaient avec une pointe de gratitude et c'est ce geste qui lui donna le reste de la détermination qui lui manquait.
- Ce que j'essaie de vous dire, Haut-Roi, c'est que la plupart de la populace de Daigorn ne vous souhaite aucun mal et ne devrait pas être punit. Pourquoi faire souffrir les innocents alors qu'ils pourraient vous supporter ?
Zorn ferma les yeux comme s'il prenait son temps pour réfléchir.
Entretemps, Bayrne poussa un grognement, clairement irrité et s'avança en direction de son roi. Il s'arrêta à quelques mètres de ce dernier et posa un genou au sol. Cependant, il garda la tête haute et fière.
- Mon Roi, mon Souverain, mon Haut-Roi.
Le dragonnier ouvrit les paupières lentement, ses traits relaxés. Il était apparemment en paix avec ce qui lui passait par l'esprit.
- Oui, Seigneur Kindirah ?
- Excusez ma fi...
Il s'interrompit, son corps entier secoué pendant une fraction d'un instant puis, il reprit :
- Azéna, votre subordonnée, possède beaucoup d'aménité dans son cœur, mais je me dois d'insister... Punissez-moi comme bon vous semble. Les divinités nous observèrent et je désire être purifié de mes péchés.
À ces mots, la foule poussa un soupire d'exclamation. Azéna serra les poings, maudissant son père adoptif en silence. Zorn réagit que par un simple clignement d'yeux, tout comme sa monture ailée.
- Haut-Roi...? appela Bayrne avec hésitation.
- Ma décision est prise, annonça le dragonnier à haute voix.
Cette déclaration était vague; quelle était sa décision ? Son dragon semblait avoir compris car il poussa un rugissement déchirant. Alors que la plupart protégèrent leurs oreilles avec leurs mains, Azéna resta pétrifié sur place. C'était là un signal; un signal qui allait probablement avertir les soldats de Zorn de débuté leur mission.
- Merde, murmura-t-elle.
Elle avait été convaincante ; de ça, elle en était certaine. C'était les singeries de Bayrne qui avaient ramené Zorn à sa décision initiale. Il paraissait calme, mais dans le fond, il n'avait pas pris la bonne décision : il avait été impulsif, mené par ses émotions.
- Merde ! répéta l'archère avec un peu plus d'entrain cette-fois.
- Azéna...
Une petite voix chaleureuse qui provint de derrière la dragonnière lui effleura l'esprit et lui apporta un peu de paix intérieure. Elle soupira et chercha Fayne de la main, s'en maudissant si Sérus l'apercevait ou pas. Ce fut la brunette qui agrippa sa main la première et elle serra. Azéna savait ce que cela signifiait : « Tu as fait ce que tu as pus, ne te blâme pas ». La Kindirah grincha tout-de-même des dents, mécontente.
- Ça va aller, encouragea l'herboriste.
- Pour nous, ronchonna l'archère qui était bien au courant qu'elle allait tout simplement retourner à l'académie et être à son aise.
Cette-fois, s'en était trop. Elle devait confronter Bayrne et être franche avec lui, mais ici n'était pas le bon endroit, pas avec tous ces gens et certainement pas avec Zorn.
✦×✦
Au cours de la journée, Zorn laissa ses soldats personnels prendre la lourde charge de surveiller les moindres gestes du royaume de l'Aspérule Blanche. Ce jour marquait la fin d'une ère de paix et de prospérité. Peut-être que si Azéna réussissait à bien jouer ses cartes, elle arriverait à une fin prématurée.
Sa famille était de retour à leur demeure : le château blanchit qui surplombait le reste de la cité. Azéna était restée derrière car elle désirait observer les soldats de Zorn. Elle constata qu'ils demeuraient polis malgré l'insubordination de plusieurs sujets qui n'appréciaient pas leur présence. Cette réaction était parfaitement normale : la vie paisible des Daigorniens avaient été bouleversés et la plupart d'entre eux n'y étaient pour rien. C'était une grande injustice et Azéna s'y sentait particulièrement impuissante ce qu'elle trouvait frustrant et ironique puisqu'elle était une dragonnière, l'un des titres les plus puissants en Aerinda.
Assise au sommet d'une maisonnette, celle-ci avait une bonne vue du quartier pauvre comme celui des riches. Les bourgeois étaient ceux qui donnaient le plus de fils à retordre aux soldats de Zorn. Ils chiâlaient que leur style de vie allait être perturbé et que c'était inacceptable. Du côté des pauvres, ceux-ci baissaient tout simplement la tête, complètement soumis à l'idée de lutter pour leur survie. Les marchands, quant à eux, étaient soient furieux soient ravis, dépendant de s'ils faisaient plus de profits ou non avec l'exportation de la marchandise à Elthen. C'était pour la plupart, une situation misérable.
Azéna n'avait pas osée pointer son nez à la Corne Blanche. Elle savait déjà que les Litfow perdraient beaucoup. Elle espérait tout simplement que leur clientèle allait avoir assez d'argent pour continuer de fréquenter la taverne.
La frustration atteint un point d'éboulions pour la énième fois aujourd'hui et l'archère relâcha ses émotions en frappant le toit en pierre sur laquelle elle était assise les jambes croisées.
Une fois détendue, elle put presque entendre Argoshin la gronder pour son manque de tact.
- Erf... Et Zorn qui est dragonnier dans tout ça... Ce que je me sens inutile...
Elle en avait assez vue et entendue. Il était temps d'aller rendre visite à son père adoptif.
Une fois au château opale, elle ignora les nouveaux gardes qui portait la bannière de Zorn postés un peu partout. Il n'y avait virtuellement aucune intimité sauf dans les chambres à coucher et dans les salles de bains. L'atmosphère était tendue; les serviteurs étaient maladroits et Azéna localisa le Seigneur-Suzerain en cause de ses cris rageux. Anxieuse et déterminé, elle pressa le pas en suivant la voie pour enfin se retrouver dans le salon principal où la famille accueillait leurs invités.
La discussion était enflammée et les émotions bouillantes ricochaient d'une personne à l'autre.
- Nous ne pouvons pas nous permettre une dragonnière au pouvoir, grogna Bayrne. C'est la loi ! Les dragonniers ne peuvent pas se marier.
Azéna eut la vague impression que la véritable raison derrière cette argumentation était que Zorn, étant un dragonnier lui-même, représentaient une menace au royaume. Ainsi, la famille ne désirait plus de Fayne au pouvoir.
C'est lorsque Rivatha se rendit compte qu'ils n'étaient plus seuls qu'elle fit signe de la main à son époux de se taire. Ce dernier la fixa avec un air colérique puis, lorsqu'il aperçut sa fille à son tour, il sourit bêtement.
Présent était aussi Sérus qui paraissait émotionnellement épuisé. Il était victime de cernes sous ses petits yeux bleus et supportait sa lourde tête d'une main appuyée contre son front. Il soupira longuement comme s'il en avait assez de ce qui se passait autour de lui.
Sinon, il y avait trois gardes, dont deux sous le commandement direct de Zorn. Ceux-ci étaient tous muets et ne bougeaient pas. À peine s'ils respiraient. En revanche, l'unique soldat originaire de Daigorn paraissait un peu plus nerveux que ses congénères.
- Assez ! rugit Sérus qui se leva soudainement du sofa. C'est à moi que revient le royaume. Vous vous chamailler comme des enfants ! Je me trouverais une épouse et j'aurai un hérité ! Au lieu de penser à cela, vous devriez un peu vous occuper de vos sujets !
Inconfortable, la demie-elfe ne fit qu'observer en silence lorsque son frère cadet sortit en trombe, claquant la porte derrière lui.
- Qu'est-ce que tu veux ? demanda le Seigneur en offrant un regard noir à sa fille.
- H-heu... Fayne...? commença Azéna qui était un peu troublée par ce qu'elle venait d'entendre. La loi n'a jamais été un problème avant.
- Ce l'est maintenant, grogna Bayrne en croisant les bras et en fronçant ses sourcils. Je ne me répéterai pas deux fois : qu'est-ce que tu veux ?
L'archère était incertaine de ses sentiments. D'un côté, elle était heureuse que la relation de Fayne et de Sérus allait enfin se terminer, mais d'un autre côté, elle s'inquiétait pour le bonheur de son amie. Après tout, elle avait développée des sentiments pour Umah quoique cela allait nul part. Probablement que cela ne la dérangera pas...
- Soit franc avec moi. Est-ce que la rencontre à la Croisée était vraie ? C'était une ruse, n'est-ce pas ?
L'homme se prit le visage entre ses deux grandes mains et prit un moment pour réfléchir.
- Tu devrais tout lui dire, conseilla Rivatha avec douceur. Ce n'est plus la peine de le renier maintenant...
- Bon, dit Bayrne avec rogne. De toute façon, Zorn est déjà au courant... Tu as raison Azéna. Nous devions emporter de la marchandise à Dètmor et évidemment, cela devait rester cacher.
- Mais pourquoi ? Pourquoi aidé un traitre ? Pourquoi ?
- Dètmor désire sortir vainqueur de cette guerre. Ils ont une dent contre Elthen et le Haut-Roi donc...
- Tu t'es laissée tenté par la voix manipulatrice du Loup Rouge, c'est ça ? Pour garder la paix entre vous ? Tu aurais pu appeler à l'aide. Elthen et les Gardiens d'Aerinda auraient brûlés ses chiens vifs ! s'exclama l'adolescente en frappant un poing dans sa main.
- Tu as besoin de plus de patience et de sagesse.
- Qu'est-ce que tu racontes ?!? s'énerva la dragonnière en haussant le ton. C'est toi qui n'a pas de cran !
- Il y a toujours plus de profondeur à une situation qu'on le croit.
- Ah ouais ? Quelle profondeur changerai mon avis ? Vas-y ! Convaincs-moi !
- Nous sommes en dette, d'accord !?!? explosa le Seigneur avec furie, son visage tordu et violacé. Nous devions rendre un grand service à Dètmor en retour d'une faveur d'y l'y a bien longtemps et mon honneur aurait été détruite si je n'avais pas tenue à ma parole, à la parole du royaume !
La demie-elfe tourna les yeux en direction des deux gardes de son supérieur et s'efforça pour ne pas démontrer son irritation face à leur présence. Elle serra la mâchoire et fixa son père adoptif à nouveau, continuant leur discussion ardente :
- Te rends-tu compte à quel point tu es fortuné que la production de ressource est importante à la guerre ? Haut-Roi Zorn aurait marqué le royaume ennemi et vous n'auriez pas pu vous défendre contre sa colère. Choisis bien t'es bataille. Il le démontre d'une façon tordue, mais il essaie d'être patient et bon avec toi.
- Bon !? vociféra Bayrne, ses rides encore plus définies. En condamnant notre peuple à la famine ?
- Je n'ai jamais dit que ce qu'il faisait est complètement correcte, se défendit l'archère avec aussi d'énergie que son interlocuteur.
- Mais tu es de son côté ! Donc, je me corrige : Mon peuple est condamné à la famine.
Azéna déglutit avec difficulté, paralysée par la boule d'angoisse qui lui monta à la gorge. Elle craignait ce que son père adoptif allait dire à la suite de cela. Elle jeta un regard en direction de sa mère qui semblait tout aussi choquée qu'elle. Elle espérait qu'elle dise quelque chose en sa défense, mais Rivatha resta muette, les yeux écarquillés et une main sur la bouche. Bayrne remarqua que ses défenses étaient affaiblies et en profita pour continuer son attaque.
- Tu n'appartiens plus à ce royaume, à cette famille, siffla-t-elle entre ses dents avec véhémence.
Il s'approcha tel un prédateur. Azéna recula, son cœur menaçant d'exploser face à cette agression.
- Oh que tu es une devenue une fière dragonnière ! Loyale aux tiens jusqu'à la fin !
Il continua son avance à grands pas, repoussant sa fille au mur du fond. Celle-ci perdit contrôle de son corps et se mit à trembler comme une fillette devant un prédateur. Elle ne voulait pas l'entendre. Pas ce nom ! Pas ça !
- Ne le dis pas ! supplia-t-elle, les yeux larmoyants.
- À présent, tu seras connue sous « Azéna de la tempête », termina-t-il sur un ton étonnamment terne comme s'il avait manqué de vouloir.
L'effet fut tout-de-même grandiose. C'était officiel. Azéna avait été renié de sa famille adoptive. Elle n'appartenait plus à eux. Elle n'avait plus aucun droit de se nommer une Kindirah. Le surnom « de la tempête » était donné à ceux qui n'avaient pas de famille, qui étaient des bâtards ou encore qui avaient été rejetés de leur famille, souvent par honte. Porter un tel nom était le signe d'un grand déshonneur. Chaque royaume avait leur propre surnom; celui de Daigorn était lié à la température souvent tumultueuse.
Dans une tentative d'enterrer sa douleur, elle fit appel à son sens de l'humour, quoi que ce n'était pas un moment propice à cela.
- Au moins mon nouveau surnom représente bien ma maîtrise du vent, tu ne trouves pas ?
- Tu n'as plus rien à faire ici, lui dit Bayrne. Tu es aux services des Gardiens d'Aerinda. Prends t'es biens et disparait.
- Ça va, grogna-t-elle en refoulant sa peine. J'ai compris.
Elle quitta la salle en contournant le suzerain de Daigorn, mais avant de disparaitre derrière la porte d'entrée, elle se tourna vers lui et ajouta :
- Peut-être devrais-je annoncer les nouvelles à Fayne si vous êtes trop lâche pour le faire.
Elle avait laissé sa colère prendre le dessus d'elle et pour cela, elle n'était pas fière, mais à ce point-ci, elle avait été profondément blessée par son père adoptif et elle n'avait plus la force pour agir autrement.
Avant de sortir, elle accorda à sa mère un instant de son attention. Rivatha était au bord des larmes, observant sa fille de ses yeux rouges et fatigués comme si c'était la dernière fois. Azéna savait qu'elle ne pouvait pas opposée son époux et elle lui pardonna son silence.
Gendrel, de son côté, ignora la furie dans le regard de son père lorsqu'il se leva du sofa pour enlacer sa sœur adoptive avec amour. Il lui démontra subtilement qu'il portait son collier qui complétait le sien.
- On se reverra, murmura-t-il à son oreille.
Il retourna s'asseoir et l'archère quitta la pièce définitivement. Elle monta à sa chambre et ramassa ses affaires, incluant son fameux arc long elfique.
Une fois à l'entrée principale du château, elle prit le temps de sonder la demeure car c'était possiblement la dernière fois qu'elle la voyait. Tant de souvenirs se déversèrent dans son esprit, plus particulièrement des folies commises avec Gendrel et des moments tendres avec Argent. Son enfance, son bercail, son origine, étaient tous dans le passé. Elle avait cru que c'était déjà accomplie, mais elle réalisa qu'elle ne s'y était pas complètement détachée.
Une vile larme qu'elle luttait pour refouler se faufila hors de son œil et lui causa de la douleur sourde.
Elle sortit et d'un mouvement brusque, elle ferma la gigantesque porte renforcée derrière elle.
Elle localisa Fayne à la maison de ses parents qui étaient, bien sûr, absents, occupés avec l'entretient de la Corne Blanche. La brunette l'accueillit à bras ouverts, mais avec une pointe évidente d'inquiétude.
- Viens. Je vais te concocter un bon chocolat chaud.
Azéna n'eut pas le cœur de lui refuser, mais elle n'avait pas le goût pour les sucreries. Elle n'avait pas faim du tout, ni soif, ni sommeil. Elle se sentait en quelque sorte vide. Tout-de-même, elle suivit son amie jusqu'à la petite table en bois. Elle s'installa sur l'un des tabourets. Elle remarqua que la salle à manger avait été à moitié nettoyée; c'était sûrement ce que l'herboriste faisait avant son arrivé.
- Désolée ne te déranger.
- Tu ne me dérange jamais, répliqua Fayne qui était au comptoir en train de préparer la boisson pour son amie. Et quel bon vent t'a traînée ici ? Bayrne était sûrement furieux en cause de la décision du Haut-Roi j'imagine...
- Tu n'as pas tort, mais nous nous sommes querellés et...et...
Qu'est-ce qui lui arrivait ? Elle n'arrivait pas à terminer sa phrase, à dire le reste de détails sombres à Fayne. Son courage s'effondrait lorsqu'il était temps de lui révéler.
- Enfin... Vois-tu... Errr... Fayne...
- Prend ton temps, conseilla la dragonnière bleue en lui servant son chocolat chaud.
La fille du tavernier patienta alors que l'archère tentait de trouver ses mots en baissant les yeux vers son épais breuvage une fois de temps en temps.
- Vois-tu..., hésita Azéna. J'ai surpris Bayrne en train de discuter avec Sérus...
- Oh toute cette histoire de dragonnière dans la famille ? demanda la Litfow.
- Comment sais-tu ? questionna son amie, bouche-bée.
- Sérus est venu me voir à la suite de la décision de son père. D'ailleurs, il vient tout juste de partir. Tu es arrivée quelques instants plus tard.
- Tu parais... correcte ?
- Oh je savais bien que ça n'allait pas fonctionner entre nous deux, avoua la brunette avec un petit sourire faible. C'est triste, mais ça me va. Je préfère Buhrik de toute façon, ricana-t-elle joyeusement. Du moment où il m'a choisi, je savais que je devais passer le reste de mes jours à ses côtés, qu'importe les obstacles qui s'en suivraient.
En temps normal, Azéna aurait été contente de la réaction de son amie, mais elle ne l'était pas. Elle était trop préoccupée. Il y avait une deuxième nouvelle qu'elle devait lui annoncer et celle-ci la faisait beaucoup plus souffrir. Elle mâchouilla sa lèvre et assez sauvagement pour provoquer une réaction chez son interlocutrice :
- Ce n'est pas tout, n'est-ce pas ?
Azéna ne réussit pas à prononcer une seule parole; elle ne fit que serrer le verre qui contenait son chocolat chaud et retenir les larmes. Plus le silence traînait, plus l'expression inquiète de Fayne se transforma en dégoût.
- Ne me dis pas...?
Bien sûr, elle était assez intelligente pour faire la connexion entre l'annulation de son union à Sérus et la tristesse de son amie : elles étaient tous les deux des dragonnières, servantes du Haut-Roi Zorn.
- Il n'a pas osé...?
Azéna savait bien qu'elle faisait référence à Bayrne. Elle hocha doucement de la tête et prit une gorgée de son breuvage pour essayer de se distraire de ses émotions turbulentes.
Ce qui la fit craquer fut la chaleur corporelle de Fayne lorsque cette dernière enroula ses bras autour d'elle.
✦×✦
Azéna passa le reste de sa journée avec Fayne qui avait essayée du mieux qu'elle pouvait de la consoler. Lorsque l'elle réussit à se calmer, elle trouva le courage d'aller répéter le tout à Tyrath, Buhrik ainsi qu'Argoshin qui étaient tous ensembles dans la Forêt Rousse entrain de déguster des proies fraichement abattues.
- Le vilain ! Le cruel ! Le traitre ! L'insensé ! hurla le drake argenté en s'énervant.
Argoshin et Buhrik étaient demeurés calmes comme Azéna l'avait imaginé. Pendant que Tyrath saccageait un arbre pour se défouler, les deux mâles plus âgés questionnaient la dragonnière.
- Quel es ton plan ? dit Argoshin avec douceur.
- Je crois que je vais tout simplement retourner à l'académie, avoua Azéna en haussant les épaules. Je n'ai pas d'alternative. De plus, c'est ma famille à présent.
Buhrik perdit légèrement son sang-froid : ses traits s'accentuèrent et il virait le regard d'un côté, puis de l'autre.
- Fayne va bien..., ronchonna l'archère. Elle a pris la nouvelle avec maturité et semble stable. C'est d'ailleurs elle qui a pensé que je devrais retourner à Atgoren.
- Elle vient ? demanda le dragon bleu qui semblait s'être calmé.
- Non. Elle veut passer du temps avec sa famille.
- Ça ne me surprend pas.
- Elle te demande si tu veux bien l'attendre. Elle viendra te voir bientôt et elle est désolée d'être si occupée.
- Ça me va. Je l'attendrais ici. Quant à toi, Argoshin et Tyrath, vous devriez partir plus tôt que tard... Les humanoïdes, particulièrement les humains, sont imprévisibles dans leurs actions, particulièrement lorsqu'ils sont poussés par les émotions fortes.
À cela, Azéna ne pouvait qu'être d'accord.
- Dès demain matin alors, décida-t-elle.
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