1er jour de la saison de la faux 2449

- Nixie-Elle ? insista Azéna avec fougue. Dis-moi quelque chose !

La garde du corps foudroya sa protégée d'un regard perçant qui transformait ses traits faciaux. Elle paraissait menaçante, presque sombre et inquiétante comme si son aura entière appartenait à une autre personne. Mais son message passa : Azéna comprit qu'il fallait qu'elle se taise. La tension dans l'air rendit le groupe d'amis au grand complet nerveux. Malheureusement, il n'y avait que Nixie-Elle qui était équipée d'armes.

Personne ne bougeait d'un pouce; à peine s'ils respiraient. Personne ne détectait la source de cette menace non plus. Azéna, de son côté, se demandait si ce n'était pas Argoshin qui ne jouait pas à la gargouille quelque part dans les parages et que sa présence suspicieuse avait éveillée les sens meurtriers de l'assassin. Elle avait beau chercher des yeux au travers de la foule, sur les murailles, sur les toits et même dans les hautes herbes, elle ne trouvait pas.

Enfin, une brise plus tenace qu'à la normale fit danser leurs chevelures. Un rugissement assourdissant retentit et le groupe se détendit à la venue bruyante de Tyrath; tous sauf Nixie-Elle.

- Oh ce n'était que toi ! s'exclama l'archère avec un sourire taquin.

- Qu'est-ce que tu veux dire ? questionna le drake en penchant sa grosse tête munie de piquants sur le côté, paraissant confus.

Azéna fronça les sourcils, perdue dans l'incompréhension aussi jusqu'à ce que Fayne lui pointe Nixie-Elle. La garde du corps n'avait pas relaxé, mais pas du tout. Au contraire, elle paraissait encore plus troublée et fit signe aux autres de garder le silence. Tyrath poussa un petit grognement de défiance en bombant le torse, mais il changea son attitude assez rapidement face au pincement des lèvres de l'assassin qui était clairement au bord de réagir plus radicalement.

« Mais merdique, qu'est-ce qui se passe à la fin ? s'impatientait Azéna. »

C'est alors que Nixie-Elle fit volte-face et tira l'une de ses épées en direction du sommet de l'arbre contre lequel elle avait été jadis installée. Elle avait ratée sa cible qui soit-elle car une personne bondit hors du feuillage épais. Souple et précise tel un félidé, cette-dernière était une elfe des bois à la chevelure menthe et courte, stylée en hérisson et portait une épée longue qu'elle semblait utiliser comme bouclier. Alors qu'elle atterrit en plein sur Nixie-Elle, cette dernière utilisa sa deuxième lame pour parier celle de son attaquante.

- Ma sœur ? bafouilla Teriondil.

- Quoi ? s'exclamèrent Arièlla, Azéna et Fayne.

Un duel s'en suivit entre les deux femmes armées et celui-ci était autant magnifique que sauvage. Elles étaient en capacité de démontrer une brutalité mélangée à une espèce de danse exotique. En premier lieu, elles semblaient tenter de se maîtriser l'une l'autre, mais cela se transforma rapidement en mouvements synchronisés. Le spectacle se termina avec Nixie-Elle qui ramassa son épée lancée en virant un coin et en chargeant sur l'elfe.

- Ça va j'en ais eut assez ! hurla Èrionda en se laissant tomber à genoux avec les mains en l'air.

La garde du corps s'arrêta devant elle, ricana doucement et l'aida à se relever. Elle était autant couverte de sueur que sa prochaine, mais sa respiration était toujours légère.

- J'savais que c'était toi, chasseresse ! aboya-t-elle, à moitié coquine, à moitié irritée. Tu sais bien que j'suis...

- En service. Je l'ais devinée sinon tu ne serais pas ici parmi nous les bébés, taquina Èrionda.

- Toujours aussi langue de vipère à ce que je vois.

Le reste du groupe clignèrent, complètement déboussolés par les évènements. Même une partie de la foule avait posé son attention sur le chamboulement.

- Qu'est-ce qui se passe... ? questionna Azéna avec hésitation qui ressentait une étrange proximité entre les deux duellistes. J'ai honnêtement peur de la réponse.

- Nous nous connaissons depuis ma troisième année d'entraînement, expliqua Nixie-Elle en souriant. Elle était en première; nous sommes devenues d'bonnes copines.

- On se faisait souvent des attaques surprises dans le genre pour s'entraîner et bon, Nixie-Elle a toujours eut des sens aiguisées ce qui rendait la tâche difficile, continua Èrionda avec autant de plaisir que la garde du corps. Pas étonnant qu'elle est une jeune prodige en assassinat.

Azéna fit un calcul rapide : Èrionda était présentement en cinquième année ce qui signifiait que Nixie-Elle n'avait graduée que deux ans auparavant. Elle avait raison ; les habiletés de la dragonnière grise étaient plus impressionnants que la plupart de leurs congénères avec sept ans d'expérience.

- Bah bravo, complimenta-t-elle maladroitement.

- Bravo... ? dit Fayne et Arièlla en haussant un sourcil.

L'archère savait très bien qu'elle ne faisait aucun sens. Ce n'était pas vraiment une réaction appropriée pour la situation, mais elle était épuisée mentalement. Elle ne désirait rien de plus qu'on lui fiche la paix, particulièrement Nixie-Elle qu'elle avait dû endurée depuis déjà plusieurs jours. Elle n'avait même pas l'envie de s'expliquer ni de se restaurer alors, elle ne dit rien.

- Hé Nix, j'ai enfin été nominée capitaine d'une équipe l'an passé, annonça Èrionda sur un ton étrangement timide, elle qui est toujours si énergétique et sur d'elle.

- J'ai entendu cette nouvelle dans l'vent, répliqua la garde du corps avec taquinerie. Coeurdoré, pas vrai ? Tu l'es toujours cette année ?

- Bien sûr ! Tu sais que ça a toujours été un rêve pour moi.

- J'suis heureuse pour toi. Tu l'mérites, j'en suis certaine. Tu travaillais fort quand j'étais présente. T'étais une excellente attaquante, termina Nixie-Elle sur un sourire béant.

Un silence régna pendant un long moment alors que les deux vieilles amies se fixaient avec un mélange de contentement et d'amertume. Peut-être se manquaient-elles, mais elles refusaient de le laisser savoir ? De toute façon, c'était clair qu'elles étaient proches à un moment donner.

- J'y vais, annonça Èrionda. Je suis en retard pour une rencontre les autres membres de l'équipe. À plus les gens !

Elle se mit en route en courant. À mi-chemin avant de disparaitre dans la foule, elle se tourna vers l'assassin et une lueur amusée luit dans ses yeux.

- J'espère te voir plus tard.

- On verra bien, répliqua la garde du corps avec neutralité.

L'elfe pouffa de rire et continua son chemin.

- Sale gosse dans l'physique d'une adulte, rouspéta Nixie-Elle en affichant un sourire en coin qui trahissait ses paroles.

- Tu sembles apprécier ma sœur, mit à l'évidence Teriondil.

- Bah... Errr... Juste un peu. Elle est amusante. Rien de bien plus. Elle m'oblige à rester sur mes gardes.

Azéna croisa les bras et haussa un sourcil, inconvaincue par les paroles de l'assassin.

- Mais oui..., marmonna-t-elle.

Elle se reconnaissait dans ce genre de comportement. Après tout, elle avait dénié qu'elle aimait bien Arièlla et Teriondil lors de leur rencontrer. Nixie-Elle agissait comme une dure à cuire, mais elle était sensible. Sur ce point, l'archère en était presque certaine.

- Pour en revenir au sujet, dit-elle en haussant un peu le ton et en déroulant le parchemin sur lequel était inscrit ses notes de la deuxième année d'entraînement, c'est merveilleux d'avoir été nommée capitaine de l'équipe de Sombrelame mais, je n'y connais rien en leadership. Je ne comprends pas.

- Ça s'apprend, lui dit Arièlla avec détermination. On s'entre-aidera, d'accord ?

- Même si nous sommes sur des équipes opposées ?

- Bien sûr ! Nous sommes capables de garder notre amitié intacte et d'avoir un peu de compétition entre nous, pas vrai ?

- Très bien. Je compte sur toi, mademoiselle Valkirel. Après tout, tu es la fille de Nymia, une légende de skotar. Les attentes de toi sont hautes !

- Pff, ne t'en fais pas pour moi. Hé, on ira entraîner nos équipes ensembles.

La demi-elfe à la crinière pâle acquiesça, contente de leur entente. De son côté, Fayne parut exaspérée tandis que Teriondil souriait, semblant complètement en paix avec son entourage. Tyrath secoua la tête, acceptant avec gracieuseté le défi lancé d'un petit rugissement.

- Parlant de skotar, commença l'elfe sylvain au regard vert forêt, ma sœur était une groupie de Nixie-Elle durant sa première année d'entraînement. Je me souviens, elle parlait juste d'elle à la maison.

Le visage de Nixie-Elle rougit malgré l'absence de réaction physique. Elle essayait clairement de cacher qu'elle était flattée. Azéna prit cette information en note dans sa tête, confirmant que sa chère garde du corps avait en effet des faiblesses elle aussi.

- Tu ne devrais pas révéler des informations personnelles ainsi, conseilla l'assassin avec un calme presque inhumain.

Elle se mit à nettoyer l'une de ses épées courtes comme si elle essayait d'attirer son attention ailleurs.

- Mmmmhmmm, marmonna l'archère.

Soudainement, Naëshirie apparut dans son esprit et elle réalisa qu'elle n'avait pas portée attention à elle depuis. Elle jeta un coup d'œil autour d'elle, mais elle n'aperçut pas la petite elfe métisse.

« Ah bah tant pis, se dit-elle en haussant les épaules. Ce sera pour une autre fois. »

- On cherche quelqu'un en particulier ? questionna Nixie-Elle qui comme d'habitude, percevait tout comme un vrai prédateur alpha.

Un frisson désagréable traversa l'épine de sa protégée qui se sentait comme si elle n'avait pas de privée.

- N-non pas du tout...

✦×✦

Directement après le soupé, Arièlla et Azéna furent convoquées au terrain de skotar de l'académie. En chemin, elles aperçurent les deux autres capitaines des équipes opposées : Èrionda Murkwan de Coeurdoré et un grand garçon aux épaules carrés pour Criecarlate. Ce dernier portait une barbichette épaisse, mais bien entretenu. Il était évidemment de race humaine; ses oreilles rondes, sa crinière foncée, sa peau cuivrée et ses yeux ambre. Azéna devina qu'il était un Dètmorien, mais ce n'était que cela : une devinette. Il paraissait aussi plus vieux que ses congénères capitaines; peut-être débutait-il sa cinquième année d'entraînement. Quoi qu'il en fût, il portait une armée de muscles saillants et chacun de ses pas était intimidant.

- Putain, murmura l'archère en clignant à multiples reprises.

- Il est beau n'est-ce pas ? commenta quelqu'un à sa droite.

Puisque Arièlla était à sa gauche, cette nouvelle présence inattendue fit sursauter l'archère qui vira la tête par réflexe. Là, marchant à son rythme, se trouvait Èrionda. Le regard de l'elfe sylvaine était voilé par une expression dominée par la luxure.

- Heu... Beau ne serait pas le terme que j'utiliserais... Je dirai plutôt que je me tiendrais très loin, termina la demi-elfe en grimaçant.

- Ehhh ? fit l'elfe avec surprise. Tu es l'une des rares filles qui a une telle première impression de lui.

- Èr, t'es encore autant la victime d'une mauvaise habitude d'assumer que les gens pensent d'la même façon que toi en termes de goût sexuel, grogna Nixie-Elle qui talonnait sa protégée.

D'ailleurs, sa protégée l'avait complètement oubliée. Elle s'était faite silencieuse depuis la matinée ce qui était vachement inhabituelle, mais appréciée.

- Aussi subtile qu'une ombre, complimenta Èrionda avec un sourire en coin en accordant un bref regard à son interlocutrice. Je ne t'avais même pas remarquée.

- Pareil, avoua la Valkirel. Tu as vraiment un don Nixie-Elle.

- Ce n'est pas pour rien qu'elle est prodige dans son expertise, taquina la capitaine de Coeurdoré. Bah, sinon, toi tu le trouves de ton goût ? continua-t-elle en s'adressant à Arièlla.

Malaise. Azéna pouvait le sentir sans même regarder la blonde. La pauvre. Elle n'avait pas besoin de se faire ennuyer avec ce genre de chose, mais Èrionda n'y était pour rien; elle n'était pas au courant de la triste romance à peine fleuri entre la Valkirel et l'ancien capitaine de Sombrelame.

- Allons Èr, laisse-les pauvres demoiselles tranquilles, grogna Nixie-Elle.

- Je vais t'obéir simplement parce que tu es ma supérieure à présent, défia amicalement l'elfe sylvaine.

La garde du corps ne répondit pas. Elle garda tout simplement son allure disciplinée et stricte, s'assurant qu'elle gardait une distance raisonnable d'Azéna sans trop s'éloigner. Où était donc passé sa vilaine langue de diablotin ? Elle semblait beaucoup plus calme, mais dans un certain sens, il y avait une tonalité émotive, presque vulnérable sous ce professionnalisme. Peut-être que l'archère l'imaginait, mais qui pouvait savoir ?

Le groupe de filles atteint le terrain de skotar, toujours aussi gigantesque et majestueux qu'à son habitude. Là-bas, les dragons des capitaines ainsi que Nymia, l'entraîneuse de skotar et son propre dragon les attendaient, formant un large demi-cercle. Nixie-Elle resta quelque peu à l'écart, les bras croisées, toujours aussi froide. Sa protégée ferma le cercle avec l'aide de ses compagnes, se retrouvant à côté de Tyrath qui s'excita à sa venue en se dandinant le derrière.

- Du calme Tyrath, demanda Nymia en le fixant avec sévérité.

Le drake argenté baissa les yeux et hocha doucement de la tête.

- Je voulais tout simplement vous annoncer que le début des parties de skotar débutera dans une saison, vous laissant le temps de bien choisir votre équipe, de vous pratiquer, d'établir des stratégies et etcetera.

La dragonnière rouge sénior paraissait toujours aussi resplendissante pour son âge : longue chevelure blond foncé qui ondulait gracieusement dans les brises, des yeux d'un bleu intelligent, une poitrine assez généreuse, une peau claire et propre et malgré sa petite taille, elle transpirait la force et la santé. Elle rappelait à sa fille à quelques exceptions. Arièlla avait héritée d'oreilles pointues de son père elfique, mais c'était à peu près tout. Le reste d'elle faisait très humain. Voir leur ressemblance était frappante, surtout émotionnellement pour Azéna; elle qui n'avait jamais connue ses vrais parents et qui avait perdu sa famille adoptive de surcroit. Elle s'était distraite en remémorant à la raison pour laquelle elle était ici : elle était une capitaine à présent et c'était tout un exploit.

- Ça marche ! s'exclama Èrionda avec entrain.

Le reste de la soirée, Nymia expliqua ce qu'était le rôle d'un capitaine de skotar ainsi que les responsabilités qui venaient avec. Malgré son intérêt pour le sport intense, Azéna faillit s'endormir à maintes reprises. Arièlla lui donnait des coups de coudes lorsque Nymia détournait son attention.

- Je crois que je démissionne, blagua l'archère sur le chemin du retour à l'académie. Je ne suis clairement pas assez responsable. Je ne désire que jouer, frapper dans mes ennemis et compter des buts.

- Tu t'organiseras assez facilement, encourages Nixie-Elle sur un ton monotone. Ce n'était pas mon préféré non plus, mais ça s'improvise.

- Parce que tu improvisais ? questionna Arièlla, choquée. Tu es reconnue parmi les capitaines de skotar !

- J'avais des trucs plus importants à faire que ça, ronchonna la garde du corps. Comme Azéna, j'suis une personne très flemmarde en général.

- Hé ! s'insulta l'archère.

- T'es passionnée dans ce que t'aimes vraiment, pas vrai ?

- C'est ça, dit fièrement Azéna.

- Pareil ici. J'ai tout simplement eu un peu de chance. Et puis, j'serai là pour t'aider à te sortir des situations énervantes.

- Pourquoi ? Ton rôle n'est que ma garde du corps.

- J'm'ennuie, dit Nixie-Elle en traînant la voix. T'attend pas à ce que j'me dédise âme et corps à ta cause, continua-t-elle avec plus d'énergie.

- Franchement, je ne m'attendais à rien de plus, rétorqua l'orpheline avec rogne.

Arièlla les avait écoutées tout ce temps avec un regard exaspérée. Elle secoua la tête, complètement découragée.

- Je ne comprends pas. C'est un honneur de servir en tant que capitaine de skotar !

- Pour toi, mademoiselle perfection, taquina l'archère amicalement.

- Franchement, je ne suis pas si parfaite que ça.

- J'suis du côté d'Azéna, ajouta l'assassin qui s'était mise à aiguisée l'une de ses épées tout en maintenant sa cadence.

- Vous êtes impossibles ! s'exclama la blonde.

- Parlant d'impossible, tu peux me laisser un peu de privé demain Nixie-Elle ? requêta Azéna avec une irritabilité qu'elle ne put dissimuler.

Elle avait besoin de sa bulle pour aller parler à Naëshirie ou du moins, essayer d'établir une connexion avec elle et elle refusait de le faire en présence d'une autre personne, particulièrement une garde du corps. C'était trop gênant et personnel. En plus, elles étaient deux filles et elle craignait de la réaction d'autrui. Il fallait que ça reste un secret.

- Laisse-moi bien y songer... Non ! aboya l'assassin avec colère. Comme toutes les fois que t'm'as demandée, c'est encore et ça sera toujours non. C'est mon devoir de te protéger, que t'le veuilles ou non. Fait-moi confiance, ça me plait pas non plus. J'travail en solo normalement, mis à part pour Sièrre.

- Sièrre ?

- Tu te souviens, j'suis une dragonnière moi aussi. C'est ma partenaire, une dragonne grise avec des rasoirs à la place des dents, présenta-t-elle avec fierté. Elle sème la terreur dans la plupart des cœurs qu'elle rencontre.

- Je me meurs de la rencontrer, dit sarcastiquement l'archère.

- Ton jeunot la trouverait sûrement de son goût.

- Mon jeun.. ? Hé ! Tyrath a des meilleurs goûts que ça.

- Sièrre est populaire. Elle déteste ça.

Elle fit une pause pendant un moment puis, une lueur illumina ses yeux.

- Hé ! Et si on pariait ? déclara-t-elle en pointant son arme vers son interlocutrice en signe de défi.

- Parier sur quoi donc ?

- Si ton jeunot va baver sur ma belle chasseresse.

Toute cette histoire était si idiote qu'Azéna s'arrêta pour traiter la situation dans laquelle elle se trouvait. C'était complètement immature et une perte de temps. Il fallait qu'elle s'en sorte. Elle ne pouvait pas se laisser entraîner dans une telle sottise.

- J'en doute, mais c'est d'accord, dit-elle enfin, incapable de renier son côté compétitif.

Le moment de son acceptance de ce défi annonça sa défaite. Tyrath était en effet jeune, naïf et aisément impressionnée par les femelles. Les multiples souvenirs de ses actions idiotes firent surface dans son esprit et elle soupira, regrettant son impulsivité.

- T'en penses quoi Arièlla ? questionna les deux simultanément en se tournant vers la blonde.

Cette dernière cligna des yeux, haussa les épaules et se pressa en direction de l'académie sans répliquer.

✦×✦

En quelques jours, les équipes de skotar furent complétées et durant ce temps, Azéna eut la chance de bafouiller quelques mots à Naëshirie qui, bien sûr, la menèrent nulle part. La constante présence d'un faucon meurtrier par-dessus son épaule la rendait trop angoissée pour agir comme une personne normale. Elle n'avait tout-de-même pas abandonnée. Elle devait tout simplement attendre le bon moment ou encore, trouver un plan pour se débarrassée temporairement de Nixie-Elle. Ce n'était pas évident car elle ne savait jamais où la petite elfe métisse se trouvait.

Ce matin-là, il faisait frais ce qui était bien pour un entraînement intensif. Les deux soleils étaient grandement dissimulés derrière d'épais nuages et les brises étaient agréables. Il n'y avait pas de cours en ce jour et l'archère jugea que c'était l'opportunité idéale pour tester sa toute-nouvelle équipe. Il lui restait encore environs vingt-cinq jours avant la première partie et c'était, elle l'espérait, amplement de temps pour de la pratique. D'ailleurs, Arièlla avait acceptée de la joindre avec Vifargent pour la même raison. Elles pourraient s'entraider puisqu'elles étaient toutes les deux possédaient que de l'inexpérience en tant que capitaine. En revanche, la blonde avait l'avantage du savoir; sa mère l'avait préparée du mieux qu'elle le pouvait dans ses temps libres.

La sécurité était encore plus renforcie cette année. Supervisant le tout, Premier Sage Wirus et son dragon observaient les joueurs de près. Il était installé sur les gradins, enroulé dans sa robe de mage rubis. Ses petits yeux intimidants sondaient la scène sans cesse, répétant les mêmes mouvements indéfiniment. Ce comportement donnait la chair de poule à Azéna qui tentait tant bien que mal d'ignorer sa présence. Elle en faisait de même pour Nixie-Elle qui avait littéralement dédaigner ses deux épées courtes et s'amusaient à les polir avec une roche qu'elle avait trouvé au sol. On aurait dit un bourreau qui se préparait à sa tâche.

- Sainte Aspérule Blanche, marmonna l'adolescente à la crinière argentée.

Elle se mit à consulter Arièlla pour un plan d'action. La blonde lui proposa une partie amicale pour libérée les joueurs du stresse de la compétition.

- Il faut qu'ils soient à leur aise, expliqua-t-elle. Rien de mieux que de l'expérience sans attente.

- Bonne idée, approuva la rebelle en souriant jaune.

Elle était elle-même nerveuse. Durant une partie, c'était le rôle du capitaine de vomir des stratégies à l'improviste et de les hurler à ses coéquipiers. Elle remémora les maintes fois que Serfantor l'avait fait et que ça l'avait énervé.

Comme si ce n'était pas assez de stresse, trois spectateurs inattendus se pointèrent à la partie amicale. Près de Wirus s'étaient installé le beau efflanqué Vorshiènn, la rousse musclée Renora et la minuscule Naëshirie. Le cœur d'Azéna sauta un battement puis, il s'affola. L'adrénaline commença doucement à prendre le contrôle de son système et elle se sentit à la fois énergétique et maladive.

- Ça va ? demanda Arièlla qui s'approcha de son amie. Tu me parais... pas si bien que ça...

L'archère hocha doucement de la tête et se redressa le dos, incapable de supporter que les autres pourraient percevoir sa faiblesse. Il ne fallait pas qu'elle défaille, pas dans sa première session en tant que capitaine.

- Bonne chance Azéna ! s'exclama la voix familière et joviale de Fayne.

- Ein ? dit tout simplement la dragonnière grise.

L'herboriste et Teriondil marchaient en direction des gradins où ils s'installèrent à proximité des autres apprentis. Si ce n'était pas assez, Buhrik et Ella se joignirent à eux.

- Oh Aspérule, se plaignit l'archère dans un murmure.

- Ne t'en fait pas, encouragea Arièlla. Tu as moi et Tyrath avec toi.

Parlant du drake au regard d'améthyste, il était en compagnie des autres dragons de l'équipe de Sombrelame. Ceux-ci se défiaient amicalement et luttait l'un contre l'autre dans un effort pour s'échauffer.

- Des vrais singes comme dirait si bien Fayne, rigola la blonde. Aussi, tu as bien choisi ton équipe d'après moi.

- Je le crois aussi, approuva l'archère avec incertitude. J'ai eu beaucoup d'aide de Maîtresse Valkirel.

- Ne soit pas si modeste. Elle t'a guidée certes, mais tu as fait les choix.

- Mmmm...

- Dans tous les cas, prépare ton équipe ! Nous allons bientôt débuter !

Elle se dirigea vers la sienne, de la confiance dans sa cadence. Elle était la fille de Nymia; elle était fière et forte malgré la pression de son titre. Parfois, Azéna se surprenait à l'admirer timidement. Certes, elle avait ses propres qualités, mais elle était consciente qu'elle n'était qu'imparfaite.

« Comment arrive-t-elle à dénicher toute cette détermination alors qu'elle ne fait que manquer et s'en faire pour son amoureux ? se questionna l'archère qui s'inquiétait pour son amie. J'espère qu'elle ne s'épuiserai pas. J'ai mes propres ennuis et parfois, je n'arrive pas à fonctionner correctement. Sacrée Ari. Tu es une dragonnière robuste ! »

Elle se tourna vers son équipe et les examina un par un pour se familiariser à leurs visages. Elle ne les connaissait pas très bien encore, mais ça viendra avec le temps. Ils portaient tous leur uniforme de skotar stylé au thème ébène et violet de Sombrelame. Qu'ils étaient majestueux et beaux ! Azéna se sentait presque comme s'ils étaient ses enfants, ses petits qu'elles devaient préparés pour le grand méchant monde.

Bien sûr, elle était toujours attaquante de front – la centrale, exactement comme Arièlla. C'était un véritable plaisir ce rôle, danser et charger en plein cœur du chaos. Elle ne l'aurait pas donné à personne pour rien au monde.

Elle avait choisi ses coéquipiers en fonction de leurs talents et de leur élément car c'était important d'avoir de la diversité lorsque les buts changeaient. Le temps manque et il faut être flexible. Ainsi, elle n'avait accepté aucun autre dragonnier gris à l'exception de la gardienne Restelle Virna, une elfe lunaire timide, mais vive d'esprit du troisième cycle.

Son équipe était composé de trois attaquants, soit d'elle-même, de Lythrana Undrèm, une dragonnière rouge compétitive et féroce de quatrième cycle et d'Othrys Managht, un dragonnier bleu serein, mais à la concentration indomptable de deuxième cycle. Ses deux défenseurs étaient Beldroth Glyn, un dragonnier brun taquin de cinquième cycle puis, Ragnor Cyhtra, un dragonnier blanc respectable, aussi du cinquième cycle.

« L'égalité des sexes, se dit Azéna qui n'avait honnêtement pas fait exprès pour répartir son équipe ainsi. Ça marche. »

- Prête ? aboya Arièlla à quelques lieues de là.

- J-je crois ! répliqua la capitaine de Sombrelame en tentant de paraitre confiante.

Elle jeta un dernier coup d'œil en direction de Naëshirie qui lui sourit chaleureusement puis, elle annonça à son équipe de se préparer. Elle enfourcha Tyrath qui s'élança aussitôt vers les cieux en rugissant sa défiance. Harath, la dragonne rouge d'Arièlla en fit de même, plus lente que son opposant, mais beaucoup plus intimidante physiquement.

La partie débuta et les deux équipes s'affrontèrent avec une attitude enflammée. Cela les garde bien occupés jusqu'à ce que le cri de Fayne affolée résonnât dans le crâne d'Azéna. Déboussolée, elle oublia ce qu'elle était en train de faire et lâcha prise de la balle élémentale qui vibrait sous la pression du tourbillon de vent qui l'entourait. Elle tourna le regard, son cœur battant au ralentit, espérant le pire. Là-bas, elle aperçut les spectateurs en folie. Ils semblaient essayer de combattre quelque chose... Leur assaillant possédait un physique abstrait, tordu, et éphémère. On aurait dit...

- Un esprit, conclut la capitaine de Sombrelame.

- Ne bouge pas ! lui ordonna Nixie-Elle qui était déjà prête au combat. Tu restes où t'es !

- Pas question ! rugit l'archère qui désirait à tout prix défendre sa meilleure amie et les autres.

Tyrath battit férocement des ailes, s'élançant en direction de la scène.

- Azéna ! hurla la garde du corps qui partit à la course en tentant de rattraper le drake en vain. Tyrath non !

Par le temps qu'elles se rendent à destination, l'esprit avait alterné entre un physique normal et spirituel à maintes reprises. Il évitait toutes les attaques qu'on lui lançait, soit de cette façon ou par simple talent d'évasion. Personne n'avait été blessé pour l'instant. C'était comme s'il s'amusait, comme s'il les testait.

- Utilise ton pouvoir élémental, conseilla Azéna au drake. C'est inutile de l'attaquer physiquement. Il alterne sa forme.

- Une petite tornade pour le fantôme, ricana Tyrath avec coquinerie.

- Attention aux autres, avertit l'archère.

Entretemps, Nixie-Elle s'était faufiler dans la mêlée. Ses pas étaient gracieux malgré ses mouvements frénétiques. Elle était l'ultime prédateur et elle ne manqua pas à son devoir : elle poignarda l'ennemi à l'épaule lorsqu'il fut en forme physique sans qu'il ne se rende compte de sa présence. Ce dernier hurla comme une entité démoniaque à demi-animale. C'était un cri que l'archère n'aurait pu imaginer d'elle-même. C'était terrifiant et ce son se grava dans son esprit traumatisé. Paralysée, elle remarqua qu'il en fut de même pour les autres. Même Nixie-Elle se couvrait les oreilles, lâchant ses armes au sol. Les épées jumelles dégringolèrent en bas des gradins, là où l'assassin ne pouvait pas les atteindre.

- Putain ! réussit à jurer la garde du corps.

Elle ne bougea tout-de-même pas d'un poil.

De son côté, l'esprit étrange donna un rageux coup de poing au visage à Nixie-Elle qui virevolta jusqu'au gazon et y resta, étendue comme une étoile. Une traînée de sang dégoulinait de son nez qui était sûrement brisé. Avait-elle perdue conscience ?

La force de cet esprit était inhumaine. Et lorsqu'il se tourna vers Wirus, l'angle de son visage était plus clair de la direction d'Azéna. L'adolescente eut l'impression qu'il lui était familier, mais en quoi, elle ne pouvait le dire. Elle n'eut pas le temps réagir qu'il s'était déjà jeté sur le Première Sage tel une créature enragée, la bave dégoulinante de sa bouche. Wirus fut victime de sa paralysie aussi et sa réaction fut trop lente. Il se fit racler le cou d'un coup de griffe sauvage. Sa vie s'échappa de la plaie aussi rapidement qu'un ballon qui s'était fait éclater. Le liquide rubis forma une petite flaque sous ses pieds en quelques instants. Il tomba à genoux en mettant désespérément de la pression sur son cou meurtris, le tout en vain. Ce n'était pas assez; des ruissellements serpentèrent entre ses doigts.

Tous les témoins restèrent figés sous le choc. Le tout s'était passé en l'espace de quelques moments.

L'ennemi n'était toujours pas satisfait. Il pivota en direction de sa prochaine victime : Fayne et la fixa avec un sourire dément. Les griffes coulant de rouge, il bondit dans un nouveau rugissement bestial.

Cette-fois, Azéna ne se laissa pas intimider : elle amplifia une brise de vent pour la transformer en vortex tourbillonnant et le lança. Elle rata la côte de sa cible de peu, mais ce n'était pas en vain. Cela accorda un bref instant au partenaire de vie de Wirus qui cracha un infernal de flammes sur l'ennemi. Le visage enflammé, ce dernier hurla encore et encore puis, il se débattit comme s'il était rempli d'insectes pour enfin, s'enfuir en agitant les bras comme un fou. Il alternait sans cesse sa forme entre physique et spirituel comme s'il avait perdu le contrôle.

L'immense dragon aux écailles cramoisis croisa le regard de son dragonnier mourant. Le Sage tenta de lui dire quelque chose, crachant du sang et ses paroles complètement incompréhensibles :

- N-ghh... Ne... ghrugh...

Plus rien. La lueur dans ses yeux marrons s'étendit et ses membres relaxèrent, tombant lourdement au sol. Sa panique avait pris fin.

Celle de son dragon ne fit que commencer. Ses traits faciaux s'assombrirent et ses yeux exorbitants semblaient sur le point de sortir de leurs orbites. Il cracha un cône de flammes partout autour de lui, manquant de brûler quelques témoins. Harath, résistante à l'élément du feu, s'était mise devant Arièlla pour la protéger sinon, elle aurait été calciner vivante.

- Du calme ! s'exclama Nixie-Elle qui avait repris ses esprits, mais qui était toujours étendue sur le gazon, le visage crotté de son sang.

- Je ne me calmerai pas ! rugit le dragon affolé par la mort de son dragonnier. Ô diable la raison ! Ô diable tout Aerinda au grand complet ! Wirus ne méritai pas une mort si dégradante ! Ô diable sale intru !

Il parlait comme s'il désirait invoquer la colère des divinités elles-mêmes, comme s'il chantait une prière corrompue pour eux.

Une fois terminé, il vira son attention sur l'ennemi qui prenait la fuite en direction de l'académie. C'était un endroit étrange à choisir pour aller se réfugier, mais lorsqu'on est paniqué, la logique ne s'applique pas toujours.

- Tu n'auras pas une mort paisible ! rugit-il en s'élançant en sa direction.

Mais il ne réalisa pas que sa cible était déjà trop près du mur de pierre du fort. Il, lui aussi, avait perdu tout bon sang, aveuglé par sa furie. Et lorsqu'il le rattrapa, il s'écrasa face première dans la pierre solide. Le mur se fissura de bas en haut et menaça de tomber, mais miraculeusement, elle resta ainsi. Le dragon, de son côté, s'écroula au sol, complètement sonné, la langue pendante entre ses crocs acérés.

Nixie-Elle s'élança à sa poursuite, son pas maladroit et instable. Elle s'agenouilla près de son large museau carré et prit son pouls en glissant son doigt entre deux écailles.

Entretemps, le reste du groupe la rejoignit.

- Est-ce qu'il...? questionna Fayne au bord des larmes.

L'assassin lui accorda un regard attristé et à cet instant, ils comprirent tous que le dragon et le dragonnier avaient tous les deux péris.

Azéna s'en voulait pour avoir laissé ce monstre s'échapper. Elle se tourna vers Tyrath qui lui offrit de venir se réfugier sous son aile, mais elle refusa silencieusement son offre.

Après un moment, Naëshirie poussa un petit braillement à peine audible. Vorshiènn et Renora l'enlacèrent tendrement pour la consoler. L'archère était heureuse qu'ils étaient là pour elle, mais elle aurait voulu en faire autant. Elle leva les yeux en direction du toit, là où elle désirait se rendre pour avoir un peu de temps seule pour digérer ce qui venait de se passer. C'est à cet endroit qu'elle distingua une silhouette encapuchonnée. Elle plissa les yeux et y perçut deux petits yeux dorés.

- Argoshin...? murmura-t-elle tout bas.

Elle se sentit soudainement mal à l'aise et brisa le contact avec le demi-dragon de peur qu'on lui accorde de l'attention. Trop tard. Nixie-Elle le fixait aussi, mais elle n'en fit rien.

Cela rappela à l'adolescente qu'elle n'avait pas pu voir son mentor secret depuis longtemps en cause de sa garde du corps et elle devait y remédier bientôt.

« Il doit s'inquiéter et me surveiller, se dit-elle. Mais il prend des risques... Ce n'est pas bon. Espérons que Nixie-Elle ne dira rien. »