15 - La forêt dans ses yeux
8e jour de la saison de la faux 2449
Deux jours à l'infirmerie en compagnie de Leith qui refusait de laisser sa patiente partir bien que Nixie-Elle se sentît relativement bien après quelques heures de repos. Elle avait reçu un sale coup au visage, mais rien que la guérisseuse ne pouvait arranger. De plus, elle avait eu pire. Grâce aux herbes de Leith, il n'y avait plus aucune trace de cette attaque à sa joue qu'une demi-journée après.
Heureusement pour elle, elle ne s'était pas trop ennuyée durant son séjour. Azéna était venue la voir à deux reprises avec Fayne qui semblait être la source de motivation pour ce bel acte. L'archère était irritable et son langage corporel n'était pas bon menteur : elle désirait partir et savourer son bref moment de liberté. Nixie-Elle ne lui en voulait pas; elle en aurait fait autant à sa place. Cette timide brunette semblait être l'une des seules à être capable de convaincre cette tête de mule à faire quoi que ce soit. C'était une interaction bien amusante à témoigner.
Deuxièmement, il y avait eu une petite visite d'Èrionda Murkwan qui lui avait emporté un livre de poésie apparemment populaire chez les elfes sylvains. L'assassin n'était pas amateur de la lecture, mais elle l'avait acceptée avec autant de joie que d'hésitation.
- Tu sembles bien te porter, avait mentionné l'apprentie dragonnière avec un sourire coquin.
- Va le mentionner à Leith, avait grognée la garde du corps qui était confinée à son lit. J'suis prête à sortir d'ici, mais elle me crois pas.
- Ah la la... On ne discute pas avec Leith comme tu t'en ais sûrement rendu compte.
- M'ouais... J'préfères l'ancienne guérisseuse, mais ça va. Elle est bien informée et fait du bon boulot alors, j'me plains pas.
- Pas trop, avait corrigée l'elfe taquine.
Nixie-Elle avait détournée le regard, sachant que son interlocutrice allait lui sortir un de ses fameux sourire qui lui déchirait et ravivait l'âme simultanément. Elle ne pouvait pas le supporter donc, elle l'avait évitée complètement. Il fallait qu'elle soit forte et qu'elle complète sa mission. Elle ne pouvait pas se permettre de perdre la tête et de s'enfuir en cause d'un cœur chamboulé.
- Bon, je vais te laisser à ta lecture. Soit sage Nix, avait saluée Èrionda en se dirigeant vers la sortie de l'infirmerie.
- Mhmm, avait marmonnée l'assassin en pinçant les lèvres.
Elle avait attendu. Elle avait attendu pour les quelques grincements de bottes qui confirmèrent qu'Èrionda s'était retournée pour enfin lever les yeux vers elle. Comme d'habitude, l'elfe se dandinait les hanches. Parfois, Nixie-Elle se demandait si c'était naturel ou si c'était pour l'allumée. Dans tous les cas, à cet instant, elle avait senti ses joues rosirent doucement et elle avait ensuite plongée son attention dans le livre de poésie.
Troisièmement, en fin des deux soirées, Sièrre s'était pointé le bout du museau. La dragonne grise avait tendance à être silencieuse, mais elle s'exprimait au travers de gestes. Elle avait grogné, rugit, secoué la queue et sa dragonnière l'avait compris : elle en avait marre de ce que les Gardiens d'Aerinda faisait subir à l'assassin et qu'elle allait traquer et détruire cet esprit étrange.
- Fait rien d'impulsif, avait ordonnée Nixie-Elle. Les conséquences pourraient être pires que la situation courante.
Sièrre avait sifflée puis, claquée des mâchoires, clairement mécontente qu'elle ne pouvait rien faire.
- Promet-moi Sièrre, avait insisté la garde du corps. C'est pas une bonne idée. Fait-moi confiance. J'sais que ce n'est pas ton point fort, mais essai d'être patiente.
Elle avait terminé la discussion en lui caressant le front et le cou avant de lui avoir souhaiter bonne nuit. Elle était si belle, sa grande chasseresse. Elle portait une teinte gris mat qu'on voyait souvent chez les dragons plus âgés en cause d'une maladie permanente, mais inoffensive qui détériorait la teinte de ses écailles. Par contraire, ses yeux étaient si vivants, si rayonnants, que les mâles perdaient la tête quand ils croisaient son regard. Aussi, il ne fallait pas oublier qu'elle avait été bénie de cornes et de piquants immenses. Elle n'était pas parfaite, malade en fait, mais elle surpassait quand-même la plupart des autres de son vol.
Mais enfin, elle était libre. Enfin, libre était un bien grand mot pour sa situation. Certes, elle n'était plus coincée à l'infirmerie, mais elle maintenant forcée à marcher dans l'ombre de la jeune Azéna et ce pendant une période indéterminée. Elle avait fait mention à Grand Maître Terenas qu'elle désirait se faire remplacer l'année prochaine et celui-ci l'avait fait taire avec un misérable « On verra bien, Nixie-Elle. ». Ce qu'elle pouvait détester qu'elle fût une prodige en ce moment. On se battait pour ses services, quoi qu'il en fût la situation. Maître Ruvior avait le même problème, mais il était constamment occupé à l'apprentissage et elle comprenait maintenant pourquoi il avait opté pour cette voie. De temps à autres, il était forcé d'accepter quelques missions, mais c'était assez rare. Il avait un quotidien assez paisible pour un assassin. Honnêtement, Nixie-Elle adorait ses missions d'assassinat. L'adrénaline, le risque, le combat et même l'entraînement intensif requis pour maintenir son titre l'excitaient. En revanche, il y avait des temps où elle languissait pour une vie familiale, peut-être en agriculture et en cuisson, mais ce portrait n'était jamais sans Èrionda et ainsi, elle ne se permettait pas d'y songer.
Cette soirée-là, elle attendait que la journée se termine. Elle n'arrivait pas à se concentrer, elle était énervée et elle avait besoin d'espace. Donc, elle attendait que tous les apprentis aient se coucher pour avoir la salle commune à elle toute seule. Occasionnellement, il y avait Teriondil qui venait y boire du thé bien suspicieux, mais elle ne s'en préoccupait pas. Ce n'était pas son problème. Elle savait qu'Èrionda en buvait de temps à autres et elle s'y était habituée durant ses années d'entraînement en sa compagnie.
En ce jour, elle avait vraiment besoin de solitude et malheureusement pour elle, le jeune elfe sylvain s'était pointé à environs minuit. Énervée, elle l'ignora du mieux qu'elle le pouvait, cacha ses épées sous le sofa et se permit d'aller prendre un peu d'air. Après tout, Azéna n'allait pas mourir sans elle pendant une petite demi-heure, particulièrement au milieu de la nuit. Non, elle devait dormir paisiblement dans une position qui aux yeux de la garde du corps semblait absolument inconfortable. Elle le savait car elle allait vérifier si tout allait bien de temps en temps, ouvrant la porte doucement, sans faire un son et bien souvent, tout ce qui l'accueillait était une paire de fesses pointée vers le plafond de la chambre.
Cette-fois, elle était trop en rogne pour faire sa tournée. Elle devait partir. Tout de suite.
Elle rôda les corridors sombres de l'académie en s'assurant de bien éviter les gardes qui patrouillaient. Elle connaissait leur horaire par cœur. Ça avait été un jeu pour elle de se faufiler pour aller rencontrer Èrionda dans une salle vide, un placard ou encore pire, sa chambre lorsqu'elles se sentaient particulièrement risque-tout. Les souvenirs de ses années d'études et d'entraînement envahir son esprit affaiblit. Il y en avait partout et pas seulement reliés à l'elfe sylvaine, mais à ses camarades, aux maîtres, aux activités et tout simplement à son quotidien de ce temps. Ce qu'elle avait été stressée, mais heureuse et motivée. Maintenant, elle n'était qu'un désastre ambulant prodige en meurtre.
Sans trop savoir pourquoi, probablement par habitude, elle se retrouva à la salle de classe qu'elle et son ex-amante avaient utilisées le plus fréquemment durant leur temps ensembles. Elle l'aimait bien car elle était spacieuse, isolée et les gardes oubliaient son existence. Sur le coup, elle réalisa son erreur, ferma les yeux pour ne plus voir la salle qu'elle chérissait tant et se dirigea vers la sortie avec hâte.
Son cœur battait la chamade, mais pas autant que lorsque sa marche fut soudainement stoppée. Quelqu'un lui bloquait le chemin et elle n'eut le temps d'ouvrir les yeux pour voir de qui il s'agissait que des lèvres soyeuses se déposèrent sur les siennes.
La forêt. Des arbres majestueux, grands comme des montagnes. La couleur agréable de sapin envahit sa vision et sans trop pouvoir le contrôler, ses muscles se détendirent et elle accepta le baiser. Elle n'avait aucune confirmation de qui il s'agissait, mais la texture des lèvres, la façon dont cette personne lui avait tendrement prit les mains et le parfum de miel lui firent perdre la tête.
Elle n'intensifia pas le baiser, se retirant avant qu'elle ne perdre complètement contrôle.
- Tu as eu la même idée que moi on dirait, ricana une voix familière.
- Èr ! s'exclama l'assassin en reculant de quelques pas, soudainement prise d'une vague de nervosité. J'voulais pas... me retrouver ici...
- Bah tu savais comment suivre la bonne piste. Ce n'est rien de nouveau.
- Comment peux-tu être si nonchalante avec toute cette situation ?
- Relaxe. Viens passer du temps avec moi, ronronna l'elfe sylvaine en l'invitant d'une main à la suivre dans la salle de classe.
- J-j'sais pas Èr... La loi...
Avant son retour à l'académie pour sa mission en tant que garde du corps pour Azéna, la prodige n'avait pas vu Èrionda depuis sa graduation. C'était à ce moment qu'elle n'eut pas d'autre choix que de laisser sa vie d'apprentie dernière elle. Elle appréciait l'attitude positive d'Èrionda, mais la vérité au fond était qu'elle l'avait abandonnée. Était-ce tout simplement la philosophie elfe sylvaine ou reniait-elle tout cela ?
D'une façon ou d'une autre, clairement, elle ne l'avait pas oublier et préférait lui démontrer de l'affection plutôt que de la colère. La question demeurait : était-ce pour le sexe, la romance ou les deux ? Quelles étaient ses intentions ? Pour sa part, Nixie-Elle, avant de rencontrer Èrionda, n'avait jamais éprouvé quelconque attirance pour qui que soit et ce ne s'était pas produit après sa graduation non plus. Il n'y avait vraiment qu'Èrionda qui virait ses émotions à l'envers et elle semblait maudite à ne jamais pouvoir se débarrasser de ces sentiments.
- Ne sois pas nerveuse, dit l'elfe sylvaine avec un petit sourire en coin. Tu es peut-être une dragonnière prodige, mais je peux aisément lire au travers de ton cœur que tu ne peux pas me cacher. Tu n'as jamais pu en fait. Là-dessus, je domine, termina-t-elle alors que son sourire se transforma en coquinerie.
Nixie-Elle n'osa pas répondre. Elle n'avait rien à répliquer, dépourvue de défenses ce qui était un évènement très rare pour elle. Elle était toujours en charge, toujours en contrôle, constamment elle était l'alpha suprême, une prédateur apex. Mais elle ne put que pincer ses lèvres, complètement exposée émotionnellement et défaite par le charme de son ex-amoureuse. Elle détestait ce sentiment. Elle craignait pour leurs vies, qu'elles se fassent découvrir et c'est pour ça qu'elle était partie. Elle ne pouvait pas revenir en arrière.
Ne recevant pas de réplique, l'elfe sylvaine effleura le bras de Nixie-Elle et y caressa doucement la peau parsemée de quelques cicatrices de différentes formes, grosseurs et fraîcheurs. Elle fronça les sourcils et les observèrent minutieusement une à une.
- Je suis une assassin tu sais, susurra Nixie-Elle qui ronronnait au touchée de la magnifique et sauvage elfe. Je ne suis pas invincible ni capable de prédire le futur... Parfois, malgré mes précautions, je me retrouve submergée et blessée.
- Je m'inquiètes, même lorsque tu n'es pas là, avoua Èrionda en pinçant les lèvres, laissant enfin paraître une indication qu'elle s'était en effet ennuyée. Les assassins n'ont pas une longue espérance de vie.
- Comme tu me l'as déjà mentionnée lorsque j'hésitais sur mon choix de carrière : C'est comment on vie qui compte, rétorqua la garde du corps avec impertinence, son aise avec la situation s'améliorant un peu.
- Bah exactement. Viens vivre un peu avec moi.
Le sourire et la façon dont elle invitait Nixie-Elle à venir avec elle en bougeant à reculons... Cette-dernière ne put résister, afficha un sourire béant et bête puis, elle obéit en priant pour son âme.
Ravie, Èrionda sourit, la prit par la main et l'entraîna au centre de la salle de classe où il y avait un bel espace assez grand pour qu'elles se murent avec aise.
- Attend, dit-elle en ne pouvant pas s'empêchant de légèrement pouffer de rire.
- Qu'est-ce que tu as derrière la tête cette-fois ? questionna l'assassin suspicieuse.
Èrionda agita les mains, écarquillant les doigts en se concentrant sur un flux de mana qui se matérialisa assez rapidement. Le pouvoir d'un mage, quelque chose que Nixie-Elle n'avait jamais eu l'opportunité d'expérience pour elle-même. Les pupitres se bougèrent par eux-mêmes en lévitant à différentes vitesses, formant un grand cercle autour d'elles en plein milieu de la salle.
- Voilà ! annonça la mage elfique avec fierté.
- Et c'est pourquoi ? demanda Nixie-Elle avec légère nervosité.
Des deux, Èrionda était la trouble-fête; elle s'organisait toujours pour attirer le danger et les fourrer dans une situation amusante, mais jamais sans risques.
- Oh ne te stresse pas, supplia l'elfe avec innocence. Je t'assure que mon idée est relaxante.
- Mhhhmmm, marmonna l'assassin qui n'était pas convaincu.
Èrionda roula les yeux, s'approcha de son interlocutrice qui était toujours près de la porte, la prit par la main et l'entraîna doucement dans l'espace circulaire.
- Vous m'accordez cette danse, brave mademoiselle ? dit-elle sur un ton à moitié ridicule, à moitié séducteur.
Évidemment, elle était consciente qu'une danse sans musique c'était un peu gênant, surtout dans leur situation délicate qui était littéralement dangereuse et une retrouvaille. Mais ce genre d'idiotie de surprenait pas Nixie-Elle qui avait principalement tombée amoureuse d'Èrionda pour son cœur léger.
- Pas de musique ? questionna-t-elle avec confusion.
- Tu dois bien te souvenir de nos chorégraphies quand-même ! Pas besoin de musique ! s'exclama Èrionda.
L'elfe cachait quelque chose. Il n'y en avait aucun doute. Elle ne pouvait pas le cacher, pas avec ce sourire taquin qui trahissais son masque.
- Bien sûr et il y avait de la musique avec ses mouvements, souligna Nixie-Elle en fronçant les sourcils. N'est-ce pas ?
Elle avait toujours été plus maladroite que la Murkwan en termes de danse. C'était déjà difficile pour elle d'effectuer des mouvements fluides et ce l'était encore plus synchronisé à un rythme. Sans musique et surtout, sans pratique, elle s'avouait angoissée. Les elfes sylvains ont souvent des évènements durant lesquels ils dansent, les apprenant ainsi tout jeune. C'était comme une seconde nature pour eux. Nixie-Elle n'avait jamais mis un pied sur une piste de danse avant sa rencontre avec Èrionda. C'est d'ailleurs celle-ci qui lui avait enseigné comment et ce avec beaucoup de patience et d'amour car son élève était médiocre dans ce domaine.
- Tu vas être parfaite, encouragea l'elfe sylvaine. Tu étais meilleure que moi à la fin de toutes ces heures de pratique !
- La flatterie et le mensonge ne t'emporterons nulle part, grogna l'assassin.
- D'accord, d'accord ! J'ai une solution pour toi, mais je suis incertaine de si elle va fonctionner car nous sommes en train de perfectionner le sortilège.
- Nous ?
- Mon peuple ! Tu sais... elfes sylvains... Nous aimons danser !
- J'te signale que j'ai craint soudainement pour ma sécurité.
- Pffff fais-nous un peu confiance ! De toute façon, tu as toujours voulu entendre notre musique alors, voici !
Elle se mit à psalmodier dans un langage que Nixie-Elle ne comprenait pas. C'était sûrement de l'elfique bien que cette-dernière avait déjà entendu des elfes discutés entre eux maintes et unes fois et cette-fois, le son était différent, plus rauque, plus puissant. Elle ne put s'empêcher de se sentir angoissée, faute de son expérience dans multiples situations dangereuses.
- Èr... dans quelle langue...
Elle fut interrompue par l'apparition d'une source de lumière faible en avant de la jeteuse du sortilège. Par instinct, elle recula de quelques pas et posa la main sur le manche d'une dague qu'elle avait dissimulé dans sa manche.
- Tout doux soldat, dit Èrionda en lui faisant signe d'une main de se calmer tout en maintenant le flux du sortilège de l'autre.
- Désolée, s'excusa l'assassin en retirant sa main de l'arme. Et j'suis pas un soldat... C'est presque insultant, mais puisque ça vient de toi, j'sais mieux.
L'elfe lui accorda un petit sourire, compléta le rituel en adoptant le silence et en effectuant un dernier mouvement brusque d'une main. Et pourtant, rien ne n'était produit mis à part la présence de particule de mana qui flottait un peu partout. Celles-ci ressemblaient à des lucioles qui luisaient d'un bleu barbeau, apportant une certaine ambiance de tendresse à la salle.
- Si tu essais de me séduire, c'est non, ronchonna Nixie-Elle en tentant de paraître sérieuse malgré elle.
- Pas besoin de le faire. Tu l'as longtemps été, répliqua l'apprentie dragonnière sur un ton espiègle. Il suffit d'être naturel.
Sur ça, elle avait raison et l'assassin ne pouvait pas le dénier. Alors, elle se croisa les bras et fronçât ses sourcils dans une tentative de paraître intimidante. Au dépit de ses efforts, elle n'eut pas la réaction désirée. Au contraire, son ex-amante s'approcha d'elle, un grand sourire aux lèvres. Elle était confiante. Ce n'était pas bon.
- Tu désirais entendre la musique des miens. Je te présente la symphonie des nymphes, une vieille mélodie traditionnelle qu'on adore.
Elle effectua un mouvement léger du bras gauche et la voix enchanteresse d'une jeune elfe sylvaine accompagnée de quelques instruments résonna dans la pièce. La langue utilisée était l'elfique et bien que Nixie-Elle n'y comprenne pas grand-chose, elle pouvait ressentir une joie de vivre émaner de la chanson. Le rythme était lent et gracieux, très apaisant, presque hypnotisant.
- C-comment ?
Son cœur s'allégea et elle se concentra sur les instruments.
- Un violon et...
Elle hésita, incertaine du deuxième instrument.
- Un ocarina, dit la mage.
- C'est vraiment hors de ce monde, complimenta l'assassin qui ne savait pas trop comment expliquer ce qu'elle ressentait.
- Mais c'est de ce monde, rigola doucement Èrionda.
- T'as raison, répliqua timidement Nixie-Elle en baissant la tête. C'est que je n'ais jamais entendu rien de semblable. C'est vraiment..
Elle fut interrompue par une paire de main qui s'enroulèrent autour de son cou, la prenant par surprise. Elle hoqueta et tenta de reculer, mais on la retint sur place. Elle savait ce qui se passait... Èrionda tentait d'entamer une danse avec elle et si elle se laissait faire, elle allait perdre le contrôle. Il ne fallait pas.
La voix qui chantait cessa et à sa place, une nouvelle, familière et encore plus enchanteresse, prit sa place. Cette-fois, les mots étaient compréhensibles. Ils étaient exprimés dans la langue commune. Nixie-Elle réalisa que cette nouvelle chanteuse était Èrionda et aux premières paroles, elle sentit déjà les émotions lui ronger les entrailles, tordant son estomac et formant une boule à sa gorge. Sa respiration devint saccadée et elle utilisait toute sa volonté pour ne pas pleurer. Elle devait ignorer ce chant, mais chaque mot lui tombait dessus comme un marteau.
On pourrait partir loin d'ici, loin dans les confins de l'univers
Là où on pourrait être libre de laisser nos cœurs hurler
Ils ne sont pas nous, nous sommes nous
Tu es toi et si tu veux danser ton chemin au travers de la forêt, tu peux
Quoi qu'il en soit, je serai là, que ce soit près ou loin
Qu'importe les jours et les nuits à venir, ta place reste
Je ne suis qu'une trouble-fête, mais je t'assure que ton lien demeure
N'écoute pas, n'écoute pas
Personne d'autre que ton cœur
Ici, la liberté de la nymphe et la sagesse de la forêt
Puis, la mélodie revint à la chanteuse originale qui retourna à la langue elfique. Nixie-Elle était au bord des larmes, toutes ses défenses qu'elles s'étaient argument construis détruit en miettes. Elle se demandait si ses traits faciaux étaient si tordus car Èrionda prit la parole d'une voix aussi attendrit qu'hésitante :
- Je ne t'ai jamais oubliée et puis, chez nous, je peux m'exprimer comme bon me semble donc...
- Je... J'suis bouche-bée, bafouilla l'assassin. C'est tellement beau... J'ai l'impression de me trouver dans l'ancienne forêt que tu m'as si souvent décrite. Vous êtes tellement artistiques, tout ce que vous entreprenez est touchant, si profond. J'aimerai vraiment rencontrer les tiens.
- Bah viens avec moi. Nous serons libres là-bas et protégées par la forêt.
- Tu sais bien que j'peux pas... J'ai...
- Tu as de lourdes responsabilités sur les épaules, coupa gentiment Èrionda en posant un doigt sur la bouche de son interlocutrice. Je sais. Tu as toujours été la plus responsable de nous deux.
Il y avait une certaine tristesse dans ces derniers mots. Et aussitôt que le doigt fut retiré, la dragonnière accomplie rassembla le peu de santé mentale qui lui restait pour continuer de refuser poliment les avances de l'elfe.
- Èr... Je...
L'elfe sylvaine leva ses yeux brillants et croisa les siens. Encore une fois, la garde du corps se perdit dans ce vert sapin profond et s'imagina dans une ancienne forêt elfique.
- È-Èr...
Honnêtement, elle était en train de défaillir sous sa montagne d'émotions qui rugissait son affection pour elle. Elle allait tout laisser tomber pour lui dire qu'elle l'aimait toujours, mais l'elfe lui empoigna les deux mains et la fit tourner sur elle-même, la distrayant avec succès. Dans un autre sens, elle n'avait pas dit les mots comme elle le désirait, mais elle avait quand-même perdu la raison et elle se laissa aller au rythme augmentant en intensité de la mélodie.
Pendant longtemps, elles dansèrent ensemble comme elles l'avaient si souvent fait auparavant, mais cette-fois, c'était encore plus magique car littéralement, il y avait de la musique qui jouait par le biais de la magie et c'était comme si elles étaient là, à Nadalé, assistant à un festival elfique ensemble.
En effet, Èrionda était un peu rouillée et ainsi, elle fut maladroite de temps à autre, mais elle se réhabitua aisément. Comme toujours, Èrionda était maîtresse de ses mouvements de danse et ne bousillait pas un seul d'entre eux. Elles étaient là comme sur un nuage, dans un paradis qu'elles pouvaient s'imaginer. Elles rirent comme des folles et agirent comme des enfants dans le corps d'adultes. Nixie-Elle se souvint pourquoi elle avait tant appris à aimer danser. Ce n'était pas seulement pour l'amusement et pour les folies avec Èrionda, mais aussi pour la thérapie d'esprit que cela procurait. Elle l'avait complètement oublié, cette simple gaîté de vivre dans le moment sans devoir penser.
- Te revoilà ! s'exclama l'elfe sylvaine lorsque les mouvements de Nixie-Elle devinrent complètement fluide. Allez, sors-moi cette bête de sa cage !
Elle s'élança et sauta dans les bras de l'assassin qui l'attrapa avec aise. Elle n'hésita pas, se rapprochant le visage du sien, mais l'intrusion impulsive fut douce et surtout, acceptée.
Nixie-Elle perdit tout son sang-froid, oublia où elle était, son titre et son devoir. Son cerveau bloqua. Plus aucune pensée logique en fut générée. Il n'y avait que la vague de désir ardente qui dominait ses décisions. Son visage, ses oreilles, ses entrailles et son entre-jambe chauffaient tous dans une synchronisation parfaite. Les lèvres d'Èrionda contre les siennes la rendait dingue et l'adrénaline pompait dans ses veines. Elle ne put s'empêcher d'insérer sa langue dans la bouche de l'elfe, provoquant un gémissement de celle-ci. Ses genoux faillirent défaillir, mais elle se reprit en mains rapidement.
Elle percuta l'apprentie contre le mur du fond, toujours en la soutenant dans ses bras. Entre deux baisers fougueux, elle reprit à peine son souffle et continua, endurant la douleur aguichante que procurait le griffage à son dos.
Et ainsi fut sa dernière pensée avant l'acte : À bat les conséquences !
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