46 - Être un chef

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8e jour de la saison du sapin 2450

Elle assomma son adversaire d'un coup bien placé de sa morgenstern, écrasant son crâne dont le heaume ne protégea guère. Il s'immobilisa, son expression se figeant dans la réalisation qu'il avait commis une grave erreur, et bascula sur le côté. Elle n'eut pas le loisir de reprendre son souffle. Elle sentit une présence s'approcher à grands pas déterminés de derrière elle. En réponse, elle tourna les talons en balançant sa masse lourde dans son mouvement, broyant les côtes d'un elfe gris vêtu de cuir sombre d'un coup violent. Le soldat ennemi faillit tomber sur elle, mais elle recula de quelques pas, le laissant s'effondrer dans la neige fondante.

Il devenait difficile de trouver un endroit qui n'était pas encombré d'un cadavre ou d'un terrain glissant. Elle scruta les environs, réalisant qu'il n'y avait plus d'ennemis qui s'approchaient, pour le moment. Elle se permis une brève pause du combat, approchant son groupe d'amis dont elle avait saisi les rênes du commandement vu que la situation requérait de l'ordre s'il désirait survivre. Leur chef original, Maître Trusfèx ainsi que son dragon, étaient tombés sous les griffes de l'ennemi dès leur première rencontre avec eux. Ils avaient été mal préparés à une telle agression soudaine et les mages de la Légion Ancestrale s'étaient avéré brutales, ayant recours à toutes sortes de pouvoirs épouvantables tels que l'umbrancie, le chamanisme noir et la nécromancie. C'était un miracle qu'ils étaient, pour la plupart, encore en état de combattre.

— Rien de cassé ? demanda Arièlla, gardant son attitude austère quoiqu'elle s'avérât inquiète.

— J-je crois que ça va, couina Fayne, les yeux écarquillés et dominés par l'angoisse.

Le reste du groupe approuva tout simplement d'un signe de tête. Ils étaient tous visiblement épuisés. Pas étonnant ; lutter pour leur vie siphonnait beaucoup d'énergie et ils le faisaient depuis une bonne demi-heure.

Tout chacun, mis à part les dragons, était équipé pour le combat. Arièlla portait son armure lourde de plaque, son tabard arborant les couleurs des Gardiens d'Aerinda ainsi que leur sigil et de son immense morgenstern qui ne se maniait qu'à deux mains. Sa longue chevelure blond foncé dépassait de son heaume qui avait été façonnée à l'image de Harath, le fer partiellement peinturé d'un cramoisis. Ses yeux perçants étaient visibles de chaque côté du nez couvert. Elle était la seule du groupe à ne pas porter un manteau de fourrure, se réchauffant grâce à sa pyromancie. Son corps entier illuminait faiblement d'une lueur rouge.

— Ailes cramoisies ! clama un dragonnier qui passait par là en lui adressant un sourire.

C'était l'un de ses coéquipiers de skotar, un garçon du quatrième cycle, qui s'élançait à présent dans la mêlée, rejoignant d'autres dragonniers à la défense d'Atgoren.

Arièlla était demeurer dans les rangs à l'arrière pour promouvoir la survie de son escouade qui avait perdu leur chef. Ils encaissaient des attaques, mais moins fréquemment et moins brutalement que ceux qui maintenaient le front, là où la brutale Légion Ancestrale les hantait.

Fayne s'occupait de les guérir comme elle le pouvait, de les supporter à distance à l'aide de son hydromancie et de ses potions qu'elle avait préparés au cours des derniers trois ans qu'elle portait dans un sac en cuir et suspendus à sa ceinture. Elle demeurait au centre du groupe, protégés du reste puisqu'elle était la plus vulnérable et aussi, la plus essentielle. Son armure était légère et elle était médiocre au combat en général. Sa seule arme était son bâton dont les deux extrémités se terminaient par des lames.

— J'ai une potion de baies solaires, mentionna-t-elle doucement.

Elle désigna un flasque rempli d'un liquide rosé qui avait pour effet d'énergisé le consommateur.

— En dernier recours, décida Arièlla, son souffle se stabilisant enfin.

Elle acquiesça et rangea la concoctassions dans son sac en cuir débordant aussi d'une variété d'herbes.

Arièlla, Teriondil et Naëshirie formaient un cercle protecteur autour d'elle. Ils étaient entourés de leurs dragons qui patrouillaient comme des prédateurs, grognants, sifflants, les nerfs à vifs

L'elfe sylvain n'était pas très habile en combat rapproché non plus, mais il compensait avec sa maîtrise exceptionnelle de son mana et de son élément. Ainsi, il ne portait tout simplement pas d'arme ni d'armure, préférant y aller « au naturel » comme il l'expliquait. En gros, il portait son habit de tous les jours comme s'il ne se souciait aucunement de l'état désastreux de son entourage. Il était d'ailleurs le seul mage du groupe. Son habituelle expression rêveuse avait été effacée, remplacée par une certaine tristesse mystérieuse.

La petite elfe hybride était souvent la cible de choix des ennemis car elle dégageait une impression de délicatesse. C'était la plus courte et la moins musclée de la bande. Au contraire, elle s'avérait une combattante redoutable, utilisant un mélange équilibré de stratégies défensives et agressives, adaptant son style pour chaque situation. Elle faisait usage de l'élément de la terre avec prouesse, que ce soit à longue distance et rapproché. Un moment, elle créait un mur coriace pour se protéger elle et ses alliés, elle défonçait un adversaire en enveloppant ses mains de roc. D'ailleurs, puisque Arièlla était plus à l'aise à l'offensive, c'était elle qui se chargeait plus d'assurer la sécurité des autres, particulièrement de Fayne. Elle s'était présentée sur le champ de bataille, comme Teriondil, en portant sa tenue décontractée de tous les jours, sans arme, mais elle s'était permise des épaulières, des brassards et des grèves en cuir brun, doublé de fourrure pâle en dessous.

Dire qu'elle était si timide au premier cycle, se dit Arièlla en réalisant comment Naëshirie avait évolué depuis ses débuts à l'académie.

Les deux elfes s'étaient préparés au combat en se marquant au visage de symboles propres à leur culture, leur donnant une allure tribale et sauvage. Le tout, sans oublier, les multiples ornements qu'ils portaient aux cheveux et aux oreilles : des plumes, des fleurs, des herbes, des branches, des billes et autres décorations aux allures forestières. Ella et Kara s'étaient mérités de tels ornements aussi, quoique la dragonne verte en portait en permanence sur ses cornes en bois.

Ils étaient prêts à affronter les obstacles qu'on leur tirait, tous les huit et ils formaient une équipe efficace. Cependant, il manquait cinq personnes importantes : Azéna, Tyrath, Turion, Nixie-Elle et Sièrre. Ils devaient les retrouver. Arièlla et son équipe s'en étaient donner la mission. D'après Teriondil et Naëshirie, les deux dragonnières manquantes étaient dans l'enceinte de l'académie en train de s'entraîner lorsque le désordre s'était installé, mais elles n'y étaient plus.

C'était difficile et dangereux de voyager dans tout ce chahut. Arièlla prenait trop de temps à accepter un mouvement. Ils étaient lents, mais les ennemis n'avaient pas réussi à pénétrer leurs défenses.

— Derrière cette maison ! annonça la demi-elfe. Nous aurons un mur dos à nous, au moins.

Le groupe s'exécuta.

Là, il n'y avait pas d'ennemis et ils se sentirent déjà plus en sécurité. Ce sentiment se transforma rapidement en horreur alors qu'ils découvrirent deux cadavres : celui de Gragèn et de Karezèn, un jeune dragon aux écailles incarnat. Ils étaient partiellement calcinés.

— Ils ont été rongés par la furie des flammes, réalisa Fayne en en posant une main sur sa bouche, choquée. Un dragon rouge... brûlé... Comment est-ce possible ?

— Karezèn n'était qu'un drake, dit Naëshirie. Il s'est probablement fait dominer par un adulte.

— C'est immonde ! Un des nôtres a commis cette atrocité !

Arièlla s'approcha, refoulant ses émotions ardentes pour maintenir sa clarté d'esprit. Elle tassa la patte du jeune dragon défunt pour révéler le visage du rouquin qui était encore principalement intacte, mais gelée dans une expression de terreur, des larmes sur les joues.

— Il n'a pas souffert, en conclut-elle. C'était... une morte immédiate. Karezèn a sûrement tenté de le protéger en encaissant l'attaque, mais c'était trop pour lui.

Ses compagnons, mis à part Harath et Ella, lâchèrent tous des gémissements, mêmes les dragons. Les deux béhémots femelles demeurèrent impassibles, sûrement entrain de digérer leur rage.

— Au moins, Karezèn n'a pas eu à souffrir la perte de son dragonnier, grogna Harath en montrant légèrement les crocs. Sur ce côté, il a été fortuné.

Elle s'avança, fixa son frère de la volée rouge pendant un moment et enfin, elle effleura doucement son museau sur le sien.

— Va et monte jusqu'aux âmes éternelles, mon frère.

— Je suis désolé Harath, souffla Fayne, les yeux rougis par l'émotion.

Teriondil et Naëshirie s'inclinèrent comme pour saluer les défunts alors qu'ils partaient à leur nouveau foyer.

Harath cligna des yeux en émettant une espèce de ronronnement sourd, très lentement, comme si elle essayait de décider sur sa prochaine action. Enfin, elle déploya les ailes et fit une déclaration, ses prunelles orange lave presque collé à celles de son frère tombé.

— Tu seras vengé, Karezèn. Aucun dragon rouge ne devrait mourir d'une telle trahison. Les flammes ne t'oublieront pas.

C'était étrange, mais Arièlla eut la soudaine impression que la dragonne rubis éprouvait un certain attachement pour le mâle. Peut-être y avait-il quelque chose entre eux et que Harath ne lui en avait jamais parlé. Elle n'avait jamais agi de façon si affectueuse envers un autre individu mis à part la Valkirel.

De son côté, la blonde avait souvent croisé le jeune rouge et son partenaire nerveux, soit au Grand Nid ou pendant les cours, et c'était habitué à leur présence silencieuse. Elle se souvenait distinctivement de leur relation tendue, quasi inexistante. Ils n'interagissaient que peu ensemble et leur performance s'était avéré piètre. Pas étonnant qu'ils n'avaient pas survécus. Ils ne s'entraînaient que rarement et lorsqu'ils le tentaient, Gragèn finissait par être terrorisé et Karezèn tentait de le consoler avec maladresse.

— Trouvons-nous un meilleur endroit, déclara Arièlla, voyant que les cadavres dérangeaient grandement quelques membres du groupe.

— Vers l'entrée principale ? suggéra Naëshirie de sa petite voix.

— Non. Les sbires de Sombrelame proviennent de l'académie d'Archlan certes, mais n'oublie pas que lorsque la porte principale a été délaissée, la Légion Ancestrale en a profité pour la dépouiller de ses propriétés magiques pour ensuite la détruire. Des deux factions, il semble que c'est la Légion qui possède le plus d'affinité avec la magie. Par conséquent, Sombrelame semble être suivit des meilleurs combattants. Ce n'est toutefois qu'une déduction.

Un silence s'en suivit. Les autres n'avaient rien à ajoutés. Ils s'étaient plus concentrés à leur survie qu'autre chose et personne ne pouvait les blâmer. Arièlla était consciente qu'elle possédait un esprit plus affiné pour ce genre de situation.

— Tu n'as pas tort, approuva une voix rauque et ferme.

La demi-elfe fit volte-face et se retrouva face à un être dont l'apparence seule aurait donner des cauchemars à des enfants. Un adulte, par conséquent, se serait retrouvé fasciné. Arièlla, elle, ne put s'empêcher de sourire. Elle ne l'avait jamais rencontré en personne, mais elle le connaissait bien au travers des récits de sa sœur. Elle devait avouer que ses prunelles or liquide étaient autant frappantes qu'elle l'eût réclamé. Franchement, c'était comme si son physique était sorti tout droit d'un autre monde. Qui l'aurait cru possible ? Mais c'était clairement le cas : il portait autant de caractéristiques humaines que draconiques. Dû à ce simple fait, il avait dû avoir eut la vie ardue. De surcroit, il avait une connexion biologique à la volée draconique violette. Arièlla ne l'enviait pas, ni Azéna d'ailleurs.

— Argoshin ! s'exclama Naëshirie qui confirma l'identité du nouveau-venu.

Elle se mit à radier de soulagement, mais cela ne durera pas. Elle retrouva vite son expression d'incertitude, même à la limite, d'angoisse. Quelque chose la tracassait en rapport avec le demi-dragon.

— J'aurai préféré vous rencontrer sous des meilleures conditions, dit-il, paraissant désolé. J'imagine que vous êtes les chers amis d'Azéna.

Le groupe hocha harmonieusement de la tête.

— Donc je vous accorde ma confiance, déclara-t-il avec un petit sourire forcé qui révéla l'une de ses canines. Nous devons la retrouver et je sais où elle est, mais il faut faire vite avant que Sombrelame l'atteigne avant nous.

Il croisa le regard de Naëshirie, ce que pour l'espace d'un instant. Cette brève attention ne fit pas réagir sa victime. Vis-à-vis de cela, Arièlla ne put s'empêcher de se sentir méfiante, mais elle choisit d'ignorer son intuition. Si Azéna leur faisait confiance, c'est qu'elle le ferrait aussi. Sa sœur aînée - ce qu'elle détestait l'admettre, même en privé dans son esprit - était peut-être imprudente sur le coup, mais elle devait admettre qu'elle choisissait généralement bien son entourage à long terme.

Mis à part Argoshin, le reste du groupe vacilla son attention sur leur meneuse et attendit pour sa décision. C'est en cet instant qu'Arièlla réalisa qu'elle avait réellement gagner le respect de ses pairs. Elle était parvenue à les garder en vie au travers cette dévastation. Ils lui faisaient confiance avec leur vie entre ses mains et c'était un privilège d'accomplir ce rôle. Elle espérait avoir la capacité de maintenir son sang-froid jusqu'à la toute fin. Ce n'était pas une chose facile alors que ton foyer se fait détruire et tes proches se font enlever la vie partout autour de toi, mais elle devait se concentrer sur ses buts. Elle savait qu'il était impossible pour elle de tout faire et qu'elle faisait déjà tout ce qu'elle pouvait pour Atgoren.

— Montres-nous, requêta-t-elle de l'adulte.

Argoshin acquiesça, démontrant une courtoisie distinguée en baisant légèrement la tête et en plaçant une main sur son torse.

— Merci, souffla-t-il doucement, semblant réjouit. J'aurai été moi-même, mais j'ai jugé qu'il serait préférable d'avoir du renfort, si c'était possible d'en trouver diligemment.

— C'est sage de votre part, approuva Buhrik.

Le demi-dragon déploya ses immenses ailes à l'image de celles des dragons, mais couvertes d'écailles améthyste dont les nuances ressemblaient à celles des yeux de Tyrath. Il était si rare de trouver du violet dans la nature que la plupart du temps, c'était considéré comme un signe ou une marque divine.

— Nous devons nous rendre à la Tour de la Clarté, expliqua l'hybride. Puis-je suggérer par vol ? Ce sera plus rapide et espérons-le, plus sécuritaire.

Arièlla doutait aussi du niveau de sûreté, mais elle savait qu'y voyager à pieds serait autant dangereux. Imité des autres, elle grimpa aux piques de son ardente dragonne rouge et s'installa sur la selle épaisse qui la protégeait contre l'éraillement que lui aurait autrement causé les écailles.

Avant qu'ils ne puissent décoller, des voix et des bruits de pas s'approchèrent de l'autre côté de la maisonnette. Harath se tourna dans cette direction et ouvrit la gueule, prête à engouffrer qui que soit de ses flammes.

— Peut-être par ici, suggéra l'une des deux voix, celle-ci appartenant clairement à un garçon pris de panique.

— Il fallait que l'entrée principale débordent de ces tarés d'elfes gris, grogna la deuxième, celle-là plus féminine, mais plus solide que la première. Des nécromants en plus ! Ça me fou la chère de poule !

— Laisse tomber les nécromants ! As-tu vu les nécrodins ? Il y en a que peu, mais ils valent dix de ces nécromants chaque ! Pas la moindre chance que je leur fais face ! C'était un véritable cauchemar éveillé juste à les voir !

— Cesse de geindre et fais un peu attention ! Notre chef et le reste de notre escouade se sont fait décapités ! Nous devons trouver nos dragons ! C'est notre seule chance de sortir de cet abîme !

Des déserteurs... des lâches... et en plus, des Gardiens d'Aerinda. Il n'y avait rien de plus déshonorable d'après Arièlla et ils méritaient qu'elle achève leur misérable vie d'un coup de sa massue. Mais elle n'avait pas le temps de leur courir après. Ils allaient se faire juger, éventuellement.

Elle fit signe à Harath de les laisser passer mais elle voulait savoir de qui il s'agissait. Elle attendit et bientôt, deux silhouettes se découpèrent des ombres et filèrent à toute vitesse sans prêté attention à Arièlla et son entourage. C'était Vorshiènn qui se faisait traîner comme un chien par Renora, les deux en armure battue par des coups violents.

La blonde serra la mâchoire, ravalant sa soif de justice. Elle se concentra sur sa propre escouade et ses propres buts.

— Allons chercher Azéna et Nix. Surveillez vos arrières comme vos côtés. L'ennemi peut surgir de tous les sens.

Les dragons ainsi qu'Argoshin prirent leur essor. Arièlla et Harath étaient les plus robustes et les chefs donc ils eurent la charge de diriger le groupe sous la guidance d'Argoshin. La Valkirel s'inquiétait et de temps en temps, elle jetait un coup d'œil derrière. Jusqu'à présent, tout allait bien. Quelques guerriers les avaient vus, mais ils ne pouvaient pas les atteindre donc ils continuèrent leur route.

Le nombre de cadavres qui jonchaient les moindres recoins de la cité qui était, il y avait à peine une heure, si propre et paisible, augmentait rapidement. Les visages familiers, tordus par l'effroi, la ténacité ou la colère, lui rappelait continuellement à quel point elle était fortunée que la plupart de son groupe vivait. Elle devait rester forte pour eux.

Argoshin se rapprocha de Harath, plus particulièrement de sa cavalière.

— Parlant d'ennemi, je dois te partager quelque chose avant que nous arrivions à destination. C'est à ta discrétion de le partager aux autres ou non, mais je juge qu'en tant que chef, tu dois le savoir.

Il lui raconta brièvement tout ce qui s'était passé avec lui depuis la journée précédente, révélant ainsi sa position en tant que partenaire indépendant de Sombrelame qu'il ne désirait plus maintenir, mais aussi que Nixie-Elle et Naëshirie s'étaient fait enrouler dans les belles promesses du chef de la Confrérie aussi.

— Sombrelame se croit un héros et, en mon opinion personnelle, quoi que ses intentions soient nobles, il n'utilise pas les bonnes méthodes, insista-t-il. En ce qui concerne la répulsion de la Légion, il agit solidement, mais il doit laisser Azéna tranquille et là-dessus, il refuse. Je ne crois pas que Nixie-Elle ni Naëshirie n'en comprennent la gravité. Elles ont de bons cœurs.

— Je n'ai pas le temps de songer à tout ça, rogna Arièlla qui se sentait honnêtement confuse face à ces nouvelles informations.

Elle éprouvait de la difficulté à voir au travers de la pluie battante, des illuminations aveuglantes crées par les attaques élémentaires et de la noirceur tenace. Les différentes nuances qui apparaissaient et disparaissaient à tout moment lui donnaient l'impression que son crâne allait fendre, sans oublier la fatigue oculaire qui s'avérait être une véritablement affliction. On aurait dit que le monde était viré à l'envers. Il y avait un usage trop lourd de magie et des éléments. Il fallait que ça cesse !

Enfin, le groupe se rendit à destination.

La structure titanesque qu'était l'académie d'Archlan sembla soudainement surgir de la noirceur de la nuit. Cette vision de destruction vint frapper Arièlla en plein fouet ; elle qui se sentait autant chez elle là que dans sa propre maison. Elle sentit une boule se formé dans sa gorge et il semblait que son cœur était en train de fendre. Son amertume se transforma rapidement en furie : sentiment qu'elle s'était entraîné à canaliser toute l'année pour ne pas perdre la raison en combat. Elle ne se permit pas de le démontrer de quelconque façon. Elle encaissa le tout et maintenu son expression qui était aussi dur que de la pierre glacée.

L'une des tours, celle où les apprentis de deuxième cycle résidaient, était engouffrée de flammes voraces et était en train de lentement se défaire, morceau par morceau, tombant en ruines. La Tour Mère qui toisait les autres du centre était devenu un champ de bataille. Deux dragons, un noir et un gris, faisaient face à la monstruosité qu'était le puissant Rendar. Seul le gris était sans cavalier et il était le plus fougueux des trois, suggérant qu'il avait perdu son partenaire. Rendar faisait deux fois la taille de ses adversaires et son souffle illuminait les cieux à des lieues de là. Les trois dansaient autour de la tour en jouant au chat et à la souris et en crachant des jets élémentaires qui, de temps à autre, atteignait l'académie et l'endommageait.

Le gris se faufila dans un nuage sombre créer par le noir et réussit à mordre la cheville de Rendar. Le titan ailé poussa un rugissement à en glacé le sang tellement il était empli de colère. Terenas repoussa son assaillant en projetant une immense boule de feu qui vint s'écrasa sur le dos du gris qui gémit en se tortillant furieusement. Rendar en profita pour donna un coup d'ailes puissant qui envoya ses victimes virevolter dans le vide.

Arièlla désirait venir en aide à son Grand Maître, mais elle réalisa avec horreur que lui et ses adversaires se rapprochaient de la Tour de la Clarté et risquaient de mettre Azéna et Nixie-Elle en danger. Il fallait les sortir de là au plus vite. Ainsi, elle maintenue son cap.

Lorsque les dragons furent tous agrippés à la Tour de la Clarté, la plupart d'entre eux dont les plus petits, reprirent leur souffle. Argoshin fut l'un d'eux ; il paraissait exténué. Les conditions pour voler étaient loin d'être idéals et le stresse apporté par la situation en général n'aidait pas.

Malheureusement, le temps n'était pas de leur côté. La demi-elfe n'avait pas le loisir de rendre jugement et d'attendre l'opinion des autres. Ainsi, elle prit une décision difficile.

— Nous ne pouvons pas, pour le moment, faire confiance à Naëshirie.

La majorité du groupe lui accorda une expression choquée et confuse.

— Elle a un lien avec la Confrérie de Sombrelame et nous n'avons tout simplement pas le loisir de nous en préoccuper, expliqua la blonde. C'est ainsi pour Nixie-Elle aussi.

Elle vira son attention sur la jeune géomancienne qui baissait le regard tordu par le regret.

— Naëshirie... Tu comprends, n'est-ce pas ? Je ne te marque pas comme ennemie, mais je ne peux pas prendre le risque.

— Oui, répliqua son interlocutrice. Je comprends... Je ne dénis pas mon implication avec la Confrérie, déclara-t-elle, sa tonalité renforcée par une nouvelle bravoure. Sombrelame promettait un meilleur avenir pour Aerinda et de rebâtir les Gardiens d'Aerinda à leur état original en tant que protecteurs de l'équilibre des éléments. Ma mission était de convaincre quiconque se liait d'une profonde amitié avec moi de les joindre, exactement comme les autres double-agents.

Fayne parut dévasté tandis que Teriondil semblait incertain de son opinion sur la chose. Arièlla de son côté, était déçue.

— Azéna n'était pas une cible particulière, continua l'elfe hybride. Je n'en avais pas d'ailleurs. C'est juste une coïncidence que je me suis rapprochée d'elle. Je l'appréciais depuis bien longtemps avant même qu'on m'est recruté. Je me suis vite rendu compte que c'était une erreur quand j'ai perdu Renora. Je suis sincèrement désolé de la fourberie dont j'ai fait preuve.

Fayne, les yeux gonflés depuis la mort de Maître Trusfèx, ne s'empêcha pas quelques larmes. Buhrik lui cajola la joue de son museau, mais rien ne pourrait complètement réconforter l'herboriste. Personne ne savait quoi dire et tous gardèrent un silence lourd. Même Arièlla ne savait pas quoi en faire. Elle vacilla son attention sur Harath qui paraissait toujours courroucée par la mort de Karezèn. Elle ne reçut pas de support de sa part.

— Nul besoin de rendre jugement sur le champ, souffla doucement Teriondil. Je me porte volontaire en tant que vigil. Je surveillerai notre bonne amie et sa dragonne pendant que vous aller chercher Nixie-Elle et Azéna.

— Ça me va, approuva Arièlla. Ligotez-les, ordonna-t-elle à l'elfe sylvain ainsi qu'à la dragonne verte.

Elle se vira vers Naëshirie et lui offrit un sourire désolé, ignorant les grognements sourds de Kara.

— Ce n'est pas grave, dit la petite adolescente à la crinière neige. Je comprends et j'accepte vos précautions. Je désire prouver ma loyauté en vous. Comme tous les double-agents, je n'ais pas été marqué par Sombrelame et ainsi, je peux quitter la Confrérie ce qui est mon désir.

— Je n'ais plus d'énergie, informa Argoshin. Et je sais que je ne suis pas en position pour mériter votre confiance non plus. J'attendrai donc au sol avec eux.

Arièlla agréa et attendit qu'ils s'exécutent avant de se tourner vers Fayne.

— Comme tu le sais, Nixie-Elle est extrêmement dangereuse et je ne sais pas comment elle va réagir à notre arrivé. J'ai l'impression qu'elle garde Azéna en otage sans que notre chère tête de mule ne se rend compte de sa situation. Si les choses tournent mal, prends Azéna et sors. Je m'occupe de Nix.

Ensuite, elle s'adressa à Buhrik.

— Prends Azéna et emportes là à mes... nos parents. Ils sont restés à la maison d'après moi. Je ne les vois nul part. Azéna sera en sécurité, autant qu'elle puisse l'être, là-bas.

Le dragon au regard turquoise accepta la mission d'un noble hochement de tête.

Les adolescentes mirent les pieds à terre, Fayne avec plus de difficulté que son amie, son acrophobie toujours poignante.

— Sois prudente, murmura Buhrik en lui reniflant doucement la chevelure châtaine comme s'il aspirait son essence. Je vais aller patrouiller, mais je ne serai pas bien loin.

Harath siffla, mécontente de la situation, mais elle prit la peine de donner un petit coup de museau affectueux à sa partenaire avant de sa laisser partir.

Fayne, connaissant mieux la fenêtre, s'occupa de l'ouvrir.

À l'intérieur, la chambre était sombre et chargée d'une solitude inquiétante. Cela n'empêcha pas les deux dragonnières d'avancer à pas de loups, déterminées de récupérer Azéna.

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