Chapitre 1 (partie I)
C'était à la fin de l'année scolaire. Pourquoi est-ce arrivé précisément à ce moment ? Je n'ai pas la réponse. Mais, en y réfléchissant bien, c'est peut-être mieux. Ainsi, je n'ai pas eu à revoir les regards brûlants de mes camarades. Brûlants de haine et d'horreur.
Ce qu'il s'est passé ? C'est simple. Ma capacité s'est éveillée. Je n'ai pas compris ce qu'il se passait au début. Tout ce que je voyais, c'était mon amie se faire agresser par un garçon au pouvoir de glace dans la cour du lycée. Chaque enfant possède une capacité à la naissance qui peut s'activer ou non autour de la dixième année de vie. Comme mon amie, j'avais seize ans et je croyais qu'elle ne s'activerait jamais.
C'était une grave erreur. Les capacités des hommes sont souvent reliées à leur caractère. L'homme qui manipulait la glace et qui avait gelé à moitié mon amie avait un coeur froid et un regard aussi dur que la pierre. A ce moment-là, je n'ai pas réfléchi, je voulais la protéger de ce type qui allait la frapper. La rage et la colère sont montées en moi comme une gigantesque vague incontrôlable. Un sentiment de puissance s'est propagé dans ma poitrine en faisant grandir mon désir de la protéger. Et quelques secondes plus tard, un bouclier invisible s'était formé entre mon amie et son agresseur. Un dôme plus résistant que le métal le plus dur. L'élémentaire de glace a appuyé ses mains sur la paroi et a tenté de le geler. Sans réfléchir, j'ai contré. Ma chaleur corporelle a augmenté et la glace a fondu. Les mains de l'homme ont été brûlées au troisième degré. Les yeux émeraudes de mon amie m'ont regardés avec reconnaissance. La glace qui la retenait avait aussi fondu. Mais j'étais encore en colère, je voulais qu'il comprenne ce qu'il avait fait à mon amie, qu'il ressente la douleur et l'humiliation qu'elle avait subi.
J'ai fait disparaître le bouclier pour en former un autre emprisonnant l'élémentaire. Je l'ai rétréci jusqu'à ce qu'il soit à genou, front contre le sol devant moi et j'ai dit :
— Excuse-toi.
Tout d'abord il a refusé. Alors j'ai augmenté la chaleur des parois petit à petit. J'en avais ras-le-bol de ces crétins qui se croyaient meilleurs que tout le monde parce que leur capacité était puissante. Il se mit à crier lorsque sa peau rougit sous la chaleur. J'entendais la voix de mon amie qui me disait d'arrêter. Quand des volutes de fumée s'échappa de la peau de l'élémentaire, un garçon cria et fondit sur moi pour me stopper. Mais, comme le précédent, je l'emprisonnais et lui fit subir le même sort. J'étais incapable de construire deux boucliers en même temps, mais celui qui avait attaqué mon ami n'était plus en mesure de bouger. Ma rage et ma colère avaient atteint leur paroxysme. Pour qui se prenait-il pour m'arrêter ? N'était-ce pas là, la loi qui avait été instauré ? Les forts dévorent les faibles ; et désormais, j'étais puissante.
Quand il comprit qu'il ne gagnerait pas, il s'est excusé. Ce n'était pas les siennes que j'aurais voulu entendre mais comme l'autre n'était plus en état de parler, je me suis contenté de ça et le relâchais. Ma colère et ma rage se dissipèrent et je me suis retournée vers mon amie en souriant de soulagement.
J'aurais dû prévoir ce qui allait se passer. Elle me regardait avec horreur. Elle était terrifiée. J'ai regardé autour de moi. Tous ceux présents me regardaient désormais avec ces mêmes yeux. J'ai essayé de lui parler mais j'ai vite compris que ça ne servirait à rien alors je me suis tu. Les surveillants sont arrivés rapidement. L'un d'eux m'a attrapé les poignets et, grâce à sa capacité, a scellé la mienne nouvellement éveillée.
C'était le dernier jour d'école et j'ai passé une semaine de redressement dans un centre spécial où l'on avait interdiction de se servir de sa capacité. C'était une semaine horrible. Les moins obéissants subissaient une sorte de torture psychologique par un homme qui les confronte à leur plus grande peur encore et encore. Durant ces sept jours, je n'ai quasiment pas dit un mot. Je revoyais sans cesse l'image de ma meilleure amie, des deux garçons qui, avec du recul, tremblaient comme des feuilles, et des autres lycéens qui me regardaient comme si j'étais un monstre.
Ensuite, j'ai passé les vacances d'été à la maison. J'ai été punie par mes parents et privée de sortie. De toute façon, je n'avais plus personne à voir. Ma meilleure amie refusait de me parler, me traitait de folle psychopathe et les autres suivaient de peur d'être rejeté en se montrant avec moi. Je ne pouvais pas vraiment le leur reprocher. Mes parents cherchaient une solution. J'étais exclue de mon lycée et les autres étaient peu enclins à me laisser les intégrer.
Tout les jours, je les voyais s'inquiéter pour moi. Au fil des semaines, j'avais compris qu'ils m'avaient punis essentiellement pour la forme. Ils étaient en colère parce que je m'étais emportée mais ils comprenaient plus ou moins la raison de mes actes. Et j'avais beau sourire et les rassurer, je savais qu'ils continuaient de se ronger les sangs pour moi.
Et le dernier jour des vacances, alors que mes parents pensaient que tout était perdu, que je ne pourrais pas continuer mes études, une femme aux longs cheveux roux ondulés accompagné d'un homme en costume noir a frappé à la porte de la maison. Une fois à l'intérieur, elle m'a souri et m'a tendu un dépliant avant de se présenter sous le nom de Liméa Fale. Elle était co-directrice d'une école pour former les jeunes à utiliser leur capacité pour le bien. Elle avait, soi-disant, entendu parler de moi par hasard. Mais au fil de la discussion, je compris qu'elle avait mené son enquête.
De toute façon, je n'avais pas le choix, j'ai accepté d'aller étudier à Dawn Star Academy. J'en avais déjà entendu parler comme étant une école d'élite possédant son propre internat et située sur une île artificielle à l'ouest d'Islania, la plus grande île de l'archipel. L'école était à cinq heures de ma ville natale, Urska, en train.
Le soir même, je bouclais ma valise et mon sac. Le lendemain, j'étais dans le train avec Liméa et l'homme dont je ne connaissais ni la voix ni le prénom. Elle me conduisit à l'internat, m'attribua une chambre double en me prévenant que ma camarade de chambre arriverait un peu plus tard et me laissa m'installer. J'ai d'abord appelé mes parents pour les rassurer puis j'ai erré seule. Je ne croisais personne durant la journée et mon repas de midi fut encore plus triste en déjeunant seule dans l'immense salle. Ce ne fut que le soir que les autres arrivèrent. Ils avaient l'air d'avoir l'habitude de venir dans cette étrange école. Ils riaient sur la route en tirant leur valise derrière eux. Je n'arrivais pas à compter le nombre d'étudiants. Peureuse, je restais dans ma chambre. Ce n'est qu'à l'heure du repas que je dus sortir.
Heureusement, personne ne me remarqua. Je mangeais tranquillement en essayant de ne pas fixer les étudiants dont je croisais, par hasard, le regard.
Puis j'allais me coucher, étrangement excitée par la journée qui m'attendait le lendemain.
* * *
Je me levais, réveillée par une étrange musique douce montant en crescendo. Sur la table près de mon lit, j'aperçus une lettre que je n'avais pas vu. Comme si elle était apparut là comme par magie. Je l'ouvris.
Ludmilla Fairshield,
Voici votre emploi du temps et votre classe. D'après les informations que nous avons recueillis, vous intégrez dès aujourd'hui la classe 5. Pour vous aidez à vous repérer vous trouverez une carte avec vos salles de classe et les itinéraires les plus rapides. Ensuite, libre à vous d'explorer ou non le reste de l'académie. Dans cette enveloppe vous trouverez également votre carte étudiante qui est nécessaire afin d'entrer dans le centre d'entraînement.
Cordialement,
Liméa Fale
Co-directrice de Dawn Star Academy
Je laissais tout sur le bureau et partis me préparer à la salle d'eau de l'étage.
Au moment où j'allais retourner dans ma chambre, quelqu'un m'interpella :
— Salut ! Tu es nouvelle ?
Je souris aimablement :
— Oui, je m'appelle Ludmilla mais tu peux m'appeler juste Milla.
— Enchanté, moi c'est Isabelle ! Tu as intégré quelle classe ? Moi, je suis dans la classe 2 !
Elle était beaucoup trop excitée dès le matin.
— Je suis dans la classe 5, répondis-je.
Ses yeux se figèrent d'horreur et elle regarda autour d'elle avant de m'entraîner dans la chambre et de fermer la porte.
— Tu es dans la classe 5 ? répéta-t-elle.
— Euh... oui pourquoi ?
— Les étudiants de la classe 5 sont ceux qui, avant d'arriver ici, sont passés par une phase disons... délicate.
Isabelle se mit à jouer avec ses mains en évitant mon regard. Je commençais à la trouver vraiment bizarre, ses gestes ne me paraissaient pas naturels.
— Et alors ?
Elle soupira.
— Tous les étudiants de la classe 5 sont déjà allés dans un centre de redressement.
J'écarquillais les yeux. Tout le monde allait savoir ce qui s'était passé dans mon ancienne école. L'espoir de me faire des amis ici venait de partir en fumée. Sans comprendre pourquoi, cela me mit en colère. Pourquoi les gens devaient toujours juger les autres avant de les connaître ?
— Et alors ? sifflais-je, qu'est-ce que ça peut faire qu'on ait été dans un centre de redressement ?
Surprise par mon ton dur, Isabelle eut un mouvement de recul.
— Dé... désolé, je... je ne pensais pas que tu y soit allé toi aussi, bredouilla-t-elle.
Mais c'était trop tard, je ne voulais pas de ses excuses. La jeune fille joua avec ses cheveux bruns en rentrant sa tête dans ses épaules. J'en avais marre de ces gens qui ne se fiait qu'aux apparences.
— Je... je vais y aller, désolé de t'avoir dérangé...
Puis elle sortit de la chambre et je relâchais la pression de mes épaules. Le visage de mon amie me revint en mémoire. Ses yeux émeraudes passant de la reconnaissance à l'horreur la plus totale. Je savais que la venger de cette façon était une mauvaise idée mais... je n'ai pas pu m'en empêcher et... une fois que j'avais commencé... je n'ai pas pu m'arrêter. C'est comme si... pendant un instant, j'avais perdu le contrôle de mon corps. Comme si j'avais vécu la scène en-dehors de mon corps avant de le réintégrer et de constater les dégâts. Je secouais la tête. Ressasser ces pensées ne servait à rien. Je terminais de me préparer puis je récupérais mon sac avant d'aller prendre mon petit-déjeuner d'un pas vif et en évitant le regard d'Isabelle qui me regardait d'un air désolé.
La salle était bondée de monde et extrêmement bruyante. Je désespérais de trouver une place lorsque j'en aperçus une au fond de la salle qui était vide. J'allais m'y installer avant de dévorer le croissant que j'avais posé sur mon plateau. J'aurais dû me méfier de cette table vide parce que, à peine eus-je le temps de terminer mon chocolat chaud que j'aperçus du coin de l'oeil trois garçons... non, un maître et ses deux toutous s'approcher de la table.
J'eus le sentiment que le prochain quart d'heure n'allait pas être très agréable.
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