Chapitre 3 (partie I)

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Assise sur une chaise, je fixais le sol. Le professeur m'avait emmené dans le bureau de la co-directrice puis il était retourné dans le centre d'entraînement.

Liméa Fale était là elle-aussi. Appuyé contre une étagère, elle fixait le directeur les bras croisés. Ce dernier, un homme dans la trentaine, faisait les cents pas depuis quelques minutes.

— Peux-tu nous réexpliquer ce qu'il s'est passé ? soupira-t-il, j'avoue avoir du mal à comprendre.

Je pris une légère inspiration et levais la tête.

— Je... je ne sais pas monsieur, bredouillais-je, je ne voulais pas lui faire de mal...

— Et pourtant tu l'as brûlé au deuxième degré sur les bras, ses cheveux ont brûlés eux-aussi et sa peau gardera des cicatrices pendant une bonne partie de sa vie !

Le souvenir de "Mary" allongée au sol, inconsciente, me revint en mémoire. Mes yeux se remplirent de larmes. J'étais venue pour échapper aux regards et aux problèmes que je pouvais engendrer. Maintenant, ils allaient sans doute me renvoyer. Liméa souffla.

— Allons Salathiel, pas la peine de lui rappeler, elle souffre déjà assez comme ça.

— Liméa, je ne peux pas laisser passer ça, qui sait ce qu'elle fera ensuite ?

La co-directrice eut un rire discret.

— Allons, elle n'est pas dangereuse, son pouvoir est défensif.

Il eut une moue incrédule.

— Pourtant tu as vu le corps de la jeune fille, non ? Heureusement que Mikaël est un excellent guérisseur.

— Qui peut prétendre savoir ce qu'il se passe dans le cerveau de quelqu'un qui se sent en danger ? philosopha Liméa d'une voix plus dure, elle a dût trouver quelque chose à défendre, que ce soit elle ou autre chose.

Cette dernière décroisa les bras et se remit droite. Je ne pouvais pas croire ce que je venais d'entendre. Elle pensait sincèrement ce qu'elle disait ? Le directeur haussa les épaules.

— Admettons que ce soit le cas, quelle cause a-t-elle défendu ? la sienne ?

Liméa se tourna vers moi et me sourit.

— Souviens-toi de ce que tu as ressenti, que voulais-tu défendre ? me questionna-t-elle avec gentillesse.

Mes pensées s'embrouillaient, je ne voulais rien défendre de particulier. Puis je me souvins de l'expression de la vraie Isabelle et de la vraie Mary. Une expression de résignation pour la première et de colère pour l'autre. Mais pas de la colère envers moi. Ses yeux étaient restés braqué sur celle qui avait volé son apparence.

— Je ne sais pas si je voulais défendre mais...

— Tu vois Liméa, s'emporta-t-il, elle le dit elle-même ! Elle ne voulait rien défendre.

La co-directrice posa une main sur mes cheveux.

— Laisse-la finir Salathiel, dit-elle d'une voix douce.

Puis elle plongea ses yeux émeraudes dans mon regard azur et d'un léger signe de tête, m'encouragea à continuer. Je pris une grande inspiration pour me donner du courage. De toute façon, comme disait le proverbe : "quand faut y aller, faut y aller !".

— La fille que j'ai combattu ne voulait pas montrer son visage, elle prend les apparences des autres et joue avec comme si c'était un simple jeu. Lorsque je l'ai rencontré, elle s'est faite appelé Isabelle, puis elle a prit l'apparence d'une certaine Mary et m'a dit qu'elle s'appelait ainsi. Je n'ai pas trouvé cette attitude digne de sa capacité. Elle pourrait faire de belles choses mais préfère se cacher derrière une apparence qu'elle trouve plus belle ou une capacité qu'elle trouve plus puissante. C'est sans doute une réaction égoïste mais à la place des deux jeunes filles dont elle a volé l'apparence, j'aurais apprécié que quelqu'un la remette à sa place. Même si ma réaction n'était sans doute pas appropriée.

Durant tout mon discours, j'ai sentis mes joues devenir rouge. Et, même si j'ai réussi à me contrôler, désormais, je tremblais comme une feuille, J'étais sûre d'avoir été insolente et présomptueuse. Je baissais la tête, honteuse. Liméa éclata d'un rire cristallin et je relevais la tête, surprise.

— Tu vois Salathiel, elle n'est pas dangereuse, déclara-t-elle en insistant sur le "pas".

Mais le directeur n'était toujours pas convaincu. Il se massa la nuque et soupira.

— D'accord tu as gagné Liméa, je ne la renverrais pas, mais elle sera sévèrement punie.

— Cela semble évident, répondit-elle avec un sourire.

— Toute cette histoire m'ennuie, je dois appeler les parents de la jeune fille inconsciente, je te laisse décider de son sort.

Puis il sortit du bureau en marmonnant des choses inintelligibles. Liméa sembla se détendre et sourit.

— Hé bien, te voilà à peine arrivée que tu causes déjà des ennuis, s'amusa-t-elle en s'asseyant.

J'étais sidérée de constater que cette situation l'amusait au plus haut point.

— Enfin, je vais arrêter de te taquiner, tu dois te demander ce qui va t'arriver.

Je hochais la tête.

— Quand Salathiel a dit "sévèrement punie" c'était pour te faire peur. Nous ne sommes pas un centre de redressement et je ne compte pas t'y renvoyer, je sais à quel point c'est terrible là-bas.

— Quel est ma punition alors ? demandais-je incapable de me retenir.

— Tu seras en retenue tous les soirs, répondit-elle.

J'eus un mouvement de recul. C'était tout ? De simples heures de colle ? Je ne pouvais pas le croire.

— Jusqu'à quand ?

Le sourire de Liméa s'agrandit.

— Jusqu'à ce que je décide que c'est fini, ça commence demain soir à dix-huit heures tapantes dans le centre d'entraînement.

Je rentrais la tête dans mes épaules. Je sentais un piège. Soudain, son téléphone vibra. Elle s'empressa de le prendre.

— Tu peux y aller Ludmilla, ajouta-elle avec un signe de la main.

Je me levais précipitamment. Il fallait absolument que je retourne au centre d'entraînement pour me changer et récupérer mes affaires.

— Ah au fait ! m'interpella-t-elle sans me regarder, tu peux apporter ce dossier à l'infirmerie ?

Revenant sur mes pas, je pris la pochette qu'elle me tendait puis déguerpis rapidement.

* * *

Debout devant la porte de l'infirmerie, je pris une grande inspiration. J'allais juste remettre un dossier, c'était pas la peine de stresser. Mais, celle que j'avais brûlé était à l'intérieur. Toquant deux fois, j'entrais. Mika leva la tête au moment où je fermais la porte.

— Tu viens souvent aujourd'hui, que t'arrives-t-il ? lança-t-il.

Je lui tendis la pochette.

— Limé... la co-directrice m'a demandé de vous remettre ça.

Mika la prit et la feuilleta.

— Enfin ! s'exclama-t-il, je vais pouvoir soigner la grande brûlée.

Je tressaillis. Le remarquant, il haussa un sourcil :

— Tout va bien ?

— Oui oui, répondis-je mal à l'aise.

Il tira le rideau qui cachait la table d'auscultation et je vis les dégâts que ma colère avait causé. Sa peau était rouge, son uniforme de sport était brûlé par endroit. Mais le pire était ses bras, eux qui avaient été en contact direct avec le bouclier brûlant. J'eus un mouvement de recul.

— Au fait, tu sais ce qu'il s'est passé ? me demanda Mika en sortant son pinceau, tu étais en cours avec elle non ? elle a énervé un élémentaire feu ?

Je secouais la tête. Mes yeux se remplirent de larmes.

— Décidément, qu'est-ce qu'il t'arrive ? continua-t-il.

— C'est moi, répondis-je.

Il me regarda surpris.

— C'est à cause de moi qu'elle est brûlée.

Mika dessina un cercle magique.

— Tu es une élémentaire feu ?

— Non, je crée des boucliers et je peux les faire chauffer ainsi que ma peau pour me défendre.

Il hocha la tête.

— Je vois.

Je reculais un peu. Les remords me broyaient les entrailles :

— J'ai... jamais voulu faire ça... c'est arrivé parce que... parce que...

L'infirmier tourna la tête vers moi. Ses yeux n'exprimaient ni de la colère, ni de la pitié, il me regardait de la même façon que lorsqu'il ne savait pas.

— Tu n'as pas besoin de te justifier, je te crois.

Je me frottais les yeux. Je n'allais quand même pas pleurer alors que c'était mon premier jour, si ?

— Je dois y aller au revoir.

Il ne me répondit pas mais un sourire naquit sur son visage. Je me sauvais en courant jusqu'au centre d'entraînement. Des étudiants en sortaient en parlant joyeusement et je pus me faufiler à l'intérieur sans me servir de ma carte qui était restée dans mes affaires sur le banc contre le mur des vestiaires. Lorsque j'y arrivais, la plupart des étudiantes se turent et me tournèrent le dos. Super ! Des rumeurs allaient se propager comme des traînées de poudre. Je pris mon téléphone, ma mère m'avait envoyé plusieurs messages pour savoir comment ça se passait et si j'allais bien. Je lui répondis sans trop détailler puisque le réglement interdisait de parler de ce qui se passait ici. Sauf si de gros incidents, comme celui que j'avais provoqué, arrivaient. L'écran indiquait 15h38. Les cours étaient terminés. Certains étudiants semblaient venir aux arènes pour s'entraîner après les heures de cours. Je déguerpis rapidement pour retourner dans ma classe et m'approprier mon casier, mon sac plein à craquer sur le dos.

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