Adieu
Pas après pas, elle se rapprochait de l'officient, des demoiselles d'honneur et témoins , mais surtout de l'homme qu'elle aimait. Après des années de bonheur amoureux, ils se mariaient enfin. Il était magnifique, dans son costume gris cinq pièces, le soleil se reflétait dans le roux de ses cheveux et illuminait ses taches de rousseur. Elle était tout aussi belle, tout était parfait.
Elle n'eut malheureusement pas le temps d'arriver jusqu'à son promis, car quelqu'un dans l'assemblée se leva pour se mettre en travers de son chemin. Elle ne le reconnut pas tout de suite, et puis cela la frappa. Certes il avait quelques années de plus, mais elle se rappela de l'éclat noisette de ses yeux, le désordre de ses cheveux d'un noir de jais, et les légères cicatrices dans son cou parlait sans équivoque de son passé.
Elle était jeune et beaucoup trop fragile quand elle avait fait sa connaissance. Facilement manipulable, tourmentée par la vie, il n'avait pas fallu beaucoup pour qu'elle tombe dans ses filets. La relation était vouée à l'échec dès le départ, et lorsqu'elle avait essayé de s'échapper, pour son propre salut, après des mois de pleurs, de cris, et de violence physique et psychologique, il avait attenté à sa vie. Il s'en était sorti, sinon il ne se tiendrait pas devant elle à cet instant précis, mais les dégats qu'il avait fait, les cicatrices qu'il avait laissé, les traumatismes qu'elle avait mis des années à combattre, lui faisait presque penser qu'il aurait été mieux qu'il réussisse sa tentative.
Il était là, devant elle, la regardant de haut en bas, sans aucune considération pour l'évènement qui se déroulait, et la prit par les épaules pour lui dire, d'un ton pressé :
"-Je sais que tu m'aime encore, Line, ne fais pas cette connerie, il ne sera jamais mieux que moi."
Elle leva les sourcils et se dégagea de son étreinte, ou du moins essaya, car il avait une poigne plutôt forte, et il commençait à lui faire mal. Elle répondit d'un ton sec :
"- Antoine, lâche-moi. Tu vois bien que je vais me marier. Cela ne sert à rien. Va-t-en.
-Line, tu m'as aimé, on était fait l'un pour l'autre, on avait des projets, tu ne peux pas me faire ça. Je t'aime, on doit finir ensemble, c'est ce qui est écrit, viens avec moi."
Son fiancé s'avança et posa une main sur l'épaule d'Antoine, intervenant fermement :
"-Il vaut mieux que tu partes, mec."
Antoine lâcha les épaules de la future mariée pour se tourner lentement vers celui qui venait d'intervenir. Quelques secondes passèrent, un voile sombre passait devant ses yeux, et il leva son poing pour porter un coup au visage du promis, qui l'évita de justesse. Puis il sortit une arme à feu de sa poche, un petit pistolet qu'il pointa sur l'autre homme.
A ce moment précis, ce fut le début d'une grande agitation parmi les invités. Certains s'écartèrent de l'allée centrale, un enfant se mit à pleurer, des gens hurlèrent, d'autres se recroquevillèrent sur place ou sous leur siège. Mais Antoine n'en avait que faire des autres personnes. Il voulait seulement récupérer la femme qu'il aimait, et ce, à n'importe quel prix. Il lança froidement à Line :
"- Tu ne me laisses pas le choix, chérie. Soit tu me suis gentillement, soit ton prince charmant y passe, c'est très simple."
Line garda en apparence un calme olympien, même si son instinct lui hurlait de fuir ou de se jeter sur son ancien partenaire. Mais il ne fallait pas qu'elle cède à la panique. Elle devait récupérer le pistolet. Elle savait que quelqu'un avait appelé les forces de l'ordre, elle avait entendu les tonalités au loin, et priait pour qu'ils arrivent au plus vite, il lui fallait gagner du temps. Elle s'approcha doucement d'Antoine pour se tenir à côté de son amoureux qui s'était figé en mettant ses mains en evidence.
"-On est pas obligé d'en arriver là, tu sais. Oui je t'ai aimé, mais c'était il y a des années. C'est fini et il n'y a rien que tu puisses faire. Je ne t'aime plus, Antoine.
- Tu mens !"
Il s'agitait, ses mains qui tenait l'arme tremblaient, et il changea de cible pour viser maintenant Line.
"-Pendant des années, je savais que tu tenais encore à moi ! Tout ce que tu as posté sur les réseaux sociaux , c'était pour que je sache où tu étais, ce que tu faisais. Tu savais qu'en postant ton annonce de mariage, j'allais venir, tu le voulais ! Tu m'aimes encore, avoue !
-Non Antoine."
Un ange passa, Line sentait qu'elle tremblait, elle avait de plus en plus de mal à se contrôler. Son fiancé, à ses côtés, avait baissé les mains pour lui tenir la taille dans une vaine tentative de la rassurer. Quand à Antoine, son arme oscillait entre les deux amants, il respirait fort, on pouvait presque voir la folie émaner de lui.
Le temps s'étira, personne n'osait faire un mouvement de travers, la situation pouvait déraper à tout instant. Puis des policiers en uniforme, équipés de gilet pare-balles, rentrèrent dans la pièce, et tout s'accéléra bruquement. Antoine se tourna vers eux et tira, mais la balle rencontra le matériau du gilet, ce qui ne l'empêcha pas de se faire plaquer au sol et maîtriser. Line expira longuement de soulagement, en se serrant contre son futur mari qui lui posa un baiser sur le front. Puis, elle s'approcha d'Antoine, qui s'était fait relever et à qui on avait passé les menottes. Elle lui lança un regard froid, et lui dit :
"-Adieu Antoine. A jamais."
Annotations
Versions