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Lundi matin, j’ai passé ma première journée de l’année à m’interroger sur mon cadeau mystérieux et à comater. J’ai rêvé de pouvoir faire appel « aux experts ». Peut-être qu’avec un relevé d’empreintes on retrouverait l’auteur de ce présent ? Un peu de poudre par-ci, un peu par-là, deux clics sur un ordinateur et « bim » la photo du coupable en gros. Mystère résolu ! Dans mon scénario ça serait simple. Néanmoins, j’émets une réserve pour que l’identité de mon prétendant apparaisse sitôt rentrée dans le registre de la police. Ça sous-entendrait qu’il est connu des services de police et donc probablement qu’il a un passé criminel.
Le médaillon est très beau, raffiné, élégant et coûteux. La gravure quant à elle est …
Romantique ? Je suis dubitative. Et si c’était l’œuvre d’un psychopathe ou d’un criminel ? Pourquoi pas ? Qui graverait « Je te veux » ? Un « Je t’aime » c’est romantique. Un « je te veux ? » C’est un peu possessif ou passionné ? Ou peut-être un cri de désespoir ? Mon Dieu comment puis-je inspirer de tels sentiments à un homme ?
J’ai tenté de faire la liste des hommes que je connais mais Julie a suggéré que l’auteur du cadeau était peut-être une femme. Elle m’a demandé si je connaissais beaucoup d’hommes ayant bon goût ? C’était une boutade, mais finalement dans la folie ambiante pourquoi pas ?
Si l’identité de mon admirateur secret me laisse perplexe, le procédé également… Pourquoi ne pas venir m’inviter ou m’aborder directement ? Alors oui, ça titille ma curiosité et ça me flatte d’être désirée a priori de manière courtoise (j’hésite toujours avec le psychopathe qui pourrait m’enfermer dans sa cave pour faire de moi sa chose.) Mais aurais-je déjà éconduit ce prétendant pour qu’il m’aborde ainsi ? Lui aurais-je déjà cédé ? Ne l’aurais-je pas vu ? À quel point nous connaissons-nous ? Et si je porte son médaillon quel message renverrais-je ?
« Oui je suis à toi » ? Ça m’effraie ! Et si je ne le porte pas ? Vais-je rater l’occasion de rencontrer son expéditeur ? Est-ce que mourant d’envie de le connaître je lui envoie comme réponse « Non merci, va voir ailleurs si j’y suis »
Je me sens piégée… Un vrai casse-tête chinois. Étant du genre un peu bornée et obstinée, j‘ai beaucoup de mal à laisser les choses inachevées. Je suis du genre à me faire un marathon de séries parce que je ne supporte pas de ne pas connaître la fin. J’aime les révélations et les conclusions. Si celui qui m’envoie ce cadeau me connaît vraiment, il sait qu’il va me tourmenter et me causer de longues nuits d’insomnies. S’il m’aime vraiment pourquoi me faire ça ?
Quand je m’en suis plainte à Julie, elle m’a rétorqué qu’il souhaitait peut-être que je partage les nuits blanches que je lui causais. J’ai trouvé ça joli.
Mais maintenant qu’on est lundi matin, que je dois me préparer pour aller au travail, je ne trouve plus ça ni drôle, ni romantique. J’ai une tête à faire peur… Walking Dead ! Dois-je appeler mon cousin plâtrier pour me refaire la façade ? Je vais y passer mon tube entier d’anticerne. Pour les cheveux, un chignon fera l’affaire, mais pour mon teint olivâtre ? Opération camouflage… Fond de teint anti cerne et rouge à lèvres pétant. Attirer le regard loin de mes yeux injectés de sang et de sommeil et puis le rouge et le vert se marient bien.
Si je pouvais, je retournerais dans mon lit pour refaire le fil de ma vie et des hommes qui l’ont jalonnée. Mais le travail et Raphaël m’attendent. J’en ai mal au ventre rien que d’y penser. Dieu que c’est inconfortable de les croiser son dédain et lui cinq jours sur sept.
Et si c’était Raphaël qui m’avait fait ce présent ? Dois-je le porter aujourd’hui pour être fixée ? Ma curiosité se pose sur mon épaule droite et me susurre « oui vas-y je veux savoir… » Et mon ego se pose sur mon épaule gauche et me dit « Non, non ! Plutôt crever que de lui faire croire qu’il peut nous avoir » S’il me veut après la façon dont il m’a traitée, il va devoir ramper et un cadeau anonyme n’efface pas tout. Bien sûr que je craque toujours un peu pour lui et qu’une infime partie de moi aimerait bien qu’il soit capable de faire cela. Mais je ne suis pas stupide. Rectification, je ne suis pas si stupide que ça, et je refais rarement les mêmes erreurs. Si c’est lui, je veux des fleurs, des dîners, des chocolats. Je veux le voir descendre de son piédestal et que le monde cesse de tourner autour de son nombril et de ses chemises de marques. Alors ma décision est prise, le médaillon restera sur ma table de chevet.
Le trajet s’est passé sans embûche, j’ai même trouvé une place sur le parking qui longe le bâtiment et, bien malgré moi je me retrouve à pousser la porte du bureau avec dix minutes d’avance. Et si je profitais de cette avance pour mettre un peu d’ordre dans mes affaires et commencer cette année sur le bon pied ? J’ai décidé d’être optimiste cette année, allez savoir combien de temps va tenir cette bonne résolution ?
— Déjà là Ava ? Eh bien, dis-moi t’as une sale gueule aujourd’hui.
L’accueil amical de Raphaël me crucifie sur place et mon intelligence décampe à toute vitesse. Respire Ava, relève un peu le menton, fixe le de ton regard noir, vite, vite trouve une repartie cinglante.
— Merci, mais tout le monde n’a pas la chance d’avoir un teint éclatant de méchanceté. Bonne année à toi quand même.
Pas terrible la réplique, il ne cille même pas.
— Tu passes des nuits blanches à rêver de moi, avoue.
— Tout à fait, je nous imagine mariés, toi et moi courant dans une clairière, moi avec des pâquerettes dans les cheveux, quant à toi, oh beauté incandescente qui descend du soleil, tu baignerais dans un halo de lumière, tu porterais une toge et tu serais aimable. Si tu savais comme je chéris ce rêve et comme je prie le ciel tous les jours pour qu'il devienne réalité et que tu arrêtes de te comporter comme le trou du cul que tu es.
—J’aime ta poésie Ava. Tu es vraiment distrayante.
Distrayante ? Un sourire en coin, l’œil qui frise et vlan, c’est encore lui qui gagne. Scrogneugneu quand il sourit je rêve vraiment de la toge, de la clairière et de mes pâquerettes… Game-over Ava ! Essaie encore une fois.
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