IV
— C’est Megara, qui t’as dit de fuir ?
— Elle a raison, Jon. On est en danger, ici.
— Si je l’avais gardée, je ne l’aurais pas laissé me donner d’ordre.
— Qu’est-ce que tu aurais fait d’elle et elle de toi, hein ? C’est un barde qu’il lui fallait.
— Elle m’aurait raconté ses histoires pour m’endormir, ça aurait été parfait.
— Jon...
Devant eux, un homme vêtu d’un gambison marron venait de mettre un masque blanchâtre en forme de crâne humain. Il posa sa main sur le pommeau de son épée. La rue était large et presque vide. Deux autres Crânes s’avançaient sur leur gauche. Quatre autres venaient derrière eux. Tous portaient le même gambison et le même masque. Ils foncèrent vers la droite avant de se faire encercler. Jon dégaina son épée, prit une dague dans sa main libre. Il se retourna brutalement vers un Crâne qu’il frappa à la gorge d’un coup d’estoc, avant de faire un bond en arrière. Il siffla un coup sec. Jack lui répondit d’un sifflement long. Il dégaina à son tour et s’avança sur la gauche de son frère. Leurs ennemis s’arrêtèrent à quelques pas d’eux. Jack siffla plusieurs fois, de plus en plus vite. La troisième fois, Jon sauta sur un Crâne à sa droite. Au rythme des sifflements, il feinta un coup d’estoc à la tête, bloqua la lame adverse de sa dague et lui entailla la gorge. Il bloqua immédiatement un coup de taille d’un autre et lui entailla le poignet avec sa dague. Jack para un coup de taille vers son flanc et répliqua d’un coup de poing à la tempe. Il recula immédiatement et siffla à son frère de faire de même avant d’être submergé. Celui-ci abandonna sa dague dans la tête de son adversaire. Il esquiva un coup d’estoc et en para un autre tout en reculant.
Il arrivèrent dos au mur. Les Crânes attaquèrent. Jon roula sur le sol, attrapa le gambison d’un Crâne d’une main afin de se relever et lui estoqua le menton de l’autre. Jack para un coup d’épée, tenta une feinte à droite puis frappa de la garde la poitrine de son ennemi. Il remonta sa lame afin de lui entailler la gorge et entendit un éclat métallique près de ses oreilles. Jon éloigna la lame qui lui aurait frappé la tempe et planta sa dague dans le masque de son ennemi. Jack trancha la gorge de son adversaire. Un sifflement retentit et un Crâne s’effondra, un carreau planté dans le torse. D’autres flèches sifflèrent et tuèrent les deux restants.
Bruine de Rivetendre donna son arbalète au garde à sa gauche. Ils étaient une dizaine en tout. Une clameur retentit de l’autre côté de la rue. Des Crânes, arme au poing, guidés par un être immense à la peau rougeâtre. Des cornes de béliers s’enroulaient autour de son crâne informe. Il portait sur son épaule une grande épée.
— Nous voilà au complet, dit-il d’une voix grave. Bruine de Rivetendre, je vous provoque en duel.
— Un diable ! s’écria Megara.
— Qui êtes-vous ? demanda Bruine d’un ton neutre.
Elle détacha le grand fourreau qu’elle avait dans le dos et en sortie une épée à deux mains. Elle tendit le fourreau à un garde et s’avança.
— Je me nomme Razalgrôs.
Les deux adversaires s’avancèrent l’un vers l’autre. Razalgrôs attaqua le premier. Il porta un grand coup de taille à Bruine qui le dévia facilement avant se répliquer. Ils s’échangèrent quelques coups d’épée puis reculèrent avant de repartir à l’assaut.
— Part.
— Jon, on y va !
Bruine prenait l’avantage. Elle parvint finalement à entailler le visage du diable. Celui-ci recula en souriant. Tous entendirent un sifflement strident, puis la plaie se referma. Il porta un coup d’estoc que Bruine laissa son armure encaisser tout lui portant un coup à la poitrine. Razalgrôs grimaça. Il lui porta un coup à la tête qu’elle para. Il bloqua la lame et la frappa du pommeau de son épée. Lâchant son épée d’une main, il la frappa plusieurs fois. Elle recula, son casque était déformée par la violence des coups. Razalgrôs saignait. Il leva sa main brisée par les coups contre le casque, le sifflement strident se fit entendre, et les blessures du diable disparurent. Il s’élança contre Bruine et la plaqua au sol. Elle le transperça de son épée, mais il lui donna un grand coup à la tête avec la sienne et elle resta inerte, temporairement sonnée. Razalgrôs lui retira son casque et se releva. Il arracha de son ventre l’épée de Bruine et le jeta au sol, avant de se soigner. Bruine se releva. Elle se mit en garde. Les Crânes acclamaient leur chef.
— Vive la mort ! cria celui-ci en levant son épée.
— Vive la mort ! répétèrent-ils.
Son coup d’épée arracha une partie du visage de Bruine qui s’effondra. Le suivant lui éclata le crâne. Il souleva sa dépouille, puis la lança en direction des gardes.
— Tuez-les tous, dit-il.
Les Crânes coururent vers leurs adversaires. Les gardes, encore sous le choc, se mirent tant bien que mal en formation. Les Crânes déferlèrent sur eux et les massacrèrent. Razalgrôs s’en alla.
Jack et Jon s’étaient éloignés, mais pas suffisamment. Les Crânes les retrouvèrent. Jon dégaina aussitôt son épée. La rue était trop étroite pour qu’ils puissent se faire encercler.
— Va-t-en, Jack. Tu dois sauver Megara.
— Jon !
— Fait ce que je te dis.
— Jack, s’il te plaît.
— C’est hors de question.
Jack siffla leur signal de repli. Jon recula tout en repoussant les Crânes devant eux.
À la sortie de la rue, ils se mirent côte-à-côte, prêts à affronter leurs adversaires qui ne pouvaient sortir qu’un par un. Puis des Crânes arrivèrent dans leur dos.
Jon se tourna vers eux.
— Dès que tu vois une ouverture, tu pars.
— Je ne t’abandonnerais pas !
— Tu sais bien que si, frangin. Il le faut.
— Jack, je ne dois pas tomber entre leurs mains !
— Taisez-vous ! Je ne peux pas...
Jon sauta sur les premiers Crânes. Il se battait comme un lion. Jack se jeta derrière-lui.
— Jack arrête ! Vous allez mourir tous les deux !
Les coups d’épées tailladaient les chairs.
— Pars ou son sacrifice sera vain !
Jon repoussa finalement son frère hors de la mêlée. Un Crâne en profita pour lui planter son épée dans le dos. Jack hurla. Jon se tourna et planta une dague dans la gorge de son ennemi. Puis il lâcha son épée et s’effondra.
Jack eu un moment d’absence. Seulement guidé par sa colère et sa tristesse, il prit son luth qu’il avait gardé en bandoulière et se mit à jouer un air lancinant. Les cordes vibraient d’une façon inhabituelle mais il n’en eu conscience qu’ensuite. Lorsqu’il rouvrit ses yeux embués de larmes et vit les dizaines de corps étendus devant lui, les yeux écarquillés et les mains sur leurs oreilles ensanglantées. Puis il s’évanouit.
— Jack !
Il était dans un nuage. Son corps le faisait souffrir, mais il flottait alors cela n’avait pas d’importance.
— Jack, réveille-toi !
Jon était là, il riait. Jack ne s’en était pas rendu compte, mais il n’avait pas rit ainsi depuis des semaines. Cela lui fit du bien de le voir ainsi.
— Jack !
Le nuage était confortable, mais il se dissipa et emporta Jon avec lui.
— Tu vas bien ?
— Je crois… Où est Jon ?
Jack ouvrit les yeux et se redressa. Les corps étaient toujours là, et au milieu des Crânes, celui de Jon.
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