1.1

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Comme s’il allait revenir. Qu’il ne faisait qu’une balade, le tour du pâté de maison en fumant sa dernière clope de la journée, comme par habitude. Il rentrera avec l’odeur désagréable et insupportable de tabac, les chaussures pleines de boues. Il sera là, dans le salon, enlevant son manteau et son écharpe verte, sa préférée, avant d’enfiler ses chaussons. Oui, il sera là. Il doit être là. Il a peut-être eu un imprévu, a aidé quelqu’un à traverser. Mais à cette heure-ci c’est peu probable. De toute façon on ne prend pas cinq heures, six jours, deux mois et un an pour ça, si ? Mes proches me disent qu’il faut passer à autre chose. Mais comment alors que je sais qu’il va revenir là maintenant, juste après sa promenade, hein ? Reviens. Mais putain, tu es où ? Dites moi que je vais entendre la porte s’ouvrir. Dites-moi qu’il sera là dans quelques minutes, ici, dans la salle de bain avec son horrible odeur de cigarette. L’eau est à présent glacée. Mes doigts sont tous fripés, je tremble de froid, mais une force surhumaine m’empêche de bouger. Il va revenir. Il va s’excuser de son retard et aura une excuse bidon comme d’habitude. Comme chaque fois qu'il me dit : « il y avait des bouchons »,ou encore « j’ai fait des heures supplémentaires », alors que je sais très bien qu’il était avec cette poufiasse de secrétaire en train de faire une partie de jambes en l’air. Mais tant qu’il reste avec moi, près de moi, il peut faire ce qu’il veut. Je l’aime tellement, il le sait et en profite. Mais qu’importe. Il arrive. Il est sur le chemin. J’en suis sûre. Enfin j’espère. Peut-être depuis trop longtemps. Je ne sens plus mes membres. Je voudrais le supplier à genoux. Je voudrais l’engueuler de son retard, lui dire à quel point je me suis inquiétée puis finir en pleurs dans ses bras, grands et chauds, si réconfortant. Je pleure, oui, mais seule, seule dans ma baignoire dans laquelle je vais finir par mourir de froid et d’angoisse. J’ai pourtant pris ces médicaments à la con que cette salope de psy m’a donné, un grand sourire gravé sur son visage répétant qu’il ne reviendrait jamais. Jamais. Je ne la crois pas. Il n’est pas parti, il arrive. Dans pas longtemps la clé se glissera dans la serrure et tournera une fois avant que la porte ne grince comme pour indiquer son arrivée. Je suis pitoyable, pathétique et même ridicule. Mes larmes se mêlent à l’eau, les unes après les autres. Le temps est mis en pause, je l’attends. J’attends encore et toujours.

Ça toque. Oui ça toque ! Il a sûrement perdu ses clés, c’est pour ça ! Je sors de la baignoire aussi vite que je peux, poussée par une force inexplicable. J’enfile mon peignoir et mes chaussons avant de courir encore trempée , les larmes chaudes coulant et se perdant avec la vitesse où je traverse l’appartement. J’ouvre, un grand sourire sur le visage, de petits yeux pleins de fatigue et de larmes ainsi qu’un nez tout irrité. Ce…ce…ce n’est pas lui. Je m’écroule aussitôt sur le sol froid. C’est Dylan. Un ami de toujours qui lui aussi ne fait que radoter les mêmes choses que les autres : « il est parti, il ne reviendra pas, tu dois te reprendre en main. » Mais ce soir il était moins bavard, voire pas du tout. Pas même un « bonsoir ». De toute façon il aurait été amer et aurait sonné faux, aussi faux que les seins de la secrétaire. Non je ne suis pas jalouse. Il s’assoit sur le canapé comme s’il était chez lui . Je vais chercher une bonne bouteille pour me noyer dedans et me remettre de mes émotions. Je lui sers un verre. Ma main tremble. Et finis la bouteille au goulot. « Pourquoi t’es là ? Pourquoi toujours toi et pas lui, hein ? » Ma voix tremble. Je pleure de toute mon âme mais je n’ai plus de larme. Deuxième bouteille. « Est-ce que c’est bon au moins ? », « Bon ? Réellement ? Je sais pas. Plus rien n’a de gout. Plus rien n'est bon ou mauvais. Plus rien n’est beau ou moche. Juste sans vie, sans étincelle. Plus rien, rien, n’arrive à me faire sourire, rire, crier, rager. À pars lui. Ce qui me reste de lui. Juste ses souvenirs et ses photos. Son odeur sur ses vêtement qui se dissipe un peu plus chaque jour. Je n’ai même plus de larmes tellement elles ont coulées. Alors, vraiment, est ce que c’est bon ? Je sais pas. Je sais plus rien. » Toujours la voix tremblante. Les larmes sèches. Les bouteilles vides. Son verre est encore rempli. Je prend ce verre, l’engloutis, et le balance sur le sol de la cuisine. Le bruit résonne dans l’appartement sans vie. Comme désert. Même les mouches ne volent plus, le silence règne et les voitures klaxonnent. Je donnerais tout pour retourner au temps où les murs de la chambres tremblaient sous nos gémissements, puis au temps où les murs tremblaient sous les cris de nos disputes bien trop répétitives qui nous menaient très vite au moment où plus aucun mot était prononcé, mais à ces moments-là il était ici avec moi. « Il va revenir, hein ? » dis-je d’une voix à peine audible.« Mais putain qu’est-ce que tu comprends pas dans il ne reviendra pas, il est mort, bordel ! Mort ! Tu sais j’en ai marre , je n’ai plus la force de te supporter toi et ton inconscience. Je ne veux pas finir comme toi. Moi j’ai une famille, une femme et des enfants heureux. Alors fait le deuil. Presque 2 ans qu’il est parti, mort putain . C’est juste fini, il ne reviendra pas. » Il se leva, claqua la porte, je pouvais entendre ses pas lourds s’éloigner et me chuchoter doucement « mort…mort…mort… ». Si lui ne peut pas venir à moi je viendrai à lui.

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