9 Le choix

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Le lendemain matin j'étais retourné au travail comme un zombi. Je n'avais pratiquement pas fermé l’œil de la nuit. Les interrogations suscitées par le lieutenant Dautun tournaient dans ma pauvre tête sans repos. Je reprenais ses arguments et les miens sans pouvoir trancher la question de ce que je devais faire. Etais-je un super-héro devant assumer mon destin ou alors devais-je oublier ce fichu don et essayer de mener une vie tranquille et sûre ?

Lorsque j'arrivais dans la cour de ma boite je tombais sur un attroupement d'employés. Un délégué syndical haranguait la foule à l'aide d'un porte voix. Des cris et des coups de sifflets jaillissaient de partout.

J'avisais Paul, un collègue de la compta.

- Salut Paul. Dis moi, qu'est-ce qui se passe ici ?

Il tourna vers moi un visage fermé. Lui si gentil d'habitude avait un regard de tueur. Avant qu'il ne me réponde j'avais compris.

- On est virés ?

Il opina du chef, incapable de parler. Un employé des expéditions se tourna vers moi.

- Oui, on est virés. Tous. Il ferment la boite ici. Pas rentable qu'ils disent. L'avenir du groupe se passera en Europe de l'est, Pologne, Slovaquie ou que sais-je encore. Les salauds, depuis des années ils s'en mettent plein les poches pendant que nous trimons et maintenant ils nous jettent comme des Kleenex usagés.

Je me sentis brusquement las. La vacuité de mon existence m'écrasait. Qu'avais-je fait pendant toutes ces années et à quoi cela avait-il servi ? Je décidais de rentrer chez moi.

Passant devant la supérette j'entrais y acheter de quoi manger. Le patron, heureux de me voir revenir malgré l'attaque dont j'avais été témoin, m'avait à la bonne. Enfin pas pour me faire des ristournes, il ne faut quand même pas rêver, mais dès qu'il m'apercevait il venait me faire la conversation.

- Vous passez de bonne heure aujourd'hui. En vacances ?

Je n'étais pas d'humeur à apprécier l'humour involontaire de sa question. Je grognais ma réponse plus que je ne la dis.

- On peut appeler ça comme ça. Des vacances, ouais !

Il dut sentir que le sujet était délicat car il en changea rapidement.

- A propos vous m'aviez demandé des nouvelles de Mademoiselle Antonin. Je lui ai rendu une petite visite hier. Elle est dans un sale état. Sa sœur était là pour l'aider à faire ses bagages pour un séjour en... maison de repos.

Je traduisis immédiatement « maison de repos » par « internement ». C'était sans doute exagéré mais mon humeur était sombre et pessimiste. Je sentais mon monde se désagréger et cette perte de repères m'angoissait. Jusque là ma vie était réglée comme du papier à musique : déjeuner en lisant les dernières nouvelles, travail toute la journée et petit sourire de mademoiselle Antonin lors de mon passage en caisse. Ce n'était pas vraiment exaltant mais cet enchaînement de rituels me rassurait.

En rentrant chez moi je m'écroulais dans un fauteuil et laissais mon esprit tourner à vide.Tout ce qui comptait pour moi avait disparu. Au bout d'un moment je me rendis compte que j'avais oublié de ranger les produits frais au réfrigérateur mais je ne trouvai pas la motivation pour me relever.

Combien de temps dura mon apathie, je n'en sais rien. Plusieurs heures sans doute, jusqu'à ce que mon téléphone sonne. Machinalement je décrochais. C'était le lieutenant Dautun. Sa voix autoritaire me parut incongrue. Elle au moins était motivée et les yeux fixés sur son objectif.

- Alors monsieur Lefranc qu'est-il sorti de votre procrastination ? Vous me suivez ou vous vous dégonflez ?

- Je vous suis.

J'avais répondu sans réfléchir sinon je n'aurais jamais dit ça, Elle sauta sur l'occasion. Sans doute avait-elle peur que je fasse marche arrière.

- Très bien. C'est une bonne décision. Je passe vous voir demain soir pour que nous envisagions l'avenir. Bonne soirée.

Je restais ahuri par la rapidité des événements, le téléphone encore collé à mon oreille bien qu'elle ai raccroché depuis longtemps,

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