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J'aime beaucoup la cuisine de Mamie Louise, surtout ses paupiettes de veau. D'ailleurs elle vient de remarquer mes yeux avides lorgner le dernier morceau.
— Sers-toi mon grand ! T'as besoin de prendre des forces à ton âge, dit-elle avec sa douce voix de grand-mère.
— Ah ! Je vois que Dany a plus d'appétit que pour les légumes ! constate mon père avec sarcasme.
Je ne réponds même pas, il place toujours une petite pique dès qu'il le peut. En écoutant la conversation, j'essaye de faire durer le plaisir en mâchant chaque morceau avec lenteur, tâche difficile lorsqu'une viande si délicieuse baigne dans la bouche. Heureusement que ces petits plaisirs culinaires existent quand je vais chez Mamie Louise. Ils m'aident à supporter les bavardages soporifiques qui accompagnent les repas. Impôts, travail, voisins pénibles, la vie des gens. Voilà en quelques mots sur quoi tournent les discussions. Aussitôt ma paupiette avalée, Mamie Louise va chercher le fromage pendant que Maman se plaint d'une collègue tout le temps en arrêt maladie. Le plateau à peine posé, je me sers un morceau de bleu.
— Ça va Mickaël ? T'en es où à l'école ? demande ma grand-mère à mon frère, afin de relancer la conversation après un léger silence.
— Je passe mon bac pro électricité à la fin de l'année.
— Et ça te plaît ?
— Oui... C'est le métier que je veux faire.
— J'aurais préféré qu'il fasse un bac général, il avait le niveau, mais bon... C'est lui qui a choisi, puis il paraît que c'est très demandé... ajoute ma mère avec une pointe de déception.
— Arrête avec ça ! Y a pas de honte à faire un métier manuel, moi je suis carreleur et je suis pas à plaindre niveau salaire... réagit mon père.
— Et l'état de ton dos il est pas à plaindre ? Puis j'ai jamais dit que c'était honteux, rétorque Maman.
Mamie achève ce début de dispute en proposant un dessert. Je lui demande si elle a des Danettes à la vanille. Elle acquièce et m'en apporte une.
— Eh ? C'est pas une Danette...
Elle m'a donné une imitation certainement sortie d'Aldi.
— Si t'es pas content tu manges pas puis c'est tout ! réagit mon père.
Je me souviens avoir entendu plusieurs fois mon père dire que Mamie touche une maigre retraite, c'est pourquoi elle fait souvent ses courses à Aldi. Bon... Je vais vite avaler cette crème avant de pouvoir enfin quitter la table. Mamie allume la télé. Les informations parlent d'un pétrolier naufragé au large des côtes bretonnes. Le bateau, nommé l'Erika, est brisé en deux et s'apprête à couler comme le Titanic. Une éventuelle marée noire serait à craindre.
Je m'en fous. De toute manière, les journaux télévisés ne relatent que des évènements négatifs. À croire que les gens s'intéressent à l'actualité plus pour s'injecter une dose de stress que pour s'informer. Une drogue servie à une population en proie à l'ennui, en mal de sensations fortes...
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