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    C'est regrettable que le temps ne soit pas plus à l'image d'un début de printemps. L'herbe mouillée nous empêche de nous allonger au sol. Un petit flirt discret sous les sapins du parc de Haute-Claire, à l'abri des regards malvenus de quelques enfants intéressés par un spectacle subversif pour leur jeune âge, ne m'aurait pas déplu. Nous avons finalement pris place sur un banc situé en amont du parc, loin des jeux et autres parcours sportifs. C'est déjà une bonne chose qu'il ne pleuve plus.

    — Pourquoi t'as pris ton sac de cours Dany ?

   — Ma mère pense que je suis à la bibliothèque pour travailler.

    Un sourire choqué et épaté illumine son visage. La belle intello doit être fascinée par le petit rebelle qui sort le mercredi après-midi au lieu de travailler. — T'as besoin de mentir à ta mère pour sortir ?

    Mouais... En fait elle se moque du petit garçon qui n'a pas le droit de quitter le lotissement sans la permission de Maman. Un air sérieux remplace vite son rire taquin.

    — Dany ? Tu sais ce que j'ai écrit dans mes lettres ?

    — Euh... oui.

    Elle fait sûrement allusion à ses messages d'amour.

    — Je le pense vraiment. T'es mon premier vrai chéri. T'es quelqu'un de doux, attentionné et marrant. En plus t'es mignon.

    Petit sourire pour la remercier, les yeux plongés dans ses iris bleus. Le silence qui s'installe me semble fait pour être comblé d'un baiser chaleureux, comme dans les films. Nos lèvres se frôlent à peine qu'elle tourne la tête, non pas par refus de mon baiser, mais par nécessité d'exprimer sa pensée.

    — Quand je t'écris que je t'aime, je suis sincère. Je sais, à travers tes lettres, que tu m'apprécies beaucoup, mais tu ne m'as jamais vraiment dit si tu m'aimes ou pas...

    Que vais-je lui répondre ? Dans le fond je ne désire qu'une chose : coucher avec elle. J'ignore si c'est réciproque, mais elle m'aime. Et il me semble qu'une fille a besoin d'être amoureuse pour coucher. C'est ce que je vois dans les films. Eva est jolie, sympathique, elle m'obsède, mais je ne pense pas l'aimer. Je l'aime beaucoup. Mais c'est pas l'amour tel qu'il est montré dans les films. D'ailleurs je ne vois pas trop ce que représente dans la réalité l'amour qui nous est montré au cinéma. Mes parents ne manifestent jamais leur amour l'un pour l'autre. En tout cas pas devant moi. J'ai même toujours pensé qu'ils s'apprécient comme deux amis. Au final, je n'arrive pas à savoir ce que c'est que l'amour. Je n'en connais pas les symptômes.

    — Moi aussi je t'aime Eva...

   — C'est vrai ?

    Le soulagement, sur son visage, est aussi visible que son nez. Je ne peux qu'acquiescer d'une voix franche. Et voilà qu'elle se jette sur moi avec une fougue enfantine. Nous nous prenons dans nos bras. Cette étreinte me réchauffe. Cette fille qui nous regarde de la rue m'intrigue. Il me semble que c'est... oui c'est elle ! Laurianne. Je me demande à quoi elle pensait, elle paraissait bizarre. En plus c'est une pote à Ophélie, j'espère qu'elle ne va pas lui raconter ce qu'elle a vu. Sinon me voilà dans de beaux draps...

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