— Dany ! Tu peux me répéter ce que je viens de dire ?

    Petit malaise ! J'étais en train de discuter, donc elle sait que je ne pourrais pas répondre à sa question. Je constate son sourire vicieux, sourire de femme se plaisant à humilier les hommes. Salope... Je la regarde, l'air hébété, puis lance un je sais pas faussement honteux.

    — La prochaine fois que je te reprends à discuter tu me donneras ton carnet, compris ? Et c'est valable pour toi aussi William !

    Agacée, elle reprend l'étude de ce texte qui relate une tranche de vie d'une famille chrétienne. Ses cours sont toujours aussi ennuyeux.

    Si encore il n'y avait que les cours pour m'assommer... Je m'ennuie dans cette classe. Elle est moins drôle que ma première quatrième. Il y a William avec qui je m'entends bien mais c'est à peu près tout. Caroline me plaît, physiquement, avec son style punkette à franges rouges. J'ai déjà tenté une approche avec elle. Sans succès. Elle me trouve con. J'ai même essayé avec Kaleyan, la petite Chinoise toute mignonne. Elle m'a repoussé d'un simple regard. Ses pensées, aussi limpides qu'une eau pure, étaient pleines de mépris. Depuis que j'ai rompu avec Eva, j'essaye de me trouver une copine sympa. D'ailleurs ma rupture avec mon ex de Mâcon s'est faite sans douleur. Pourtant elle me plaisait vraiment et c'était réciproque. Du moins jusqu'au jour où elle m'a annoncé la nouvelle par téléphone. Pour de vagues raisons. C'était une semaine après la soirée chez Roubine. Elle paraissait distante, me parlait d'une voix moins chaleureuse que d'habitude et prétextait la distance géographique. C'est vrai qu'il nous était difficile de nous voir, mais bon... Aujourd'hui c'est célibat. La prof interroge la classe...

    — À quoi fait référence le mot Cendres dans le texte ?

    Ah oui les Cendres... L'image de Mamie le front couvert d'une croix grise me revient. Pour une fois que je connais une réponse, je vais lever la main. La prof semble choquée...

    — Dany ?!?

    — Au premier jour du Carême.

    La prof, bouche bée, me demande de développer.

    — C'est un jour où les chrétiens se font tracer une croix sur le front avec de la cendre. Si je me rappelle bien, le but est de rappeler aux fidèles un passage de la Bible qui dit que nous sommes poussière et que nous resterons poussière, que nous devons gagner notre pain par la sueur, enfin quelque chose du genre.

    Là j'épate tout le monde, surtout la prof.

    — Ben dis donc Dany... tu participes pas souvent mais quand tu participes tu fais pas semblant !

    Qu'est-ce que tu croyais ? Quatre ans de catéchisme plus une grand-mère qui me berçait à coups de paraboles, ça laisse des traces. Grâce à elle, je connais toutes les fêtes catholiques et une flopée de termes religieux. Elle me l'a souvent sorti, ce passage sur la poussière et la sueur, pour me faire travailler à l'école.

    Je disais donc qu'il me faudrait une copine sympa. Et jolie ça va de soi. Pas coincée non plus. J'en ai marre de ces filles qui font la grimace dès que ça parle un peu de sexe. Pervers par-ci, obsédé par-là. Quand je traîne avec des mecs, y en a toujours au moins un qui a déjà couché ou fait des préliminaires. Même à la radio, le soir, chez Max ou Difool, j'entends des témoignages d'histoires de fesses venant de gens de mon âge. Comme si j'étais le seul aimant à saintes nitouches sur cette terre !

    Ah oui sinon il y a cette nouvelle. Agathe, la Lyonnaise installée à Villefranche depuis cet été. Je n'ai pas encore eu le temps de bien la connaître, ça ne fait que quelques semaines que les cours ont repris, mais elle m'intrigue. Parfois elle m'observe, se croyant discrète. En plus elle est charmante, avec ses cheveux châtains mi-longs, ses yeux noisette, son nez retroussé et sa peau dorée. En principe j'ai une préférence pour les peaux blanches mais j'aime le grain de peau d'Agathe. D'ailleurs en ce moment elle se retourne sur moi. Sa tête a vite fait demi-tour au croisement de nos regards. Je sens que nous deux ça va le faire...