Voyons voir ces photos tout juste développées... Pas mal ! Elles vont plaire à tout le monde. Je me rappelle du jour où nous avons réintroduit cette tortue Matamata à la carapace blanche et dentelée, au cou très long, qui se fondait dans le paysage telle un caméléon. Un bon souvenir. Eux non plus je ne les oublierai jamais, ces singes capucins effrayés par leur reflet, face au miroir d'Esteban.

    Le retour en France m'a pincé le cœur. Je vais profiter d'un repos bien mérité avant de commencer la fac dans trois semaines. En ce début de soirée, le soleil brûle encore le centre ville clairsemé de Villefranche. Je m'installe sur un banc en face d'une usine à l'origine de cet agréable parfum de céréale qui remplit l'air, dans la rue de l'établissement scolaire où j'ai passé sept ans, trop impatient pour attendre la soirée chez Clotilde et découvrir les photos avec elle.

    Trois lettres écrites au blanc correcteur captent mon attention. Flo. Une image traverse mes pensées : Ophélie écrit mon diminutif après m'avoir dit qu'elle me considérait comme un frère. On était en sixième, à l'approche des vacances de la Toussaint. On sortait d'un fou rire dont j'ignore la cause. Ah si ! Cette grand-mère à lunettes, aux cheveux blancs, coiffée d'un chignon, qui parlait toute seule en levant son parapluie comme si elle engueulait un homme invisible, venait de nous passer devant. On la croisait souvent en sortant du collège. Une autre époque. Ophélie souriante, encore petite fille, innocente, avant la chute.

    Je me sens bizarre. C'est étrange d'éprouver du plaisir à ressasser une pensée et de vouloir la chasser de son esprit dans la seconde qui suit...