8
— Du coup John on se voit demain à la bibliothèque, pour préparer l'exposé ?
— C'est ça! À14h00 ! À demain Florent !
— À demain !
J'ai encore une heure de cours, John vient de partir, Simon est absent, Ophélie, entourée de quelques copines, se repose dans les bras de Dany, je me retrouve donc seul. Pas grave, les cours reprennent dans cinq minutes. Tous les bancs sont occupés. Dommage... Quoique sur l'un d'eux se trouve un mec seul, d'un air froidement neutre, ni heureux ni malheureux. Ses cheveux mi-longs, noirs comme du pétrole, terminent leur descente au niveau du menton sous forme de pointes fourchues. Une acné localisée sur son front enlève un peu d'innocence à son visage enfantin. Il est vêtu d'un simple jean bleu et d'une chemise blanche à manches longues. Je le vois souvent assis seul sur ce banc. Je vais lui rendre visite, quelqu'un lui adressera la parole pour une fois.
— Salut !
L'étonnement semble l'envahir. Il paraît même un brin crispé et répond à mon salut d'un vague mouvement de tête.
— Ça va ?
— Oui...
Son oui sonne comme un oui pourquoi cette question ?
— Comment tu t'appelles ?
— Etienne.
— T'es en quelle classe ?
— 3ème 2.
En troisième ? Je le voyais plus jeune que moi.
— Tu traînes pas avec tes amis ?
— Non.
— Pourquoi ?
Son haussement d'épaules exprime un je sais pas. À mon avis il ne parle à personne dans le collège. Il regarde le sol, honteux. Pas loin de nous, Arthur, Dany et Jason entament un combat de feuilles mortes. Ils se servent dans l'amas de feuilles laissé dans un coin.
— Sinon ça se passe bien en cours ?
— Ça va...
Hé ! Qu'est-ce qui se passe ? Un petit paquet de feuilles heurte mon visage. Etienne a subi le même sort.
— Vous êtes lourds ! Sérieux... dis-je agacé.
— Non pas Florent ! Il est gentil !
Cette sollicitation vient de Laurianne qui traîne dans le coin et les connaît. Les trois compères en tiennent compte et poursuivent leur jeu sur ce pauvre Etienne. Deux tas de feuilles échouent sur sa face. Quelques unes, mouillées, restent plaquées sur ses habits. Son visage fermé, rempli de nervosité contenue, se retrouve souillé de boue.
— Bande de cons... lâche Etienne d'une voix faible, à peine audible, dans un sursaut de fierté très vite avorté par la peur.
— Comment ? demande Arthur voulant en découdre.
Etienne, tête baissée, trop effrayé par la perspective de subir une humiliation pire que la première, se tait.
— Ouais ouais... ajoute Arthur, le regard conquérant.
— C'est bon laisse tomber Roubine, conseille Dany.
Je me demande d'où vient ce surnom... Les trois types s'éloignent en même temps que retentit la sonnerie. Je regarde Etienne une dernière fois. Il n'a pas l'air si étonné de ce qu'il vient de lui arriver. À l'avenir j'essaierai de rester un peu avec lui, il a besoin d'un peu de compagnie...
Annotations