La prière
Du haut de ce qui fait
mon corps et mon esprit,
des monts que forment mes seins,
de la rivière qui coule en mes hanches,
du fruit qu'est mon sexe,
des chemins qu'allongent mes jambes,
des forêts que cultivent mes poils,
des éclairs que gravent mes vergetures,
de la montagne qui sculpte mon nez
des braises qui fondent en mes yeux,
j'ai appelé les divines féminités
et elles m'ont appris
que tout ce qui me lie à moi
n'est autre que la nature
dans laquelle
j'ancre mes pieds,
et soudain je me rappelle,
cet été,
moi, dans la mer,
où j'ai senti
chaque parcelle de mon corps
dans le mouvement du sel,
où j'ai aimé,
l'étreinte humide
et douce de l'écume,
puis j'ai apprécié
chaque grain de sable
qui s'est collé à mes pieds,
comme cette chair naturelle
qui s'attache à l'humain,
et qui le rend modeste
enfin,
je n'ai plus cherché
à échapper au vent
et j'ai écouté son chant
me murmurer
et me hurler
tous ses secrets
ces déesses
dont leur richesse,
que j'ai senti,
au fond de mon âme
et de mon coeur,
sont l'absolue protection
et l'immense réconfort
d'être femme
car la peine,
la souffrance
et le courage
sont des combats
et que toutes
sont soeurs
et que rien,
ni les amours meurtris,
ni les deuils,
ni la mort,
ne nous sépareront,
qu'entre nous
sont liés
des fils invisibles
que les divinités ont tissé
et cette oeuvre
forme ce chapiteau
sous lequel nous nous retrouvons
face à l'atrocité du monde
pour nous rappeler
qu'aucun sexe faible n'est
que l'amour
la sororité
la nature
vaincront toujours
Du haut de moi,
j'ai cherché du regard
la lumière
dont tu n'as laissé
que des cendres.
Au fond, là-bas,
à l'intérieur,
entre les fracas
de la foudre
et les morceaux
du coeur,
à travers la pluie
qui brouille les iris grises,
j'ai aperçu son toit,
j'ai glissé sous cette toile,
et je les ai trouvé.
Abattue,
j'ai posé ma tête
sur l'épaule
de l'Une d'entre elles
et j'ai fermé les yeux,
je me suis endormie
puis je ne me suis plus réveillée
qu'en ayant compris
le pouvoir avec lequel
je suis née
et surtout,
je suis devenue.
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