V
Deux jours passèrent et Kélima commençait déjà à se lasser des cours de bienséance. À la demande du Roi, Dérterus était particulièrement strict. Camélys était persuadée que le conseiller était aux anges et après seulement deux cours, Kélima adhérait déjà à cette pensée. La veille, Dérterus lui avait fait travailler encore et encore sa posture assise, car, « Une princesse ne s’assied pas comme une arsouille ». Camélys avait bien sûr éclaté de rire pour le choix du mot, mais le dos de Kélima, lui, était bien trop meurtri pour lui permettre ne serait-ce qu’un ricanement. À peine quelques heures plus tôt, celle-ci avait subi un cours éprouvant avec Maricaus qui semblait particulièrement tendu.
Alors que le jour du bal se rapprochait, l’épuisement de Kélima augmentait péniblement. Elle s’efforça cependant de ne rien montrer, trop pressée de voir Démerss. Le soldat n’était pas de service de la journée, par conséquent l’adolescente lui avait proposé de passer quelques heures tous les deux. Cela compenserait le fait qu’ils ne pourraient ensuite se revoir avant le bal. Elle devait le rejoindre à l’extérieur du château dans moins d’une dizaine minutes, aussi se dépêcha-t-elle de se préparer.
Tandis qu’elle se dirigeait vers la porte, Kélima décida de faire un détour par les cuisines. Lorsqu’elle entra, les cuisinières et cuisiniers la saluèrent joyeusement. L’adolescente leur fit un grand sourire puis elle attrapa deux pommes jaunes dans un panier de fruits et se précipita vers la sortie. Elle traversa la cour d’un pas rapide et les gardes lui ouvrirent la porte. Démerss l’attendait de l’autre côté et en la voyant.
— Bonjour, presque princesse, la salua-t-il.
— Arrête de m’appeler comme ça, murmura-t-elle en lui lança l’une des deux pommes.
Le soldat l’attrapa et croqua dedans.
— Alors que veux-tu faire ? lui demanda-t-il.
— On se balade ? lui proposa l’adolescente.
— Parfait, accepta Démerss.
Kélima sourit de plus belle et attrapa le bras de Démerss avant de se mettre à marcher. Allant d’un vendeur à un autre, lorgnant les différentes nourritures et snobant quasiment tout le reste Kélima restait collée à Démerss. Cependant, quand son regard fut attiré par un étal de bijoux, elle s’arrêta pour s’en approcher. Ses yeux se posèrent sur un fin bracelet de fils colorés tressés ensemble et serti de perles en bois. Le soldat sourit.
— Combien pour le bracelet ? demanda-t-il à la vendeuse qui observait Kélima avec attention.
L’adolescente se tourna vers son ami, surprise.
— Six kârs, jeune homme, répondit la vendeuse en souriant.
Kélima manqua de s’étouffer avec sa propre salive en entendant le prix. Dans un village, six kârs suffiraient à nourrir une famille pour au moins quatre jours. Étant donné la grimace qui était apparue sur son visage, Démerss s’était probablement dit la même chose. Cependant, le prix était en adéquation avec Klairmonta. La seule ville du pays où tout le monde avait de l’argent à revendre.
— C’est l’un de nos moins chers, ajouta la femme en fronçant les sourcils.
Démerss sortit six pièces en argent d’environ deux centimètres de diamètre et sur lesquelles étaient gravées deux tiges de roseaux. Il les tendit à la femme qui, après les avoir rangées, lui donna le bracelet.
Kélima fronça les sourcils quand il lui tendit le bijou.
— Écoute, commença son ami. Je sais que tu as les moyens de te payer à peu près tout ce que tu veux, mais aujourd’hui je veux t’offrir un cadeau. Certes, au vu de mes finances, c’est sûrement le seul et le plus cher que je peux te faire, mais je veux que tu l’acceptes, car je veux que tu aies quelque chose qui vienne de moi. D’accord ?
La jeune fille pencha la tête sur le côté, sourcils toujours froncés, puis elle se redressa et lui tendit son poignet.
— D’accord.
Kélima eut un frisson lorsqu’il frôla sa main pour lui attacher délicatement le bracelet. Une fois le bijou à son poignet, elle y jeta un œil puis, satisfaite, elle adressa à Démerss un sourire radieux.
Kélima et Démerss étaient allongés sur l’herbe dans la clairière. Après quelques heures de promenade sans but, ils s’étaient installés là sous les recommandations de l’adolescente. Le soleil dans les yeux et le sol humide semblaient déranger Démerss et Kélima s’en amusait.
— Moi qui vis dans un château, je supporte mieux l’herbe mouillée, remarqua-t-elle en riant.
Le jeune homme fronça les sourcils et poussa un petit sifflement avant de se redresser. Il arracha une touffe d’herbe et la jeta sur Kélima qui répliqua presque immédiatement par une poignée légèrement boueuse.
— Eh ! s’exclama Démerss.
Kélima éclata de rire sous les protestations de son ami puis se rallongea et ferma les yeux.
Le sang, qui glissait lentement sur ses doigts, donna un haut-le-cœur à Kélima. Au bord des larmes, elle frotta ses mains avec ce qu’elle trouvait, tentant de faire partir le liquide rouge.
— Non… Non… Pitié… Non… psalmodiait-elle.
Frottant toujours plus, elle s’écorcha. Son propre sang se mêla à celui qui continuait d’abonder tandis qu’elle pleurait désormais à chaudes larmes.
— Kélima !
Ouvrant les yeux, Kélima découvrit un ciel nuancé de lueurs orangées, qui indiquait la fin de l’après-midi. Se redressant vivement, elle comprit qu’elle s’était endormie. L’adolescente tourna la tête vers Démerss qui l’observait avec inquiétude. Une sensation désagréable lui fit porter une main à son visage. Elle glissa ses doigts le long de sa joue et espéra naïvement que l’humidité était due au sol mouillé sur lequel elle s’était allongée et non à des larmes.
— Kélima ? murmura le soldat.
L’adolescente détourna brusquement la tête.
— Ce n’est rien, tu as fait un cauchemar, tenta de la rassurer Démerss. Ça arrive à tout…
— Il faut que je rentre, le coupa Kélima en se levant. Je suis en retard pour mon cours.
Sans attendre de réponse, elle se précipita hors de la clairière et traversa la forêt d’un pas rapide, Démerss sur les talons. Il resta derrière elle en gardant le silence. Plus d’une fois, le soldat s’était retrouvé témoin de l’une des crises d’angoisses de son amie. Il avait à plusieurs reprises tenté de connaître les traumatismes qu’elle cachait, cependant, les réactions violentes de Kélima l’avaient dissuadé de continuer ses interrogatoires.
Une fois la forêt et la ville traversées sans échanger un seul mot, Kélima se tourna enfin vers Démerss.
— Je suis désolée, murmura-t-elle.
Le jeune homme fronça les sourcils.
— Désolée d’avoir gâché cette journée, expliqua Kélima en baissant la tête.
— Tu n’as rien gâché Kélima, la rassura Démerss en souriant gentiment. J’ai adoré passer du temps avec toi aujourd’hui.
La jeune fille esquissa un minuscule sourire qui, presque immédiatement, céda la place à une expression horrifiée. Le soldat se retourna. Le roi, suivi par ses nombreux gardes, approchait du château. Il semblait en grande discussion avec un homme qui marchait à ses côtés. Lorsqu’il vit Kélima, il lui adressa un grand sourire qui diminua lorsque son regard se posa sur Démerss.
— Qui êtes-vous ? demanda le roi une fois à leur niveau.
Son ton glacial déstabilisa le soldat, qui resta un instant bloqué avant de saluer précipitamment le souverain.
— Démerss Kerlïs… Militaire de grade trois… Majesté, bafouilla-t-il.
— Que faites-vous ici ? questionna sèchement le père de Kélima.
Démerss tourna la tête vers son amie, espérant qu’elle réponde à sa place et le tire de cette situation gênante, mais l’adolescente, incapable de voir la gêne chez le soldat, avait les yeux rivés sur l’homme qui accompagnait son père. Ce visage reconnaissable entre tous lui donna la nausée. Elle cacha ses mains tremblantes derrière son dos tandis que l’homme lui adressait un sourire.
— Jeune homme ? Je vous ai posé une question, il me semble, insista le roi.
— Je… Euh… Je suis là pour… bredouilla Démerss.
— Pour moi, s’exclama Malika Amendi.
La voix de la lady tira Kélima de l’effroi dans lequel elle se trouvait. Elle se retourna vers Malika.
— Lady Amendi. Alors ce jeune homme est là pour vous ? demanda le souverain.
— Oui, mentit Malika. Je l’ai rencontré alors que je me promenais dans la rue. Je ne trouvais plus mon chemin et à vrai dire, il m’a bien aidée. Je voulais le remercier convenablement. Je lui ai donc demandé de passer. Je n’aurais pas dû ? Si c’est le cas, je m’en excuse.
— Non aucun problème, Lady, la rassura-t-il avant de se tourner vers Kélima. Mais tu semblais le connaître…
— Oui, je le connais, confirma l’adolescente d’une voix abîmée. Démerss est un ami.
— Je vois, répondit son père en fronçant les sourcils avant de reprendre : bien, monsieur De Posenhol, si vous voulez bien me suivre, nous allons discuter à l’intérieur.
Kélima les observa partir, les jambes flageolantes. Une fois les deux hommes et la garde dans la cour du château, Malika s’approcha de la jeune fille.
— Kélima ? Tu connaissais cet homme ? lui demanda-t-elle d’une voix douce.
En entendant qu’on lui parlait, Kélima détourna le regard.
— Non, répondit-elle catégorique.
L’adolescente adressa un rapide au revoir à Démerss avant de se précipiter vers les jardins du château.
Assis en tailleur, Maricaus attendait Kélima. Ses bras croisés sur son torse et le regard sévère indiquaient à la princesse qu’elle s’apprêtait à recevoir un savon.
— Je sais que vous êtes dans une période difficile de votre vie, gronda-t-il en se levant. Votre cœur est piégé dans les troubles de l’adolescence et je compatis, je vous l’assure. Cependant, il y a des limites. Que les choses soient claires, j’ai beaucoup mieux à faire de mon après-midi que de vous attendre. Mes cours ne sont pas un caprice que vous pouvez vous offrir et délaisser quand vous le souhaitez. Soit vous êtes sérieuse et vous apprenez, soit c’en est terminé de ces cours.
— Je suis… commença Kélima d’une petite voix.
— Pas d’excuses ! Allez-vous être sérieuse avec ces cours ? demanda sèchement Maricaus.
— Oui, assura la princesse avec détermination.
— Bien, il ne reste pas beaucoup de temps, alors on s’y met maintenant, ordonna son professeur.
Durant les quelques minutes restantes, Maricaus fit travailler Kélima avec plus d’ardeur que précédemment. Ne s’en plaignant pas, celle-ci accepta le mécontentement de son professeur et travailla dur. Alors qu’elle parait l’un des coups, son regard fut attiré par la présence de Malika Amendi plus loin dans les jardins. La lady l’observait en compagnie de Démerss. Kélima perçut l’air sombre sur le visage de son ami et s’en étonna.
— De la concentration ! la sermonna Maricaus.
Kélima reporta automatiquement son attention sur son professeur qui, pourtant, observait également l’étrange duo.
Après son entraînement, Kélima avait rejoint sa sœur au cours de bienséance. Les deux adolescentes avaient ensuite regagné la salle de réception pour le dîner. Malika les y attendait, assise à une table recouverte de victuailles. Kélima voulut lui demander de quoi elle avait bien pu parler avec Démerss, mais se ravisa. Le roi, toujours en conversation avec son invité, ne se présenta pas au dîner. Ce n’est que lorsque les deux princesses se levaient qu’il entra en toute hâte.
— Ah ! s’exclama-t-il en souriant. Je ne suis presque pas en retard.
— Si. On a fini de manger, contra Camélys en quittant les lieux.
Le roi soupira. Malika le salua brièvement avant de prendre congé tandis que Kélima, elle se rassit à côté de son père.
— Il y en a au moins une qui ne me laissera pas manger tout seul, plaisanta-t-il.
Kélima lui sourit et entremêla ses doigts dans un geste d’angoisse.
— L’homme de tout à l’heure, pourquoi était-il ici ? demanda-t-elle.
Il lui jeta un œil surpris.
— Hum, le seigneur De Posenhol ne sera pas présent au bal. Sa femme est gravement malade, lui expliqua le monarque. Sachant que les négociations durent parfois jusqu’à plusieurs jours et que le trajet pour venir ici est assez long pour lui, il a estimé que cela le ferait partir trop longtemps. Il m’a donc demandé de négocier pour lui. C’est un homme plutôt important dans notre société, je ne pouvais pas lui refuser sa part des négociations.
Kélima acquiesça silencieusement avant de rapidement changer de sujet.
Les jours qui suivirent furent monotones. Kélima se levait, mangeait, étudiait puis dormait et ainsi de suite. L’épuisement se faisait sentir chez l’adolescente. Ce n’est que le jour du bal que celle-ci retrouva enfin un regain d’énergie.
Le château était en ébullition. Les domestiques préparaient les chambres pour les invités, s’occupaient des repas et avant tout autre chose de la salle de bal. Kélima se laissait contaminer par l’excitation ambiante en observant tout le monde s’agiter. Lorsque le ciel commença à s’assombrir, elle se décida à rejoindre sa chambre pour se préparer. Assise devant sa coiffeuse, elle entendit trois coups étouffés à sa porte.
— Entrez, s’écria-t-elle.
Deux jeunes femmes entrèrent, les bras chargés de brosses à cheveux, de soins et de maquillage. Une troisième un peu en retrait s’avança dans la pièce. Elle tenait une boîte enrubannée dans ses mains.
— Bonjour mademoiselle. Un cadeau pour vous, de la part du roi, annonça-t-elle en s’inclinant.
Kélima prit le paquet et remercia la domestique, qui s’éclipsa tandis que la jeune fille posait le paquet sur son lit. Elle défit le ruban puis souleva le couvercle. Un sourire ravi naquit sur ses lèvres. À l’intérieur, était élégamment pliée une robe. L’adolescente la retira de la boîte et la souleva devant elle. Cousue dans un tissu bleu foncé, la robe était brodée de fleurs grimpantes bleu ciel qui partaient du bas de la robe pour s’arrêter au quart de sa longueur. Son col en « V » était orné de pierres précieuses rouges. Sans plus attendre, Kélima l’enfila puis, aidée des deux domestiques, elle se prépara pour le bal.
Kélima se dirigea vers la sortie du château et en passant devant la grande salle, elle y jeta un œil en souriant. Les tables se paraient de nappes bleues aux broderies dorées sur lesquelles étaient élégamment déposées des assiettes de porcelaine blanche entourées de couverts en argent. Des enluminures tissées sur l’histoire de Basïan étaient accrochées aux murs et une douce musique de violons s’élevait dans le fond de la salle. Kélima lâcha des yeux les lieux et prit la direction de la grande porte. À peine arrivée, elle chercha Démerss du regard. Le soldat patientait en se balançant d’un pied à l’autre l’air mal à l’aise. Ses habits de soirée composés d'un pourpoint bleu azur brodé de roseaux dorés, d'un pantalon noir et de bottes grenat, n'y étaient probablement pas étrangers. D’abord troublée par ses efforts vestimentaires, Kélima se reprit et s’avança vers lui en souriant. Lorsque le soldat la vit, il lâcha un discret soupir de soulagement.
— Personne ne te mangera ici, je te le promets, le taquina-t-elle en saisissant sa main.
Elle le conduisit vers un coin à l’écart et, une fois sûre que personne ne faisait attention à eux, elle lui prit l’autre main et lui adressa un regard rassurant.
— Démerss ? Tout va bien ? demanda-t-elle avec attention.
La jeune fille remarqua la pâleur de ses joues tandis qu’il jetait un coup d’œil nerveux autour de lui.
— Je vais bien, je t’assure, la rassura-t-il d’une voix qui indiquait le contraire. J’ai été un peu troublé en voyant tout ce monde, mais je vais bien.
— D’accord, murmura la princesse peu convaincue.
— Hum, hum, s’éclaircit une voix sur leur droite.
Les deux amis tournèrent la tête vers l’origine du son et virent le roi qui approchait en compagnie de Malika Amendi.
— Quelle robe splendide ! s’exclama la femme. Tu es resplendissante Kélima.
— Je vous remercie, répondit l’adolescente en jetant un œil à son père.
Le monarque lui adressa un grand sourire puis scruta le visage de Démerss qui effectua une révérence maladroite.
— Jeune homme, il s’agit là de notre deuxième rencontre il me semble, dit-il sur un ton abrupt. Rappelez-moi votre nom, je vous prie.
— Démerss Kerlïs, majesté, répondit le jeune homme d’une voix tremblante.
— Eh bien Démerss, il semblerait que je doive vous confier ma fille pour la soirée, déclara le roi en fixant les mains toujours liées des deux amis.
Ils s’écartèrent instantanément et détournèrent le regard, gênés. Après de longues et interminables secondes, le monarque se tourna vers sa fille.
— Profite bien de la soirée Kélima, lui dit-il souriant. Et avant que je n’oublie, Camélys te cherchait.
Après un dernier coup d’œil vers Démerss, il s’éloigna pour saluer quelques invités. Malika regarda les deux adolescents en souriant.
— Prends bien soin d’elle Démerss. Je compte sur toi, murmura-t-elle.
Le teint du jeune homme vira blafard. Après avoir regardé la lady s’éloigner, Kélima se tourna enfin vers son cavalier.
— Démerss, tu es vraiment pâle... Tu sais que si tu ne veux pas rester je ne t’y obligerai pas.
— Non, c’est bon, je t’assure, la rassura-t-il.
Kélima fronça les sourcils, mais n’insista pas. Elle saisit le bras que lui tendait son ami et tous deux se dirigèrent vers la foule.
Une estrade de bois, montée rapidement la veille, accueillait, dans un coin de la salle, différents artistes musicaux ou comiques qui se succédaient les uns après les autres. Tous s’en donnaient à cœur joie en entendant les rires ou les acclamations du public.
Kélima, toujours accompagnée de Démerss qu’elle se refusait à laisser seul même pour une minute, avait retrouvé Camélys qui, comme elle s’y attendait, voulait lui montrer sa robe.
— Visiblement le bleu est de sortie ce soir, plaisanta Kélima en observant la splendide robe aux deux bleus superposés de sa sœur.
— Il semblerait, se contenta de dire Camélys en souriant avant de tourner la tête vers le cavalier de sa sœur. Démerss, c’est bien ça ?
— Oui, princesse, acquiesça le jeune homme en s’inclinant.
— Oh là ! s’exclama Camélys. Pitié, pas de « princesse ». J’en ai déjà suffisamment de tous ces invités qui viennent saluer la « fille du roi ». Tu as dû te faire embêter toi aussi, ajouta-t-elle en souriant à l’adresse de sa sœur.
— Pas vraiment non, murmura Kélima froidement.
Camélys perdit son sourire et bafouilla une phrase incompréhensible. Kélima sentit les doigts de Démerss se glisser doucement sur sa main avant de s’entremêler aux siens.
— Le repas va bientôt être servi, nous devrions rejoindre nos places, se reprit Kélima en se forçant à sourire.
Effectivement peu à peu, les convives rejoignaient les tables. Kélima remarqua Malika à la table principale, puis vit son père qui d’un regard l’incita à le rejoindre. La jeune fille soupira doucement puis se dirigea vers lui, suivie de Démerss. Camélys s’assit à la gauche de son père et Kélima s’installa en face d’elle. Son cavalier prit place à sa droite. Le roi attendit que chacun des convives soit assis pour se lever. Immédiatement, les deux princesses en firent de même.
— Moi, Mathéry II et mes deux filles, Camélys et Kélima de Klairmonta, sommes ravis de vous avoir parmi nous pour ce bal de l’union, commença-t-il. Vous êtes nombreux ce soir et c’est un plaisir d’avoir autant de monde dans cette salle. Merci aux peuples des montagnes d’avoir accepté l’invitation.
Les convives applaudirent tandis que le peuple des montagnes, appelé plus familièrement les elfes, se levait. Reconnaissables entre tous avec leurs oreilles en pointe et leurs yeux aux couleurs surprenantes, ils s’inclinèrent respectueusement avant de se rasseoir.
— Connus pour leur empathie, leur pacifisme, mais également pour leur sagesse, ils superviseront les négociations, annonça le monarque.
Il attendit la fin des applaudissements pour continuer.
— Nous sommes heureux d’accueillir également le peuple des prairies !
Des rires, pourtant discrets, se firent entendre et mis à part les elfes, le roi et ses filles, personne ne se donna la peine d’applaudir.
Le peuple des prairies, aussi nommé Humains, resta assis. Entre leurs vêtements élimés et leurs visages fatigués, ils n’étaient en rien comparables aux nobles qui siégeaient autour de la table.
« Le peuple le plus délaissé de la société », pensa amèrement Kélima.
Le roi eut l’air affecté, mais il se reprit aussitôt et sourit en tendant ses bras devant lui.
— Et bien entendu le peuple sorcier ! s’exclama-t-il.
Les applaudissements surpassèrent les précédents.
— Bien, et si nous dînions ? dit-il alors que les domestiques apportaient un nombre incalculable de plats différents qu’ils disposaient sur chacune des tables.
Le roi se rassit, suivi de Camélys et Kélima. Deux jeunes femmes approchèrent pour servir la famille royale et des domestiques se positionnèrent derrière chaque invité. Une fois que l’assiette du souverain fut remplie, le service des convives commença. Kélima retint un rire en voyant le regard de Démerss face aux différents couverts.
— Une fourchette et un couteau par plat, lui chuchota-t-elle.
Voyant le regard toujours perdu du jeune homme, elle sourit et précisa :
— À chaque nouveau plat, tu changes de couverts. Tu sélectionnes les fourchettes de gauche à droite et les couteaux de droite à gauche.
— Merci, répondit son ami en levant les yeux au ciel.
Les plats se succédèrent chacun plus sophistiqué que le précédent. Alors que les domestiques commençaient à servir les premiers desserts, une voix, quelques places plus loin, interpella Kélima. Celle-ci leva la tête de son assiette et chercha d’où venait le son. Elle croisa le regard d’une femme, âgée d’une quarantaine d’années dont le menton relevé lui donnait une allure hautaine.
— Oui ? lui répondit Kélima avec un sourire poli.
— C’est la toute première fois que je vous rencontre et je vous avoue que je suis assez curieuse, commença la femme avec un ton déplaisant. Je souhaitais vous demander : avant d’être adoptée, où viviez-vous ?
Aussitôt cette question posée, plusieurs regards se posèrent sur Kélima qui resserra sa prise sur ses couverts. Démerss lui jeta un œil à la fois curieux et inquiet.
— Je vivais avec le clan des anciens voyageurs, murmura l’adolescente.
Les regards se teintèrent de moqueries ou de pitiés.
— Les anciens voyageurs ? répéta la femme.
— Oui, acquiesça Kélima
— Si je ne me trompe pas, ce sont… des Humains ? demanda un homme à côté de Démerss.
— Oui… réitéra l’adolescente de plus en plus mal à l’aise.
Les rictus et les grimaces que personne ne semblait vouloir cacher déstabilisèrent Kélima. Les questions indiscrètes se succédèrent, et elle se sentit soudain étouffée. Un goût de bile remonta dans sa gorge et une nausée fit son apparition.
Alors que les questions s’accumulaient, elle se sentait prête à se lever pour s’enfuir. Soudain, elle sentit une main se poser sur le haut de sa cuisse. Encore une fois, Démerss lui apportait le réconfort et le calme dont elle avait besoin. Elle sentit sa respiration s’apaiser et au même moment son père se leva. Il tapa deux fois dans ses mains et le silence se fit.
— J’espère que le repas vous a plu. Et maintenant, si vous vous en sentez encore le courage, dansons !
Les convives se levèrent les uns après les autres et les musiciens se remirent à jouer. Une mélodie douce et harmonieuse emplit la pièce.
Démerss se leva à son tour et tendit une main tremblante à Kélima. L’adolescente l’observa un instant puis sourit et la saisit en se levant. Le soldat la conduisit vers l’espace aménagé en piste de danse. Elle le sentit vaciller comme s’il appréhendait ce moment. L’homme glissa sa main contre celle de la jeune fille pour y entrelacer leurs doigts et apposa l’autre sur sa taille. Chacun se perdant dans le regard de l’autre, ils entamèrent les pas au rythme lent de la musique. Kélima savourait chaque seconde de la valse en ne lâchant pas, même pour un instant, les yeux de Démerss. L’atmosphère s’était faite plus douce, plus calme, presque comme s’ils étaient seuls au monde. Démerss laissa sa main glisser dans le dos de Kélima et d’une délicate pression, il la serra contre lui. Leurs visages se rapprochèrent, la jeune fille devait désormais lever le menton pour pouvoir le regarder. Les pas se faisaient plus lents et le jeune homme approcha son visage de celui de Kélima.
L’espace d’une seconde, le regard du soldat changea de direction. Kélima jeta un œil derrière elle pour voir qui il avait aperçu et rencontra les yeux de Malika Amendi qui les observait fixement. L’adolescente se retourna pour faire face à son cavalier et découvrit une indescriptible expression, mélange de dégoût, de peur.
— Démerss ? murmura Kélima.
L’homme planta ses yeux dans ceux de son amie.
— Kélima… Es-tu heureuse ? lui demanda-t-il d’une voix grave.
Sous la surprise, la jeune fille ne sut quoi répondre.
— Es-tu heureuse Kélima ? Dans cette vie où les nobles se moquent de toi ? Où tu es traitée différemment simplement parce que tu n’es pas née ici ?
Kélima jeta à nouveau un coup d’œil derrière elle et vit la lady se diriger vers le roi. Quelque chose n’allait pas, elle le sentait.
— De quoi tu parles, Démerss ? demanda-t-elle en reportant son attention sur lui.
— De ce monde, expliqua-t-il. Ce monde dans lequel tu vis et qui ne te correspond pas.
— Démerss qu’est ce qui se passe ici ? s’inquiéta Kélima.
Le soldat ne lui répondit pas, se contentant de la regarder avec tristesse. L’adolescente s’écarta brusquement de lui. Elle fit volte-face et se dirigea vers son père. À mesure qu’elle approchait, elle put voir l’expression du roi changer tandis que la lady lui parlait.
— Kélima, attends !
Démerss lui attrapa le bras pour l’arrêter.
— Lâche-moi ! ordonna-t-elle sèchement.
— Kélima ! Tu ne peux pas continuer à vivre comme ça, murmura son ami. Les nobles se moquent de toi. Ils ne te considéreront jamais comme une des leurs.
— À quoi est-ce que tu joues Démerss ? Je veux savoir ce qui se passe !
De nouveau, il garda le silence. L’adolescente lui fit lâcher prise et s’avança une nouvelle fois vers son père. Cette fois-ci, Démerss ne l’en empêcha pas. De plus en plus proche, Kélima parvenait maintenant à distinguer la conversation.
— Laissez ma fille, je vous en prie, supplia son père adoptif. Elle n’a rien à voir avec cela.
L’adolescente s’arrêta net à quelques pas de son père. Désormais dos à elle, celui-ci ne l’avait pas vu arriver.
— Votre fille, majesté ? questionna la voix moqueuse de Malika. Il me semblait pourtant que vous en aviez deux. N’est-ce pas Kélima ? Il a bien deux filles, non ?
Le roi fit volte-face et découvrit le visage blessé de l’adolescente.
— Kélima… murmura le souverain.
Les yeux brûlants, elle sentait venir les larmes salées qui couleraient bientôt sur ses joues.
— Tu vois Kélima ? Je te l’ai dit, il ne t’acceptera jamais, lui chuchota Démerss à l’oreille.
— Papa… Qu’est-ce qui se passe ? demanda une petite voix.
Tournant tous la tête, ils croisèrent le regard perdu de Camélys et s’aperçurent par la même occasion qu’un bon nombre de visages étaient tournés vers eux. C’est également à cet instant que Kélima remarqua les soldats qui commençaient à affluer dans la pièce.
— Kélima… Soit de notre côté Kélima… tenta Démerss d’un air désespéré. De mon côté. Nous ne pouvons pas laisser les nobles contrôler encore nos vies.
La voix du soldat donna la nausée à Kélima qui porta une main à sa bouche. La tête embrouillée par ses paroles, elle dut se concentrer de toutes ses forces pour ne pas se mettre à hurler. Elle croisa alors les yeux de son père.
— Kélima… Je t’en prie, supplia-t-il.
— Je… Camélys… COURS !
Tout se passa en quelques secondes. Kélima assena un violent coup de coude dans le ventre de Démerss qui se tenait derrière elle, puis se mit à courir vers Camélys du mieux qu’elle le put avec sa longue robe. Il fallut quelques instants pour que Malika comprenne qu’elle avait fait son choix, mais déjà les deux sœurs franchissaient la porte de la grande salle.
Parcourant les couloirs à toute vitesse, elles entendaient les pas des soldats que la lady avait envoyés. Contre toute attente, Kélima ne se dirigea pas vers la sortie, mais vers sa chambre. Connaissant les couloirs du château comme personne, elles semèrent sans difficulté les soldats en les perdant dans les dédales. Arrivée dans la chambre, la jeune femme referma la porte derrière elle.
— Qu’est-ce qui se passe ? Je ne comprends pas Kélima… demanda Camélys d’une voix tremblante.
Kélima prit des vêtements dans son armoire puis attrapa un maximum de bijoux qu’elle glissa dans un sac.
— C’est un coup d’État Camélys, expliqua-t-elle la voix abîmée. Malika Amendi a corrompu des soldats, elle a le château sous son contrôle. Nous devons partir.
— Et papa ? On ne va pas le laisser ! protesta sa sœur.
— On n’a pas le choix !
— Mais… non ! Je refuse qu’on le laisse ! Je ne laisserai pas papa ici ! Et toi tu te préoccupes plus d’emporter tes bijoux plutôt que ton propre père ! Comment oses-tu ?
— Ces bijoux Camélys, nous permettrons d’avoir de l’argent quand nous devrons survivre par nos propres moyens hors de ce château.
— Mais moi je n’ai pas l’intention de sortir d’ici sans papa !
— Je ne te laisse pas le choix.
— Je vais crier ! menaça Camélys.
Kélima se garda bien de hausser le ton, mais attrapa sa sœur par le col de sa robe.
— Écoute-moi bien, j’ai vu le regard de cette femme d’accord ? Elle n’hésitera sûrement pas une seconde à exécuter la princesse héritière que tu es ! Alors si tu ne veux pas mourir tu me suis et tu te tais ! C’est bien clair ?
Camélys ouvrit la bouche choquée et il fallut attendre quelques secondes avant qu’un son ne parvienne à s’échapper de ses lèvres.
— Je… ne veux pas mourir…
— Parfait. C’est ce que je voulais entendre. Alors maintenant tu prends ces bijoux, tu les mets où tu peux et on sort d’ici. Compris ?
Comme l’avait espéré Kélima, les couloirs étaient déserts. Personne ne pouvait imaginer qu’elles étaient encore dans le château. Les deux princesses avancèrent lentement et le plus silencieusement possible. Alors qu’elles approchaient de la grande salle, passage obligatoire pour accéder à la porte de sortie, elles entendirent des voix à l’intérieur. Malika parlait aux invités qui semblaient ne rien comprendre, certains demandaient à voir le roi qui avait été emmené ailleurs. Kélima se cala dans la pénombre et se glissa le plus discrètement possible sur le mur face à la porte de la salle pour arriver de l’autre côté. Jetant un œil dans la salle, elle aperçut Démerss dans un coin et la lady entourée de gardes, de soldats. Toute une escouade parmi laquelle Kélima remarqua un visage bien reconnaissable. Des cicatrices sur le visage, des cheveux gris, des yeux bleus. Maricaus. L’homme, qu’elle avait considéré comme son mentor, regardait Malika avec une admiration malsaine.
« Il avait raison, j’aurais dû me méfier des gens parfaits. » pensa-t-elle avec amertume.
Une fois la porte de la grande salle passée, elles se hâtèrent vers la sortie. Arrivée devant, Kélima s’arrêta net.
— Et s’ils nous attendaient derrière la porte ? murmura l’adolescente soudain angoissée.
Camélys frissonna.
— J’ai peur…
— Moi aussi, lui répondit Kélima, la gorge nouée.
La jeune fille apposa ses mains contre la porte et la poussa. Malgré son étonnement de ne trouver aucun soldat dans la cour, elle ne put s’empêcher de pousser un soupir de soulagement quand elle vit que personne ne les attendait. Ce ne fut qu’à cet instant que Kélima s’aperçut que la nuit était des plus sombres. Les nuages cachaient la lune, empêchant la lumière d’éclairer les lieux. L’adolescente resta sur ses gardes tandis qu’elle faisait sortir sa sœur.
— Allons-y, ordonna-t-elle.
Kélima se dirigea vers les écuries. Celles-ci séparaient la grande cour principale de la seconde cour à droite du château.
— Où est-ce que tu vas ? demanda Camélys à voix basse.
— Il nous faut des chevaux, lui répondit sa sœur.
Camélys la rejoignit et les deux princesses se dépêchèrent d’entrer. Les écuries n’étant pas éclairées, il fut difficile pour Kélima de se repérer, mais Camélys, elle, se dirigea directement vers le box de son cheval. Elle le fit sortir et essaya de trouver ses équipements.
— Je ne vois pas les selles ni les mors. Je n’ai que les brides.
— On n’a pas le temps de trouver tout ce qu’il faut. Dépêche-toi de trouver un autre cheval plutôt, se contenta de lui répondre Kélima.
— Mais je ne suis jamais monté à cru, opposa Camélys.
— Parfait, ce sera ta première fois. Maintenant, trouve-moi un cheval, le tien est trop jeune pour supporter notre poids.
Camélys avança parmi les boxes et sélectionna un étalon.
— Il s’appelle Paes…
Kélima la coupa.
— Je t’avoue que là tout de suite, le nom de ce cheval ne m’intéresse pas Lys. Allez, maintenant, viens, lui dit-elle.
Les deux sœurs sortirent les chevaux des écuries et Kélima fit une grimace en entendant le son des sabots sur le sol pavé. Alors qu’elles approchaient enfin de la sortie de la cour, quatre silhouettes se découpèrent dans l’ombre. Faisant un bond en arrière, elles effrayèrent les chevaux qui firent tous deux un écart. Les silhouettes s’approchèrent et saisirent les brides des équidés.
— Oh, oh… murmura une voix d’homme pour calmer les animaux.
Une main se posa sur l’épaule de Kélima qui la repoussa d’un geste violent.
— Princesses… chuchota une autre voix. Calmez-vous, nous allons vous faire sortir d’ici.
Deux des hommes, sans doute des soldats, ouvrirent la grande porte de la cour tandis que les deux autres aidaient les deux princesses à monter à cheval.
— Dépêchez-vous de fuir, adjura l’un d’eux. Trop d’entre nous se sont fait prendre par les discours de cette folle.
Kélima leur jeta un œil méfiant, mais fit tout de même avancer son cheval hors de la cour, suivie par sa sœur. Les quatre soldats posèrent un genou à terre.
— Nous sommes à votre service princesses, murmura l’un d’eux. L’un des nôtres vous attend à l’entrée de la ville.
— Viens Lys, ordonna Kélima.
L’adolescente recommença à avancer en attrapant la bride du cheval de sa sœur et vit, malgré la nuit, des larmes briller dans les yeux de la jeune fille.
— Merci, souffla Camélys.
Avec autant de discrétion que possible, les deux sœurs traversèrent Klairmonta. Cependant, alors qu’elles approchaient enfin de la grande porte, un soldat les repéra. Peu habituée à l’équitation, Kélima tenta tant bien que mal de lancer son cheval au galop. Camélys donna une tape sur la croupe de l’animal qui s’élança. D’une pression des jambes, elle incita son propre cheval à en faire de même. Elles arrivèrent à la porte avant les soldats et repérèrent un homme qui maintenait l’un des grands battants ouverts. En les voyant arriver et en entendant les cris qui les suivaient, il se positionna de l’autre côté de la porte, prêt à refermer. Les deux princesses passèrent la porte au galop et se retournèrent tant bien que mal sur leurs montures pour voir ce qui allait se passer. Elles virent l’homme qui venait de leur sauver la vie, refermer la porte. Kélima attrapa la bride du cheval de sa sœur qu’elle tira d’un coup sec, l’obligeant à s’arrêter. Le cheval hennit de mécontentement, mais suivit tout de même le mouvement que lui indiquait la jeune fille. Elles quittèrent la grande route pour s’enfoncer dans le bois. Soudain, elles entendirent le hurlement rauque de douleur d’un homme. Camélys laissa éclater un sanglot et Kélima eut un haut-le-cœur.
Plusieurs minutes passèrent sans qu’elles entendent le moindre bruit suspect et Kélima descendit enfin de sa monture.
— On va patienter ici quelques heures et avant que le jour se lève, on repartira, annonça-t-elle.
— Pour aller où ? demanda sa sœur.
— Je ne sais pas Lys…
Quelques secondes de silence s’écoulèrent, entrecoupées par le bruissement des feuilles.
— Je ne connaissais pas son nom, murmura soudain Camélys.
— Le nom de qui ?
— Ce soldat, celui qui nous a fait sortir, je ne connaissais pas son nom.
Kélima baissa les yeux.
— Moi non plus.
Après ce court échange, elles replongèrent dans leur mutisme. Quelques heures plus tard, elles remontèrent à cheval et rejoignirent la grande route. Aucune destination en tête, seulement la peur pour les pousser à avancer.
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