1Ω : la balafre 

Une minute de lecture

La balafre fraîchement creusée à la perpendiculaire de son pouce m’intéresse. Elle susurre d’étranges choses, l’épine sur la chair, croit-on vraiment au grandiose ? On m’assied toujours aux portes-bagages des vélos de passage. Je tapisse le fer de jean, Strasbourg défile, ma chaussure la frôle avec insistance. Si j’étais en musique, je danserais d’un pied, perchée sur la barre d’un navire plein-terre. La sirène craquelée de l’étrave, attaquer jusqu’à fendre les fresques des rocheuses plastiques.

Le geste précis, sûr, il gratte la pierre et presse l’accoudoir pour faire vibrer la flamme. Rien ne sert de s’inquiéter, rit-il. Le doigt s’éloigne tout juste à temps, certes, mais je crains de me brûler. C’est-à-dire que… je suis une femme à lunettes qui évolue dans un monde aux mille facettes où l’on ne voit pas clair et on m’a dit un jour de ne pas marcher au bord au risque de chuter, quand bien même l’été va et vient, gémissant, aube sulfureuse les cuisses ouvertes en contrebas. Je serais de Dionysos la nymphe gâtée qu’on a trop sucrée d’ambroisie et qui, devant la mort, ne saurait se tenir. On lui boufferait le cou, non ? Le goût des mauvaises fleurs aux jolis sourires qui vous prêtent leur dos pour y poser la main sans savoir qu’elles grouilleront sur le papier au matin. Le printemps bourgeonne et s’exclame, deux gorgées passent la paume de l’invisible d’une guerre du mouvement. Sans bouger je divague facilement.

J’observe la fumée du tabac lier ses lèvres à mes cheveux, noyer l’esprit dans un frisson de brouillard. Le cliquetis de l’objectif fige l’estampe d’une ville qui s’écroule dans les hauteurs. Baudelaire dirait qu’ainsi, et seulement en ces soirs capiteux, on s’enfuit et que, bien plus tard, je serai lasse d’écrire comme les hommes. Comme les hommes aimer ce récit de l’amour dans la peau de l’instant et n’y revenir plus tard qu’en pensée et jouir de l’éphémère et du chaos et des esclandres, des lits artificieux où les ailes s’étendent.

pour J.

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