5.
- Bienvenue, monsieur.
L’homme d’affaires hocha la tête, pour faire comprendre à l’hôtesse qu’il avait entendu son salut, sans pour autant lui accorder ne serait-ce qu’un seul regard. La démarche assurée, une apparence impeccable, il traversa le hall de l’hôtel le menton levé, comme s’il était supérieur. Il appela l’ascenseur, jeta un coup d’œil discret derrière lui et, quand il fût assuré de na pas être suivi, monta. Il sortit sa carte d’accès et la fit glisser dans un lecteur sur le mur. Un bouton qui n’était pas présent avant s’afficha : l’étage M. La cabine monta de longues minutes, ou peut-être descendait-elle ; difficile à dire.
Les portes s’ouvrirent et César s’engagea dans un long couloir sans fenêtres. Simplement des portes en béton, fermées à clé, qui contrastaient fort dans ce décor de tapisserie d’hôtellerie. Au fond du couloir, un autre couloir, lui aussi abritant un nombre de portes tout aussi impressionnant. Il sembla que l’homme mit une éternité à rejoindre l’extrémité de ce couloir-ci. Mais il l’atteignit. Sur le mur, une porte à double-battant, ouverte. Derrière se dessinait une salle immense, aux plafonds démesurément hauts, en forme de colisée. Une sorte d’arène se trouvait au centre, délimitée par des sortes pointes tournées vers l’intérieur. Autour, et s’étendant tout le long des murs, des gradins. La porte se situait à mi-hauteur de ceux-ci, et au-dessus, à l’abris des regards indiscrets mais néanmoins suffisamment bien placé pour ne rater aucune miette du spectacle, un espace VIP.
César s’y rendit. C’était le cœur de la fête et là où tous les paris les plus exubérants prenaient place. Les invités se disputaient les paris sur les meilleurs prisonniers. Certains s’étaient démarqués récemment, notamment un frêle d’apparence qui avait gagné son combat en arrachant le cou de son adversaire avec les dents. C’était l’affaire de quelques combats avant qu’il ne monte un étage. D’autres avaient des façons moins traditionnelles de tuer : les spécificités des étages 9 et 10 étaient que les armes y étaient autorisées. Malgré tout, la façon la plus simple de remporter son combat sans encombre restait de pousser son adversaire sur les pics qui entouraient les arènes. Généralement, on laissait les corps là, même après la fin du combat, car ils apportaient une touche d’excitation en plus. Il fallait tout de même les retirer un jour, où ils s’accumulaient jusqu’à cacher l’intérieur de l’arène.
- César ! Vous tombez bien, mon ami. Regardez qui voilà, dans l’arène n°6.
L’homme se retourna et aperçu une femme de taille moyenne, néanmoins élégante avec ses boucles rousses et sa combinaison noire. Son ancienne neuvième épouse. Elle l’avait trompé et la justice l’a déclarée coupable. Elle a donc, comme tous les criminels, finit dans cette arène à se battre pour sa survie. Tous les combats sont des exécutions. Même les meilleurs finissent par se faire avoir, au 11ème ou 12ème étage. Plus haut, les combats deviennent si féroces que les prix pour y assister doublent. Un client y payera près d’une douzaine de bras d’esclaves, tandis que les combats des étages inférieurs ne valent qu’une vingtaine d’orteils.
César se tourna vers son ami pour lui répondre :
- Je vois cela ! Quel gâchis, elle était si bonne…
Ils s’esclaffèrent ensemble et regardèrent le combat. La rousse se tenait en position, sa garde levée et la tête baissée. Son adversaire, un colosse tatoué aux dents acérées, la dévorait du regard. Sûrement s’imaginait-il la douceur de son sang sur ses lèvres.
La spécificité des arènes 5 et 6 était que plus le combat durait, plus les combattants recevaient de pénalités, choisies en personne par le public. Le combat débuta, la rousse se pris des coups de toutes parts qui lui déformèrent rapidement le visage, son nez devint ensanglanté. Elle ne put asséner un seul coup, mais le colosse ne se donnait pas trop à fond pour éviter de lui faire perdre connaissance. Il souhaitait que le combat dure aussi longtemps que possible, au diable les pénalités.
Cinq minutes s’écoulèrent ainsi, et le premier gong retentit. Deux personnes sélectionnées parmi le public devaient choisir une pénalité pour chaque combattant, soient deux pénalités pour chacun d’eux. Coup du sort ou non, le présentateur dans les enceintes appela l’ex-mari de la rousse. César fut choisi, ce à quoi son voisin de siège montra de l’excitation.
- Alors, que vas-tu choisir comme punition ? Elle t’a trompé alors que tu as eu la gentillesse et la pitié de l’accepter comme neuvième pute, tu vas pouvoir te venger de cette hyène.
Alors qu’il trépignait d’impatience, l’homme d’affaire prit en main sa tablette et écrivit ses pénalités pour chacun des deux criminels. Un autre spectateur était en train de faire de même puis le présentateur reprit dans le micro :
- Pour la fille, pénalité une, se déshabiller ! Dit-il d’une voix enjouée.
Celle-là ne venait pas de César : il l’avait déjà vu nue des centaines de fois.
La fille se déshabilla malgré elle sous les acclamations et les sifflements de la foule. Des yeux pervertis l’examinèrent de toutes parts, se délectant de pouvoir voler son intimité. Quand le silence revint dans la salle, le micro annonça la prochaine pénalité : une session de torture privée avec César avant de reprendre le combat. En tant que VIP, il avait en effet accès à une salle privatisée à son nom à chaque fois qu’il voudrait passer un moment intime ou faire preuve de violence sur un criminel.
Le public le hua, déçu de devoir interrompre le combat. Il ne savait pas que celui-ci ne reprendrait jamais, car César avait pour plan de tuer son ex-femme dans cette salle. Il en avait le droit de par ses liens avec la directrice de l’hôtel à tueries, qui appréciait beaucoup sa compagnie les nuits où elle se sentait seule. En réalité, il pouvait bien tuer n’importe quel combattant qui passait la porte. Et il le ferait. Car rien ne le réjouissait plus que de jouer avec ses victimes jusqu’à leur faire regretter leurs actes criminels. Il punirait tous les criminels, quels qu’ils soient. Du plus misérable voleur au tueur en série, quelle utilité de faire une distinction ? Ils méritaient tous de recevoir sa punition divine, qui n’était rien de plus qu’une miséricorde. C’était évident, les tuer libérait ces âmes tourmentées de leurs crimes, qu’elles payaient de leur existence.
Annotations