J'avais décidé d'emprunter deux bouquins avant de quitter le CDI, je n'avais pas lu le résumé de ces derniers, seulement le titre. Je savais qu'il ne fallait jamais juger un livre à sa couverture mais j'étais pressé, Tintin n'était pas vraiment connu pour sa patience.

Cependant, je ne voulais pas rentrer chez moi sans avoir un peu de lecture à me mettre sous la dent. EtEt puis, ça m'éviterait de revenir ici plus tard. Lorsque Miss Gorgy avait posé les yeux sur l'un d'eux, son regard s'était illuminé d'amusement. Le seul commentaire qu'elle émit fût un petit « ohohoh » assez ambigüe.

Je n'en pris guère garde car c'était dans sa nature d'être enjoué un peu près pour tout et rien. Je l'aimais beaucoup, elle ressemblait un peu à Valentin d'une certaine façon.

En quittant la bibliothèque, je repensais à ce que mon ami m'avait demandé de faire. Il avait eu du culot en y repensant bien, c'était un trait de caractère qui lui était propre. Pour être honnête, je l'admirais un peu. Il n'avait pas peur de montrer chacune de ses facettes à tout le monde. Il assumait ce qu'il était. Alors que moi, j'étais du genre à me cacher. J'espérais que ces notes ne soient pas l'histoire d'une seule fois. En mon fort intérieur, j'avais le sentiment qu'elles pourraient m'apporter quelque chose, un morceau manquant qui me complèterait. Mais je n'étais sûr de rien.

J'avais conscience que j'en faisais peut-être un peu trop, mais c'était plus fort que moi. J'avais tendance à exagérer les choses parfois. Je devais mettre cette idée de côté pour l'instant, la faveur de Tintin était primordiale. Je n'avais pas envie de faire durer ce supplice trop longtemps. J'estimais qu'il aurait pu le faire lui-même mais Valentin était une tête de mule. Il pouvait parfois être d'une timidité maladive, ce qui contrastait avec son caractère jovial. C'était fou de constater à quel point nous étions diamétralement opposés lui et moi..

Finalement, j'arrivais devant le casier de Yéleen. Je ne la connaissais pas tellement, ils nous arrivaient d'échanger quelques sourires lorsque nos regards se croisaient. Mais à part ses gestes anodins, rien de bien croustillant. Il m'était difficile de croire que j'allais faire une chose aussi stupide, qui était finalement à la porter de tous. Mais c'était sans compter sur ce crétin qui faisait la chochotte. J'avais dans la main un petit bout de papier à carreaux, à tous les coups, il avait griffonné une déclaration d'amour avec son écriture toute baveuse, dans un de ces cahiers de cours.

Ainsi dans un accès de folie — ou de courage qu'importe — mon ami avait décidé qu'il voulait que ses sentiments soient entendus.

Son béguin pour la sublime française avait commencé à la rentrée, une sorte de coup de foudre qu'il disait : physiquement elle était totalement son type. Au fil du temps, ils avaient appris à se connaître tous les deux, ce qui avait aidé à renforcer son attirance pour la demoiselle.

J'eut seulement le temps de coincer le petit mot dans l'interstice de la porte, car lorsque je me tournais pour déguerpir, je tombais nez à nez avec un garçon qui me disait vaguement quelque chose. Même si je n'arrivais pas à me souvenir où je l'avais possiblement vu, ce qui me frustrait pas mal.

Il me regardait d'une drôle de façon, ce qui me sauta aux yeux était ses iris bicolores. Bien que ça ne choquait pas vraiment, c'était tout de même la première fois que je voyais quelqu'un les posséder. Si bien qu'au début, j'avais pensé qu'il se servait probablement de lentilles de couleur pour faire ceci, comme Tintin. Néanmoins ça en avait pas tellement l'air. C'était totalement hypnotisant cela dit.

Alors je continuais à le dévisager lourdement comme un débile, il passa une de ses mains dans ses cheveux rouges.

— Qu'est-ce que tu essayais de faire exactement avec le casier de Yéleen ?

Génial, j'avais en plus été repéré par un de ses amis ! S'il le disait à Yéleen j'étais fichu, elle allait penser que c'est moi qui ait écrit ce qu'il y avait sur le papier. Je me figeais à cette constatation.

— Ce n'est pas ce que tu crois, avais-je pathétiquement répondu.

— Et que suis-je censé croire selon toi ? Me demanda-t-il.

Son timbre de voix était médium, elle contrastait merveilleusement bien à son allure pour le moins atypique. Un léger sourire avait prit place sur ses fines lèvres ; il semblait amusé par la situation.

De mon côté les mots me manquaient, je ne pouvais pas dire que je rendais service à mon meilleur ami ; il ne me croirait pas ! Tant pis, je décidais de tenter le tout pour le tout, en espérant qu’il soit stupide.

— J'essaie de tester, euh, la qualité. C'est ça, ouais. C'est le troisième casier que je visite.

Il détourna brièvement ses mirettes de ma personne, j'avais même cru avoir entendu un rire, mais je n'étais sûr se rient tant le son avait été quasiment inaudible.

— Et le mot que tu as glissé à l'intérieur, c'est pour remercier le propriétaire de sa coopération ?

Le silence s'installa entre nous, que pouvais-je bien répondre à ça ?

Mon cœur battait tellement fort dans ma poitrine, que ça m'en faisait mal. J'admettais volontiers que mon excuse était bidon mais je n'avais rien trouvé de mieux ! Voyant que je ne répondais rien, gardant mes yeux ancrés dans les siens avec probablement un air désespéré : il continua.

— Ai-je l'air si con que ça ?

Je sentais mon visage se décomposer encore plus. J'avais limite envie de pleurer .

Tintin, prépares-toi car si j'arrivais à te trouver, je te tuerais ! Pensais-je en mon for intérieur. En attendant, le gars qui était en face de moi me regardait toujours.Il soupira.

— Bon écoute, tu m'as l'air sympathique alors si tu me dis de quoi il en retourne, s'il s'avère que ce n'est pas méchant ; je ne dirais rien.

Je me sentais coincé.