Depuis la guerre entre les Dieux et les Titans, le temps s'est écoulé et la vie continue sur le mont Olympe.

Ces temps-ci, l'ambiance générale n'affiche que tranquilité et repos. Aux yeux de certaines divinités, c'est presque trop calme, notamment pour Arès, le dieu de la guerre. Ce dernier semble tourner en rond dans ses appartements dignes d'un roi de Grèce et il n'attend qu'une seule chose: que le bon vieux chaos revienne. Or, tout le monde n'est pas de cet avis, à commencer par Athéna, déesse de la raison ou Apollon, dieu du soleil et des Arts, bien que celui-ci ne soit pas en reste pour semer la zizanie.

L'ensemble du panthéon Grec poursuit une vie quotidienne d'immortels gorgés de nectar d'ambroisie, untel fait des siennes, que ce soit de nouveaux exploits ou de nouvelles provocations. Bref, la plupart des Dieux vivent sous l'oeil à la fois bienveillant et autoritaire de Zeus, le dieu de la foudre et coureur de jupons invétéré. Néanmoins, il en est un pour qui le comble de la joie ou la totale euphorie des banquets ou diverses affaires n'est pas au rendez-vous.

Réfugié dans son alcôve depuis plusieurs années, Hermès, l'un des Dieux derniers-nés de Zeus ne sait pas quoi faire. Comme Arès, lui aussi tourne en rond mais sans vraiment savoir pourquoi. Pendant des heures, assis sur une dalle en pierre, son esprit tergiverse sur une nouveauté à découvrir ou une stratégie commerciale à créer, lui qui en a déjà tellement fait par le passé. Cet homme, à l'apparence très juvénile - adolescente même à certains moments - est doté d'une intelligence remarquable et désarmante. Fils d'une nymphe et de notre cher Zeus, Hermès avait acquis très rapidement une vivacité d'esprit et une ingéniosité peu naturelle et ce, quelques semaines à peine après sa naissance. Ayant l'art subtil de la conversation mais aussi de la négociation, il s'était d'abord orienté vers le métier de voleur, avant de faire officiellement son entrée parmi l'assemblée des Dieux auprès de son père. Depuis, Hermès est à la fois, le messager des Dieux, mais aussi un donneur de chance, un intermédiaire auprès des Mortels, chef des voyageurs et des commerçants ainsi que l'accompagnateur des âmes aux Enfers. Aucun autre dieu ne voulut se plier à cette tâche, ce fut donc le jeune homme aux pieds ailés qui s'y colla.

Comme les autres, Hermès n'est pas empreint de défauts ni d'imperfections. Possédant déjà une descendance avec plusieurs femmes, déesses comme mortelles, lui aussi laisse parler ses désirs, dont certains ont abouti à de belles histoires et d'autres qui ont connu une issue tragique. Ne le voyant pratiquement plus, tous comme les autres, Apollon, dieu des Arts et de la Lumière, se permet un jour de lui rendre une petite visite. Lorsque celui-ci se rendit dans l'alcôve d'Hermès, ce dernier, vêtu de sa toge, est affalé dans un lit blanc immaculé, tout un tas de paperasse autour de lui. En le voyant, Apollon jurerait qu'il a le regard perdu et fatigué. Le dieu des Arts est aussi grand et blond qu'Hermès arbore une chevelure cuivrée - à l'instar de Dionysos, dieu de l'ivresse- et une petite taille, bien qu'il ne soit pas dénué de rapidité ni de réactivité. Apollon continue de s'approcher à pas de loups mais la voix du dieu des Voleurs l'arrête net.

-Je vois que tu n'as pas perdu ton audace mon cher Apollon. Que me vaut cet honneur?

-Bonjour petit frère. Tu n'as pas oublié nos liens du sang j'espère...nous avons le même père.

-Qu'est-ce que tu veux Apollon? Je tiens à te rassurer immédiatement, je vais très bien.

-Tu en es sûr? Ces derniers temps, si je puis dire ainsi, personne ne t'a vu. Pas même Athéna. Et Père s'inquiète également. D'habitude c'est toi qui l'accompagne dans ses escapades terrestres, si tu vois ce que je veux dire.

Apollon se met à rire à gorge déployée. Hermès, toujours allongé sur son lit, fronce les sourcils et se relève d'un coup, les sourcils froncés. Son "grand" frère aime tellement rire de tout, à savoir, de lui, de leur père, de tous les Dieux alors que lui-même n'est pas exempt d'erreurs et de coups bas. Et Hermès non plus d'ailleurs. Encore aujourd'hui, il regrette certaines de ses frasques dont il n'est pas fier et s'il le pouvait, il reviendrait volontiers en arrière pour ne pas commettre ces erreurs, dont quelques une qui ont coûté la vie à des Mortelles. Non, Hermès ne recommencerait pas. Ayant déjà un fils, Hermaphrodite, issu d'un moment intime passager avec Aphrodite, déesse de l'amour, notre Dieu a d'autres descendants, dont certains qu'il n'a jamais rencontrés. En ce moment, il ne sait pas quoi faire, ni penser. Il tente des recherches, des innovations, que ce soit d'un point de vue économique ou même social. En vain. Que lui faudrait-il de plus? Une nouvelle bande de marchands avec qui négocier peut-être? Rien ne lui vient à l'esprit.

Apollon, qui jusqu'à présent, continuait de pouffer de rire jusqu'à en avoir les larmes aux yeux, lui dit:

-Et si tu rencontrais enfin l'amour? Le vrai, je veux dire. Le sentiment inconditionnel d'être avec quelqu'un pour le restant de ses jours. C'est quelque chose que je ne connaîtrai jamais et ce n'est pourtant pas faute d'avoir essayé. Je me souviens de Daphné...je pensais vraiment que ce serait elle, et elle m'a échappé. Peut-être que toi, Hermès, tu pourrais essayer. Bien que tu aimes les femmes, tu ne peux pas dire que tu as déjà ressenti des sentiments aussi forts que tes précédentes aventures. Je me trompe?

Hermès le fixe de ses yeux gris perçants et lui rétorque:

-Me marier tu veux dire? Regarde notre Père et Héra. Dis-moi où ce mariage les a conduits et où ça les amène encore! C'est prendre un risque énorme, celui du malheur qui te détruit à petits feux. Le néant s'empare de toi ainsi que le chagrin. Merci Apollon pour tes conseils mais...

-Hermès, tu mérites d'être heureux, je le pense sincèrement. Dionysos l'est bien avec Ariane! Et Eros avec Psyché. Je les admire aussi tous les deux.

-Si tu le dis, grand frère, si tu le dis...

A ces mots Apollon, n'insiste pas davantage et préfère prendre congé de son frère. Hermès retourne dans son alcôve. Tout en farfouillant dans sa paperasse, les mots d'Apollon lui reviennent par bribe.

"Et si mon frère avait raison, songe-t'il, peut-être que c'est ce manque là que je ressens, mais je ne le réalise pas encore."