Mourir...

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Maman m'avait dit que papa prendrait soin de moi. Oui, mais maman est morte. Et la mort change les gens. Papa n'a pas pris soin de moi.

Ils ont dit à papa qu'ils me mettraient à l'école. Ils lui ont dit que je ne manquerais de rien. De toute façon, papa s'en foutait. Il a juste pris l'argent. Comme ça, il pouvait continuer à boire tous les soirs sans avoir à se soucier de moi. Voilà comment j'ai atterri au Centre.

- Myriam !

- Maître ?

- Étant donné que tu as enfreint les règles, ce soir, tu vas à la section S. Toi aussi Naisha.

Naisha lâche un petit sanglot étouffé. Normal, elle n'est là que depuis cinq mois. Je hausse mentalement les épaules.

- Bien Maître.

- Vous pouvez y aller.

- On aura pas de vêtements ce soir Maître ? demande Naisha d'une petite voix tremblante.

Je la regarde. Elle ne doit pas avoir plus de 10 ans. Ses seins viennent à peine de pointer. Monsieur le Coq sera sûrement en section S ce soir. Pauvre Naisha. Elle va passer un sale quart d'heure.

Le Maître ricane méchamment.

- On a pas besoin de vêtements en section S. Maintenant foutez le camp avant que je n'abime la marchandise.

Je sors suivie de près par Naisha.

- Tu sais où est la section S Myriam ?

- Oui.

- Tu y es déjà allée ?

- Oui.

Le silence s'installe tandis que nos pas résonnent dans le couloir vide.

Nous passons devant les différentes sections.

R comme romantisme.

H comme hard.

F comme fétichisme.

S comme sadomasochisme.

- On dit que c'est l'enfer là-bas.

- Non.

- C'est pas l'enfer ?

- Non, c'est pire que l'enfer.

Naisha laisse encore échapper un sanglot.

- Bonsoir Maître.

- Myriam. Ça faisait longtemps. Tu as encore parlé à une nouvelle ?

- Oui Maître.

- Tsss... Quand comprendras tu la leçon ? Enfin, c'est un mal pour un bien. Sans cela on serait obligé d'envoyer des innocentes en section S. Et toi Naisha, qu'as tu fait ?

- J'ai dit à un client de m'emporter avec lui.

Le rire du Maître remplit l'espace.

- Quelle idée franchement ! Chambre 1. Et toi chambre 2.

Chambre 1 ? Elle n'ira donc pas voir monsieur le Coq. Elle en a de la chance.

Je suis agenouillée sur le carrelage, les fesses sur les talons, la tête baissée. La porte s'ouvre en grinçant légèrement. J'écoute les pas jusqu'à ce que deux pieds apparaissent dans mon champ de vision.

1. 2. 3. 4. 5.

- Regarde moi !

6. 7. 8. 9. 10.

- Ce soir, tu m'appelleras Seigneur.

- Oui Seigneur.

Il était un petit navire, il était un petit navire. Qui n'avait ja-ja-jamais navigué, qui n'avait ja-ja-jamais navigué, ohé ohé...

J'ai du chanter la chanson en entier au moins un million de fois avant qu'il ne s'en aille. Une chance que je connaisse tous les couplets. C'est maman qui m'a appris.

Alors que je m'apprête à sortir de la chambre 2, j'aperçois le petit briquet vert posé à côté du flacon de lubrifiant encore ouvert. Je suis comme attiré par lui.

Je l'actionne comme j'ai vu des clients le faire des tonnes de fois. La flamme jaillit. Je la fixe hypnotisée.

Il suffirait que je la porte à mes cheveux. Je suis toute couverte de lubrifiant, ça brûlerait aussitôt.

Bien sûr, ça fera mal, mais je suis habituée à la douleur. Je quitterai enfin cet endroit. Le Maître arrêtera de me baiser chaque fois que l'envie l'en prend. Je ne serai plus jamais envoyée en section S. Je mourrai tout simplement. Je serai libre enfin.

Un cri aigu me fait sursauter. Je tourne la tête vers la chambre 3 toute proche. Monsieur le Coq est bien là finalement. Je me replonge dans la contemplation de la flamme tandis que les cris de la fille de la chambre 3 remplissent mes oreilles. Elle a l'air très jeune. Elles sont toujours très jeunes.

Monsieur le Coq aime les filles très jeunes.

Je frissonne alors que d'atroces souvenirs remontent.

Monsieur le Coq est un monstre.

Lentement, j'approche le briquet de ma tête.

Tu es forte Myriam, tu vas y arriver. Tu es forte Myriam, tu seras libre.

- J'ai dit debout Nazi !

Je laisse tomber le briquet. Il a dit Nazi ? Le Maître n'a pas osé l'envoyer à monsieur le Coq, si ?

Je ramasse mon briquet et saisis la boîte de lubrifiant au passage. Je sors en coup de vent de la chambre 2 et pénètre aussitôt dans la chambre 3. Mon sang se glace.

Nazi est attachée contre le mur, en X, inconsciente. Un filet de sperme coule le long de sa joue. Un autre le long de ses cuisses.

- Myriam ? Tiens donc, ça faisait longtemps. C'est ta sœur ? Cela explique qu'elle soit aussi délicieuse que toi. À vrai dire, elle me rappelle l'époque où tu n'étais qu'une enfant.

Monsieur le Coq me fait face. Je le dépasse légèrement en taille. En fait, c'est un putain de nain complexé qui baise des petites filles pour se venger.

Une rage sans précédent m'envahit. Rapide, j'asperge son visage de lubrifiant et mets le feu. Il crie et tombe à genou en se frottant le visage. Sans lui laisser de répit, je rajoute une nouvelle couche de lubrifiant.

Je sais que personne ne viendra. Les cris sont très courants dans la section S.

Je me dirige ensuite vers Nazi que je m'empresse de détacher.

- Nazi ? Nazi !

Elle ne respire plus. Ce salaud l'a étouffé avec son sperme.

Pour la première fois depuis six ans, je pleure. Qu'est-ce que ça va changer ? Nazi est morte. Et moi je suis morte depuis bien longtemps.

Je prends soin de bloquer la porte. Ensuite, je mets le feu au lit. Puis à l'étagère chargée de fouets et de toutes sortes d'instruments.

Je reviens vers Nazi. Assise au sol, je la berce doucement en regardant le feu s'approcher.

- Ne t'en fais pas petite Nazi. Bientôt tu ne sentiras plus rien.

Il était un petit navire, il était un petit navire. Qui n'avait ja-ja-jamais navigué, qui n'avait ja-ja-jamais navigué, ohé ohé...

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