Mercredi après-midi.
Le bleu, le vert et le blanc s’entremêlaient dans le ciel d’automne. Le temps encore clément faisait vibrer la surface du fleuve qui, éclatant, filait rapidement entre les berges. L’eau reflétait le lent moutonnement des nuages. Nous étions assis sur le bord, au-dessous de tout ce ciel bleu immense, et d’un marronnier qui laissait parfois choir ses fruits autour de nous. Ses branches ocres se tordaient pour se perdre autre part. Tout, de l’hirondelle qui fendait l’air, au soleil qui perçait les feuilles, jusqu’à ta présence et l’insouciance qui se lisait sur ton visage, disait : c’est mercredi après-midi. Cet instant si caractéristique, qui rappelait tous ceux que l’on avait vécus enfants, s’imposait dans chaque trait du paysage.
Pourtant, dès la pensée formulée dans mon esprit, aussitôt le ciel me parut trop bleu, l’air trop frais, l'eau trop brillante. Inexplicablement, le paysage disparaissait derrière l’exagération du décor. L’inconscience de l’animal qui vit sans y penser venait de s’évaporer en moi. Cela ne pouvait pas être aussi beau ; c’était trop facile.
Et cet instant que je vivais, là, sur la berge, me sembla alors déjà passé, déjà souvenu, il revenait trop tard. Il ne pouvait qu’appartenir à un passé d’enfant, puisqu’il était si joyeux, tout le bleu du ciel le criait.
Etait-il même réellement attaché à mon enfance, ou à une enfance illusoire ? C’était inutile d’y penser encore ; ce moment ne pouvait pas s’ancrer dans la réalité. Il était passé avant d’avoir été.
Je compris alors que, bien plus tard, vieille et ridée, je réaliserais que ma vie m'était ainsi restée inaccessible.
-@lenaB
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