Les pas sont lourds, des bruits presque assourdissants, mais rien en vue.
Je suis venue au monde en cette cage pour ne pas savoir. Née dans une grande boite en fer, où j'ai été nourrie, logée, presque bichonnée, et à présent tuée...
Comment le sais-je ?
Intuition peut-être, je ne sais pas ce qu'est la mort, je sais juste ce qui m'attend dans cette vie.

Tiens, voilà quelqu'un.

- Celle-là est prête ! Déplacez la cage et faites votre travail ! Je veux qu'on s'occupe de toute la rangée Nord avant ce soir.

Qu'es-ce que le soir ? Le moment où ils éteignent ce tube lumineux ? Qu'est-ce la lune ? Le soleil ? Les humains ? La nature ?
Tous ces mots me sont inconnus, pour moi il y a seulement : manger, boire, dormir, graines, boite et à présent je ressens la mort...
Les bruits de pas sont toujours présents, mais les sons métalliques, devenus une habitude depuis mon apparition sont à présent beaucoup plus intenses.
On entre, on m'attache des chaînes et un collier, pour me déplacer. Je vais enfin voir le monde ? Une petite larme coule le long de mon œil. Enfin je vais savoir ce qu'il y a en dehors de cette boite.
Je regarde tout, comme apeurée, mais je ne le suis pas, j'essaie de tout observer, pour ne rien manquer. C'est donc ça le monde ?
Une boite en fer encore plus grande, des centaines de « moi » entassées dans des réceptacles plus petits encore et dirigés par ces êtres. Des tuyaux, des tapis qui avancent tout seuls, qui me guident sans que j'aie à me déplacer, choisissant à ma place les directions à prendre...
Plus on avance, plus je respire une odeur de putréfaction, un gout amer, me prenant presque aux tripes.
C'est donc ça le monde ?
Un nouvel espace, où ces êtres ne sont séparés de moi que par une vitre, où les autres, alignés devant et derrière moi, ressentent la même crainte.

Il fait noir...

Je suis à nouveau seule, j'entends ma respiration, plus de bruits, plus de pas, plus de vies, que moi face à une grande bouche en métal.
C'est donc ça le monde ?
Une lame qui me transperce de part en part, laissant la douleur prendre le dessus, séparant mon esprit de mon corps, m'offrant comme simple souvenir ce gout amer et cette odeur de sang...
C'est donc ça la vie ?
Qui étais-je ? Que suis-je devenu ?

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Je suis une matière première, qui avait une âme...