Chapitre 1 : L'histoire de Long SongWei
Je savais que j’avais mérité ma punition. Mais à treize ans, on n’a pas vraiment envie d’écouter ses parents et encore moins d’obéir aux règles drastiques qui régissent le Clan Long !
— Nul n’a le droit de quitter la Montagne sacrée avant d’avoir vingt ans !
C’est ce que mon père m’obligea à réciter cent fois avant de m'emmener par l’oreille devant le conseil familial. La punition me tomba dessus comme l'eau de la cascade de cristal !
Sept jours d’enfermement à méditer sur les règles du Clan et en particulier sur celles relatives à mes devoirs de Dragon Céleste !
Sur le chemin qui me menait au Temple du Pic Éternel, je repensais à comment tout cela avait commencé …
L'obéissance n’avais jamais été mon fort et Maître Zhen Shui, mon professeur, disait que mon plus gros défaut se résumait en un mot : la curiosité ! Ce fut donc tout naturellement que celle-ci me poussa à explorer la Montagne Sacrée en allant de plus en plus loin, jusqu’aux limites autorisées.
Et puis un matin, je les avais franchies et mon exploration du monde extérieur me poussa chaque jour un peu plus loin. Je prenais garde de n’entrer en contact avec personne jusqu’à ce moment hors du temps où je l’avais vu ! Le dos calé contre un arbre, il lisait.
Un peu plus grand que moi, aussi bien en taille qu’en âge, il devait froler les quinze ou seize ans. Ses longs cheveux noirs, relevés en un chignon piqué d’un ornement en argent, encadrait un visage fin ou s’enchâssait de magnifiques yeux dorés. Plus je l'observais, plus germait en moi l’impression de l’avoir déjà rencontré, mais n’ayant jamais quitté la Montagne Sacrée, la chose se révélait impossible ! Je décidais de m’éloigner avant qu’il ne s’aperçoive de ma présence. Je fis demi-tour…il se tenait devant moi ! Comment avait-il pu se déplacer aussi vite?
— Mais… Ma tête faisait des aller-retour entre l’endroit où il se trouvait l'instant précédent et celui où il se dressait maintenant ! Il se mit à rire, puis s’inclina pour me saluer.
— Je m’appelle Peng Feng Qiu de la Secte du Vent du Sud et toi ?
J’étais en mauvaise posture ! Je ne pouvais pas décemment rester muet face à son introduction ! Cela aurait été impoli, mais je ne pouvais pas non plus révéler d’où je venais. Je le saluais donc en retour.
— Je me nomme Long SongWei , je …
— Long ? Tu fais partie de la Secte du dragon ? Je poussais un soupir en hochant la tête.
— Oh ! Tu aurais préféré que je n’y fasse pas allusion ? Son regard pétillaient de malice.
— Ce n’est pas ça, mais je n’ai pas encore le droit de quitter notre Domaine, si jamais mon père l’apprend...
— Et bien, ce sera notre secret. Me répondit-il avec un sourire éclatant et un clin d'œil complice.
C’est ainsi que commença ma relation avec Peng FengQiu.
Ce jour là, nous avons passé tout l’après-midi ensemble, parlant de tout et de rien. A la fin de celle-ci, notre amitié s'était nouée et nous avions prévu de nous retrouver au même endroit deux jours plus tard.
A mon retourà la maison, je me glissais discrètement dans ma chambre sans être vu.
Mes escapades se firent de plus en plus fréquentes. J’attendais avec impatience chacune d'entre elles. Dès que je voyais sa silhouette m’ attendant auprès de notre arbre, mon cœur se gonflait de joie. Je commençais à m'interroger sur ce sentiment de bonheur intense que j'éprouvais auprès de lui...
Un soir, ma mère me voyant troublé, m'en demanda la raison. J’ hésitai à m'ouvrir à elle, puis les mots s'échappèrent de mes lèvres tel une rivière.
— Mère, est-ce qu’il t'est déjà arrivé d’avoir le sentiment de connaître une personne alors que tu ne l'as jamais rencontrée ? Ma mère souri avec une lueur espiègle dans les yeux.
— C’est ce que l’on appelle le sentiment de reconnaissance des âmes sœur.
— Des âmes sœurs ? Lui demandais-je sans comprendre ce à quoi elle faisait allusion.
Elle me prit dans ses bras et me serra contre elle.
— Les âmes sœur, mon enfant, c’est lorsque deux personnes sont faites l’une pour l’autre, qu’elles se complètent pour former une unique entité. Chaque individu n’en a dans toute sa vie qu’une seule et s’il a le bonheur de la trouver, alors la vie devient merveilleuse.
— Comme père et toi ? Son rire résonna dans la pièce tel une mélodie douce à mes oreilles.
— Oui, comme ton père et moi…. Elle marqua une pause et observa mon visage septique et pensif.
— Tu penses avoir rencontré cette personne ? interrogea-t-elle.
— Mère, cela ne peut pas être. Parce que c’est un garçon comme moi ! Une fois de plus, son rire chantant s'échappa d'entre ses lèvres.
— Mon fils, toutes les âmes sœurs ne sont pas époux ! Il ne dépend que de vous de devenir ou non des partenaires de culture. Mais … si c’est le cas, peut importe que vous soyez ou non du même sexe, l’important, ce sont les sentiments que vous éprouverez l’un pour l’autre .
Sa main caressa ma joue avec un doux sourire, mais elle ne posa pas d’autres questions.
J’avais longuement réfléchi aux paroles de ma mère. Si Peng FengQiu se révélait comme mon âme sœur, nous disposions de temps pour découvrir si oui ou non nous deviendrions partenaires de culture. Même si je dois bien avouer que je me demandais comment ce genre de relation pouvait exister entre deux garçons? Il faudrait que j’interroge Père à ce sujet, mais pas tout de suite, sinon il faudrait que je dévoile mes escapades hors de la Montagne !
Je pris l’habitude de le rejoindre à la rivière, pas tous les jours bien sûr, sinon Maître Zhen Shui l’aurait remarqué. Il voyait tout ! Il me reprochait déjà assez mon manque d’assiduité dans mes études !
Je savais que Feng devait retourner à la capital pour ses études au début du printemps. Alors nous profitions des jours qu'il nous restait. Nous chassions, nous pêchions, il me lisait des poèmes... Je l’écoutais la tête sur ses genoux. Dans ces moment de complicité, nous nous racontions tout. Timidement, je lui relatais ma conversation avec ma mère au sujet des âmes sœurs. Un tendre sourire illumina son visage et il me fit part de sa certitude sur le sujet, dès le premier regard que nous avions échangé.
Sa grande main chaleureuse se posa sur ma joue. Je ne pu m’empêcher de me frotter contre elle. Puis ses lèvres effleurèrent les miennes telle les ailes d'un papillon. Dans un premier temps, la surprise me prit au dépourvu, mais en fin de compte, sa bouche était aussi exquise que le gâteau au miel pris avec notre thé.
— Lorsque tu pourras quitter la Montagne sacrée, viendras-tu me rejoindre pour devenir mon partenaire de culture ? Me demanda-t-il.
J’avais hésité. Comment pouvais-je lui expliquer mon destin de “Dragons Célestes” et que je manipulais le feu ? Il prit mon hésitation pour un refus.
— Ce n’est pas grave, nous n’avons qu’à rester… amis.
— Ce n’est pas ça, bien sûr que je veux devenir ton autre moitié, mais … Les choses risquent d’être plus compliquées que tu ne peux l’imaginer. Nous autres du Clan du dragon avons des … particularités dans notre façon de cultiver nos aptitudes. Pour te rejoindre, il me faudra trouver une solution. L’une d’entre elles pourrait être que tu viennes vivre auprès de moi ...
— A-Song, tu sais que c’est impossible, je dois prendre la suite de mon père à la tête du Clan du Vent du Sud …
— Et moi celle du mien …
— Il n’y a pas de solution !soupira -t-il tristement.
— J’ai encore sept ans avant mes vingt ans. Sept ans pour trouver comment devenir ton partenaire ! Je n’abandonnerais pas ! Je le promets !
— Tu m’oublieras…
— Jamais ! Si tu le veux, je suis prêt à me donner à toi ici tout de suite, pour te prouver que je n’ appartiendrais toujours qu’à toi !
Avec un petit rire à peine audibl, il baisa de nouveau mes lèvres avec une grande douceur.
— Ce n’est pas nécessaire, je te crois et je t'attendrai.
Je me redressais et me blottis dans ses bras. Nous sommes restés enlacés jusqu’au coucher du soleil.
— Je dois rentrer sinon mon père va soupçonner quelque chose. Il me regarde étrangement depuis quelques jours, comme s’il se doutait de mes escapades.
— Mnnnn, alors sois prudent !
— Promis, on se revoit dans trois jours ? Ici au bord de la rivière ?
— Je te l’ai dit, je t’attendrais.
Avant de se quitter, il a de nouveau embrassé mes lèvres, c’est étrange, on aurait dit qu’il ne pouvait plus s’en passer ! Je suis parti en faisant un signe de la main. Son sourire fut la dernière chose que je vis avant de prendre le chemin du retour..
A mon arrivée à la Montagne Sacrée, il faisait nuit. Mon père allait remarquer mon retard, je devais trouver une bonne excuse !
Helas, ce ne fut pas nécessaire. Il m'attendais au niveau de la frontière, les bras croisés sur la poitrine . La colère que je lu dans son regard ne me disait rien qui vaille !
C'est pourquoi je me retrouvais à méditer pendant sept jours au Temple du Pic Éternel !
Quand l'heure de sortir sonna enfin , je compris immédiatement que quelque chose n'allait pas ! Une odeur de brûlé flottait dans l’air. Puis le vent m’en apporta une autre: celle que l’on rencontrait après un éclair. Mes frères et sœurs avaient utilisé leurs pouvoirs !
Je me dépêchais de retourner à la Secte. Mes bonds, amplifiés par mes capacités cultivées ces derniers jours, étaient démesurés par rapport à d’habitude. Plus je m’approchais, plus mon cœur s’affolait. Les premiers bâtiments apparurent. Certains avaient été partiellement détruits ! Quand j’arrivais sur l’esplanade, des cadavres jonchaient cette dernière. Certains appartenaient mon clan, mais les autres m’étaient inconnus ! Des hommes, des femmes, nul n'avait échappé au carnage. Pas même les enfants !
Le visage poupin de ma petite sœur s'imposa à moi, Zhu Xian ! Et mes parents,... où étaient-ils ?
Je me précipitais dans le Manoir du Feu. Là encore, des corps lardés de coups d’épées jonchaient les couloirs. Aux marques de brûlures que je voyais, les miens avaient dû défendre chèrement leur peau ! J’arrivais dans la salle de travail de Père. La première chose que je vis fut son corps allongé par terre. Je poussais un cri de désespoir et me jetais au sol à ses côtés pour essayer de le réveiller. Il me fallu un peu de temps pour comprendre que jamais plus il n’ ouvrirait les yeux.
Mère? Zhu Xian ? Si Mère ne se trouvait pas auprès de père, c’est qu’elle devait s'être précipité dans la chambre de la petite pour la protéger !
Je délaissais le corps de mon géniteur, je m’en occuperais plus tard ! Je courus dans les galeries jusqu’aux appartements de ma cadette. Je crois que mon esprit ne voulut pas comprendre ce que mes yeux voyaient : Ma mère recouvrant de son bras protecteur le corps sans vie du bébé de six mois qu’était ma petite sœur.
Un son étrange sortit de ma gorge, pendant que je sentais une brûlure envahir tout mes membres. Ma vue se brouilla. J’entendis un vacarme infernal, quand le toit au-dessus de moi s’embrasa et s’effondra. Je pouvais sentir des larmes glisser sur mes joues, mais mon cœur se cristallisa et devint de glace.
Je baissais la tête et regardais autour de moi. Où étais-je ? Il me semblait être encore plus haut que le Temple du Pic Éternel ! Pourquoi les nuages m'entouraient-il ? En fait, quelle importance ! Mes yeux perçants trouvèrent ce qu’ils cherchaient.
Sur les flancs de la Montagne, des hommes inconnus s'enfuyaient. J’entendis de nouveau ce cri venant de ma gorge, ma colère explosa. Le feu, la glace et le vent se déchaînèrent. Des lances de pierres jaillirent du sol transperçant toute vie qui passait à leur portée. Les cris de terreur firent bientôt place aux gémissements de douleur puis au silence.
Je relevais la tête et le vis. Je ne pouvais pas l'atteindre, car ses mains n’étaient pas rouges du sang des miens, mais je savais qu'il était responsable de mon malheur. Je ne connaissais pas son identité, mais ses traits resteraient gravés dans ma mémoire jusqu'à ma mort. Cela me prendrait le temps qu’il faudrait, mais je le retrouverais et il payerait par son sang , les crimes qu'il avait orchestré !
Au loin sur la colline, le Prince Wan Yi sur son cheval regardait la peur au ventre, le gigantesque dragon de feu rugissant de colère, qui venait d’anéantir en quelques secondes son armée toute entière.
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