Chapitre 28 : Départ
Sheireen attendait patiemment sur les marches de l’académie. Sous son long manteau, elle portait son armure flambant neuve noire, exactement comme elle l’avait demandé à l’armurier. Son épée pendait à sa hanche, cachée elle aussi sous le tissu épais. La jeune fille n’avait pas pris son arc, trop imposant, elle l’avait troqué contre un bien plus petit. Elle cachait aussi sur elle deux poignards.
La grande porte claqua derrière elle et Léarco se posta à ses côtés. Il portait lui aussi un long manteau pour cacher son attirail. Dans la nuit, seule leur taille les différenciait.
Tout était calme, la ville dormait et personne ne se doutait qu’en se moment même, l’opération de sauvetage de la princesse allait commencer. Cinq silhouettes identiques avançaient silencieusement entre les maisonnées. Elles passèrent les remparts intérieures rapidement puis continuèrent jusqu’aux remparts extérieures. Les y attendaient cinq chevaux en pleine forme.
Elles chevauchèrent jusqu’au mont Cetus où elles abandonnèrent leurs montures.
Il y avait beaucoup de vent et la traversée de la montagne fut difficile. Les capes claquaient, les pierres roulaient sous les pieds et il était impossible de communiquer autrement que par télépathie.
« Il va bientôt faire nuit, est-ce qu’on continue ? » demanda Oma au bout d’un certain temps.
« Nous sommes presque de l’autre côté, continuons. » dit Sheireen en continuant sa difficile avancée.
« Nous aurons beaucoup plus de mal à avancer si la nuit tombe avant que nous soyons arrivés en bas. » intervint Léarco en essayant de rattraper la jeune femme.
« Effectivement, mais où veux-tu qu’on pose le camp ici ? » dit-elle.
« D’accord, continuons, mais si la nuit arrive avant qu’on soit en bas, il faudra s’arrêter. » trancha le garçon.
§
Sheireen se tournait et retournait près du feu mourant. Près d’un arbre était assise Églantine pour le premier tour de garde. Ils étaient arrivés de l’autre côté de la montagne au crépuscule et avaient immédiatement monté leur campement. Ils étaient épuisés et tous s’endormirent rapidement. Tous sauf Sheireen. Ce n’était pas la précarité de son couchage qui l’empêchait de dormir - elle avait déjà dormi à la belle étoile plus d’une fois. Peut-être était-ce l’importance de leur mission, ou bien l’impression tenace qu’ils étaient observés.
Elle replaça son manteau qui lui servait de coussin et rapprochait sa lame d’elle même. Elle finit par s’endormir et, quelques heures plus tard, Léarco vint la réveiller pour qu’elle prenne sa place pour le dernier tour de garde.
L’aube finit par colorer le ciel et le petit groupe reprit sa route.
La transition se fit doucement, comme un brouillard s’étendant au fil de la journée et lorsqu’ils s’arrêtèrent pour manger, il faisait nuit. Ils ne furent pas étonnés, la Terre Noire était ainsi, il y faisait nuit toute l’année et on y trouvait donc beaucoup de plantes et d’animaux phosphorescents.
§
Ils avançaient plutôt rapidement entre les arbres qui longeaient la frontière entre la Terre Noire et la Terre Rouge. La douce chaleur venant de cette dernière rendait leur marche plutôt agréable, pourtant, Sheireen continuait d’avoir cette mauvaise impression. Elle finit par en faire part à Léarco.
— Ne t’inquiète pas autant. Tout ce passe comme prévu, tenta de la rassurer le prince.
La jeune elfe acquiesça mais continua tout de même de rester sur ses gardes, ce qui leur sauva sûrement la vie.
Le lendemain, un mouvement dans les fourrés attira son attention. Elle s’arrêta net en dégainant doucement son arme.
— Qu’est-ce que … ? demanda Seth qui lui était rentré dedans.
— Chut ! le coupa l’elfe. Il y a quelqu’un.
Une flèche sortit de nulle part et alla se planter dans l’épaule d’Églantine avec un bruit mat. La jeune fille recula de quelques pas sous le choc en couinant. Elle s’appuyait sur le tronc d’un gros arbre tandis que les autres dégainaient leurs lames, sur leurs gardes. Ils n’y avait plus de bruits, tout était trop calme.
« Ça va, Églantine ? » demanda Sheireen.
« Ça devrait aller... »
Même par télépathie, l’elfe sentait la douleur de son amie dans sa voix.
« Qui cela peut-être ? » demanda Seth.
« Bandits ? Wesi ? » supposa Oma en lançant des regards un peu partout.
Tout à coup, une autre flèche traversa l’air, passa à quelques centimètres de la rousse et finit sa course dans du bois. Sheireen envoya alors en représailles un de ses poignards vers l’endroit d’où était sorti le projectile. Un homme tomba de l’arbre, la lame planté dans le cou.
Ce fut le signal qu’attendaient les autres assaillants qui sortirent tour à tour de leur cachette.
« Wesi. » dit simplement Léarco en désignant l’insigne que portait les hommes.
Ils étaient huit - neuf si on comptait celui qui se vidait de son sang au sol - armés jusqu’aux dents et près à en découdre. Les deux groupes se jaugeait, l’air semblait vibrer entre eux. Pour les apprentis dragoniers - car ils n’avaient pas encore été fait dragonier - cela allait être leur vrai premier combat. Tuer ou être tué.
Les wesi finirent par se jeter sur les jeunes soldats.
Ils étaient plus nombreux et Églantine était blessée, le combat fut donc difficile. Chaque apprentis combattaient contre deux ennemis.
Sheireen sortit donc, en plus de son épée, son deuxième poignard. Les nombreuses minutes suivantes furent sanglantes. Elle tint tête aux deux wesi seulement quelques instant avant de planter profondément l’une de ses lames dans la jambe de l’un d’entre eux, qui s’effondra au sol en grognant. Elle put ainsi entièrement s’occuper de l’autre. Ce fut tout aussi rapide. La jeune femme aux cheveux bleus était plus rapide et elle ne laissait à l’homme aucune chance de placer ses feintes tandis qu’elle même lui causait de nombreuses petites blessures. Enfin, elle lui lacéra violemment le torse et il s’effondra au sol à côté du deuxième.
Elle se tourna ensuite vers ses amis qui s’en sortaient plutôt bien. La jeune elfe décida donc de rejoindre Églantine qui attendait, la flèche toujours planté dans l’épaule. La brune était pâle et tremblait légèrement. Une fine pellicule de sueur luisait sur son visage.
— Tu es sûre que ça va ? demanda Sheireen en posant une main sur le front de son amie pour prendre sa température. Tu es brûlante.
— Ça-ça va, retire moi juste cette flèche.
L’elfe attrapa donc le bout de bois et, après avoir glissé un bout de cuir entre les dents de l’autre, elle tira. La pointe, fabriquée pour faire beaucoup de dégât, déchira la peau en ressortant, arrachant un hurlement à la brune. Tous arrêtèrent de combattre pour se tourner vers la source du bruit et Sheireen prit la parole :
— Wesi, emportez vos blessés et vos morts.
Les deux wesi qui tenaient encore debout relevèrent deux de leur camarades et prirent la fuite, laissant derrière eux cinq cadavres.
Tous rangèrent leurs armes et s’approchèrent de la blessée.
— Tu peux te lever ? demanda Léarco.
— J-je vais essayer, repondit-elle d’une voix faible avant de se lever en s’aidant de Sheireen.
Elle fit quelques pas incertains et hocha la tête.
— Allons nous en d’ici.
§
Ils marchaient depuis seulement une heure lorsque Eglantine s’effondra. Seth la rattrapa de justesse et l’allongeait doucement sur le sol.
— Qu’est-ce qu’elle a ? demanda-t-il. Je veux dire à part un trou dans l’épaule.
Oma se faufila jusqu’à la blessée et, après avoir examiné la plaie, dit :
— La flèche devait être empoisonnée. (Anticipant la question suivante, elle précisa :) La plaie a une couleur étrange et sens très fort.
— Que pouvons-nous faire ? demanda Léarco.
— Il faudrait savoir de quel poison il s’agit pour pouvoir faire un antidote.
— Aucun d’entre nous ne s’y connaît en poison, fit remarquer Sheireen en faisant les cent pas.
— Et personne n’est un puissant magicien non plus, ajouta Léarco.
— Si seulement Sévrar était là, chuchota pour lui même Seth.
Sheireen l’entendit et dit :
— Nous pouvons le contacter, il pourrait peut-être nous donner des conseil.
Elle s’assit et se concentra, elle n’avait pas encore pratiqué la télépathie sur une aussi grande distance.
« Sévrar, c’est Sheireen, nous avons besoin de ton aide. » répéta-t-elle en boucle.
Au bout de plusieurs longues minutes, l’apprenti magicien répondît :
« Sheireen ? Qu’il y a-t-il ? »
« Eglantine a été blessée par une flèche qui était empoisonnée, nous ne savons pas quoi faire. Les seul sort de guérison que nous connaissons ne fonctionnent pas. »
« Ok, ok, du calme. A quoi ressemble la plaie ? »
« Elle est sombre et surtout elle sent très fort. »
« Je ne connais pas de poison laissant ce genre de trace... »
« Que puis-je faire alors ? Il y a pas une sorte de remède universel ? »
« Laisse moi réfléchir. »
Il y eut un long silence puis Sévrar reprit la parole :
« J’ai demandé à Rowenn, il dit qu’une plante pousse au pied de Yggdrasil. Elle peut guérir tous les maux, même les poisons. »
« Yggdrasil ? Mais c’est super loin ! C’est impossible ! »
« Rowenn me dit de te dire que tu es capable de beaucoup de chose impossible. »
« Je… oh. Merci Sévrar. A bientôt. »
« Euh, de rien. J’espère que vous arriverez à sauver Eglantine. »
— Alors ? demanda Seth.
— J’ai un plan, déclara Sheireen en se levant.
Elle joignit ses mains devant les regards perplexes de ses amis.
— Tu prie ? demanda Oma.
— Absolument pas. Taisez-vous, j’essaye d’arrêter le temps.
— Arrêter le temps ? Tu as pris un coup sur la tête pendant la bataille ? demanda Léarco.
— Chut.
— Mais…
— Chut.
Elle se mit à respirer plus calmement, comme si elle entrait en transe. Son aura apparue et se mit à pulser en rythme avec son souffle. A chaque respiration, le temps ralentissait un peu plus. L’effort était intense et lui aspirait beaucoup d’énergie. Son aura devenait de plus en plus terne, elle sentait le pouvoir la quitter tandis que les feuilles des arbres se figeaient dans les branches ainsi que ses compagnons.
Lorsqu’elle rouvrit les yeux, elle lutta contre un vertige. Tout était silencieux, elle avait réussi. Elle s’assit quelques instants pour reprendre un peu de force. Ensuite, elle attrapa son sac, lança un dernier coup d’œil sur le petit groupe et disparut entre les arbres.
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