Chapitre 39 : Dragoniers
Les tambours retentissaient avec force. L’arène était remplie de la cour de sa Majesté ainsi que des badauds de la capitale. Pourtant, aucun d’entre eux ne parlaient, tous attendait avec impatience l’arrivé des nouveaux dragoniers.
Enfin, les percussions se turent, tous retinrent leur souffle lorsque les dragoniers entrèrent dans l’arène sur leurs grands dragons. Ils étaient huit. Ils arboraient des armures flambants neuves ainsi que des épées à leurs tailles. Les reptiles marchaient lentement, leurs longues queues épineuses laissant des sillons dans la poussière.
Arrivé au centre de l’arène, ils se mettèrent en ligne puis descendirent de leur monture. La Reine Eléonor se leva alors, sa longue épée de cérémonie en main, elle s’approcha doucement d’eux. Sa magnifique robe bleue glissait sur la poussière sans se salir.
Les dragoniers s’agenouillèrent, la tête baissé, attendant les ordres.
— Chère population de Zalia, commença la monarque, nous sommes réunis aujourd’hui, pour adouber ces huit apprentis. Ils ont clairement démontrés qu’ils étaient dignes de porter l’insigne des dragoniers aux côtés des couleurs de notre royaume, en allant libérer la princesse Zalénia des Wesi.
Elle s’avança vers Sheireen et lui dit :
— Relève la tête.
L’elfe obéit et la Reine continua :
— Jures-tu, sous le regard des dieux et des hommes, de défendre et de protéger avec ton épée le peuple de Zalia, de lutter contre l’injustice et le mal, de ne jamais fuir et d’être brave et d’accomplir toute tâche qui te sera demandé en mon nom, aussi périlleuse qu’elle puisse être ?
— Je le jure ! s’exclama Sheireen, le regard déterminé.
La souveraine abattit alors six fois le plat de la lame sur l’épaule droite de la jeune fille, pour chaque Terre qu’elle devrait protéger.
— Relève-toi, Sheireen de la Terre Verte, dragonière de Zalia. Que la chance vous sourit, toi et ton dragon.
L’elfe aux yeux violets obéit et la foule se mit à applaudir avec force.
§
Les nouveaux dragoniers montés sur leur dragon, atterrirent dans les jardins royaux. Autour d’eux se dressaient les différentes tours du palais, on aurait dit qu’elles avaient été posées là au hasard. On ne trouvait ce type d’architecture nul par ailleurs.
Une fois descendu du dos de leur reptile, ils furent escorté jusqu’à la salle de bal. La grande pièce, qui faisait au moin quinze fois la cabane où avait grandis Sheireen et Seth, était remplie de seigneurs et de dames habillés avec soin. Au milieu de tout ce beau monde, leurs armures - aussi neuves qu’elles puissent être - faisait tâche.
A peine avaient-ils mis le pied sur le sol de marbre que les plus proches nobles vinrent les voir. Tous voulaient discuter avec les nouveaux venus.
Sheireen tentait de se soustraire de tous ces futilitées - une bataille bien plus ardues qu’il n’y parraissait -, lorsque Léarco lui attrapa le bras.
— La Reine nous demande.
Sheireen remerciant silencieusement les dieux, ils se faufilèrent entre les soies et les brocards pour arriver sur un balcon. Les y attendaient sa Majesté et les autres dragoniers ainsi qu’une femme aussi rousse que Oma. Elle portait à la taille une épée finement ouvragé. Sheireen se demandait comment on pouvait combattre avec une lame pareille quand la souveraine prit la parole :
— Je vous présente la générale Kimiati. Au front, se sera elle votre supérieure, du moins pendant les premiers mois. Après avoir fait vos preuves sur le champs de bataille, vous deviendrait général vous aussi.
— Cela veut dire que nous aurons des troupes sous nos ordres ? demanda Kryss.
— Effectivement, je vous demanderais donc de bien observer la générale Kimiati pendant vos premiers mois. Elle vous donnera des conseils et vous apprendra à diriger. Evidemment, vous pourrez toujours demander des conseils après. Mieux vaut demander que faire des erreurs.
— On apprend de nos erreurs dit-on, mais sur le champ de bataille, les erreurs coûtent la vie des soldats sous votre commandement, intervint la rousse.
La Reine acquiesça puis retourna dans la foule, sûrement pour rejoindre le Roi.
— Général, carrément, lâcha Seth.
— Et oui, nous serons sûrement les plus jeunes de l’armée. Il faudra se faire respecter, dit Oma.
— Un dragon ça aide, rajouta Eglantine avec un sourire.
Ils continuèrent de parler entre eux puis, Sheireen accompagna Léarco pour chercher à boire.
— Ce n’est vraiment pas pratique de se faufiler en armure, disait le prince.
— Leurs immenses robes n’aident pas vraiment non plus, fit-elle remarquer alors qu’ils arrivaient devant l’immense buffet.
L’elfe n’avait jamais vu autant de nourriture en même temps au même endroit. Les tables, pourtant en bois massif, ployaient sous le poid de tous ces mets. L’odeur de toute ces viandes différentes était appétissante et écoeurante à la fois. Toute cette nourriture aurait pu nourrir les quartiers les plus pauvres de Liodas pendant des mois. Pourtant, Sheireen en était certaine, la plupart finiraient aux ordures.
Léarco ne semblait pas perturbé par cette profusion, après tout, il avait grandi dans ce monde. Il la guida vers les tables des boissons.
Ils se servirent à chacun deux grands verres d’ambroisie. Renonçant à rejoindre les autres, ils discutèrent longuement, enchaînant les verres.
Au bout d’un certain temps, alors que leurs éclats de rire volaient plus haut que les discussions alentours, Léarco demanda :
— Tu veux danser ?
— En armure ?
Il haussa les épaules.
— Je te rejoins, dit-elle pourtant avant de disparaître.
Un peu perdu, Léarco se mit à se frayer un chemin vers la piste de danse. Lorsqu’il perça enfin le mur des nobles, il s’arrêta net. Devant lui se tenait Sheireen, pourtant, on aurait dit une autre personne. Elle avait troqué son armure noire pour une robe simple tout aussi noire. Elle était pieds nus, ses cheveux bleus détachés tombant dans son dos. Pour le prince, on aurait dit une déesse. Les yeux violets de la jeune femme croisèrent les siens et son coeur rata un battement. Que lui arrivait-il ?
Elle fronça des sourcils et répéta :
— Alors ? Tu viens ?
Bredouillant un petit oui, Léarco attrapa sa main et l'entraîna au centre de la piste. Le jeune homme remarqua vaguement que Zalénia dansait avec Seth tandis qu’il posait doucement ses mains sur les hanches de Sheireen. Elle mit les siennes autour de son cou. Léarco avait appris à danser très tôt et ne craignait donc pas d’écraser les pieds de sa coéquipière.
Ils se laissèrent emporter par la musique, dansant les yeux dans les yeux. Petit à petit, ils eurent l’impression que la foule disparaissaient, ne laissant place qu'à la musique.
Sheireen sentait la fraîcheur du marbre sous ses pieds nus et la chaleur des mains du prince sur ses hanches à travers le tissus de sa robe. Elle ne l’avait jamais mise avant. C’était un cadeau de sa mère adoptive qu’elle avait raccourci bien au dessus des normes de la mode actuelle. Ce qui n’avait pas plus à la femme. Mais elle ne voulait pas penser à sa mère, elle passait un bon moment avec Léarco.
Il dansait très bien et elle se laissait donc guidée doucement. Ses mains ne se baladaient pas, la distance entre eux restait respectueuse. Elle finit par oublier la présence des autres danseurs, elle se rapprocha doucement, posant sa tête sur l’épaule du jeune homme. Elle le sentit se crisper puis se relâcher. Sheireen ferma les yeux, se perdant dans ses pensées.
Lorsque le morceau arriva à sa fin, l’elfe releva la tête et croisa le regard noir du garçon. Les yeux noirs ? Elle se redressa vivement. Ce n’était pas Léarco.
Orestt lui souriait tristement. Elle retira ses mains de son cou et fit quelques pas en arrière.
— Qu’est-ce que… je t’ai vu mourir !
— Qu’est-ce que tu racontes, Sheireen ? disait-il.
Elle l’avait enterré moins d’une semaine plus tôt. Comment pouvait-il être là, devant elle, en chair et en os ?
— Sheireen ? Qu’est-ce qu’il y a ?
Les larmes montaient dans ses yeux violets tandis qu’il s'approchait. Il posa ses mains sur ses épaules, elle sentait sa chaleur pourtant il était mort. Les larmes menaçaient de déborder.
Attrapant sa main, il l’entraîna dehors, bousculant les nobles sur leur route. Elle gardait le regard tourné vers son visage, elle ne pensait pas le revoir un jour. Ses boucles brunes retombaient en bataille sur son front, ses yeux fatigués lui lançaient de temps en temps des coups d’œil pour vérifier qu’elle ne pleurait pas.
Ils déboulèrent dans les jardins plongés dans le noir, quelques nuages cachaient lune. Sheireen ne sentait pas la brise fraîche qui faisait onduler ses cheveux.
— Comment ? demanda-t-elle simplement.
— Mais de quoi tu parles ?
— Comment tu as survécu, Orestt ?! cria enfin la jeune femme.
— Mais, Sheireen, c’est moi. Léarco.
Un rayon de lune traversa le ciel couvert, révélant les cheveux bordeaux du prince.
— Je-Orestt. Désolée.
— Que s’est-il passé ? demanda-t-il en remarqua qu’elle avait repris ses esprits.
— Rien.
— Ne le racontes pas n’importe quoi. Tu étais sur le point de pleurer, Sheireen.
— Je-Orestt avait prit ta place. Pourtant, il est mort. Ça m’a fait un choc. Je suis désolée.
Ils se mirent à marcher entre les buissons et les arbres.
— Qui était Orestt pour toi ? finit par demander Léarco.
Elle s’arrêta net et s’assit sur une pierre. Le prince l’imita, attendant qu’elle se livre enfin. Ce qu’elle fit très rapidement, en un flot continue, elle raconta comment elle avait rencontré Orestt, leur découverte et son entraînement puis la mission qu’il s’était lui même attribué.
Léarco l'écouta attentivement, il comprenait maintenant pourquoi elle semblait si bouleversée à la mort du jeune homme. Ils avaient passé beaucoup de temps ensemble à l’insu de tout le monde.
— Comment ce fait-il que tu m’ais confondu avec lui ?
— Je ne t’ai pas confondu, il avait prit ta place. Je ne sais pas comment, ni pourquoi, mais il était là.
— Ce n’était peut-être pas lui, tu sais. Tu m’as dit que tu l’avais enterré. Personne ne peut ressusciter quelqu’un. Peut-être que quelqu’un t’a lancer une sorte de sort.
— Je sais. Mais qui voudrait me faire croire que Orestt est encore vivant ?
L’autre haussa les épaules et ajouta :
— Quoiqu’il en soit, on ferait mieux d’aller se coucher. Il va bientôt faire jour.
— La nuit porte conseil, dit-on.
§
Une semaine passa sans que quoique ce soit n’arrive. Léarco et Sheireen ne reparlèrent pas de la soirée mais restèrent tout de même sur leurs gardes.
Vint le jour où les dragoniers furent convoqués par la Reine. Elle siégeai tsur le trône surélevé. De nouveau agenouillé sur le sol de marbre blanc, ils n’attendirent pas longtemps avant que la souveraine ne les autorise à se relever. À ses côtés attendaient la directrice et Kimiati.
— Vous partez pour le front aujourd’hui.
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