103. Un rebondissement étonnant

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— Hé ho ! Il y a quelqu’un ?! lança Flint qui poussa la porte d’un immeuble.

Il se trouvait à Baldt en compagnie de Nash, Gabriel, Shayne, Misaki, Lucas, ainsi que leurs esprits élémentaires. Ils avaient décidé de traverser le portail prototype dans le sous-sol de leurs quartiers généraux afin de partir en mission. Le groupe était arrivé instantanément à la capitale de la république, complètement déserte.

— C’est quand même une chance que ce truc ait fonctionné, avait dit Nash, un peu plus tôt. J’espère que le portail sera assez stable pour notre retour à la base…

Ils avaient tous pris un risque quand ils étaient venus ici. Ils auraient pu fusionner, perdre des membres ou même mourir à la moindre fausse manœuvre. Toutefois, il semblerait que leurs ingénieurs étaient sur la bonne voie pour perfectionner leur unique moyen de téléportation.

Plusieurs bâtiments de Baldt avaient été détruits par les flammes et les dégâts causés par les monstres, lors de la guerre. Il ne restait plus rien qu’une atmosphère sombre et sinistre, comme celle de l’enfer d’Aeglys.

Alors qu’ils marchaient le long de la ville, les membres de leur équipe purent voir au-dessus de leurs têtes qu’une lune rouge éclairait le ciel. L’œil qui voit tout, comme l’avait décrit Athéna, était un sortilège lancé par le Conclave afin d’observer les dimensions maudites.

— Je ne détecte aucun signe de vie à part les nôtres, déclara Nash.

— Cerbère a mal fait son travail, on dirait… commenta Nox, cynique.

— Je vous signale que je n’ai détecté personne non plus, la dernière fois que je suis venu ici… répliqua le chien de garde.

Il y avait des cadavres de civils partout où ils marchaient, ainsi que des restes de monstres. Un véritable massacre s’était produit pendant que la Septième Brigade s’était trouvée loin de ces lieux. À part Flint, Misaki était celle qui s’inquiétait le plus, car ses enfants n’étaient plus à Baldt.

— Oh, mais où diable ont-ils caché ma fille et mon fils !? grogna-t-elle.

Gabriel voulut mettre une main sur l’épaule de son amie pour la réconforter, mais savait qu’elle n’était pas du genre à apprécier les accolades de n’importe qui. Il recula tristement. Lucas, par contre, était intrigué par le corps d’un démon, tout près d’eux. Il piochait dans celui-ci avec le bout pointu de sa faux.

— On dirait une nouvelle espèce, formula-t-il. Perséphone et ses sbires ont créé de nouvelles races, j’en ai peur. On dirait que c’était autrefois un humain, à en juger sa grandeur. Toutefois, la couleur de sa peau était… grise.

— Prenons un échantillon, suggéra Shayne. Nous pourrons analyser tout ça dans nos laboratoires.

Le général se tourna vers les autres et dit :

— On fait quoi, maintenant ?

Nash se prit le menton et analysa les dégâts.

— Je propose que vous ramassiez quelques-uns de vos biens personnels, fit ce dernier. Ensuite, partons.

— Mais qu’est-ce que tu racontes, mon oncle !? râla Flint qui se tourna vers le roi. C’est notre ville ! Nous ne pouvons pas l’abandonner !

— Peut-être, mais il n’y a plus âme qui vive sur cette planète. Tout est mort.

Dia avait vérifié les dires du roi ; il avait raison. Il n’y avait plus une once de vie en ces lieux. Il n’y avait plus de mana dans l’air, sauf quelques particules qui flottaient ici et là.

— Mon hypothèse est que le voile a été inversé pour créer la croûte au-dessus de nos têtes, poursuivit Nash. Le Conclave aurait ensuite transféré les âmes de tout le monde, comme ils ont l’habitude de le faire avec la plupart de leurs planètes.

— Mais, pourquoi auraient-ils fait ça à notre belle planète ?! formula Misaki, choquée.

Ils se rassemblèrent tous autour de Nash, alors que Lusso observait sa porteuse, inquiet pour elle. Lui-même ne comprenait pas le raisonnement des dieux.

— Athéna me l’a déjà expliqué au fil des quatre dernières années que j’ai passé à ses côtés, expliqua le roi. Lorsqu’un monde est jugé impur par le Conclave, ils l’effacent et le remplace par une nouvelle dimension.

— Je pensais que c’étaient les membres de la coalition qui avaient recours à ce sortilège, n’est-ce pas ? commenta Misaki.

— Oui, mais c’est bel et bien une invention du Conclave. Parfois, ils se servent des vieilles planètes pour y enfermer les criminels de guerre comme Perséphone et j’en passe. Mais ça, vous le saviez déjà. Puisque Aeglys est vide, désormais… elle ne va pas tarder à disparaître à travers leur système.

— Ils veulent détruire notre monde… ? constata Flint, en colère. Mais pourquoi ?! Nous n’avons rien fait de mal ! Tout ce qu’on a fait, c’est essayer de la défendre des démons ! Non mais… Qu’est-ce que…

Flint ne trouvait plus ses mots. Il poussa quelques jurons et donna un coup de pied dans une grande poubelle en plastique qui se trouvait près de lui. Une pile de déchets tomba à la renverse.

— Je comprends pourquoi tu es frustré, mais s’il te plaît, essaie de te calmer, supplia le roi. La colère ne t’apportera jamais rien de bon.

— Non, mais je les emmerde TOUS !

Il donna une série de coups d’épée à la poubelle en plastique et finit par se fatiguer. Ensuite, il renfila Dia à sa ceinture. Il prit une grande respiration et se croisa les bras. Encore une fois, il se trouvait dans une dimension maudite à cause de l’ambition des dieux. Il détestait de plus en plus le Conclave et méprisait l’idée qu’il soit devenu, lui aussi, une divinité.

— Bon sang, mec ! s’exclama Misaki. Faut te calmer, nom d’une pipe !

— Trouvez-moi les responsables, que j’aille les défigurer tout de suite… jura-t-il entre ses dents. Je vais les défoncer, je peux vous le garantir !

Il planta sa main droite dans sa paume gauche, rouge de colère.

— Écoute, dit son oncle. Si tu ne te calmes pas immédiatement, tu risques de corrompre Dia. Est-ce vraiment ce que tu désires ?

Le capitaine secoua la tête et souffla des narines. Il baissa ses mains et les rentra dans ses poches.

— Il me faut des pilules pour les nerfs, rétorqua ce dernier.

— Je crois surtout que ce qu’il te faut, c’est un bon psychologue, répondit son mari. On pensera à te remettre sur les comprimés après.

— Vous me faites tous chier, bon sang !

Dia soupira. Elle n’avait pas le cœur à rire, ni de plaisanter. Elle se sentait tout aussi furieuse que son porteur, mais n’osait pas l’exprimer.

— On est venu ici pour rien, dans ce cas, rouspéta le capitaine. On ferait mieux de repartir et d’attendre qu’Athéna se manifeste à nouveau.

— Ça ne sera pas nécessaire, expliqua Nash.

Il souleva son bracelet qui lui servait aussi de clé pour ouvrir un portail vers Célestia. Il fit apparaître un panneau d’affichage devant lui en appuyant sur un bouton et ils virent tous une série de chiffres et de lettres défiler devant eux.

— Avec les dernières trace du mana qu’on vient de repérer, j’ai déterminé les coordonnées du nouveau monde où les âmes ont été expédiées, continua-t-il. Nous pourrions nous y rendre directement, si vous le souhaitiez.

— Mauvaise idée, répliqua Flint. Nous ne sommes pas préparés. Nous ignorons ce qui s’y trouve et si c’est dangereux pour nos esprits élémentaires.

— Au moins, là tu nous aides…

Flint lui tira la langue, comme s’ils étaient frères. Nash roula des yeux et se frotta la nuque.

— Allons, cesse de le taquiner, Nash, ajouta Shayne. Tu le sais bien qu’il fait de son mieux. En même temps, j’en profite pour te dire que je suis du même avis. On devrait rebrousser chemin et tenter une approche différente.

Le roi était surpris que le général prenne autant la défense de son neveu. D’après les rumeurs qui circulaient dans leur groupe, ces deux-là ne s’entendaient pas toujours.

— Très bien, fit Nash. Puisque vous insistez, rentrons tous à Célestia, une fois qu’on en aura fini avec nos affaires personnelles.

— Je suis déjà prêt à partir, déclara Lucas.

— J’aimerais faire un tour au palais, dit Gabriel.

— Je ne crois pas… que ce soit… une bonne idée… mentionna Éclipse, d’une voix à moitié endormie.

Lucas jeta regard vers son arme.

— Qu'y a-t-il ? demanda le jeune homme.

— Le Conclave a ressenti notre présence… répondit la faux entre les mains de son porteur. Ne ressens-tu pas le néant qui approche… ?

— Non… pourquoi ?

— C’est à quelques rues d’ici… Ça dévore tout…

— Nous arrivons trop tard ! grogna Flint.

Le capitaine appuya sur la gemme de sa bague et ouvrit un panneau d’affichage translucide et tactile avant de choisir l’option de téléportation et des coordonnées de leur base. Rapidement, un portail s’ouvrit derrière lui. Ils coururent tous en direction de la masse d’énergie magique, au moment même où le néant commençait déjà à dévorer l’église où Sarah avait vécu pendant quelques années, ainsi que quelques bâtiments.

Une fois de retour aux quartiers généraux de Célestia, Flint et son groupe remarquèrent que les choses avaient changé. Le décor était différent. Ils se trouvaient dans une salle plus grande, plus spacieuse. Le portail semblait avoir été amélioré et on l’avait modifié pour qu’il soit plus large. Devant eux se tenaient une elfe à la chevelure brune. Trois triplés d’une dizaine d’années se cachaient derrière elle. La dame aux oreilles pointues portait un long sarrau de médecin et esquissa un sourire.

— Vous en avez mis du temps, les gars, dit-elle avant d’esquisser un sourire.

— Cassandra !? s’exclamèrent Shayne et Misaki, en même temps.

¤*¤*¤

Dix ans s’étaient écoulés sur le monde magique auquel le reste de la Septième Brigade s’était réfugié. Après le départ de Nash et de son petit groupe, Cassandra et Luna avaient pris en charge leur équipe et s’étaient occupées d’agrandir le terrain. Au fil des années, ils avaient découvert des plans dans leurs ordinateurs qui leur avaient permis de recréer Aeglys et tous les bâtiments qui avaient été détruits par les renégats. Elles avaient décidé de tout reconstruire. Graduellement, elles avaient rempli ces villes de toutes les victimes de guerres, réincarnées.

Là où se trouvait autrefois la simple maison de la Septième Brigade, Luna avait reproduit le palais présidentiel de Baldt. Toute la capitale avait été refaite selon les souvenirs de la magicienne et l’aide des plans.

— Je n’en reviens pas… dit Flint, alors qu’il descendait les marches en face de lui.

Ils étaient à l’extérieur et profitaient du soleil de printemps. C’était une douce température qu’il appréciait.

— Nous avons créé un calendrier pour notre nouvelle planète, expliqua Cassandra. Nous sommes le 24 mai 3928 AD. Vous êtes partis il y a dix ans, mais comme vous pouvez le voir, personne n’a vraiment vieilli à part mes chéris. Que diriez-vous de vous présenter, mes enfants ?

Shayne baissa son regard vers les trois petits elfes. Deux petits garçons et une fille. Il n’avait pas eu la chance de les voir naître, mais savait qu’il s’agissait des siens. Il remarqua qu’ils avaient l’air en parfaite santé et qu’ils avaient une peau foncée comme la sienne, mais plus pâle. Les deux garçons lui ressemblaient beaucoup, alors que la fillette était le portrait craché de sa mère. Elle enfouit son visage dans le sarrau de Cassandra.

— Allons, Maeve, ricana la guérisseuse. C’est ton père, tu sais ? Celui dont je t’ai parlé pendant de nombreuses années ?

— Il me fait peur… couina la gamine.

Shayne déglutit. Évidemment, ces enfants ne le connaissaient pas. Néanmoins, le plus brave des trois s’avança vers lui et l’observa avec insistance. Il n’avait aucune expression.

— Voici Derek, dit Cassandra. Je l’ai nommé ainsi, car c’est son parrain qui m’a trouvé quand j’ai crevé mes eaux et que je ne pouvais plus bouger. Par contre, c’est Madame Doyle et sa fille qui m’ont aidé à accoucher, avec un chirurgien.

Misaki comprit qu’on avait dû lui faire une césarienne et grimaça de douleur pour elle.

Le second garçon, plus timide, se cacha derrière son frère. Il ne connaissait pas ces gens devant lui et voulait simplement jouer avec ses triplés. Il tira sur la manche du chandail du petit Derek et s’impatienta :

— Je veux qu’on parte…

— Allons, Soren… fit sa mère. Tu ne veux pas connaître ton père ?

Le petit garçon secoua la tête et retourna derrière sa mère avec son triplé. Le général soupira et laissa tomber la tête. Il craignait que son visage leur avait fait peur. Pourtant, ses amis ne le trouvaient pas si monstrueux que ça.

— Ils n’ont pas de séquelles, n’est-ce pas ? demanda-t-il à Cassandra.

— Non, dit-elle. Ni l’un, ni l’autre n’a jamais ressenti la soif de boire, tu-sais-quoi. J'aimerais qu’on n’en discute pas devant eux…

Elle baissa ses yeux vers la petite fille, ce qui laissa deviner à son partenaire qu’elle avait horreur du sang. Shayne était soulagé d’apprendre cette nouvelle.

— Boire quoi, maman ? demanda Soren.

— De la bave de crapaud, improvisa cette dernière. Une vieille addiction de votre père.

— Beeeeurk ! dirent les triplés, en chœur.

Le grand elfe basané jeta un air à la mère de ses enfants, formulant : « Pardon ? » avec les lèvres. La guérisseuse rit nerveusement et essaya de changer le sujet de conversation.

Pendant ce temps, Nox, toujours sous sa forme d’épée, hésita à reprendre sa forme de panthère. Il avait peur d’effrayer les gamins, encore plus qu’ils ne l’étaient.

— Alors, qui gère Baldt ? demanda Flint qui s’approcha de Cassandra.

— Gretta Doyle, dit-elle. Vous seriez étonné de voir comment la mentalité des gens a changé depuis votre absence. Elle s’est lassée de la vie de ferme et a décidé de devenir la présidente de notre nation. Elle en est à sa huitième année consécutive. Avant cela, nous n’avions pas de président, mais Luna était notre mairesse élue. Pas mal, non ?

— Oh par Athéna ! Je suis tellement fier de vous, les filles ! s’exclama Flint qui sautilla de joie. J’ai tant rêvé du jour où nous aurions enfin une femme comme présidente ! Ah, miiiiiince ! J’ai raté les élections !

Il se mit à pleurnicher de frustration. Gabriel pouffa de rire avant de s’approcher de son mari. Il mit une main sur son épaule et secoua la tête.

— Qui sait ? proposa-t-il en riant. Peut-être qu’un jour, ce sera notre fille, la nouvelle présidente.

— J’en douterais fort, si j’étais vous, gloussa Cassandra. Elle est journaliste et écrivaine. Elle a ranimé l’ancienne gazette du Petit Baldtien avec Wyatt.

— Ah bon !? s’exclama Flint qui sursauta. M… Ma fille s’est remise à l’écriture !? C’EST TROP GÉNIAL ! T’ENTENDS ÇA, CHÉRI !?

Flint ne pouvait plus contenir sa joie. Il ne pouvait plus se tenir en place. Shayne et Misaki tournèrent leurs regards vers le capitaine, alors que Nash, Lucas et Gabriel semblaient habitués à ce genre de réaction spontanée.

L’un des enfants gloussa aux réactions de Flint. C’était le petit Derek.

— Le monsieur est bizarre, maman… dit-il. Il est rigolo.

— C’est un bon ami à ton père et moi, répliqua Cassandra. Le gros bonhomme à côté de lui, c’est son chéri.

— Ah… bon ? Ils sont ensemble ?

— Oui, mon trésor. Ce sont les papas de Tante Estelle.

— Oh ! Alors ce sont eux !?

Le petit garçon aux oreilles pointues s’approcha de plus près pour observer Flint et Gabriel. Il était étourdi, rien qu’en levant la tête. Le capitaine remarqua qu’il était une version miniature de Shayne. Il gloussa et se pencha pour faire sa connaissance.

— Et dire que j’ai manqué ta naissance… honte à moi, se dit-il en se plaçant une main sur la joue. Mais ce que tu es tout petit, toi…

— Nous sommes en pleine croissance ! bouda le gamin, ses mains sur les hanches. Un jour, je serais aussi grand et fort que Tonton Derek.

Incrédule, Flint se tourna vers la guérisseuse. Il ne se souvenait pas d’avoir vu un Derek Doyle musclé, lors de son départ. Celui dont il se souvenait était de grande taille, mais moins athlétique. Il cligna des yeux.

— Il a fait beaucoup d’entraînement, précisa son amie. Il est désormais l’un de nos lieutenants et a aussi sa propre brigade. Cependant, il n’est pas dans la ville en ce moment. Il patrouille à Kritz pour leur livrer de nouveaux produits.

— Kritz ? demanda Shayne. On a des gens qui y vivent ?

— Plus de soixante-dix pourcents de la population aeglysienne a été… anéantie, lui rappela Cassandra. Pour le reste, nous ignorons toujours où se trouvent la plupart de nos camarades…

— Tant que ça ? interrogea le capitaine.

Cassandra hocha la tête, puis les triplés s’éloignèrent en descendant les marches du palais. Lucas profita du déplacement des enfants pour sortir un contenant en plastique dans lequel il avait conservé la main tranchée du démon – le même qu’il avait trouvé dans l’autre dimension.

— Dis, serait-ce possible d’analyser ces tissus ? questionna-t-il. Nous n’avons pas eu le temps d’en ramasser plus, mais il s’agit d’une nouvelle espèce de monstre qui ressemble à un humain. Il y en avait d’autres comme lui, dans les ruelles, mais bon… le néant s’en est emparé.

— Pas de problème, mais c’est plus le domaine de notre chère Luna, dit Cassandra. Je suis la docteure attitrée de l’infirmerie. Elle s’occupe de tout ce qui passe par nos laboratoires.

Elle ramassa l’échantillon et le rangea dans sa bague magique.

— Où sont passés les autres ? demanda Nash qui s’intéressait à la conversation.

Cassandra ne répondit pas à cette question, elle s’approcha de Shayne et le serra dans ses bras. Nash oubliait que dix ans s’étaient écoulés depuis qu’ils s’étaient vus pour la toute dernière fois. Il avait le tournis.

— Tu m’as manqué, dit-elle à son partenaire. Ton odeur n’a pas changé.

Elle était douce et sereine, ce qui plaisait à ses compagnons. La demoiselle se tourna alors vers Nash pour le serrer dans ses bras et tira Flint vers eux pour se joindre à eux. Gabriel les entoura tous, ainsi que Misaki.

— Ça me fait tout bizarre de voir que les choses ont changé en si peu de temps… remarqua le colosse. Enfin… pour nous… Tout semble si… neuf…

Gabriel gloussa alors qu’il s’éloigna un peu. Puis, il réalisa une chose importante : Estelle allait avoir la peur de sa vie en voyant ses parents arriver après dix ans d’absence.

— Oh ? Pendant que j’y pense… continua celui-ci. Où peut-on trouver notre fille ? J’aimerais lui rendre visite, au plus vite !

— La boutique de la gazette se trouve tout à côté de la taverne, expliqua Cassandra. Vous ne pourrez pas la manquer.

Gabriel remercia son amie et descendit en vitesse les marches du palais. Il se retourna à mi-chemin et fit signe à Flint de le suivre, levant son bras levé en l’air.

TU VIENS, FLINT ?! héla celui-ci.

— Ça va, ça va ! répliqua le capitaine. J’arrive !

Puis Flint s’éloigna au même rythme que son époux.

Lucas était intrigué par la ville qu’il n’avait pas revue depuis un bail. Il se demandait ce qui avait changé avec cette dimension. Il prit la main de Misaki et lui fit signe de la suivre. Elle était aussi curieuse que lui et le suivit en silence. Lusso et Éclipse partirent chacun de leurs côtés, dans leurs formes animales.

Finalement, il ne restait plus que Nash, Shayne, Cassandra, ainsi que Nox et Cerbère. Nash prit une grande respiration et se tourna vers la docteure. Il plissa des yeux et se demanda si elle n’avait pas fait des études durant leur absence. Il y avait quand même un badge d’identification sur le sarrau de l’elfe et ce dernier pouvait y lire : Docteure Appleseed.

— Comment vous êtes-vous organisé avec la présidente, demanda-t-il. A-t-elle instauré un Conseil comme l’ancienne république ?

— Oui, répondit Cassandra. Son mari en fait partie, justement. Il se ressemble toujours. Pourquoi cette question ?

— Parce que j’aimerais discuter avec Madame Doyle, si possible.

— Très bien. Va simplement te présenter au secrétariat. Je suis certaine qu’ils pourront te guider jusqu’à elle.

Nash lui sourit, puis s’éloigna après l’avoir salué. Shayne profita de cet instant pour laisser Nox se transformer à côté de lui. Le puma noir pouvait enfin s’étirer les pattes, puisque les enfants étaient plus loin.

— Dix ans… répéta le général pour lui-même. Tu ne t’es jamais trouvé un autre partenaire ? Tu me croyais mort, n’est-ce pas ?

Elle secoua la tête.

— J’étais sûre que vous reviendriez, dit-elle avec un sourire.

— Mais ça n’a aucun sens… remarqua Shayne.

— Hein ? Pourquoi donc ?

— Parce que normalement, c’est nous qui devrions être plus vieux et pas vous. Le temps se déroule très lentement ici et plus rapidement dans les autres dimensions. C’est le principe, non ?

Cassandra haussa les épaules.

— Peut-être, je ne sais pas. Je ne suis pas une experte dans ce domaine. Peut-être que nous nous sommes trompés en fabriquant le portail prototype… Après tout, nous n’avions plus accès au système du Saint Royaume. On a dû tout créer à partir de nos propres moyens. Puis avec le temps, Luna et son équipe ont perfectionné le système.

Shayne se tapa la tête, quand il réalisa la bêtise qu’il avait dite.

— Non. En fait, c’est moi qui ai mal fait le calcul. En fait, c’est bel et bien vous qui devez être plus vieux… Comment puis-je être aussi nul avec les chiffres ? On est parti moins d’une trentaine de minutes…

Cassandra gloussa. Elle lui prit la main et l’emmena en bas des escaliers du palais présidentiel. Elle avait envie de se promener avec lui et de rattraper le temps perdu. Quant à lui, il avait la tête en compote, car il essayait de comprendre les lois physiques de cette dimension.

— Tu sais quoi, Shayne ? formula-t-elle, alors qu’ils arrivèrent en bas. Techniquement parlant, nous sommes immortels. Le temps n’a plus vraiment d’importance, à moins que nous parlions bien sûr de nos anciens compagnons disparus… Nous n’avons toujours pas réussi à les retrouver…

— Ah… eux ? Je crois que Nash est justement en train de délivrer les coordonnées à Madame la Présidente. Pendant que nous étions à l’ancien Baldt, il a réussi à les trouver grâce à l’engin qu’il porte au bras.

— Son bracelet ? Vraiment ? Il m’étonne…

Ils se trouvaient près du marché public, là où il y avait une grande fontaine. Shayne remarqua que ce dernier regorgeait de gens. Il y avait des enfants qui couraient partout. Il avait reconnu la grande académie militaire, à l’ouest de la ville, pendant qu’ils avaient descendu les marches.

— Est-ce moi ou il y a plus de gamins que d’habitude ? interrogea-t-il.

Blâme la guerre, dit son amante. Les gens ont décidé de repeupler ces terres en s’accouplant.

— Dois-je en déduire que vous avez ramené tout le monde sur la grande liste des victimes ?

— Non… certains criminels sont encore dans nos bases de données. Nous avons évité les violeurs et les pédophiles. Quelques meurtriers vont peut-être se faire recruter, si l’on juge qu’ils avaient de bonnes raisons de tuer leurs cibles.

— Ah… et qui a accès aux salles des machines ?

— Seulement nous, les fondateurs qui possèdent ces bagues. Pour cette raison, les gens évitent de rentrer en conflits avec nous. C’est triste, mais on s’y fait. Il y a constamment des ambassadeurs qui viennent ici depuis les quatre coins de la planète, car ils ont des demandes à faire en ce qui concerne leurs cultures et j’en passe. Luna s’occupe de remplir des contrats, en l’échange de pièces d’ors.

Shayne était choqué d’entendre que leur ancien système économique était de retour. Quand il était parti pour Aeglys, ils n’avaient même pas besoin d’argent pour survivre. Curieux d’en apprendre plus sur le monde, il questionna :

— Et qui s’occupe des autres nations ?

— Tous des anciens associés, je crois, ou des membres élus. Par exemple, le royaume de Lanartis n’existe plus. Il est désormais associé à la république et Gretta représente l’autre côté du continent aussi. Parfois, elle se rend à Archenwald, où ils ont élu un maire plutôt qu’un Roi et une Reine. Le château, par exemple, est dorénavant ouvert à tous.

— Étonnant…

Le général avait le souffle coupé. Autour d’eux, les bâtiments semblaient plus hauts, plus moderne que la dernière fois qu’il avait vu Baldt. La technologie de leurs machines leur avait permis de faire évoluer les choses pour leurs citoyens, à un tel point que les lieux paraissaient beaucoup plus électrisés.

— Ah, oui… pendant que j’y pense, fit Cassandra. Les fils électriques de notre république s’étendent à travers toute la Grande Aeglysienne et le continent de Mytira possède aussi de l’électricité. Pas mal, non ?

Shayne siffla, impressionné.

— Tu es libre de reprendre ton poste de général, si tu le souhaites, dit Cassandra. Cependant, il faudra en parler au Conseil. Tu ne devrais pas avoir de problème, j’en suis certaine.

Le visage de l’homme se fronça toutefois.

— Je trouve votre travail à tous, remarquable, mais il y a une chose que tu dois savoir, Cassandra, déclara-t-il.

Il lui expliqua alors ce que Nash lui avait dit à propos du néant et pourquoi les dieux du Conclave s’en servaient. Il ajouta aussi comment leur dimension avait rapidement disparu, plusieurs minutes après qu’ils y avaient mis les pieds. Elle se mordilla la lèvre inférieure et plissa des sourcils.

— C’est pourquoi nous devons trouver une façon de repousser cet élément, si nous souhaitons protéger Célestia, acheva Shayne.

Elle soupira.

— Shayne, ce n’était pas ainsi que j’imaginais nos retrouvailles, dit-elle en regardant le ciel. Mais bon, tu as raison. Cette magie est dangereuse. Nous allons devoir en parler avec nos chercheurs… mais je crois que je vais d’abord demander à Éclipse de nous dire tout ce qu’elle sait sur cette magie ancienne. Après tout, si j’ai bien compris, c’est relié à l’élément de la destruction.

Il approuvait tout ce qu’elle disait. Toutefois, son attention fut distraite lorsqu’il vit une toute petite fée voler devant eux, près de la fontaine. Elle suivait une gamine qui jouait avec elle. Il tourna son regard vers la guérisseuse, choqué.

— Est-ce bien ce que je crois ? demanda celui-ci.

— Mm hmm, répondit-elle. Les fées comptent parmi les nombreuses races disparues d’Aeglys, mais ne t’en fais pas pour elles. Luna a décidé de toutes les ramener en tant qu’esprits élémentaires. Elles sont toutes des gardiennes de notre monde. Elles se manifestent rarement près des gens envers qui elles n’ont pas confiance, mais l’enfant que tu vois là, est sa porteuse.

— Mais c’est une enfant… sûrement, elle n’a pas toutes les capacités nécessaires pour comprendre comment se battre…

— Très juste… mais la fée la protège, tout simplement. En échange, cette petite lui offre un foyer chez elle.

Nox, qui se trouvait tout près, avait écouté leur conversation. Il semblait agité et bougeait dans tous les sens.

— Quelque chose ne va pas, mon vieux ? interrogea Shayne.

— Non mais… ressens-tu tout ce mana qui circule dans l’air ? dit le félin. La dernière fois que je me suis senti en pleine forme, comme ça, j’étais un nouveau-né ! Oh… c’est aussi rafraîchissant qu’un bon bain de soleil…

À la grande surprise de Shayne, son collègue de toujours roula par terre et ronronna comme un gros chat.

— Célestia ne manque pas de magie, en effet, gloussa Cassandra. C’est l’endroit rêvé pour tous les mages qui souhaitent apprendre à maîtriser leurs éléments. Cependant, la plupart de nos brigadiers s’ennuient à longueur de temps, car il n’y a plus de démons à tuer. Notre monde est paisible…

— Et c’est tant mieux comme ça, répliqua Shayne. C’est ainsi qu’Athéna envisageait le nouveau monde des anges.

Cassandra claqua ses doigts en l’air quand il dit cela. Elle venait de se souvenir d’un détail très important.

— Justement, la plupart des fichiers audios qu’Athéna nous a envoyés étaient tous des instructions pour améliorer le monde avec les machines. Elle nous a aussi dit comment trouver tous les codes pour ouvrir les fichiers contenant tous les plans du monde d’Aeglys ! Elle a vraiment pensé à tout !

Shayne sourit. Il passa une main par-dessus l’épaule de sa compagne.

— Et quelle est votre spécialité, Docteure Appleseed ? questionna-t-il, avec un ton de voix plutôt suave. Celui de faire battre mon cœur ?

La brunette s’esclaffa et secoua la tête.

— Mais non, pauvre fou. J’exerce le même travail qu’un médecin de famille. Par contre, je vais assister les guérisseurs de l’infirmerie quand ils ont besoin de ma magie. À part cela, je m’occupe des malades et je les réfère à des spécialistes.

— Est-ce que ça te plaît ?

— Oui, s’exprima-t-elle. J’adore mon travail.

Elle fit une bise à l’homme qu’elle aimait et ajouta :

— En tout cas, l’armée est complète depuis des années. Nous n’aurons plus de problèmes à confronter Perséphone et ses sbires, la prochaine fois que nous les croiserons. J’ai hâte de voir la tête du Général Megumi lorsqu’il vous verra.

— Quoi ? Yosuke est un général, maintenant ? Ouf… Mon pauvre cœur se fait vieux.

Il feignit de faire un malaise cardiaque, sa partenaire vit qu’il jouait la comédie et lui fit une pichenette sur le nez. Shayne blâmait son entourage de lui avoir donné un sens de l’humour. Ensuite, il réalisa une chose : comment allait-il gérer la situation avec elle, à présent qu’ils devaient inclure trois enfants de dix ans dans l’équation de leur vie de couple ? Le pauvre maître d’armes était toujours terrifié face à l’idée de jouer le rôle d’un père.

— Qui a-t-il, Shayne ? demanda Cassandra. Pourquoi as-tu cette expression ?

Il hésita un moment, puis la regarda droit dans les yeux.

— Es-tu certaine de ne pas m’en vouloir pour cette longue absence ?

Elle haussa des épaules et secoua la tête.

— Pas vraiment… J’ai beaucoup pleuré, c’est vrai. Tu m’as manqué… mais les autres aussi m’ont manqué. Nous savions tous dans quoi vous vous embarquiez lorsque vous êtes partis en mission. Mais vos signes vitaux ne se sont jamais éteints dans le réseau de nos bagues. Voilà pourquoi je savais qu’on vous reverrait, un jour.

Elle afficha alors sa bague et appuya sur la gemme. Elle fit défiler un menu holographique et choisi une option dans laquelle Shayne pouvait voir le nom de tous les membres de la Septième Brigade, y compris celui de Lucas. Ils étaient tous accompagnés de symboles qui démontraient leur état de santé ou s’ils étaient actifs. Même les esprits élémentaires qui leur étaient associés avaient leurs noms sur cette fameuse liste. Shayne était bouche bée.

— Eh bah ça alors… formula-t-il. Athéna a vraiment pensé à tout…

— Viens là, dit ensuite Cassandra qui tira sur le chandail de son amant.

Sans même qu’il n’eut le temps de prononcer quoi que ce soit, elle lui fit un long baiser et il profita de cet instant pour l’enlacer. Cette fois, ce baiser était mieux que le précédent et confirma au général que cette femme ne l’avait jamais oublié. Qu’elle était toujours amoureuse de lui. Il était soulagé qu’elle ne joue pas la comédie. Il était toujours sous le charme de sa belle Cassandra. Qu’est-ce qui avait bien pu changer à part le nouveau métier de sa douce brunette ? Il avait hâte d’en savoir plus sur ses enfants. Excité, il souleva la docteure dans les airs, tournoya avec elle et tous deux gloussèrent ensemble.

— Docteure Appleseed, me feriez-vous l’honneur de m’épouser ? s’exclama-t-il, amusé.

— Oui, je le veux ! répondit-elle sous le charme de son chéri. Je n’attendais plus que ça !

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