123. Le premier assaut

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Rassemblés sur le pont, Athéna, Perséphone, Thanatos, Hypnos et Artael étaient en état d’alerte. Le vaisseau se faisait attaquer par des humanoïdes encapuchonnés, depuis l’extérieur. En face d’eux, une grande et large silhouette frappait la vitre centrale de toutes ses forces, avec une grande hache.

— Je n’y crois pas ! lâcha Artael. On dirait Gabriel ! Croyez-vous que ce soient les clones de nos collègues ?

— Sans aucun doute, répondit le Thanatos. L’ennemi s’est emparé d’eux.

— Eh merde… râla son Perséphone. On a déjà de la difficulté à gérer nos troupes et maintenant, on doit se ramasser avec ça ? Vous voulez tous qu’on se fasse tuer, ou quoi ?

— Persie, ce n’est pas le moment de râler ! lui reprocha Athéna.

La Reine des Enfers se croisa les bras et haussa son pif, fièrement. Même si celle-ci avait été importante dans l’apprentissage des soldats, cette dernière avait conservé une attitude particulièrement hautaine. Cela avait le don de froisser son aînée.

— Très bien, très bien, rechigna Perséphone. Que dois-je faire ?

— Le vaisseau ne tiendra pas longtemps, répondit Athéna. Il nous faut renforcer nos champs de forces, sinon tout va exploser ou bien, nous allons tous finir dans l’espace !

Cette dernière se tourna vers Artael qui avait compris où elle voulait en venir.

— Très bien, je me rends dans la salle des machines, tout de suite, affirma-t-il.

Elle le vit s’éloigner et sourit brièvement avant de poser son attention sur Hypnos.

— Y a-t-il un moyen de les forcer à partir avec tes sorts ? demanda-t-elle.

Il secoua la tête.

— Je ne crois pas, formula-t-il. Leurs esprits sont vides de toutes âmes. Ils sont contrôlés à distance par une force malveillante.

— Donc, ce sont des marionnettes… ?

— En quelque sorte.

Athéna leva les yeux vers le plafond et serra un poing devant elle. L’alarme du vaisseau commençait à lui donner un mal de tête, mais il lui fallait calmer ses troupes. Plusieurs ingénieurs et personnes, aux commandes de la salle de pilotage, paniquaient sous les coups de haches du clone.

— Madame, fait-on ?! demanda un jeune homme en face d’elle.

— Mettez le jus dans les moteurs ! ordonna Athéna. Nous devons essayer de les fuir !

— Tout de suite, madame !

— Ne me décevez pas, timonier !

C’était un brave type, qui parlait peu aux gens. Il n’avait jamais demandé à se retrouver dans une telle situation. Toutefois, cet individu répondait aux ordres de sa déesse depuis le tout premier jour où il avait posé les yeux sur elle. Rapidement, il avait été promu au rang de pilote.

Athéna baissa nerveusement les yeux vers le microphone qui se dressait devant elle. Elle prit une grande respiration et appuya sur un bouton, afin de l’activer.

— Équipage du Célestia, ici votre capitaine qui vous parle ! Nous sommes présentement attaqués par des individus à capes noires ! Les combattants sont priés de se rendre dans la salle des machines et de veiller à ce que rien n’y rentre ou n’en sorte ! Membres de la Septième Brigade, rejoignez-moi sur le pont ! Quant aux enfants, vos parents ont la permission de vous protéger dans vos chambres !

Le vaisseau bouscula et elle perdit son équilibre. Elle tomba dans les bras de Thanatos qui se trouvait tout près. Timidement, elle se releva.

— Les boucliers sont tombés, capitaine ! lança une ingénieure à leur droite.

— Merde ! grogna Athéna. Thane, tu permets ?

Elle se tourna vers le Dieu de la Mort qui l’observa d’une expression étrange. Elle pointait son arme d’une main. Il hésita un moment, avant de lui tendre son épée.

— Si vous n’êtes pas des dieux, quittez cette pièce et verrouillez la porte derrière vous !

— Mais madame ! hésita le timonier, sous le choc.

— C’est un ordre ! insista-t-elle.

Tous s’exécutèrent sous la directive de leur capitaine, à part Perséphone, Thanatos et Hypnos. Les trois divinités firent apparaître leurs armes, à l’exception du brun. Ce dernier fit jaillir une magie obscure de son corps, prêt à combattre. La vitre principale de la pièce éclata. Toutefois, le champ de force était revenu au même instant. Au lieu d’être expulsés dans l’espace, comme prévu, les trois dieux gardèrent leurs positions grâce à un puissant sortilège de Perséphone.

— Il faut à tout prix éviter que l’air quitte cette pièce ! commanda Athéna.

La grande figure bedonnante et aussi imposante que Gabriel se posa en premier à bord du pont ; la chaise du pilote fut écrasée au passage. Il se releva rapidement avec un sourire narquois. Athéna avait déjà prédit à son amant que cette histoire de clones disparus finirait tôt ou tard par leur causer des problèmes. Jamais elle ne s’était imaginée que ce serait ce jour-là.

— Tout ça ne vous rappelle pas quelque chose ? s’exprima la Reine des Enfers, d’un air cynique. Une jolie invasion à Baldt, par exemple ?

— Ça va, ça va, soupira son mari. Pas besoin de me rappeler que j’ai commis d’innombrables bêtises, sous tes ordres !

— Je te signale que ces clones, c’était ton idée !

— Oh, mais je dis ça, je ne dis rien…

Thanatos toisa son épouse. L’envie pressante de lui coller une baffe lui venait à l’esprit, mais il se retint. Il posa alors son regard sur le colosse en face de lui.

— Vous vous querellerez plus tard ! lança Athéna qui contourna son siège.

L’arme en main, elle bondit en direction du faux Gabriel, qui portait toujours sa capuche. Il poussait des grognements et des râles dignes d’un zombi. Celui-ci ne comprenait pas ce qu’ils se disaient tous, mais secouait quand même sa hache en direction d’Athéna. Quelques secondes plus tard, deux autres individus le rejoignirent. L’un tenait une épée ténébreuse dans la main, alors que l’autre avait plutôt l’air d’une jeune femme avec un bâton métallique.

Shayne et Misaki, songea Athéna. L’ennemi sait exactement comment combiner leurs forces et leurs faiblesses, je n’y crois pas…

Elle cligna des yeux avant de poursuivre verbalement :

Soyons prudents !

Le clone au bâton fit apparaître des morceaux de pierres de ses doigts et les envoya vers sa cible d’en face : Thanatos. Celui-ci désintégra ces roches avec une sphère magique aussi sombre que ses vêtements. Athéna reconnut l’élément du néant, jumelé à celui des ténèbres. Elle n’aimait guère quand il se servait du néant, mais pour le moment, elle ne pouvait pas s’en plaindre.

— Attention avec ça, remarqua Hypnos, à son frère. Nous sommes à bord d’un véhicule ! Ce n’est pas un terrain de jeu !

— Je sais, pardonnez-moi ! répliqua sèchement le Dieu de la Mort.

Pendant ce temps, Perséphone échangeait quelques coups de fleuret avec celui qui se faisait passer pour Shayne Wolfe. Elle maintenait une posture assez ferme, une main derrière le dos. Concentrée, elle renvoyait tous les coups à son adversaire.

— Oh ho ho ! Il y a longtemps que je ne me suis pas amusée comme cela avec un ennemi ! fit la dame. Par ici mon beau ténébreux, je vais faire de toi qu’une bouchée !

Cela déconcentra Thanatos, qui lui jeta un air dégoûté, avant de se faire frapper au visage par le bâton de leur adversaire. Le clone de Misaki avait profité de la distraction pour le faire trébucher. Elle fit ensuite apparaître une énorme pierre au-dessus de la tête de son adversaire, plus tranchante que son sortilège précédent.

Hypnos, incapable d’utiliser ses illusions, s’avança rapidement afin de protéger son frère. Lance en main, il planta son arme dans le corps de la fausse Misaki et lui projeta un puissant faisceau lumineux, pour la propulser de l’autre côté du champ de force. Le clone tournoya loin dans l’espace sous leurs yeux ébahis.

Athéna traça un pentagramme magique dans les airs et se protégea avec l’épée dans sa main droite. Aussitôt, une pluie de flèches lumineuses fonça tout droit vers le colosse, dont le capuchon se déchira. Cela dévoila à la déesse qu’il s’agissait effectivement de Gabriel, du moins, de son corps d’origine. Elle grinça des dents.

— Désolé, mon vieil ami, mais je n’ai pas le choix ! lança-t-elle.

Elle planta l’épée dans le pentagramme et les flèches devinrent une multitude d’épées de lumières aux teintes différentes. Le grand homme barbu encaissa chaque coup, mais se couvrit avec les bras jusqu’à ce qu’il s’effondre au sol. Le corps du colosse baigna dans son sang, sous le regard angoissé d’Athéna.

— Ne t’en fais pas pour ça, déclara Hypnos, derrière elle, comme s’il avait deviné l’inquiétude de son homologue. Leurs véritables corps ont cessé d’exister le moment où le néant les a tous tués. Le plus important, ce sont…

— Ce sont leurs âmes, je sais, trancha-t-elle. Merci.

Hypnos sourit à cette remarque, mais se rendit compte que Perséphone avait parlé trop vite, un peu plus tôt. Le clone de Shayne l’avait repoussé dans un coin de la pièce. Elle se prépara à parer un coup violent, lorsque le Célestia fut pris de violentes secousses.

¤*¤*¤

Le portail de la salle des machines s’activa et un grand homme bedonnant vêtu d’une armure apparût. Alors qu’il traînait une charrette avec ses bras puissants, telle fut la surprise lorsqu’il vit plusieurs armes se poser sur lui. Dans la plus grande confusion, Gabriel se rendit compte que l’alarme du vaisseau était active.

— Mais que s’est-il passé ici ?! grogna-t-il, furieux.

— Baissez vos armes ! tonna une voix, derrière les soldats.

Le colosse n’eut pas besoin de tourner la tête vers la source pour reconnaître Artael qui se précipitait à son secours. Gabriel lâcha les manches de la charrette et accueillit le mage à bras ouverts, comme s’il ne l’avait pas vu depuis longtemps.

— Mais Artie, c’est quoi ça ?

— Nous sommes en train de nous faire envahir par vos clones, répondit ce dernier. L’ennemi a finalement décidé de passer à l’action.

— Oh non… ! Je dois prévenir Flint et les autres !

Gabriel se couvrit la bouche d’une main, surpris.

— Concentre-toi plutôt à protéger la porte, demanda Artael. Je dois réactiver les boucliers du Célestia. Peux-tu faire ça pour moi ?

Gabriel hocha la tête, puis fit apparaître sa grosse hache avant de se positionner devant l’unique entrée et sortie non magique de cette salle. Il était entouré d’une dizaine de volontaires, tous armés et équipés d’armures solides. Il remarqua que plusieurs démons de races mineures étaient apparus à bord de l’énorme véhicule.

— Ils ont employé les grands moyens pour nous retrouver, ma parole ! s’exclama-t-il. Ça dure depuis combien de temps, tout ça ?

— L’alarme s’est déclenchée, il y a dix minutes ! dit un homme à sa droite.

— Faudrait peut-être contacter l’équipe sur Dickens, non ?

— Pas la peine, intervint Artael, depuis un ordinateur. Je leur ai déjà envoyé des messages avant même que tu n’arrives dans cette pièce.

— Dans ce cas, ils ne vont pas tarder à revenir, formula le colosse pour lui-même.

À sa grande surprise, peu de temps après s’être placé au centre de la formation, la porte métallique qui les protégeait fut défoncée par un ogre vêtu d’une armure épaisse. Trop grand pour le vaisseau, ce dernier devait pencher sa tête d’un côté. Il était équipé d’un lourd maillet solide qu’il secouait dans tous les sens.

— Non, mais comment sont-ils entrés ?! lâcha un soldat, près de Gabriel.

Le gros guerrier déglutit et recula. Il bloqua le coup de maillet, fonça dans l’ogre et lui trancha une main avec sa hache. Pendant ce temps, plusieurs gobelins, guerriers squelettiques et chauves-souris cyclopes entraient dans la salle des machines. Gabriel comprit rapidement que leur objectif était de rejoindre le portail. Pourquoi ? Il n’en avait aucune idée, mais sa seule hypothèse fut que l’ennemi voulait ouvrir un passage vers leurs quartiers généraux. Dans un élan désespéré, il revint sur ses pas et hurla son cri de guerre. Cela paralysa plusieurs de leurs ennemis, de peur.

— Ne les laissez pas traverser le portail ! ordonna-t-il aux soldats.

— À vos ordres, Monsieur Markios ! répondit une jeune femme.

Inutile de leur dire que je ne suis pas leur supérieur direct, pensa Gabriel. Ils ont besoin de quelqu’un pour les diriger, autant occuper ce poste.

Il avait assez traîné avec des capitaines et des figures d’autorités qu’il se sentait d’attaque pour gérer un petit groupe de miliciens et de soldats. Il indiqua aux trois porteurs de boucliers et de lances de bloquer l’entrée alors qu’il enjoignit aux archers et mages de se placer près du portail. Finalement, les gens armés d’épées et de dagues le rejoignirent derrière la barricade humaine.

Les monstres qui réussissaient à entrer dans la salle des machines se faisaient tous éliminer, un par un. Finalement, il ne restait plus rien. Curieux, Gabriel sortit au couloir et regarda à gauche, puis à droite.

— Le système de sécurité a verrouillé le passage ! héla-t-il par-dessus son épaule.

— Logique ! répondit Artael, depuis son ordinateur. Le toit a été défoncé dans l’aile est du vaisseau. Nous devrons le réparer une fois que nous nous serons débarrassés des monstres.

— Sommes-nous en confinement forcé ?

— Oui, mais au moins, nous pouvons veiller sur le réacteur, d’ici.

Gabriel hocha la tête et posa sa grosse hache à terre. Il prit une grande respiration et se frotta la barbe. Comment avait-on pu les repérer si facilement ? Quelqu’un les avaient-ils trahis ? Il ordonna aux soldats de soigner leurs blessures et se dirigea vers la pièce adjointe où se trouvait le noyau – leur réacteur. Ce dernier était toujours intact et il n’y avait aucune trace de l’ennemi, tout près. Toutefois, il se dit qu’il valait mieux rester vigilant, car il était fort possible que les monstres souhaitaient aussi détruire la source d’énergie de ce vaisseau.

Le Célestia se mit à pivoter dans tous les sens, Gabriel dut s’agripper à une rambarde afin de l’empêcher de tomber. La pièce du noyau était plus petite que celle du portail, mais le centre nerveux du vaisseau s’y trouvait. Sur le coup, il s’inquiéta pour l’équipage. Une fois la panique passée, il sortit la tête vers la salle des machines.

— Tout va bien !? lança-t-il à Artael.

— Ne vous en faites pas ! s’exclama ce dernier. Je viens de renforcer le champ de force !

Tous poussèrent des soupirs de soulagements. Gabriel remarqua que la charrette remplie de légumes et de plantes sauvages avait été renversée par les secousses. Il grogna pour lui-même, puisqu’il devrait ramasser tout ça avant l’arrivée de Flint et du reste de son groupe. Il se pencha rapidement pour attraper une étrange courgette rouge, qui venait de rouler à ses pieds. Après quoi, il rangea sa hache dans sa bague magique.

— Les couloirs sont-ils sûrs ? demanda un garde.

— Pas encore, répondit Artael. Le réacteur est en train de réparer tout ça. D'ici à quelques minutes, vous devriez pouvoir sortir d’ici.

— Ah merde, je ne peux pas endurer cette odeur… ! se plaignit l’une des guerrières, près de l’ogre qu’on avait réussi à tuer avec un puissant sortilège. Auriez-vous une bonbonne de parfum, les gars ?

Ses compagnons haussèrent des épaules alors que Gabriel roula les yeux. Quant à Artael, il tapotait encore sur son clavier. Peu à peu, l’énergie fut rétablie à travers tout le vaisseau et les confinements furent levés à chaque étage. Cependant, il restait encore plusieurs bestioles à tuer.

Gabriel se fraya un chemin vers l’aile ouest du Célestia, lorsque les portes des couloirs s’ouvrirent. Il trouva une dizaine de gobelins qui s’en prenaient à Cassandra et quelques infirmières. Il sortit sa hache à nouveau et fonça vers ses adversaires. Il en tua plusieurs sur son passage.

— Ça va Cassie ?! demanda-t-il. Rien de cassé !?

— Oui ! Ne t’en fais pas pour moi, Gab. Il s’est passé quoi ?!

Elle se trouvait à quelques mètres de lui, alors ils durent élever la voix, un peu et il leur expliqua tout ce qu’il savait rapidement. Aux côtés de la soigneuse, Luna brûla vif un mort-vivant dont la tête roula près des pieds de sa partenaire de combat. Pour la première fois depuis un bail, ils avaient ressenti les forces du mal. Tous trois savaient que cela ne présageait rien de bon.

— Où sont Flint et les autres ? demanda la magicienne qui sortait de l’infirmerie.

— Encore sur Dickens, répliqua Gabriel, qui s’approcha davantage de ses amies.

— Nous devrions fouiller le deuxième étage et le rez-de-chaussée, dans ce cas.

— Bonne idée, je viens avec toi !

Le colosse jeta ensuite un coup d’œil rapide à la guérisseuse.

— Ça ira avec tes patients ? demanda-t-il.

— Ne vous en faites pas pour moi. Estelle et Kylie sont avec nous.

Gabriel songea alors à son fils, il se demandait s’il était en sécurité. Comme si elle avait deviné la question de son collègue, Cassandra ajouta :

— Randell est avec Lucas et Misaki. Ne t’en fais pas pour lui.

— Athéna soit louée, soupira-t-il de soulagement.

Gabriel et Luna s’enfoncèrent aussitôt plus loin dans l’aile ouest et montèrent au deuxième étage, qui était éloigné et plus petit qu’au premier. Ici, on pouvait y retrouver les chambres des membres les plus hauts gradés de tout l’équipage, mais ces dernières étaient vides. Toutefois, les deux brigadiers détectèrent des démons mineurs sur place et combattirent ceux-ci.

À leur grande surprise, ils furent attaqués par une figure encapuchonnée. L’individu pointait son épée en direction du colosse. Gabriel fronça des yeux ; cette grandeur, cette largeur et cette mèche dorée lui étaient étrangement familières. Lorsque l’ennemi tenta de lui planter son arme dans son armure, il fut arrêté par les grosses mains du brigadier. Luna s’empressa d’ôter la capuche qui recouvrait le visage de leur agresseur et sursauta. L’adversaire profita de cette opportunité pour enfoncer son arme dans le ventre de la magicienne.

Un filet de sang sortit de la bouche de Luna, qui n’avait pas compris ce qui s’était passé. Elle leva les yeux dans les airs, avant de s’effondrer sous le regard horrifié de Gabriel. Celui-ci, fou de rage, empoigna la tête de l’ennemi blond et lui brisa la nuque. Ce fut lorsqu’il vit le corps de l’ennemi lui adresser un regard vide qu’il poussa un cri, horrifié.

¤*¤*¤

Estelle et Kylie, qui patrouillaient au couloir d’en dessous, entendirent le hurlement strident de Gabriel. La première réaction de sa fille fut de se tourner en direction des escaliers du deuxième étage, mais son épouse lui mit une main sur l’épaule, afin de l’empêcher de bouger. De petites créatures aux regards globuleux sortaient des ombres pour les entourer. Elles avaient été encerclées.

— Fais chier ! grogna Kylie. Le champ de force n’a pas fonctionné !

— Au contraire, dit Artael qui sortait de la salle des machines. L’ennemi est seulement plus rusé. Il a probablement fait apparaître un portail dans notre vaisseau alors que nos champs de forces étaient inactifs.

Il fit apparaître plusieurs chaînes lumineuses qu’il fit claquer de chaque côté des jeunes femmes. Il élimina presque une dizaine de ces créatures aux yeux fluorescents, tandis que sa petite-fille planta une dague dans le ventre de celle qui bondit dans sa direction.

Kylie n’eut aucune difficulté à tuer la plupart d’entre elles.

— Dans ce cas, il y a un traître parmi nous, s’ils ont accès à ce vaisseau ! grogna-t-elle.

— Sûrement, répondit Arteal. Pour le moment, trouvons la source de leurs apparitions. Rendons-nous au rez-de-chaussée. J’ai des doutes que le hangar soit bien protégé.

— À vos ordres, chef !

Estelle hésita un moment, puis se tourna vers l’infirmerie. Cassandra lui fit signe de partir, d’une main. Des gardes étaient venus en renforts, alors elle ne s’inquiétait pas. Elle accepta de s’éloigner en compagnie de son grand-père et de sa compagne. Ils descendirent rapidement les escaliers les plus près et se retrouvèrent près de l’entrée du hangar.

Déjà, le trio put remarquer un homme, ou bien une femme qui portait une cagoule par-dessus son visage. Cependant, c’était une petite personne qui leur lançait déjà des flammes. Artael reconnut rapidement le style de combat de son ancienne protégée, la magicienne Luna. Il bloqua les boules de feu avec un bouclier magique qu’il venait de faire apparaître devant lui. Déconcerté, il se souvint de ce qui s’était passé sur le pont.

— Il s’agit d’un clone, dit-il, essayant de garder son calme. L’un des corps disparus des incubateurs. Si j’ai bien compris la gravité de la situation, l’ennemi s’est emparé de vos anciennes carapaces charnelles pour les manipuler.

Estelle grinça des dents quand elle reconnut les formes de son mentor féminin. Elle dressa alors un champ de force autour de Kylie et elle. Déjà, un puissant jet de feu vint les entourer. Le double de Luna ne les laisserait pas partir vivants de ce couloir.

— Nous devons l’éliminer ! réagit Artael.

— Mais t’es fou !? cria la journaliste. Il s’agit du corps de Luna !

— C’est faux. Nos véritables corps n’existent plus depuis nos morts respectives. Ce ne sont que des coquilles qui représentent nos âmes angéliques. Luna existe déjà ailleurs.

— Dans ce cas, nos corps d’emprunts n’auront servi à rien ! grommela Kylie.

— Pas vraiment, formula l’ancien président. Ceux dans lesquels Athéna vous a réincarnés étaient sûrement marqués par les machines du Saint Royaume, afin de vous retrouver plus facilement. Luna a donc frappé deux pierres d’un coup en vous donnant d’autres corps.

Accablée par les propos d’Artael, Kylie se tourna vers son supérieur.

— Comment ça !? commenta-t-elle. Et c’est maintenant qu’on nous le dit ?

— Elle m’avait envoyé un rapport avant de sortir de la salle des machines, par un messager. Ne vous en faites pas, elle vous en parlera plus tard.

Estelle et son épouse étaient si déconcentrées par les paroles du mage, qu’elles ne virent pas la fissure dans le champ de force. Ce dernier éclata et Estelle fut propulsée à quelques mètres de ses camarades. Kylie fit apparaître son bouclier dans sa main gauche et fonça tout droit en direction de la fausse Luna.

Artael prit une grande respiration avant de lancer une pluie de flèches de lumières en direction de leur ennemie. Le corps possédé s’agenouilla, mais dans une tentative désespérée, essaya de jeter une dernière attaque vers Kylie. La guerrière dévia la boule de feu avec son bouclier et enfonça son épée dans la gorge de son adversaire. L’individue s’effondra à ses pieds. Kylie retira le capuchon, ce qui dévoila une chevelure légèrement mauve, avec des teintes blondes.

— Ça veut dire que ces salauds utilisent tous nos corps comme des pantins !? s’exclama-t-elle. Je n’en reviens pas à quel point les dieux peuvent être répugnants.

— Et encore, ils ne savent pas entièrement se servir de vos pouvoirs, remarqua Artael.

Il jeta un regard autour de lui et essaya de repérer d’où venait la source du mal. Au fond du couloir, il ressentit une énergie malsaine et fit signe aux jeunes femmes de le suivre. Estelle n’avait rien de grave, seulement, elle était un peu secouée.

Finalement, ils trouvèrent un portail ténébreux, d’où sortaient des démons mineurs à un intervalle de quelques secondes. Le puissant mage s’empressa d’éliminer la source magique, ce qui coupa tout accès à l’ennemi de les rejoindre par ce passage. Estelle et Kylie s’occupèrent d’abattre les bestioles. Artael ne repéra plus rien d’anormal à cet étage, alors il vérifia dans les salles tout près ; ainsi que le hangar, au cas où il n’y aurait pas des victimes.

Ils finirent par rebrousser chemin jusqu’au premier étage. L’alarme principale s’était arrêtée. Peu à peu, tout semblait revenir en ordre. Cependant, ils entendaient toujours les hurlements du colosse depuis le deuxième étage. Quelques soldats s’étaient rassemblés près des escaliers, en compagnie de Cassandra qui essayait de les calmer.

— Mais que se passe-t-il ?! interrogea Estelle. Pourquoi mon père hurle-t-il comme ça ?

La guérisseuse haussa des épaules.

— Je n’en sais rien, mais il refuse qu’on s’approche de lui pour le moment. Il s’est montré très hostile envers l’une de mes infirmières et ne fait plus que pleurer… Crois-tu pouvoir le raisonner ?

Estelle hocha la tête, avant de foncer à travers les soldats qui lui bloquaient le passage. Elle grimpa rapidement les marches de l’escalier qui menait au deuxième étage. Cassandra quant à elle, soupira de soulagement.

— Circulez, je vous prie, ordonna-t-elle, d’une manière posée. J’ai besoin que vous alliez me chercher celles et ceux qui ont été blessés par cet incident.

Pendant ce temps, Estelle arriva enfin à destination. Elle vit que Luna s’était appuyé contre un mur. Cette dernière était en train de refermer sa propre blessure, alors que Gabriel pleurait à chaudes larmes, un peu plus loin. La journaliste remarqua qu’il tenait entre ses mains, le corps inanimé de Flint, ou plutôt, son double.

— Oh Flint ! se lamenta le colosse. Pourquoi as-tu fait ça… !? Pourquoi t’as essayé de la tuer ?! JE NE COMPRENDS PLUS RIEN !

Estelle soupira et se tourna vers Luna.

— Il est comme ça depuis combien de temps ? demanda-t-elle.

— Depuis une dizaine de minutes…

— Laisse-moi faire. Je vais essayer de le calmer.

— Bonne chance.

Estelle n’avait pas besoin de chance, puisqu’elle savait qu’il ne s’agissait pas vraiment du véritable Flint. Son père était toujours vivant, quelque part.

— OH FLINT ! QUE VAIS-JE DEVENIR SANS TOI !? OUAAAAH !

Ça en devenait presque embarrassant pour la pauvre journaliste qui devait observer son autre figure paternelle, dans cet état. Elle s’approcha finalement et mit une main sur son épaule, afin qu’il prenne connaissance de sa présence.

— Papa, arrête de pleurer, dit-elle. Ce n’était pas lui.

— SI ! C’ÉTAIT MON CHÉRI ! J’AI TUÉ MON BÉBÉ… ! OOUAAAAAAAAH !

Gabriel pleurait tellement que sur son armure métallique, on avait l’impression d’y voir des chutes y couler, comme dans la nature. Estelle roula des yeux et tira l’oreille de son père. Celui-ci grimaça de douleur avant de se tourner vers sa fille, vexé.

— Eh ! Mais que fais-tu ? pleurnicha Gabriel.

— C’était un clone ! insista sa fille. C’était l’un des corps laissé derrière, avant de partir sur la station lunaire ! Tu comprends maintenant ? Ce n’est pas ton mari ! C’était son double !

— Ah… Ah bon… ? renifla le colosse.

— C’est ce que je me tue à te répéter depuis dix minutes, lança Luna, derrière eux.

Gabriel cessa de pleurer aussitôt, puis posa le cadavre du clone à ses pieds. Il se leva et essuya ses larmes. Estelle lui expliqua alors qu’il s’agissait d’un coup de l’ennemi et qu’ils avaient été victimes d’une embuscade. Tout ceci n’était qu’une déclaration de guerre envers Athéna et ses alliés. Son père opina du chef quand il réalisa qu’elle avait raison sur toute la ligne. Il observa ensuite sa fille s’approcher de la magicienne, afin de l’aider à se relever.

— Donc, nous nous sommes fait avoir… fit Luna. On va devoir redoubler de prudence.

— C’est aussi ce que je crois, répondit Estelle. Partons rejoindre grand-maman. Elle pourra nous en dire plus sur la situation !

Les deux autres approuvèrent cette demande, mais Gabriel hésita un moment. Il posa son regard sur le cadavre de l’homme qui aurait pu être son mari et ressentit un bond dans sa poitrine. Il avait frôlé l’arrêt cardiaque. Il espérait, plus que tout, que le véritable Flint n’avait rien de grave et qu’il lui reviendrait sain et sauf. Après tout… il n’avait pas encore eu le courage de lui parler de ses récents cauchemars. Il avait déjà mentionné à Flint qu’il désirait agrandir leur famille et ce dernier était d’accord avec lui. Toutefois, il ne lui avait pas parlé de ses mauvais rêves et de toute la culpabilité qu’il ressentait ; à cause de Lucas qu’il ne souhaitait pas blesser avec ses caprices de papa polymorphe…

Pourvu que Scottie et Wyatt soient, eux aussi, sains et saufs… pensa-t-il. Oh, mes chéris… soyez prudents sur Dickens. Toi aussi, Shayne…

Sans plus attendre, ils partirent tous trois du deuxième étage.

La prochaine phase de la guerre allait bientôt commencer…

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