127. Le fléau des anges

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Le 25 octobre 3918 AD, soit quelques jours après l’arrivée du Célestia au Saint Royaume, le moral de l’armée s’était grandement amélioré. Au départ, plusieurs d’entre eux, s’étaient opposés à l’intégration de Perséphone et ses acolytes, dans leurs rangs. Toutefois, Athéna leur avait rapidement fait comprendre qu’ils avaient tous été trahis par le Conclave et que leur faction avait besoin d’eux, coûte que coûte.

Résignés, Apollon et Artémis n’avaient plus le choix de collaborer avec le trio, afin de mener leurs hommes aux nombreuses batailles qui se déroulaient sur les plaines qui entouraient le Sanctuaire des dieux. Athéna, quant à elle, avait repris le flambeau de sa petite sœur et était devenue leur nouvelle commandante – titre dont elle se débarrasserait une fois que la guerre serait terminée et que la paix serait revenue.

Artael faisait partie de l’équipe menée par sa bien-aimée, alors que les membres de la Septième Brigade les suivaient de près. Le jour précédent, ils avaient libéré plusieurs sites de campements et agrandi leurs rangs. Pour ce faire, ils avaient sauvé des anges déchus et les avaient transposés à travers les cristaux qu’on leur avait passés avant de partir des quartiers généraux. Il leur fallait retrouver les troupes de Poséidon, d’Hermès et d’Héphaïstos, car ces derniers seraient des atouts importants pour leurs prochains combats.

— Où sont-ils allés ? avait demandé Athéna à Apollon.

— Au nord, pour rejoindre les dieux égyptiens. Malheureusement, leur faction est tombée depuis plus d’une semaine et nous sommes toujours sans nouvelles d’eux.

— Nous devrons donc déplacer tout le monde vers le nord !

D’un ton résolu, Athéna avait ordonné à tous, au quartier général de leur armée, de démanteler leur site et de migrer en direction de leurs bases. Ils avaient campé chaque nuit, afin de récupérer des forces, mais avaient dû abandonner les plus faibles derrière eux, qui étaient protégés par quelques personnes. Le Célestia ne pourrait plus voler pour quelque temps ; les techniciens avaient décidé de se servir des champs de forces pour protéger les âmes innocentes. Quelques-uns des meilleurs hommes de leur armée avaient offert leurs services, ce qui avait rassuré Nash, avant que leurs troupes étaient reparties au combat.

Aux petites heures du matin, ce jour-là, Flint et Gabriel n’arrivaient pas à dormir. Tous deux étaient assis près d’un feu, éloigné des tentes où les autres dormaient. Dia dormait paisiblement dans leur tente, aux côtés de Charlie. Pendant ce temps, le colosse venait de terminer de manger un morceau de viande séché. Il avait peur.

— Ce monde est beaucoup plus lugubre que je l’imaginais, mentionna le capitaine, qui traçait des formes irrégulières au sol, avec un doigt.

— Des cadavres, des cadavres et encore des cadavres, déglutit son mari.

— Nous avons vu combien de villages détruits, déjà ?

— Six, environ… Très peu de survivants.

Le capitaine de la Septième Brigade avait ressenti l’inquiétude dans la voix de son époux. Le gros guerrier était de plus en plus nerveux. Depuis qu’ils étaient arrivés au Saint Royaume, il ne blaguait plus tellement et tremblait parfois dans son sommeil. Comme toujours, il marmonnait des mots en rapport à Randy et parfois même, ses futurs petits-enfants. Il faisait des cauchemars chaque nuit. Cet endroit le terrifiait.

— C… Ce n’est pas du tout le paradis auquel je m’attendais, couina Gabriel.

— Moi non plus, si ça peut te rassurer. Je regrette déjà la belle Célestia, lorsqu’elle était à son état le plus magique… magnifique, surtout.

— Nous devons faire en sorte de sauver nos amis…

Flint hocha la tête, et caressa le dos de son chéri. Tous deux observèrent les flammes du feu de camp, en silence, pendant un court moment.

Le 19 octobre 3918 AD, alors que tous les membres de la Septième Brigade se remettaient de leur voyage dans l’espace à bord du Célestia ; Nash était venu discuter avec Gabriel en privé, accompagné de Cerbère. Il l’avait trouvé dans le réfectoire auquel le colosse avait l’habitude de préparer tous les repas de ses collègues de travail ; il avait profité du fait que Charlie soit présent dans la pièce pour confronter le gros barbu en rapport à ce qu’il avait entendu.

— Comment peux-tu croire une chose pareille ?! avait réagi Gabriel, furieux.

— Cerbère affirme t’avoir vu à travers les yeux de Charlie, alors que tu embrassais Wyatt dans l’un des couloirs du vaisseau, avait répliqué Nash, vexé que Gabriel lui mente.

— Oh ça ? avait remarqué Charlie. Mes plus sincères excuses. J’ai oublié de relayer à Cerbère que Flint, Gabriel, Scottie et Wyatt forment désormais un polycule de quatre amants.

— Un poly-quoi ? avait répondu Nash, scandalisé.

Évidemment, Gabriel et Charlie avaient dû expliquer mot pour mot ce que signifiait la philosophie du polyamour au roi, qui savait déjà ce que c’était, puisqu’il avait croisé plusieurs trouples ou polycules au Saint Royaume. Cependant, il ne s’était pas attendu d’apprendre que son neveu, ainsi que son très grand ami Gabriel, étaient, eux aussi, comme ça. Humblement, il avait présenté ses excuses auprès de Gabriel et de Charlie, puis était sorti du réfectoire, suivi de Cerbère qui s’était senti en trop dans cette conversation.

De retour au 25 octobre 3918 AD, Gabriel repensait à cette situation humiliante alors que Flint et lui se trouvaient près du feu de camp. Nash l’avait évité autant que possible, depuis ce jour, car le colosse détectait souvent de la honte dans le visage de son ami. Honte d’avoir présumé de mauvaises choses envers sa personne. Honte d’avoir douté de ses intentions, envers Flint. Il était clair que Nash s’en voulait et ne souhaitait pas importuner Gabriel. Ce dernier lui avait déjà pardonné, même s’il n’avait pas encore eu la chance de le lui dire, verbalement. Le gros guerrier espérait pouvoir lui parler, ce jour-là.

De son côté, Flint et Dia avaient commencé à se rapprocher à nouveau, depuis leur dernière dispute. La louve avait abandonné tout espoir de comprendre la nouvelle philosophie de vie de son porteur et de ses trois compagnons. Elle ne désirait pas perdre son amitié avec Flint, alors elle s’était dite que la meilleure chose à faire était de simplement de l’accepter tel quel ; même si elle n’avait pas aimé qu’il l’accuse de slut-shaming. Avant leur dernière dispute, elle ne savait même pas ce que ce terme voulait signifier. Lorsque Flint lui avait mentionné qu’il s’agissait de faire culpabiliser et d’humilier les gens pour leurs nombreuses activités sexuelles, elle s’était rendu compte à quel point elle avait dépassé les bornes en le critiquant ainsi.

En ce moment, Dia dormait paisiblement dans la tente de Flint et Gabriel. Charlie se reposait de l’autre côté du feu de camp, alors que les deux tourtereaux profitaient de cette matinée pour discuter un peu. Ni l’un, ni l’autre, n’avait été capable de se rendormir, un peu plus tôt. Car cette guerre les perturbait. Et avec raison. Leurs ennemis étaient dangereux et puissants. Seuls les dieux et quelques anges bien entraînés arrivaient à combattre contre ces forces ténébreuses. Les autres périssaient facilement.

La veille, Hercule avait reçu l’ordre de rentrer aux quartiers généraux, suite à une blessure à la hanche qu’il avait subite durant leur dernier combat. Il fut escorté par quelques soldats, sur le dos de son pégase. Leurs meilleurs guérisseurs se trouvaient tous au vaisseau, afin de soigner les blessés et les malades. Ils avaient failli le perdre.

Perséphone était constamment aux côtés d’Athéna et essayait d’éviter les foudres de leurs subordonnés. Elle parlait très peu et essayait quand même de se montrer autoritaire. Les soldats, pour la plupart, refusaient de l’écouter et la toléraient tout simplement. Thanatos, de son côté, faisait peur à tout le monde à cause de son titre de Dieu de la Mort. Hypnos n’avait aucun problème à se faire respecter, puisqu’il était le moins controversé des trois renégats. Toutefois, le Dieu du Sommeil semblait utiliser un peu de ses charmes magiques afin de calmer les plus anxieux des anges qui l’entouraient.

— Parlons de l’avenir, veux-tu ? suggéra Flint, d’une voix douce.

— Ah… P… Pourquoi ?

— Je crois que tu as quelque chose à me dire depuis quelque temps… Pas vrai ?

Gabriel hocha la tête, avant de passer une main dans sa barbe garnie. Voilà des semaines, qu’il avait oublié de la tailler, tellement il était préoccupé par ses rêves, ainsi Scottie, Wyatt et cette maudite guerre. Il posa ses yeux verts sur les flammes, près de ses pieds et s’allongea près de son partenaire, qui l’imita. Tous deux observèrent les étoiles, ensemble, face à face. Il faisait constamment nuit au Saint Royaume, depuis que les démons avaient lancé un puissant maléfice au soleil. Cela leur rappelait les ténèbres éternelles de l’enfer auquel ils avaient survécu pendant quelque temps.

— C’est un peu embarrassant, en fait, fit le colosse. Voilà des mois que j’essaie de vous en parler à, toi et tous les autres… Mais bon… Il m’arrive que je rêve souvent que tu m’as mis en cloque à quelques reprises et que nous avons formé une belle et grande famille… J’ai un vague souvenir de la simulation de la base lunaire, mais je me souviens t’avoir révélé que Gabriel, celui qui m’a précédé… était un homme trans…

— Je sais. Je m’en souviens très bien. Ça te travaille depuis tout ce temps ?

— Oui… au point où je suis en train de me demander si je ne suis pas devenu fou…

— Mais non… Il n’y a rien de mal d’avoir ce genre de rêve. De toute façon, tu es un dieu polymorphe, désormais. Tu as le droit de faire ce que tu veux de ton corps.

Flint regardait son époux dans les yeux. Il remarqua que celui-ci avait commencé à pleurer. Il essuya une larme qui coulait le long de son visage.

— Mais il y a Lucas… marmonna Gabriel. Je ne veux pas lui faire de la peine…

— Chéri… Les lois de notre monde d’origine ne s’appliquent plus depuis que nous sommes devenus immortels. J’ai consulté les archives du vaisseau et j’ai compris comment les anges ont tendance à s’accoupler, après que Luna m’en a informé. La sexualité et l’identité du genre sont très différentes au Saint Royaume. J’aurais cru que tu m’en parlerais, mais je savais que tu étais préoccupé, alors je n’ai jamais trouvé le bon moment pour que nous en discutions…

— Je… Je vois. Je ne voulais pas vous effrayer avec de nouvelles révélations. Déjà que vous aviez tous mal pris cette histoire d’incestes…

Gabriel prit une longue respiration et demeura silencieux un moment. Il observa les étoiles, perdu dans ses pensées, avant de reprendre :

— M’aimerais-tu encore si je décidais de changer… mes organes reproducteurs ?

— Bah ouais ? Pourquoi cette question ? Si je t’ai marié, c’est parce que je souhaitais passer le reste de ma vie à tes côtés.

— Oui, mais tu dis tout le temps à quel point tu m’aimes comme je suis, répondit le colosse qui retourna son regard vers son époux.

— Gabriel…

Flint lui caressa la joue et ajouta :

— Si tu veux connaître cette expérience, qui suis-je pour te juger ? Tu le sais bien que j’aime nos enfants. Je ne serais pas contre à l’idée de t’en donner d’autres.

Les joues de Gabriel s’empourprèrent.

— Tu… Tu le penses vraiment… ? couina-t-il.

Flint hocha la tête.

— J’avoue que je n’y connais rien avec les… euh… vagins, mais j’imagine que Kylie ou bien Misaki pourraient bien me donner quelques tuyaux…

Gabriel pouffa de rire. Il n’était pas habitué d’entendre son mari prononcer ce genre de mot. Toutefois, il se sentit mal à l’aise.

— Lapinou… soupira-t-il. Lucas va vouloir ma peau, quand il apprendra ce que je veux faire. Je n'ai pas envie qu’il prenne ça comme une insulte à son corps…

— Ne t’en fais pas, Gabriel. C’est ton corps, pas le sien. Si tu penses être trans, non-binaire, fluide de genre, homme, femme, c’est ton droit. Tu as le droit de faire ce que tu veux. Après tout, les polymorphes ont le droit de s’amuser.

— Je suis un homme, insista le colosse. Juste… un mec bizarre… Même si je l’ai été un jour, je ne me vois plus vraiment comme un homme trans.

— Ce n’est pas ce que ton corps me dit, quand je me réveille la nuit.

Gabriel cligna les yeux, incrédule.

— Croyais-tu vraiment que je n’avais pas remarqué tes nombreuses transformations nocturnes ? formula Flint, amusé. Des fois, il m’est arrivé de te voir avec des cicatrices sous la poitrine. La semaine dernière, tu as même saigné à travers nos draps. J’ai dû les laver pour m’assurer que cela ne te choque pas.

— Tu… Tu veux dire que j’ai eu… des règles ?

Flint hocha la tête. Gabriel était horrifié.

— Je suis un monstre, pleurnicha le colosse.

— Mais non… Tu as seulement besoin de renouer avec qui tu étais avant. Tu souhaites tellement connaître ce que c’est que d’avoir un bébé que ton corps a décidé de manifester tes désirs. Et puis, le sang ne me fait pas peur. Ça fait partie de la vie.

Le gros guerrier soupira. En ce moment même, il avait toujours un corps entièrement cisgenre. Cela ne l’empêchait pas d’être mortifié, à l’idée qu’il avait eu ses règles, sans même s’en rendre compte. Il se perdit dans ses pensées, un moment.

— Tu veux savoir ce qui est le plus choquant dans toute cette histoire ? demanda Flint à son époux. J’ai déjà pris l’apparence d’une femme, pendant que tu étais occupé.

Surpris, Gabriel posa son regard sur celui de son mari. Flint gloussa.

— C’était pour comprendre certaines choses. Je me suis amusé un peu avant de reprendre ma bonne vieille apparence. Nous n’aurions pas pu faire ce genre de chose de notre vivant, sur Aeglys. Par contre, je peux te le confirmer, je préfère de loin ce que je suis en ce moment : ton mari. Celui qui ferait tout pour te rendre heureux…

Le colosse sourit bêtement et essuya ses larmes.

— Et je veux t’aider à accomplir ton rêve, chéri, ajouta le capitaine. Un jour, quand cette guerre sera terminée, toi et moi, on agrandira notre famille comme tu le souhaiteras. Aussi, n’oublie pas qu’il y a Scottie et Wyatt dans l’équation… Eut aussi vont être là pour nous.

— Je sais… Je leur en avais déjà parlé, par le passé. Scottie a déjà hâte de voir la tête qu’aura notre futur enfant. Wyatt est fébrile à l’idée d’élever des gamins, mais m’a avoué qu’il est prêt à tenter l’aventure… Seulement, parce que c’est nous.

— Eh bah. Moi qui aurais cru que tu me parlerais de tout ça, avant eux.

— Désolé… J’étais gêné…

Flint roula les yeux avant de poser ses lèvres sur celles de son époux.

— Ça ne fait rien, dit-il. Je te pardonne.

— Merci Flint… Merci d’être si compréhensible.

— Pas de quoi, mon cœur.

Pendant un long moment, ils écoutèrent le crépitement des flammes du feu de camp. Il allait bientôt s’éteindre et ils devraient peut-être rajouter un peu de bois pour se réchauffer. Gabriel avait fini de pleurer depuis quelques minutes. Au moins, son mari comprenait enfin ce qui lui passait par la tête.

Charlie avait déjà été mis au courant des désirs de son porteur. Toutefois, il n’avait pas réagi négativement. Le tigre blanc avait même mentionné à son ami qu’il le comprenait tout à fait, pour s’être un jour réincarné dans le corps d’une dragonne. Lui-même avait donné naissance à plusieurs enfants, avant de redevenir un mâle, lors de sa réincarnation suivante.

— Si tu désires comprendre ce que c’est que d’enfanter, je crois que tu devrais le faire, avait dit le tigre blanc à son porteur. Tu as toute l’éternité devant toi, après tout…

Cette conversation s’était déroulée le jour-même où les esprits élémentaires étaient arrivés à bord du Célestia. Gabriel n’avait jamais eu le courage d’en parler à Flint, jusqu’à aujourd’hui. Enfin, il se sentait libéré d’un énorme poids sur les épaules.

Flint se leva un instant afin d’ajouter du bois sec dans leur feu de camp.

— Je t’aime, chéri, dit Gabriel à son mari.

— Je t’aime aussi, répondit son interlocuteur.

Flint revint vers son époux et s’allongea à nouveau, en face de lui.

— Au fait, Flint… commenta Gabriel. J’aimerais vraiment trouver un endroit sécuritaire pour Papa – euh… je veux dire, notre fils… enfin… tu comprends où je veux en venir. Pffft… Je me mêle encore.

Flint pouffa de rire. Il trouvait adorable que son mari ait toujours de la difficulté à accepter que leur fils était simplement son père, transformé. Gabriel se trompait parfois, lorsqu’il parlait de Randell, mais avait développé un sentiment surprotecteur pour ce dernier. Il l’aimait plus que tout. Cette deuxième chance avec lui, lui avait permis de se rapprocher avec l’homme – ou plutôt l’enfant – qui lui avait brisé le cœur, durant sa jeunesse.

— Je sais, c’est étrange qu’il ait choisi de devenir notre fils, commenta Flint. Mais je dois avouer qu’il en avait grand besoin. Il s’est beaucoup épanoui, en notre présence.

— De toute manière… je suis le sosie de son véritable père…

— C’est triste, quand même, de savoir qu’il voulait recréer sa famille. Toute la solitude qu’il a dû ressentir, au fil de ces années.

— C’est aussi la raison pour laquelle je veux lui donner un petit frère ou une petite sœur… Il le mérite… Il mérite tout le bonheur de l’univers.

Gabriel ressentit sa gorge se serrer. Ils avaient déjà eu cette conversation, à quelques reprises, mais Flint avait l’air plus sincère que d’habitude. Se pouvait-il que le blond se soit réellement attaché à leur enfant adoptif ?

— À t’entendre, tu l’aimes tout autant que moi, le petit Randy, commenta Gabriel.

— Et comment, répliqua Flint. Il est assez marrant, ce petit garnement.

— Et intelligent, comme son grand-père.

— Lequel ? Mon père ou le tien ?

Gabriel allait lui répondre, quand Flint pouffa de rire. Ce dernier ne faisait que taquiner son époux. Le colosse roula les yeux et tous deux gloussèrent ensemble, alors qu’ils tournèrent leur attention vers les étoiles. Gabriel prit la main de son mari, qui sourit. Cet instant, passé à deux, était leur premier moment intime, depuis quelques jours. Ça leur faisait beaucoup de bien de penser à autre chose qu’à la guerre et tout ce sang.

Gabriel inspira un grand coup, par les narines et expira par la bouche.

— Crois-tu qu’il serait exagéré de vouloir revenir à l’arrière ? formula-t-il.

— Pas vraiment. Ma vie sur Aeglys me manque aussi.

— Mis à part les derniers mois où nous avons poursuivi Troyd et confrontés le culte, c’était assez bien, je trouve…

— Mouais… Tout le monde évoluait à son propre rythme, mais c’était notre planète…

— Notre chambre me manque. Tous nos bien personnels… la ville aussi… La version de Baldt sur Célestia était impressionnante, mais ce n’était pas notre ville.

Flint approuva d’un hochement de tête, avant de répondre :

— Certes, mais notre fille et ses amis ont vu un potentiel énorme à Célestia et en ont profité pour améliorer la vie de tous. Il est possible que nous ne revenions jamais en arrière, mais j’ai espoir que nous pourrons ramener cette planète qu’ils avaient créée.

— Ça me semble être un très beau rêve.

— Pas aussi beau que nos partenaires et toi, mon trésor.

Gabriel rougit.

Pourquoi faut-il toujours qu’il me complimente, ce grand fou ? pensa-t-il.

Celui-ci s’approcha un peu plus de son mari, et lui caressa la nuque avec l’une de ses puissantes mains. Flint en profita pour lui entourer son tour de taille.

— T’es le meilleur, Gabou-chéri, dit le blond.

— Correction : nous sommes les meilleurs.

Le colosse eut soudainement un flash dans son esprit, un vieux souvenir du temps où ils étaient tous deux adolescents – du moins, lorsque les quadruplés avaient au moins treize ans. Il se souvenait d’une fois où Flint et lui avaient fait une blague aux conseillers. Ils avaient mis du poil à gratter dans leurs toges de grandes cérémonies. Il y avait eu une grande réunion avec des représentants de Lanartis, cette fois-là. Tout d’abord, Artael avait cru qu’il s’agissait d’une blague de Lucas, mais non…

Pendant la réunion importante, Flint et Gabriel avaient tout observé depuis un passage secret, pour glousser comme des pies. Le blond s’était retourné vers son meilleur ami.

— Toi et moi, c’est à la vie, à la mort, mon pote ! avait exprimé Flint.

Gabriel ignorait que son époux avait déjà eu des sentiments amoureux, pour lui, à l’époque. Il avait pris cette déclaration comme la plus grande marque d’amitié qui soit. Non seulement Flint était devenu son mari, mais il était aussi son meilleur ami depuis leur enfance. Sa vie n’aurait jamais été la même, sans lui.

Sur cette pensée, il l’embrassa, avec seuls témoins, les chevaux qui n’arrivaient pas à dormir. Même cette horrible guerre ne les arrêterait jamais de s’aimer.

¤*¤*¤

Cassandra avait choisi de rester au vaisseau, en compagnie de Lucas dont l’état n’avait fait qu’empirer. Cette dernière n’avait pas fermé l’œil de la nuit, mais son patient avait réussi à s’endormir vers une heure du matin. Il s’était réveillé deux fois, mais seulement pour changer de position dans son lit. Elle avait remarqué qu’il avait développé les mêmes symptômes que la plupart des malades, à l’infirmerie. Tous souffraient de fièvre et se plaignaient de douleur dans leurs os. Cette grippe était très coriace. Vers quatre heures, la guérisseuse avait décidé qu’il était temps d’injecter un autre médicament dans l’intraveineuse du Markios. Quand elle se rendit de l’autre côté du rideau où devait dormir le jeune homme, elle remarqua qu’il avait disparu.

— Mais que fait cette plume noire près de son oreiller ? se dit-elle, avant de bâiller. Ça appartient à l’un de nos patients, ou quoi ?

— Ça m’étonnerait, répliqua Windy, attachée derrière son dos.

L’esprit du vent avait décidé d’accompagner l’elfe, partout où elle irait. Sous cette apparence, elle pouvait la défendre rapidement. Elle avait remarqué la plume noire, tout comme sa porteuse, mais ne pensait pas que cela appartenait à l’un des patients.

— On dirait la plume d’un déchu, ajouta l’oiseau.

— Ne dit pas de sottises. Si Lucas s’était transformé en déchu, on le saurait.

— Mais si c’est le cas, nous sommes dans de beaux draps…

Les yeux de Cassandra s’écarquillèrent lorsqu’un individu tomba du plafond. Cela fit rebondir le tuyau de l’intraveineuse que le patient avait enlevé, un peu plus tôt. Sous ses yeux, un homme aux traits de Lucas Markios, l’observait avec une paire d’yeux rouges. Il tenait dans ses mains, une longue faux qu’il fit mouliner dans la direction de la jeune femme. Elle évita l’attaque de justesse et para la lame avec son arc.

— Un déchu !? s’exclama-t-elle, choquée.

— Alors c’était ça la fameuse infection ! commenta Windy. Nos troupes sont en train de se transformer en monstres !

Cassandra comprit que la faux en question n'était nulle autre qu’Éclipse, qui avait été de leur côté, quelques heures plus tôt. La chauve-souris avait malheureusement été convertie en démone, au même moment où Lucas était passé dans l’autre camp.

— Il ne faut absolument pas que ça se propage ! fit la guérisseuse.

Elle recula et sans s’en rendre compte, bascula sur le lit d’une autre patiente qui avait subi le même sort que Lucas. La femme tentait de l’étrangler, mais cette dernière s’empara d’un bistouri dans son sarrau afin de le lui planter dans la main. Une fois que la déchue eut retiré sa main dans un cri de douleur, la guérisseuse soigna instinctivement la blessure, mais recula de plusieurs pas.

— Ils sont tous infectés ! commenta Cassandra, alors qu’elle se fraya un chemin vers la sortie de l’infirmerie. Sécurité ! Un peu d’aide, s’il vous plaît ?!

Aussitôt, les gardes postés près de la porte d’entrée s’introduisirent dans la pièce et réagirent. L’un d’eux appuya sur l’alarme de secours et un bruit strident retentit à travers tout le vaisseau et aussi dehors, près du champ de force qui protégeait la plupart des civils. Cassandra prit son arc en main et fit apparaître une flèche qu’elle créa avec sa magie.

— Ne les tuez pas ! ordonna-t-elle. Il faut les assommer !

— Cassandra, je ne crois pas que ce sera possible, rétorqua Windy.

— Faites ce que je vous dis ! Ce sont mes patients !

La crécerelle déglutit et décida de suivre les directives de sa porteuse. Cassandra décocha la flèche, mais au lieu de viser le cœur de l’ange déchu qui les attaquait, elle visa les ailes. L’un des agents de sécurité lança un sort puissant de paralysie en direction de Lucas. Pendant ce temps, son partenaire était encerclé par d’autres anges déchus, en robes réservés aux malades. Ils avaient tous été transformés par cette maladie étrange.

— Il faut alerter Athéna et les autres ! fit la docteure.

Elle était sur le point de presser sur la pierre précieuse de sa bague, lorsqu’une explosion magique défonça un mur derrière le lit de Lucas. Plusieurs anges déchus entrèrent dans l’infirmerie par cette ouverture et s’emparèrent du blond et des autres patients, sous les regards ébahis de Cassandra. Il y avait d’autres infectés à bord du Célestia et ils s’étaient tous transformés en même temps.

— Nous devons fuir ! lança Windy.

— Mais je…

— Pas le temps de discuter, c’est un ordre !

La crécerelle reprit rapidement sa forme animale, afin de repousser leurs adversaires, d’une puissante bourrasque. Elle se changea par la suite en arc et Cassandra la rattrapa au vol. La guérisseuse sortit rapidement de l’infirmerie et courut en direction des dortoirs de l’aile ouest. Il lui fallait absolument retrouver Misaki et Randell. Elle ne pouvait pas partir sans eux. À son grand désarroi, plusieurs anges déchus rôdaient dans les couloirs et l’observaient, tels des zombies. Cela lui glaça le sang.

— Non mais là, c'est une pandémie… réagit la brunette, horrifiée.

Toutefois, elle n’était pas la seule à combattre, car d’autres soldats luttaient contre les déchus. Il n’y avait plus rien à faire, autre que de lutter pour sa propre survie et quitter le Célestia. Cassandra regretta de devoir abattre quelques déchus, alors qu’elle se déplaçait vers la chambre de son amie Misaki. Si elle avait reçu l’un de ces cristaux magiques que tout le monde emmenait sur le terrain, il aurait sûrement été plus facile de purifier ses patients. Malheureusement, personne n’aurait pu s’imaginer que cette infection était en fait l’un des symptômes qui transformait les anges en déchus.

— Il n’y a pas assez de place, Windy, formula l’elfe. Pourrais-tu…

— Tu veux une autre arme, n’est-ce pas ? Essaie avec ça !

Cassandra n’eut pas le temps de terminer sa phrase, que déjà la crécerelle prit la forme d’un fleuret, entre les doigts de son amie. La guérisseuse avait pris quelques cours d’escrime en compagnie de Lucas durant ce dernier mois. Elle était novice dans cette pratique, mais pourrait bouger plus facilement à travers le couloir. Elle brandit son arme et trancha les bras de quelques adversaires, afin de venir en aide aux soldats, puis réussis à se rendre en face de la porte de chambre de son amie albinos.

Cassandra cogna à la porte, quelques fois.

— Misaki ! C’est moi ! Ouvre !

Aucune réponse. Son appartement était verrouillé.

— Allez ! Ce n’est pas le moment de faire la sourde ! grogna Cassandra.

Elle ouvrit rapidement le menu de sa bague magique et en sortit une carte passe-partout qu’elle scanna devant la porte de la chambre. Cette dernière s’ouvrit. Il faisait noir. Elle alluma une lumière et vit que la salle était vide. Ce fut à cet instant qu’un déchu lui fonça dedans, depuis le couloir derrière elle, et la fit tomber.

— Cassandra ! hurla Windy.

Le fleuret reprit sa forme de crécerelle et se mit à picorer les yeux de l’ange déchu. L’esprit élémentaire n’épargna pas la créature du mal qui finit par perdre connaissance. Cassandra reconnut la copilote du vaisseau et se recouvrit la bouche, ayant envie de dégueuler.

— Quelle horreur…

Cassandra essayait de ne pas perdre son sang-froid, cependant, elle se tourna dos à ce corps inconscient et dégueula près de la porte de chambre. Bien qu’elle soit entraînée pour résister à ce genre de scène, ses nerfs lui lâchaient.

— Ils n’ont plus rien de tes collègues de travail, répliqua sèchement la crécerelle. Ressaisis-toi ! L’ennemi s’est emparé de l’équipage !

La guérisseuse se tapa les joues et se releva, déboussolée par l’odeur de sang qui imprégnait déjà le couloir. Elle se toucha le ventre, puis les bras. Elle n’avait aucune écorchure ou éraflure sur la peau. Sa seule hypothèse, sur le moment, fut que le virus se transmettait au contact du sang ou bien en injectant un venin dans la peau des victimes, tel un vampire.

Au contact de sa main, Windy redevint le fleuret et ensemble, elles s’éloignèrent de la section des dortoirs. Cassandra connaissait une sortie de secours, uniquement connue des dieux et des guérisseurs, en cas d’évacuation. Elle s’approcha d’une statuette, placée sur un piédestal au fond du couloir, et appuya dans l’œil gauche d’un visage en argent. Il s’agissait d’une figurine, supposée représenter Athéna.

Derrière le mécanisme, elle put entendre un cliquetis sous le tapis qui recouvrait le sol. Elle le tira et cela dévoila une portière dont elle pouvait voir le mot « Déverrouillé », près du manche.

— Où est Lusso, d’après toi ? demanda Cassandra, alors qu’elle descendait une échelle.

— Je ne sais pas, mais son signal est faible.

— Se pourrait-il qu’elle ait fui le vaisseau avec Randell ?

— Aucune idée, mais nous n’allons pas tarder à le savoir !

Fleuret en main, Cassandra fonça dans un couloir étroit ; il menait sous la salle des machines. Elle ouvrit une autre trappe et sortit par cette dernière, ce qui leur permit de bondir sous le vaisseau, sans avoir à ouvrir l’ouverture principale. L’avantage d’avoir un champ de force, était que personne ne pourrait y pénétrer facilement. Cependant, tout le monde à bord du Célestia pouvait en sortir sans problème. La guérisseuse courut en direction du campement et se rendit compte que des anges déchus l’avaient aussi infiltré. Colérique, elle fonça sur le premier cheval qu’elle trouva : une jument noire. Elle grimpa sur la monture et lui ordonna de s’éloigner, au plus vite.

Ce fut avec le cœur lourd que la soigneuse fut obligée d’abandonner le site. Elle se devait de rejoindre les autres, afin de les avertir des nombreux risques que cela impliquait à cause de cette infection.

¤*¤*¤

Un peu plus tôt, avant que l’état d’alerte ne soit sonné dans le Célestia, Misaki s’était aventurée au nord du campement, en pleine nuit. Elle suivait les traces de Randell, qui avait décidé de partir à la chasse aux ingrédients afin de faire une surprise à ses parents. Ce dernier désirait concocter des potions magiques, dans le but de leur donner un certain avantage dans les champs de batailles. Cependant, Randell n’avait pas un très bon sens de l’orientation et s’était perdu en chemin. Lorsque que la guerrière albinos avait enfin repéré l’enfant, celui-ci était perché sur la branche d’un arbre, alors qu’un chien de l’enfer jappait dans sa direction. Misaki se servit de Lusso dans sa forme de bâton afin de tuer la bête et leva son regard vers celui qu’elle devait surveiller.

— C’était quoi l’idée de quitter ma chambre sans même m’avertir ! gronda cette dernière.

Randell grimaça d’inquiétude. Sa tante d’adoption avait élevé la voix. Elle n’était pas contente du tout. Même si le jeune mage avait toute l’intelligence de son incarnation précédente, il lui arrivait toujours de commettre des erreurs de jugement.

— C’est que… tu dormais paisiblement… et je ne voulais pas te déranger, couina-t-il.

— Mais que fais-tu debout, à trois heures et demie du matin ?! File te coucher tout de suite avant que je me fâche ! J’ai promis à tes parents que je veillerais sur toi, alors t’as intérêt à m’obéir, sinon je devrais me montrer plus sévère !

— Ah non… je suis puni, c’est ça ?

— Oh que oui, jeune homme ! Tu es privé de dessert pour trois repas !

— Hé ! Mais ce n’est pas juste ! Je voulais faire un cadeau à mes papas…

— Tu aurais dû me demander de t’escorter avant !

Mettant une main sur sa hanche, Misaki ressentit son bâton se transformer dans l’autre. Lusso, le chien de prairie, grimpa le long de son bras pour aller se poser sur son épaule. Le petit animal était peu bavard, comme d’habitude. Il tourna la tête vers sa porteuse et se dit qu’il pourrait venir en aide à l’enfant.

— Ça ne sert à rien de le gronder, il voulait bien faire, bâilla celui-ci, fatigué.

— Oh non, toi, tu ne dis rien. Ce n’est pas à toi de veiller sur le petit.

— Allons, on a tous été jeunes…

— Oui, mais lui, c'est la deuxième fois qu’il est un gosse !

Frustrée, Misaki grimpa à l’arbre et tendit une main vers Randell, afin qu’il s’approche d’elle. Il sauta à son dos et s’agrippa. Puis, elle se laissa retomber. Soudain, un bruit intense se fit retentir, au sud. L’alarme du Célestia avait été déclenché et une lueur éclaira un peu l’obscurité. La femme comprit rapidement que le campement était attaqué.

— Merde, merde, merde, merde ! râla cette dernière. Pourquoi n’ai-je pas pris de monture avec moi ? Misaki, espèce d’idiote !

— Qu’est-ce qui se passe ? demanda Randell, confus.

La guerrière prit une grande respiration et tenta de contrôler sa colère avant de se retourner vers l’enfant qu’elle posa à terre.

— Petit un, ne t’aventure plus dans le noir sans être accompagné par un adulte. Petit deux, de méchantes personnes ont été repérées près du Célestia, donc nous devons à tout prix retourner là-bas et nous assurer que tout le monde va bien. Compris ?

Randell posa son regard de chien battu dans les yeux de sa tante, qui tentait tant bien que mal à ne pas se laisser amadouer. Elle ne pourrait jamais résister aux enfants, tellement elle aimait jouer le rôle d’une maman. Elle soupira et mit une main sur la tête de l’enfant, afin de le réconforter.

— Compris… répliqua-t-il, déçu.

— Quand tu seras assez grand et assez fort pour te débrouiller sans un adulte, on te laissera te promener un peu plus, mais pas avant. C’est dangereux de se promener seul comme ça, à ton âge. Tu aurais pu te faire manger par ce chien de l’enfer !

— Mais je sais me défendre, rouspéta le gamin.

Elle fit semblant de ne pas l’entendre.

Même si l’alarme du Célestia la déconcentrait, Misaki ne pourrait pas partir de cet arbre avant de s’être assurée que Randell avait compris cette leçon. Néanmoins, elle était curieuse d’en savoir plus sur le projet personnel du gamin.

— Sinon, as-tu trouvé ce que tu cherchais ?

Randell hocha la tête et lui montra son plus beau sourire avant d’ouvrir son sac à dos qu’il tenait entre ses mains. Il lui montra trois sortes de plantes différentes que la guerrière ne réussit pas à discerner dans le noir. Elle pencha sa tête d’un côté.

— Je crois que j’ai ce qu’il faut pour nous préparer des filtres d’invisibilité ! dit-il.

— Est-ce que ce sont les bons ingrédients, au moins ? Nous sommes sur une nouvelle planète, après tout. Tu risques d’être déçu par les résultats.

— Mais non ! Je les ai toutes identifiées avec ma magie. Elles contiennent toutes les mêmes éléments alchimiques que sur Aeglys.

— Ne me dis pas que tu as emporté avec toi tes accessoires de potions…

— Mais non… J’ai simplement un mortier et un pilon…

— Franchement, Randy, tu n’aurais pas pu attendre que je me lève ?

Misaki n’attendit pas la réponse de son protégé avant de refermer son sac, rapidement. Elle se pencha et l’invita à grimper sur son dos. Par réflexe, Lusso décida de bondir à terre et de marcher aux côtés de sa porteuse. Ils entamaient déjà le trajet du retour vers le Célestia, alors que Randell discutait de ses récentes découvertes avec sa gardienne. Au bout de quelques minutes, ils croisèrent Cassandra et Windy qui avaient quitté le campement de manière dramatique. Surprise, Misaki sursauta.

Que s’est-il passé, nom d’une pipe ! s’exclama l’albinos, dans sa langue natale.

L’elfe soupira de soulagement quand elle remarqua que son amie était toujours vivante, ainsi que l’enfant des Markios. Elle avait reconnu quelques mots que Misaki lui avaient enseignés, durant leur voyage. Elle descendit de sa jument noire et lança un sort de lumière au-dessus de leurs têtes, afin de mieux les éclairer.

— Les forces du mal ont trouvé le moyen de rendre malade nos soldats, dans le but de les transformer en déchus, expliqua Cassandra en langue commune. Lucas, ainsi que tous mes patients, ont été infectés. Plusieurs des nouveaux arrivés ont aussi subi le même sort. J’ai été obligée de fuir le camp.

Misaki déglutit lorsqu’elle réalisa que son ex avait été transformé en monstre. Quelques heures plus tôt, il avait blagué et rigolé avec elle, avant qu’ils aillent se coucher. Elle ne comprenait pas comment il avait fait pour basculer du côté obscur, si rapidement.

— C’est contagieux, ajouta l’elfe, inquiète. J’ai pour théorie que cela se propage par la salive, les morsures et les écorchures provoquées par les ongles des autres déchus. Avez-vous été touchés par l’un d’entre eux ?

Misaki fit signe que non et tourna la tête vers le gamin.

— Et toi ? T’as croisé des démons sur la route, n’est-ce pas ?

— Seulement ce clébard, répondit l’enfant. Il avait faim, le pauvre…

— Il allait te manger, Randy, répliqua sa gardienne, sévèrement.

Le garçon leva les épaules.

Au moins, Cassandra était rassurée de voir que son amie et Randell n’avaient rien de grave. Cependant, elle ne pouvait pas s’empêcher d’avoir le cœur lourd, à cause de tous ces gens qu’elle avait dû abandonner. Elle les avait tous trahis, en les laissant entre les griffes des déchus. Elle n’avait pas eu le choix. Sa survie était très importante pour le bien-être de l’armée. On lui avait donné l’ordre de ne pas mourir, durant l’absence de ses proches.

Cassandra baissa son regard et se recouvrit le visage. Des larmes coulaient le long de ses joues, c’était plus fort qu’elle. La pauvre avait dû se faire forte et brave ; elle avait cru que sa Misaki et le petit garçon s’étaient fait tuer ou même convertis par les démons. Pour elle, constater qu’ils étaient toujours vivants, était un miracle.

— Je vous croyais morts… hoqueta-t-elle.

Misaki avait, elle aussi, un pincement au cœur. Elle n’aimait pas voir Cassandra dans cet état. Elle mit une main sur son épaule, afin de la réconforter.

— Ça va, nous sommes là. Tout ira bien, tu verras.

— Je voudrais bien t’y voir toi… soigner tout plein de patients, rien que pour te rendre compte que ces derniers sont tous devenus des monstres…

Elle essuya ses larmes et tenta de se ressaisir. Tous les gens qui travaillaient dans la médecine devaient s’assurer de laisser leurs sentiments de côté, afin de bien soigner leurs patients. Cela ne les empêchait pas de ressentir le besoin d’évacuer des émotions fortes, lorsqu’ils en avaient l’opportunité. Misaki était l’une des rares personnes, à part Shayne, qui assistait à une telle crise. Cassandra se tourna vers la jument et claqua des doigts dans le but de réduire l’intensité lumineuse de sa lumière magique.

— Où va-t-on maintenant ? demanda le petit Randell.

— On ne peut pas retourner au campement, déclara la crécerelle, attachée au dos de Cassandra, sous son apparence d’arc. Notre prochain objectif est de retrouver Flint et les autres. Nous devons à tout prix leur expliquer ce qui s’est passé.

Misaki hocha la tête et la docteure lui offrit une main pour l’aider à monter sur la jument. La monture était assez puissante pour les porter tous trois, mais Lusso devrait prendre l’apparence d’un accessoire, afin de ne pas déranger la déranger. Windy opta pour devenir un bracelet au poignet droit de sa porteuse. Randell s’assit entre les deux demoiselles et ils reprirent la route, tous ensemble. Cette guerre avait déjà causé plusieurs victimes. Elle ne ferait qu’empirer, au fil du temps.

Il leur fallait retrouver les autres, au plus vite.

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