130. La décision de Flint
Le matin du 3 novembre 3918 AD, alors que la plupart des membres de la Septième Brigade étaient déjà réveillés, plusieurs chevaux et des calèches arrivèrent au nouveau site de campement de la résistance. Flint reconnut deux tignasses blondes parmi les gens qui sortirent de ces véhicules. Il était en train de manger un bol de gruau à l’érable, en compagnie de Gabriel, Scottie et Wyatt, quand il les avait vus. Il lâcha le tout, se leva d’un bond et se précipita vers les deux individus en courant.
Kyran et Sarah furent sous le choc de voir que leur petit frère était à ce point heureux de les voir, mais tous deux avaient une terrible nouvelle à lui annoncer.
— Oh par tous les dieux, les quadruplés Markios vont bientôt être tous réunis ! pleura Flint. Quel bonheur ! Lucas n’est pas avec vous ?
Le visage de Kyran blanchit comme un drap, alors que sa sœur sanglota. La bonne humeur de Flint s’effaça rapidement. Ces retrouvailles auraient dû être heureuses, mais à voir leurs expressions, le capitaine de la Septième Brigade comprit qu’il leur était arrivé quelque chose de grave. Instinctivement, il prit la main de Kyran.
— Dis-moi que ce n’est pas vrai… fit-il.
Le conseiller, dont les vitres de ses lunettes avaient été réparées par magie, se mordilla la lèvre inférieure. Il hocha tristement la tête, pour confirmer à Flint que leur frère avait été tué. Le capitaine lâcha la dextre de son frère, fit volte-face, et fixa ses pieds.
— Connaissant notre frère, il est parti de manière magistrale, soupira-t-il.
— Tu serais fier de lui, avoua Kyran. Grâce à son sacrifice, nous avons pu nous échapper du Sanctuaire des dieux et il a grandement blessé Satan.
— Dans ce cas, il ne sera pas mort en vain.
Kyran s’était attendu à ce que son cadet explose de colère ou bien qu’il lui lance plusieurs insultes. À sa grande surprise, Flint était calme et compréhensif. Ce dernier essuya quelques larmes avant de se tourner vers sa sœur. Cette dernière avait besoin d’être réconfortée davantage que lui. Il la serra dans ses bras, elle lui rendit ce câlin.
— Bon retour parmi nous, Sarah, dit-il.
— Oh Flint… Où est papa… ?
— Il n’est pas au camp, si c’est ce que tu veux savoir. Il est parti hier, à l’ouest, en compagnie de quelques hommes. Ils ont détecté un village auquel des survivants ont besoin d’être rapatriés. Toutefois… notre mère est ici.
La nonne cessa subitement de pleurer. Elle semblait troublée par cette révélation.
— Kyran m’a tout expliqué… dit cette dernière. De la destruction d’Aeglys, jusqu’à maintenant… Cependant, je n’ai aucun souvenir de tout cela. Tout est si flou dans ma tête… C’est comme si j’avais été plongée dans un profond sommeil.
— Il y a plusieurs choses que vous ignorez sûrement. Tout cela, c’est à cause de Satan. Mais ne vous en faites pas ; nous allons tout vous raconter, dans les moindres détails.
— Je sais par contre… que maman est… Oh Athéna !
Sarah avait terminé cette phrase comme une affirmation religieuse, ce qui surprit son frère. Flint n’avait pas réalisé que derrière lui, leur mère était sortie de sa tente. La princesse portait sa robe de chambre. Elle vit trois ses enfants ensemble et comprit que ses espions avaient accompli leur tâche. Elle sortit ses mains de ses poches et s’approcha d’eux, à pas de course. Cependant, elle réalisa qu’ils ne la connaissaient pas tous et s’arrêta promptement.
— Est-ce bien qui je crois… ? fit Sarah. Pardonne-moi, Flint, mais certains souvenirs sont encore flous dans ma mémoire.
Le capitaine se tourna pour voir sa mère, à deux mètres de lui, qui recouvrait son visage nerveusement. Elle s’approcha de ses enfants et mit une main sur l’épaule du plus jeune des quadruplés. Émue, la Princesse de l’Olympe n’arrivait pas à prononcer le moindre mot. Cette femme avait attendu de voir ses enfants depuis si longtemps, qu’elle en perdait tous les moyens. Kyran fut le premier à parler, afin de rompre le silence.
— Notre mère…
Il était bouche bée, comme s’il avait vu un fantôme. Les espions lui avaient mentionné que cette dernière était bel et bien vivante et qu’elle était aux côtés de son père et de Flint. Jamais il n’aurait imaginé, dans ses rêves les plus fous, que sa propre mère était sa déesse. Pendant plusieurs années, on lui avait caché ce secret, afin de le protéger. Puisqu’il était désormais un citoyen de l’au-delà, on pouvait tout lui dire. Comme sa sœur, il se souvenait à peine du jour fatidique où sa planète avait été détruite, car ses souvenirs avaient, pour la plupart, été remplacés par ceux d’un ange déchu.
— Notre mère ? répéta Sarah. Mais… je… ?
Athéna fondit en larmes, à travers son sourire. Elle s’approcha de la nonne, qui rencontrait sa mère pour la toute première fois de toute son existence. Cette dernière comprenait qui elle était réellement, mais tout ceci semblait si irréel.
— Enfin, je te retrouve ! pleura la princesse. J’ai eu si peur pour ton âme !
Confuse, dans l’étreinte de sa mère, la nonne la serra à son tour, comme si elle le faisait pour une bonne amie.
— Ma déesse se prend pour ma mère, est tout ce qu’elle pouvait répéter dans sa tête. Non… Ma déesse est ma mère…
Sarah cligna des yeux à quelques reprises, avant de s’exprimer :
— Donc, je ne rêve pas. Vous êtes bel et bien… Athéna ?
Elle déglutit nerveusement. Elle ne savait pas si elle devait s’agenouiller devant sa créatrice ou bien s’adresser à sa mère. Mêlée, elle ressentit un étourdissement. Néanmoins, la religieuse avait conscience d’avoir jadis vu cette dame qui se tenait devant elle. Tout cela s’était produit le jour où on l’avait transformée en créature du mal. Elles ne s’étaient pas adressé la parole, toutefois.
— Je suis Athéna Minerva, fille adoptive de Zeus, aussi connue sous le nom de Diana en Aeglys. Oui… Je suis ta maman… votre maman.
— Oh bonté divine ! s’exclama la nonne.
— Tu as été, sans le savoir, ma plus grande source d’inspiration, mais aussi celle qui m’a toujours redonné foi en l’humanité dans mes moments les plus sombres. Tu ne sais pas à quel point j’avais hâte d’enfin te rencontrer, ma rose blanche. Toi qui es la bonté incarnée.
— Je suis la fille… de ma déesse… ? couina la nonne, en état de choc.
Flint soupira et s’approcha de celle-ci, avant de lui faire une pichenette sur le nez.
— Oh non, tu ne vas pas nous faire une crise comme la dernière fois.
Sarah secoua la tête et gloussa nerveusement. Cependant, elle prit rapidement les mains de sa mère, entre les siennes, et s’agenouilla de façon cérémonieuse.
— C’est pour moi un honneur de vous rencontrer, Athéna… ou devrais-je dire… maman, s’exprima-t-elle, nerveusement. Oh miséricorde… Comment dois-je m’adresser à vous ?
— Hé ho ! râla le capitaine de la Septième Brigade. Tu n'as pas besoin d’être si archaïque avec elle. C’est notre mère, quoi ! Enfin bon… Fais comme tu veux.
Pouffant de rire, la princesse aida la nonne à se relever et l’embrassa sur la joue.
— Tu peux me tutoyer, ma rose blanche, dit-elle, à l’attention de sa robe nacrée. Je veux tout apprendre de toi ! Oh, tu es si jolie ! L’image parfaite de ton père !
— Tu réalises qu’on se ressemble tous, quand même, bouda Flint, à l’écart.
Elle n’y fit pas attention et tourna son regard vers Kyran, avec qui elle n’avait jamais réellement eu de contact direct. La déesse tendit son bras vers lui pour l’inviter dans leur étreinte. Maladroitement, il s’approcha et la serra à son tour. Il ne s’était pas attendu à recevoir tant d’amour, de la part de cette dame qui était, pour lui, une étrangère.
— Mère… j’ai une horrible nouvelle à vous annoncer, couina Sarah.
La bonne humeur de la princesse s’estompa. Son visage s’assombrit.
— Je sais… je l’ai tout de suite deviné en vous voyant…
— Il est mort en héros, déclara Kyran.
— Ça, c’est bien notre Lucas. Mais ne vous en faites pas pour lui. Nous retrouverons son âme et nous le ramènerons, ou je ne m’appelle plus Athéna.
— Tâchons surtout de mettre fin à cette guerre.
— J’y compte bien, mon fils. J’y compte bien.
Flint entendit alors sa sœur qui récitait une prière à l’attention de sa déesse, ce qui le mit mal à l’aise, car leur mère était présente. La dame concernée était flattée par cette douce attention, mais commençait à se sentir gênée.
Tandis que le capitaine allait faire demi-tour pour retourner en direction de son mari, il ressentit vibrer le sol sous ses pieds à une intensité hallucinante. Il entendit quelqu’un pleurer et crier de joie avant de foncer tout droit vers Athéna et Sarah. La princesse se tassa de justesse et laissa Gabriel serrer la nonne dans ses bras.
Flint cligna des yeux, abasourdi par cette scène. Puis, il se dit que tout cela était tout à fait normal, car le colosse avait grandi aux côtés des quadruplés. Celui-ci serra la religieuse contre lui et enfouit son nez dans les cheveux de cette dernière, pleurant de joie. La pauvre petite blonde pouffa de rire, mais rendit l’enlacement au nounours.
— Qu’il fait bon de tous vous retrouver, dit-elle, émue.
¤*¤*¤
Midi passé, tout le monde avait été mis au courant du sacrifice de Lucas. On avait accueilli les rescapés du château dans les rangs de l’armée. Le Roi de l’Olympe n’était pas revenu depuis une demi-journée de son expédition à l’est du campement. La Commandante Athéna était donc en charge du terrain, en compagnie des autres généraux. Au sud, Perséphone, Thanatos et Hypnos cherchaient pour d’autres survivants de cette guerre.
À l’écart de l’armée, le groupe de la Septième Brigade s’était rassemblé afin d’offrir une cérémonie mortuaire à Lucas. Sarah et Kyran étaient présents, pour offrir leurs prières à leur défunt frère. On avait posé une photo du guerrier, au centre d’une table recouverte de fleurs. Son corps n’avait pas pu être déplacé, mais tous ses amis étaient présents, dans le but de lui faire ses adieux. Personne ne savait si on le reverrait un jour. Nu le ne connaitrait l’issue de cette guerre avant la mort de Satan et la restauration du monde spirituel…
— Il est parti trop vite, dit Gabriel, avant de poser une rose près de la photo de Lucas. Nous devrons le ramener, coûte que coûte.
— Il pourra compter sur nous, répliqua Flint, qui prit la main de son époux. Toutefois… les noyaux de création sont entièrement épuisés. Je crains que nous ne puissions pas redonner une forme physique à son âme avant longtemps. Même notre mana s’épuise rapidement à cause de tous les combats que nous devons faire chaque jour.
— Déjà, faudrait-il qu’on retrouve ses résidus spirituels…
— Nombreuses sont les âmes errantes. Tout ce que nous avons à faire, c’est de les stocker dans les cristaux magiques. On s’occupera de tous les ramener une fois que la guerre sera terminée.
Gabriel secoua la tête et se tourna vers les autres membres de leur groupe.
— Et ces fameux cristaux, on en a combien avec nous ? demanda-t-il.
— Au moins un, pour chacun d’entre nous, répliqua Luna. Le mien est pratiquement plein, alors je l’ai envoyé aux experts pour qu’ils puissent le purifier.
Le colosse mit une main dans ses poches et sortit le sien, légèrement noirci à cause des derniers démons qu’il avait absorbés. Lui aussi devrait faire de même que son amie magicienne. Pour lui, cet objet était insignifiant. Tant qu’il pourrait cogner des monstres et en tuer, cela aurait un sens à ses yeux. Ces cristaux commençaient à l’énerver, au point qu’il n’avait plus envie de s’en servir.
— Mais où s’en va-t-on avec ces conneries ? grogna-t-il. Absorbe une âme par-ci, absorbe une âme par là… Pendant ce temps, on se fait tous embrocher comme des bâtons de viandes ! Qui d’entre nous sera le prochain à finir dans la gueule du diable ?
Personne n’osait lui répondre. Ils étaient tous aussi perdus que lui. Chacun obéissait les ordres des dieux et tentait d’aider les gens dans le besoin. Leur unique objectif du moment était d’agrandir leurs rangs, pour qu’ils puissent un jour être assez nombreux à confronter les forces des ténèbres. Pour cela, ils devraient convertir les démons en êtres de lumières et continuer à répéter les mêmes actions, jour après jour. Ils étaient épuisés, mais personne n’avait envie d’abandonner.
— Ne me dites pas que vous n’avez pas remarqué la même chose que moi ? fit le colosse. Nous sommes coincés dans une boucle qui ne cesse de se répéter. On se fait tuer, on renaît en monstre. On tue des monstres, ils deviennent comme nous. Et ça continue, encore, et encore. Je suis en train de perdre la tête, moi !
Encore une fois, il touchait à une corde sensible. Cette guerre leur avait arraché un bon ami. Mais quel serait le destin de son âme ? Lucas serait probablement réincarné en démon, comme l’avait prédit Gabriel. Rien ici, ne demeurait mort éternellement, tant et aussi longtemps qu’on possédait les meilleurs outils.
— Il dit vrai, soupira Luna. La population du Saint Royaume a vécu ainsi depuis plusieurs millénaires. C’est pourquoi la majorité des âmes sont expédiées sur d’autres mondes, afin de ne pas finir à nouveau dans cette guerre sans fin.
— Oui, mais là, le cycle des naissances et des morts a été corrompu par les démons, commenta Wyatt. Pour cette raison, le Saint Royaume sature de monstres. Donc, tant et aussi longtemps que nous serons coincés ici, nous devrons endurer tout ça. À moins, bien sûr, que l’un d’entre vous aurait une autre idée à nous proposer.
La magicienne se tourna vers Flint. Tous se tournèrent vers lui, comme s’il détenait la réponse à cette énigme. Confus, le capitaine observa ses camarades, un par un. De tous les membres de son groupe, il avait souvent des idées de génie, qui leur permettait de résoudre certains problèmes. Il ne comprenait pas pourquoi Luna s’intéressait à lui, en ce moment.
— Qu’est-ce que t’as à me regarder comme ça ? formula-t-il. Ai-je fait quelque chose de mal ?
— Non, mais j’aimerais te rappeler un détail très important, expliqua-t-elle. Qui sommes-nous censés être ?
— Des brigadiers ?
— Oui, et quel est le devoir de tout brigadier ?
— De protéger les civils des criminels et des forces du mal.
— Oui, mais n’oublie pas que nous avons aussi une autre devise, celle de résoudre des problèmes. Nous sommes formés depuis des années à venir en aide aux autres.
Une lumière illumina l’esprit de Flint. Il avait compris où elle voulait en venir. Il jeta un regard au loin et observa les esprits élémentaires qui se tenaient ensemble ; à part Dia qui se trouvait en compagnie d’Athéna. Il leur faudrait partir du campement.
— Quand ? interrogea Flint.
— Le plus tôt sera le mieux, dit Luna. Nous sommes tous équipés pour combattre le diable et ses acolytes. Si nous y mettions tous nos efforts, nous pourrions faire gagner un temps précieux à l’armée et nous emparer des derniers noyaux de création du château.
— Qui se porte volontaire pour tuer Satan, dans ce cas ?
Tous les membres de la Septième Brigade se tournèrent vers lui. Flint déglutit, quand il réalisa qu’en tant que capitaine, cette tâche lui revenait par défaut.
— Hé ho ! protesta celui-ci. Je dirige notre équipe, ça ne veut pas dire que je suis le plus fort d’entre nous !
Il se cacha derrière Gabriel, effrayé. Ce dernier leva les yeux au ciel. Il haussa des épaules avant de prononcer :
— Chéri, ce n’est pas le moment de faire ton gros bébé.
— Mais t’as entendu ce que Kyran et Sarah ont dit sur lui ? Il est immense… et il dévore notre espèce… J… Je… ne v… veux pas terminer dans son ventre !
— Très bien, très bien. Je m’en occuperai.
Outré par cette remarque, Flint se mit en face de son mari et le fusilla du regard.
— Il en est hors de question ! Je ne te laisserai pas affronter la bête tout seul !
— Il faut bien que quelqu’un le fasse.
— Es-tu sourd ? Je refuse !
Le colosse caressa la tête de son mari pour le rassurer. Pendant ce temps, Kyran se retourna vers son frère et s’approcha de lui.
— Si vous retournez au château, j’irai avec vous. Lucas m’a confié Éclipse pour une raison, et c’était de la protéger. Cependant, elle est en meilleure sécurité lorsque ses frères et sœurs sont tout près.
Le capitaine hésita un moment. Il se tourna lentement vers lui, et se gratta l’arrière de la nuque. Il ne savait pas si c’était une bonne idée.
— Kyran, sans vouloir te vexer, tu es plutôt un bureaucrate et non un combattant.
— As-tu donc oublié que mes pouvoirs magiques sont aussi puissants que ceux de papa ? L’unique raison pour laquelle je n’étais pas brigadier était parce que nous devions gérer la république. Cela ne m’empêchait pas de m’entraîner quotidiennement.
— Je confirme, fit Luna. Pour avoir tout appris de votre père et lui, c’est un excellent mage. Il ferait un bon membre à notre groupe.
— Nous venons de perdre Lucas, continua Flint. Je ne veux pas prendre le risque de te perdre, toi aussi. Que penserait notre père s’il apprenait que je suis parti avec toi, sans lui dire au revoir ? Il va nous en vouloir.
Kyran secoua la tête.
— Tu n’as pas à t’inquiéter pour ça. Notre mère saura gérer la situation.
— Dans ce cas, je viens aussi avec vous ! fit une voix, derrière les frères Markios.
Ils se tournèrent pour voir Sarah qui s’était rapprochée d’eux. Le visage déterminé et les mains serrés en poings, la religieuse voulait participer à ce plan. Il y eut quelques chuchotements autour d’eux. Certains n’approuvaient pas de peur qu’elle se fasse blesser.
— Sarah, non ! supplia le capitaine. Ta magie est trop précieuse pour que tu te sacrifies ainsi. S’il te plaît, reste auprès de notre mère. L’armée a besoin de tes talents.
— Pfft ! Une raison de plus pour que je vienne avec vous. Cassandra est une excellente guérisseuse, mais la Septième Brigade a beaucoup de membres désormais, et nous avons aussi des esprits élémentaires à protéger. Qui serais-je si je devais vous laisser vous jeter dans la gueule du loup ? Une lâche ! J’ai toujours suivi notre religion à la lettre et ce n’est pas le moment pour moi de vous abandonner. J’irai avec vous, que ça te plaise ou non !
Flint recouvrit son visage de désespoir. Gabriel pouffa de rire derrière lui. Les autres membres de la Septième Brigade l’imitèrent, car tous étaient dorénavant habitués à l’entêtement des Markios. La nonne afficha un petit sourire satisfait.
— Très bien… mais tu seras protégée en tout temps, bouda Flint. Scottie et Kylie, vous veillerez sur elle comme la prunelle de vos yeux. Shayne et Misaki, je veux que vous protégiez Cassandra. Estelle sera notre spécialiste des champs de forces, comme d’habitude, mais je veux que Kyran, Luna et Wyatt, vous l’assistiez en tout temps. Gabriel sera notre bouclier, ça va de soi. Moi, je m’occuperai de Satan.
— Ça me semble bien, comme plan, dit Kyran. Cependant, n’oublie pas que nous avons avec nous les esprits élémentaires. Ils pourraient nous aider, plus que tu ne le crois. Le diable sera bien entouré. D’autant plus qu’après notre évasion, il n’hésitera pas à renforcer la sécurité du château, ainsi que les environs.
— Très juste. Dans ce cas, je propose que nous trouvions une faille dans leurs formations et que nous nous infiltrions dans leurs quartiers généraux le plus discrètement que possible. Scottie et Shayne se chargeront de cette tâche.
Flint se tourna vers les deux meilleurs éclaireurs du groupe. Scottie hocha la tête, tandis que Shayne se frotta le haut du nez. Ce dernier réfléchissait à ce que leur disait le capitaine. Il était impressionné de voir que son subordonné, devant lui, paraissait avoir la situation en main. Un jour, peut-être que Flint deviendrait général, lui aussi.
— J’aimerais assister les éclaireurs, déclara Kyran. Je connais les entrées et les sorties secrètes du château pour l’avoir exploré assez souvent, durant ces derniers mois. Je pourrais vous aider à trouver un endroit sécuritaire pour nous tous.
Flint grommela. Il n’aimait pas mettre son frère en danger. Scottie et Shayne étaient d’excellents combattants, mais pas lui. L’envie de se mordre les ongles lui passa à l’esprit, mais il se ressaisit rapidement.
— D’accord, fit-il. Par contre, au moindre signe de danger, tu ramènes tes fesses dans nos rangs. Je ne veux pas ta mort sur la conscience.
Il plantait son index et son majeur dans le torse de Kyran, avec insistance.
— Si ça peut te rassurer, j’accepte, répondit l’aîné des quadruplés.
— Merci. Maintenant, allez tous vous préparer. Nous partons dans une heure. Cela me laissera un peu de temps afin d’en glisser un mot à Maman.
Tous s’échangèrent des regards complices, déterminés à éliminer le diable, une bonne fois pour toutes. La Septième Brigade n’avait fait qu’obéir aux ordres des dieux, pour les derniers jours. Il était temps pour eux de prouver à tous qu’il ne fallait jamais sous-estimer leur équipe. Alors que Flint observa ses compagnons de routes s’éloigner vers leurs tentes, il sentit la main de Gabriel lui prendre la sienne. Cela le rassura.
¤*¤*¤
— Mais vous êtes cinglés ! s’exclama Athéna, qui suivait le groupe avec inquiétude.
Tous les membres de la Septième Brigade, y compris les esprits élémentaires, Kyran et Sarah, se trouvaient à l’entrée du campement. Ils étaient sur le point de le quitter, en compagnie de quelques soldats qui s’étaient portés volontaires pour les suivre, quand la déesse les avait arrêtés. Elle était contre l’idée de laisser partir ses enfants en mission.
— Fais-moi confiance, expliqua le capitaine. Nous sommes tous convaincus que c’est la meilleure chose à faire. Nous ne pouvons plus agir sur la défensive. Il est temps pour nous de mener l’offensive. Sans quoi, bientôt, il ne restera plus un seul être de lumière sur ces terres. Crois-moi, nous connaissons tous les risques que cela implique.
— Mais c’est du suicide ! insista Athéna. Attendez au moins que Nash et Artael reviennent parmi nous !
— Chaque minute compte ! poursuivit Flint, avec insistance. Nous ne pouvons plus attendre. Désolé, mais j’ai fait mon choix.
Flint ne regardait pas Athéna, néanmoins il avait recommencé à la traiter comme une mère. Il était assis sur un cheval à la fourrure noisette et à la crinière dorée. Cette monture était l’une des préférées de son père, qui passait beaucoup de temps avec les montures du camp. Shayne et Scottie avaient droit à leurs propres étalons, alors que Gabriel conduisait une calèche à laquelle se trouvaient Kyran, Sarah, Luna, Wyatt, Kylie et Estelle. Misaki et Cassandra montaient à dos de juments. Quelques soldats s’étaient portés volontaires pour les suivre, afin de les aider dans leur mission personnelle.
— Au galop, Éclair ! ordonna Flint à son cheval.
Il donna deux légers coups aux côtes de l’animal qui comprit qu’ils devaient partir. Gabriel fit alors s’avancer la calèche, tirée par les plus puissants étalons qu’il avait trouvés. Les autres ne tardèrent pas à les suivre.
Athéna soupira, après avoir accepté qu’elle ne puisse pas changer l’avis de son fils. Elle devait reconnaître, toutefois, qu’il avait du cran. Elle-même ne se sentait pas prête à combattre le diable, alors qu’il avait un sérieux avantage sur leurs troupes. Elle soupira et retourna au campement.
Elle retourna à la tente de Nash, où l’attendaient Artémis et Apollon. Ces derniers distribuaient des ordres aux lieutenants et aux capitaines, qui devaient aussi repartir pour diverses tâches. Personne ne s’arrêtait jamais de travailler, ici. Il y avait toujours quelque chose à faire et beaucoup de victimes de guerres à sauver.
— Ils sont partis ? demanda la chasseuse.
Les derniers subordonnés étaient sortis après avoir reçu leurs directives. Il ne restait plus que la princesse, sa sœur et son frère. Athéna opina du chef et s’approcha de la grande table, où était déroulée la carte du monde. Des jetons représentaient leurs chefs et étaient placés un peu partout, autour des terrains qui entouraient le Sanctuaire des dieux. Elle ramassa un pion d’échec, à sa gauche, qu’elle rajouta sur le grand bâtiment.
— Nous allons devoir rappeler quelques-uns de nos hommes et les envoyer assister Flint et son groupe, dit-elle. Ils ont l’intention de tuer Satan et de récolter au moins un noyau de création. Le problème, c’est qu’ils ne sont pas assez nombreux pour patrouiller ce secteur. Ils foncent tout droit à la catastrophe.
— Dans ce cas, je me propose pour prendre quelques hommes, afin de partir les assister, fit Artémis. Je pourrais très vite les rattraper.
— Non. J’ai besoin que tu ailles à la recherche d’Artael et que tu le ramènes au camp. Quant à toi, Apollon, j’aimerais que tu t’occupes de ramener Nash. Ils doivent tous les deux, être mis au courant des plans de la Septième Brigade.
Son frère et sa sœur hésitèrent un instant, puisqu’ils savaient qu’elle serait seule pour gérer les commandes de ce site, s’ils partaient.
— Ne vous inquiétez pas pour moi, dit-elle. Hercule m’aidera. Il s’est remis de sa blessure. J’enverrai un messager l’avertir que j’ai besoin de lui.
— Du moment que tu es certaine que c’est ce que tu veux, commenta Apollon.
— N’oubliez pas à qui vous avez affaire.
Elle arqua un sourcil, puis observa Artémis et Apollon à tour de rôle. Tous deux savaient qu’elle était capable de prendre des décisions très importantes, sur un coup de tête, voilà pourquoi elle était leur commandante. La femme qui se tenait devant eux avait toujours eu le don d’encaisser toutes les conséquences que cela impliquait. Après tout, l’ancienne coalition des dieux dont elle avait fait partie avait dû exécuter des choix tous aussi difficiles que les siens.
— Revenez vite, précisa Athéna.
Un instant plus tard, ils acceptèrent de partir. Leur grande sœur espérait qu’ils auraient bientôt des nouvelles d’Hermès et de Poséidon. Aux dernières nouvelles, Aphrodite aurait été aperçue au sud de la province, en compagnie d’Héphaïstos. Le groupe de Perséphone était justement à leur recherche.
Athéna se frotta les tempes, et réfléchit aux prochains plans d’actions. La côte ouest des territoires était entièrement occupée par les démons, alors que le nord commençait peu à peu à être vidé, grâce à l’intervention de son armée. Il leur faudrait envoyer plus de soldats au sud, afin de repousser l’ennemi. Ce n’était plus qu’une question de temps, avant qu’ils ne commencent à concentrer leurs efforts en direction du château.
Toutefois, les démons se faisaient de plus en plus nombreux. Malgré leurs efforts, tant et aussi longtemps que Satan aurait en sa possession des noyaux de création, ils devraient tuer davantage de hordes, plus monstrueuses, les unes que les autres.
— Voyons, voyons, se pensa Athéna qui lut ses derniers rapports. Plus de trente soldats sont revenus à la vie, grâce aux noyaux… Cependant, nous avons perdu plus de cinquante hommes et femmes durant les dernières heures. Je vais devoir limiter nos sorties pour quelque temps, sinon nous risquons de tous y passer.
Elle souffla une mèche folle qui lui tombait au visage, avant de poser les feuilles près de la carte. Elle pouvait ramener plusieurs personnes parmi eux, avec sa propre maîtrise de la création. Hélas, elle n’était pas assez puissante pour en ramener plus d’une à la fois et cela lui prenait plus de vingt-quatre heures avant de pouvoir répéter le processus. Un noyau lui permettrait d’en ressusciter plus, sans s’épuiser. Cet objet, d’une puissance inestimable, n’avait été trouvé qu’en petite quantité dans les mines de leur planète et seuls les dieux du Conclave y avaient normalement accès.
Le réacteur du Célestia, par exemple, avait été fabriqué avec une centaine de noyaux, fusionnés ensemble avec la magie de Zeus. Cela lui avait pris de nombreuses années. Rares étaient ces gemmes magiques qui dépassaient la grosseur d’un ballon de rugby. Ceux-là étaient généralement les plus puissants. On les utilisait surtout pour créer de nouvelles planètes ou bien pour des véhicules puissants et rapides, comme le Célestia.
D’un côté, Athéna ne pouvait pas en vouloir à Flint et ses amis se rendre au château, car ils souhaitaient rétablir l’ordre. De l’autre, elle ne pouvait pas s’empêcher de croire que c’était une erreur de leur part, de partir sans l’armée. Elle se dit qu’elle devrait leur faire confiance. Après tout, ils l’avaient bien suivie et aidée depuis des mois.
— Gardes ! lança-t-elle, à l’attention des soldats, postés devant l’entrée de la tente.
— Oui, Votre Altesse ? dit l’un d’entre eux.
— Trouvez Hercule et dites-lui de venir me rejoindre. J’ai à lui parler.
— Tout de suite, madame !
L’homme s’éloigna aussitôt et exécuta l’ordre de sa supérieure. Hercule avait autrefois servi en tant que capitaine de la garde, un poste très important au sein de la population d’une grande cité qui se dressait autrefois au sud du château. La ville portait le nom d’Élysia et c’était la capitale de ce monde. Depuis le début de cette guerre, elle appartenait aux démons. Athéna comptait sauver cet endroit, car il leur serait d’une grande utilité afin de défendre ses soldats. Elle comptait en discuter au général, quand il entrerait dans la tente.
Tandis qu’elle l’attendait, elle regarda au loin et espéra que ses enfants, ainsi que leurs camarades, réussiraient leur mission. Ils avaient tous besoin d’espoir.
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