Loin de ma côte
Exilé bien loin de ma côte, un coup de vent m'y ramène parfois, au hasard d'une tempête.
Ma côte, traversée par les flux incessants du libre-échange, ne cesse de discuter avec ses voisines. La bétonnée Belgique, vers laquelle dérive le souffle âcre de Dunkerque et l'indépendante Angleterre qui lui tend discrètement la main sous les eaux de la Manche.
Ma côte, modelée par le vent et les embruns, charrie depuis longtemps l'envie de la traversée. Des Romains, un empereur ambitieux y ont songé, un rêveur aux ailes mécaniques nommé Blériot l'a réalisé, puis vinrent les compagnies de fret, les nageurs en quête de records et enfin, les égarés cherchant à rejoindre une côte, une autre, promise dans la précarité d'une nuit de grandes marées.
Ma côte, chair de sable, de dunes et de villes rasées puis reconstruites à la hâte, se pare de lumière chaque fois que le soleil parvient à percer son ciel de nuages bas. Il caresse les plaines, les plages immenses, les rivages qui tressaillent d'écume et le béton de ces bunkers aux allures de stèles désuètes.
Ma côte se cache en haut d'un hexagone qui la méconnait un peu, la raille parfois, mais qui ne peut résister à la tentation d'un colossal cornet de frites sorti des baraques aux décors dont le kitsch n'a d'égal que leur chaleureux accueil.
Ma côte est un visage dont, parfois, l'on tombe amoureux sans trop savoir pourquoi, un jour de pluie, de tempête ou de doux été.
Une chose est certaine, elle est insolite avec son parfum d'embrun, de carnaval et de gaufres mêlés et, surtout, son grand Blanc Nez poudré de craie. Son pic, son Cap à elle.
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