Do you have time to talk about our relationship ?
Il m’envoie un message – do you have time to talk about our relationship? Immédiatement, un poids plombe mon estomac, ma gorge se serre et des larmes me montent aux yeux. J’espère que je me trompe, que je me fais des idées, que ce n’est que mon anxiété et ma paranoïa, que ça ne veut rien dire après tout. Il m’avait dit qu’on tiendrait, malgré la distance. Et on tenait, on s’appelait tous les jours, on faisait des activités ensemble -des jeux vidéo, des quizz, ou on se contentait de parler. What do you mean ?, je demande. J’attends avec anxiété la réponse, murmurant à répétition un « nonononononononononon », priant un dieu en qui je ne crois même pas, espérant un miracle. Je le vois taper, et finalement il me demande si on peut s’appeler. Non, non, non, je suis déjà en larmes, je ne peux pas l’appeler, je ne veux pas qu’il m’entende comme ça, devenue aussi pathétique en seulement quelques secondes.
Il me dit qu’on ne peut pas continuer comme ça. Que c’est de la torture, pour nous deux. Que la distance, c’est pas possible. Je le supplie. Je le supplie d’arrêter de parler, de me dire qu’il rigole, je lui assure qu’on peut trouver une solution. Deux jours plus tôt je faisais mes plans pour que l’on se revoie pendant l’été. Je voulais lui faire visiter la France. Je voulais retourner en Irlande pour le voir. Il me dit que la situation actuelle est trop floue, et que je vais continuer mes études pendant au moins deux ans. Au moins deux ans de relation longue distance, il ne peut pas se l’imaginer.
Mon frère arrive, me demande si ça va -je lui réponds de me laisser tranquille. Il repart, un peu penaud, un peu inquiet. Je m’en fiche ; je suis enfermée dans ma propre douleur et je ne veux laisser personne d’autre entrer. Je veux juste le convaincre de ne pas rompre.
Merde, écrire ça plus de deux mois plus tard, presque trois, alors que je pense être passée à autre chose ça me fait chialer comme si j’étais devant un film tragique américain. Fait chier. J’aimerais que ça arrête de m’atteindre, mais ça me fait encore tellement mal. C’est d’autant plus tragique que je continue de parler à mon ex.
Ça ne fonctionne pas. Il est désolé, mais ferme. Il dit qu’il n’est pas fait pour la longue distance, même s’il a essayé. Sur nos six mois de relation, on en avait passé deux en quarantaine dans deux pays différents. Je lui demande s’il m’aime. Il me dit que oui. Je lui demande s’il est amoureux de moi. Il me dit que six mois, c’est pas assez long pour tomber amoureux, mais qu’il m’aimait beaucoup. Je ne comprends pas. Il m’avait dit qu’il m’aimait. To the moon and back. J’ai l’impression qu’il m’a menti, qu’il n’a fait que me mentir, juste pour me faire plaisir. Je l’aime tellement. Ça ne peut pas se finir là, sans que je le revoie une dernière fois. We’ll see each other again, when you come back to Ireland, m’assure-t-il. Non, non, je ne veux pas le revoir quand je reviendrai en Irlande ! Je veux le prendre dans mes bras, l’embrasser, m’extasier devant sa beauté, lui faire visiter la France, ma culture, le présenter à ma famille. Je pleure. J’ai l’impression que mon crâne va exploser.
Mon père arrive dans ma chambre, soit prévenu par mon frère, soit par mes pleurs un peu trop bruyants. Il n’y a vraiment pas d’intimité dans cette maison. Les murs sont fins, les sols plus encore. Il me voit en train de taper des messages, il comprend la situation. Mais mon père n’est pas très bon pour réconforter. Il passe un bras autour de mon épaule.
« Ça passera, tu en rencontreras d’autres, me dit-il maladroitement.
- Il dit qu’il n’a jamais été amoureux de moi ! », je pleure.
Mon père ne sait pas quoi répondre. Il n’y a pas grand-chose à dire, quand sa fille a le cœur brisé. C’est plus difficile encore de trouver quelque chose à dire quand son ex était un gars sympa, qui rompt proprement et seulement à cause de la distance. Foutu Coronavirus. Je lui dis que je veux être toute seule, de me laisser tranquille. Je sais qu’il veut m’aider, mais il ne peut rien faire. Je souffre. Ça oblitère tous mes sens.
Je mets longtemps à m’endormir ce soir-là. Ma tête me fait souffrir, à force de pleurer. Une grosse migraine. À chaque fois que j’arrive à me calmer, une pensée ou un souvenir viennent à nouveau m’assaillir et je sanglote à nouveau. Quand je me réveille, le lendemain matin, je n’ai pas eu beaucoup de repos. Ma tête me fait souffrir et en quelques secondes je me rappelle que je suis désormais célibataire. J’étouffe un sanglot à nouveau. Ma tête est plus douloureuse que tout, et je descends me prendre un doliprane. Je suis accueillie par mes parents, qui me regardent d’un air un peu désolé. Ils n’en parlent pas ; tant mieux. Si je tentais d’exprimer ce que je ressens, je fondrais probablement en larmes. Une petite tapote sur l’épaule de la part de mon père, et ma mère qui m’annonce :
« Bon, dépêche-toi de t’habiller, on va au magasin bio. »
Je reconnais l’effort de ma mère pour me changer les idées, mais je suis incapable de l’apprécier. Je suis trop obnubilée par ma propre douleur. Ma mère me demande si je veux acheter quoique ce soit au magasin ; j’ai carte blanche. Je ne veux rien. Je veux juste annuler la soirée d’hier, je veux encore être avec mon amoureux, je veux pouvoir prendre le premier avion pour le retrouver et être heureuse à nouveau. Mais tout ce que je peux avoir, c’est un shampoing bio à la lavande contre les cheveux gras et tout ce que je peux être, c’est malheureuse. Alors je ne veux rien. Je reste silencieuse, apathique, et je suis docilement ma mère à la caisse.
Les jours passent, et la douleur est moins activement présente. Je passe moins de temps à m’apitoyer sur mon sort. Je continue à parler à mon ex. Je crois que j’ai l’espoir qu’on puisse retenter quelque chose, un jour, si jamais je réussis à quitter la France pour vivre en Irlande ou au Royaume-Uni. Je crois que j’ai peur que ce soit un peu trop réel. J’ai peur de perdre une personne qui comptait énormément pour moi, en couple ou pas en couple. Parfois, j’ai des montées de larmes, comme ça, en repensant à notre rupture, ou au jour où il m’a accompagnée à l’aéroport le jour où j’ai été expulsée d’Irlande. Ou quand je vais avoir mes règles ; ces petites salopes me rendent toujours émotives. La fin du confinement et le fait de revoir mes amis m’ont aidée à penser à autre chose.
Deux mois après la rupture, je réussis à changer mon fond d’écran. Je remplace son sourire par un selfie avec ma sœur, ma cousine et ma grand-mère. Je me dis que c’est bon, que c’est le signe qu’enfin je suis passée à autre chose ; mais me voilà, à pleurer à nouveau en repensant à toute cette rupture. Je ne suis plus aussi triste qu’avant, mais peut-être que ma tristesse, elle aime bien ressurgir un peu, parfois, pour me rappeler de regretter les moments où j’étais heureuse.
Annotations
Versions