Chapitre 3

6 minutes de lecture

Je crois que je n'ai jamais passé autant de temps devant un miroir. J'ai tout examiné. Ma tête, mes fringues, mes dents, au cas où un morceau de mon petit déjeuner serait resté coincé malgré un brossage intensif. Je souffle et j'en conclu que je suis moi-même. J'ai beau réfléchir, je n'arrive pas à m'expliquer pourquoi je semble être la nouvelle cible, vu que je ne suis là que depuis quelques heures. Après, si ça se trouve ce n'est rien, j'ai un tel don pour tout dramatiser que ça ne me surprendrait pas que je me fasse encore des idées. Il faut que j'arrête de me sentir visée pour tout et faire en sorte de m'adapter vite à cette nouvelle vie et à mon nouveau bahut"professionnel".

Il est midi, je commence à avoir la dalle. Je ne sais pas si j'arriverai à manger un truc vu la boule que j'ai dans ma gorge depuis ce matin, mais mon estomac va me trucider si je n'essaye pas un minimum. Je me dirige alors vers le réfectoire ce qui est assez facile puisqu'il suffit de suivre le troupeau qui s'est formé et les quelques panneaux que je vois. La file d'attente me saoule direct, mais je n'ai pas le choix, il faut que j'en passe par là, quitte à être prise en sandwich entre deux paires d'aisselles nauséabondes si je veux ma dose de bouffe quotidienne, la drogue de la vie. Je n'ai pas d'autres solutions. Mais voyez-vous, être collée-serrée avec des inconnus coincés entre une rambarde en fer et un mur, ce n'est pas l'un de mes fantasmes. Ce qui m'énerve encore plus c'est quand je finis par m'insérer dans cette folie et me faire doubler par un groupe d'une dizaine de personnes juste comme ça,pour emmerder leur monde, j'imagine. Je sens mes nerfs se mettre à bouillir en moi telle une cocotte-minute. J'avoue qu'à cet instant j'ai une furieuse envie de les défoncer, mais j'ai tellement la trouille de me faire remettre à ma place que je m'écrase mollement. Je hais ma timidité. J'aimerais avoir cette putain d'assurance qui me manque tant.

Je me demande si cet établissement n'est en fait pas celui où sont rassemblés tous les jeunes ratés, puisque j'émets de plus en plus de doutes sur leurs facultés intellectuelles. Ça devrait m'inquiéter d'en faire partie, mais je me dis que contrairement à eux, pour mon cas, c'est temporaire.

Pour patienter et réussir à prendre sur moi, je choisis de sortir mes écouteurs de ma poche, vu que j'ai pris l'habitude de les trimballer partout, et d'écouter ma playlist du moment. Titanium éclate dans mon cerveau. Ça a le mérite de parfaitement coller à ce que je ressens sur l'instant avant qu'une autre musique bien plus douce m'aide à me calmer à nouveau et à me renfermer un peu plus dans ma bulle, loin de tout.

« Yeah, I know it's stupid »* comme dit la chanson, mais peu importe. Ça me fait un bien fou de ne plus rien entendre d'autre que le piano et la voix du chanteur que je pourrais rester des heures ainsi.

Quand je lève à nouveau les yeux, c'est comme si je regardai la télé sans le son. Ça ne m'atteint plus. Ou devrais-je dire presque plus, puisque malheureusement mon regard n'arrive plus à se poser ailleurs que sur la petite blonde méchée du groupe. Je ne sais pas ce qu'elle raconte ni même si elle parle de moi, mais elle s'exprime avec de grands gestes qu'il est impossible de rater et me fixe par moment. Je ne dis rien, mais ça fait ressurgir mes interrogations en filigrane et je remarque que son auditoire à l'air captivé.

Lorsqu'enfin nous pénétrons dans le self, je suis choquée et me sens obligée de déglutir deux fois face à tout ce monde. C'est vraiment très impressionnant. Je finis par slalomer entre les élèves et à parvenir à me servira près de nouvelles longues minutes et me demande si je n'aurais pas mieux fait d'attendre que les affamés soient partis, quitte à ne plus avoir beaucoup de choix. J'enrage contre moi-même, car il me faut maintenant trouver une place libre.

Alors qu'enfin j'en aperçois une, je perds l'équilibre et je m'aplatis à terre comme une crêpe et vois mon plateau atterrir juste au-dessus de ma tête dans un fracas assourdissant. Jamais je ne me suis sentie aussi honteuse. Tout le monde se met à rire, siffler et applaudir. Je me relève en tentant de contenir ma colère et tout en enlevant mes écouteurs je cherche ce qui a bien pu me faire trébucher. Lorsque je finis par identifier la coupable, j'en perds mon sang-froid.

—Mais t'es conne ou quoi ? hurlé-je en regardant droit dans les yeux la blondasse.

—Ouhh, les gars, vous avez entendu ça, elle l'a traitée de conne ! Elle n'aurait pas dû, dit-il en secouant la tête, ça va chauffer sa mère !

Je rêve où le gars est en train de faire monter la pression dans l'assistance.

—Vas-y Morgane, ruine là ! se met à hurler son voisin.

Il siffle et les autres le suivent quant à elle, elle rit, toute heureuse de se faire acclamer par sa cour telle une reine sur son trône.

Ma musique ne peut pas me sauver. Pas sur ce coup-là.

J'aimerai comprendre son attitude et pourquoi j'ai la nette impression que ma tête ne revient à personne mais je saisie vite que je n'obtiendrai pas plus de réponse. Surtout vu comment elle me toise. Elle jubile et tout son auditoire est on ne plus acquis à sa cause.

Autant dire que je suis seule contre tous et pas un responsable à l'horizon. Jamais là quand on a besoin d'eux ceux-là ! J'espère que le jour où je ferais ce métier je serai plus diligente.

Sans rien dire, elle fait un signe et les mecs qui l'entourent réagissent. L'un d'eux prend mon sac à dos et le renverse sur le sol. Le contenu s'étale, sous les rires de tout le réfectoire. Mon malaise s'intensifie aussi vite que ma colère. Je me sens plus que jamais seule, mais la haine bout en moi tel un feu de rage. Mais comme toujours, je ne fais rien. Je m'écrase pour ne pas envenimer la situation et tente de me calmer, serrant mes poings contre mes hanches.

"Youshoot me down but I won't fall"*, je chantonne dans ma tête ses paroles entendues tout à l'heure, tout en défiant du regard la petite blonde arrogante. Je ne m'abaisserai pas à son niveau. Des huées se font entendre vu que je ne bouge pas.

Elle laisse son harem s'éloigner avant de passer aux choses sérieuses et enfin s'avancer vers moi et m'offrir un sourire qui me donne encore plus envie de la gifler.

—Baston! hurlent les élèves.

Je n'ai pas envie de me battre, je veux juste rester dans mon coin, mais elle m'en empêche en m'attrapant par les cheveux.

—Baisses les yeux Pétasse quand je suis devant toi,me crache-t-elle au visage.

Je grogne et tente de me partir, mais elle continue à m'agripper la tignasse. J'ai les larmes aux yeux,mais je ne veux plus me laisser faire. Vas-y Emilie, tu peux le faire. Et à l'aide de mes deux mains, je la pousse de toutes mes forces pour l'écarter.

Elle titube avant de tomber au sol. Je l'observe crier de douleur avant d'être secourue par les autres mecs autour de nous. Je reste statique attendant leurs réactions mais comme personne ne surenchérit, je ramasse mes affaires et me sauve en courant.

*Ouais,je sais que c'est stupide.
*Vous pouvez me tirer dessus je ne tomberai pas.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Oceane C. ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0