Le cube
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Réponse au défi lancé par Alex's_18
Contexte : Votre personnage meurt et se retrouve dans un endroit complètement inconnu. à vous de me décrire à travers ses yeux ce qu'il voit (ce peut être un jardin, une ville ou même le néant).
Contraintes :
— Parler à la première personne du singulier et au présent.
— Éviter tout rapport avec le Paradis, l'Enfer ou bien Dieu ou le Diable. Néanmoins, vous pouvez évoquer un endroit se rapprochant du jardin d'Adam et Ève par exemple ou rappelant l'Enfer (mais sans jamais les nommer).
— Texte court (5 min max), forme libre (poème, pièce de théâtre, extrait d'un roman...)
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J'ouvre les yeux. La clarté m'aveugle. Durant quelques secondes, je peine à retrouver mes esprits.
Qui suis-je ?
Qu'est-il arrivé ?
Où suis-je ?
Soudain, les souvenirs affluent : le visage triste de mes proches, leurs larmes dissimulées derrière leurs sourires forcés, leurs voix lointaines parasitées par le bourdonnement de mon corps qui s'éteint, les battements accélérés de mon cœur avant l'épuisement final. Puis le trou noir.
Les réponses à mes deux premières questions s'entrechoquent. Je m'appelle Angèle. Je suis morte.
Par réflexe, je dirige ma main vers mon crâne lisse. Mes doigts se figent sur la touffe soyeuse qu'ils rencontrent. Je soupire de soulagement !
La mort.
La fin.
Le renouveau.
Toujours allongée, mes yeux scrutent le ciel bleuté. Je déplace mon regard autour de moi, cherchant à comprendre dans quel endroit je me trouve à présent. Quatre parois de verre m'entourent. Ça ressemble à un cube ! Prise de panique, je me redresse et tambourine contre les murs de cristal suspendus dans le vide. Je suffoque, j'ai toujours été claustrophobe. L'idée d'être prisonnière ici pour l'éternité me terrifie. Je pense que je vais mourir une seconde fois. Je referme les yeux avec force. Il faut que je me réveille. Ce n'est qu'un rêve. La mort ça ne peut pas être ça !
Soudain, une voix familière me parvient. J'ouvre de nouveau les paupières. Toujours ce cube ! Mais, je distingue à présent une ouverture dans la paroi qui me fait face. Comme une fenêtre. Je m'approche et me penche doucement. En contrebas, j'aperçois ma fille agenouillée près de ma pierre tombale. Elle chantonne de sa petite voix innocente tout en remettant de l'ordre dans les marguerites qu'elle a cueillies.
J'inspire profondément, je ressens une multitude d'odeurs : l'odeur du nectar des fleurs, celle de la pluie qui menace, la peau sucrée de mon bébé... Mes yeux se referment. La terreur a laissé place à l'apaisement. Pouvoir observer les miens, les sentir près de moi est tout ce qui m'importe !
La nuit tombe. Les étoiles s'allument. Allongée sur le dos, les bras croisés derrière ma tête chevelue, je scrute ces astres brillants. Je pense à mes parents, mes amis, mes connaissances, partis avant moi... J'espérais les retrouver. « Vivre » seule avec moi-même n'était pas ce à quoi je m'attendais.
Soudain, une idée me traverse l'esprit. Je me lève et me penche de nouveau à travers l'ouverture de mon cube. La douceur du vent me chatouille le visage et fait danser mes longs cheveux. Je pèse un instant le pour et le contre. Mais que peut-il m'arriver de pire ? Je suis morte non ?
Je prends une profonde inspiration et me jette dans le vide. Dans ma chute vertigineuse, je sens mes ailes se déployer. Je me redresse, change de cap, vole et virevolte au milieu du ciel étoilé. Derrière chaque lumière, j'aperçois le sourire familier de quelqu'un que j'ai aimé.
Je continue à tourbillonner à travers les vents légers jusqu'à me poser sur le rebord d'une fenêtre ouverte par laquelle je contemple le visage assoupi de l'homme de ma vie. Je passe la nuit à veiller sur lui comme le fait la chouette sur la forêt endormie.
J'ai maintenant la réponse à ma dernière question !
Je suis ici.
Je suis là-bas.
Je suis partout !
Mon enfant me demandait souvent : « Qu'y a t-il après la mort ? »
Il y a le retour à soi.
Il y a l'amour
Qui perdure en moi.
Il y a les souvenirs.
Il y a la liberté
Et l'éternité pour en jouir.
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