Jour 5 (partie 2)
À son réveil, une forte odeur avait surpris Francis. Une odeur rance qui l’avait pris à la gorge tant sa puanteur embaumait la pièce. Une odeur de mort. Les yeux encore à moitié clos, il s’était empressé de se lever pour ouvrir l’unique fenêtre de la chambre et faire partir l’odieux parfum. Il s’en était fallu de peu. Quelques instants encore et il aurait probablement répandu l’intérieur de son estomac sur les papiers et les vêtements recouvrant le parquet. L’air frais pénétrait ses poumons tandis qu’il scrutait la pièce avec attention dans l’espoir de trouver l’origine de l’odeur. Elle se tenait là, dans un coin de la chambre. Une boule tremblante, recouverte d’une sorte de drap fortement souillé par un mélange de matières encore non identifiées. Une boule avec des cheveux blonds. Une boule qui semblait de plus en plus posséder l’apparence d’un être humain. Une boule qui, maintenant que la lumière inondait totalement les lieux, ressemblait fortement à Henri.
- Ah ok donc direct là ?
- De quoi direct ?
- Bah grosse ellipse d’un coup là quand même non ?
- Mais puisqu’on a dit qu’on reviendrait dessus ! Je me suis dit que ça pouvait être pas mal. On va se poser plein de questions. Comment il est arrivé là ? Pourquoi il est dans cet état ? Qu’est-ce qui s’est passé ? Du suspens quoi !
- Et fallait que ce soit Henri du coup ?
- Bah quoi ? C’est pas moi qui en ai fait une victime de viol je te signale hein !
- Ouais t’as raison. Mais justement on peut pas lui foutre un peu la paix ?
- Non mais comme ça justement on peut faire un lien avec avant. Avec Sarah tout ça. Et Francis va peut être pouvoir l’aider.
- Mouais, je sais pas trop.
- Bon tu me laisses faire ? On avait dit qu’on se foutait la paix tu te souviens ?
- Ouais t’as raison. Désolé.
- Pas grave. Je reprends.
Francis avait de nombreuses questions en tête – à commencer par savoir comment Henri avait pu pénétrer son appartement – mais il s’était retenu de les poser. Il avait devant lui un homme qui semblait terrifié, grelottant malgré la chaleur de la pièce, et enveloppé dans quelque chose qui ressemblait de plus en plus à un drap couvert d’excréments. Sans un mot, il avait posé sa main sur le crâne d’Henri, comme on le ferait pour rassurer un animal effrayé, et lui avait adressé un sourire compatissant. Il l’avait aidé à se relever, l’avait débarrassé de son habit de fortune – il ne possédait pas d’autre vêtement – et l’avait conduit dans la douche. Là, il l’avait assis au sol et avait entrepris de lui rincer le corps et de le laver. Il ignorait pourquoi il faisait tout cela. Il n’avait aucune obligation de le faire. Il aurait pu simplement s’emporter de savoir qu’il était entré chez lui par effraction et le chasser. Au lieu de cela, il était en train de s’occuper d’un homme adulte, de dix ans son ainé, comme s’il s’était agi de son enfant. La discussion attendrait. Pour le moment, il devait rassurer l’être tremblant qu’il avait sous les yeux et qui lui faisait pitié.
- Et voilà !
- Comment ça « et voilà » ?
- Bah j’ai terminé quoi.
- Ah donc tu t’arrête là ?
- Bah oui. Ça te laisse de la place pour imaginer ce qui a pu lui arriver comme ça.
- Ça me laisse pas trop de place quand même hein. Faut que je me démerde avec un type tout nu dans un drap. Et surtout que j’explique comment il est entré !
- La fenêtre était restée ouverte ?
- Il vit à quel étage Francis ?
- Attends je relis…bah on n’en a pas parlé. On peut dire qu’il vit au premier ? Henri a escaladé et voilà.
- Il a escaladé hein ? Tout nu et dans un drap ? Il est drôlement agile Henri !
- Je sais pas moi ! J’ai pas réfléchi aussi loin !
- Bon je vais me débrouiller avec ça c’est pas grave. J’ai peut être du temps dans l’après midi, je vais essayer de m’y coller.
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