XVI. Belphégor
Bien des années plus tard, face au Janissaires d'Ali Pacha*, le Général Offenbach-Moltieri devait se rappeler cette lointaine nuit durant laquelle lui apparut Belphégor**.
Novara était alors un camp retranché défendu par ses fidèles scaphandriers-cyclistes***, tandis qu'alentour le Chancelier Krogius et ses Uhlans wurtembergeois venaient boucler le site minier, propriété d'Empire aux termes du traité de Felsennest signé entre Clément XV et Guillaume II****.
Au plus profond d'une galerie désaffectée, Offenbach-Moltieri récitait d'ue voix ample l'antique formule sacrée des anciens rois Naga de l'Inde : "Atala, horrible abîme, ouvre-toi; Vitala, terrible gouffre, ouvre-toi; Mahatala, énorme abysse, ouvre-toi; Rasûtala, gouffre insondable, ouvre-toi; et toi enfin, Novarula, abîme des abîmes, Porte des enfers, séjour des démons, royaume des morts... ouvre-toi !".
Alors le sol s'entrouvrit, une odeur de soufre envahit la galerie, et, dans un concert de flammes, de hurlements et de fumée apparut un Démon à trois têtes de taureaux. Le sol trembla, et la voûte se fissura, laissant échapper des cataractes de suie.
"- Ce n'est pas notre homme, maugréa Bombard, l'aide de camp du général. Je reconnais là Asmodée au triple regard bovin, surintendant des maisons de jeu ! Il pousse les flambeurs au suicide en faussant les martingales et ramasse les âmes restées au tapis. Un besogneux de la damnation; on l'appelle le lucifer des casinos. Que diable viens-tu faire ici, triple bœuf ?"
Asmodée se posterna devant le Général Offenbach et dit : "- Du fond de la Géhenne, lorsque retentit l'invocation correspondant à mon office, j'accours toutes tortures cessantes, et j'apparais à l'officiant kabbaliste qui a pouvoir de me sommer. Commande donc, Ô mortel, génial manipulateur du Malin, et ne nous attardons point en préliminaires : j'ai un cardinal sodomite sur le feu, et bien hâte de regager mon grill infernal.
- C'est Belphégor que j'ai invoqué, par un vulgaire croupier ! grogna Offenbach courroucé. Belphégor, Prince des Puissants, qui transmute les métaux en or. Il me le faut ! Où est-il ? Et que fais-tu à sa place ? Réponds-moi, bestiau stupide !
- Son auguste Noirceur me charge de vous présenter Ses regrets. Belphégor est débordé. Son agenda rempli jusqu'en 1914 et au delà. La Banque est à sec, le Clergé fait la manche et l'Armée est sans un rond. Le monde souffre d'un cruel déficit en numéraire, l'économie plonge, le marasme est total. L'Apocalypse monétaire ! Tout le monde réclame de l'or, de l'or et encore de l'or. Belphégor, au four et aux Dark satanic mills, (comme dirait Roger Waters), est débordé, ses services sur les genoux...
- Diable, si j'ose dire, murmura le Général, est-ce à ce point ?
- Pire, reprit Asmodée. La situation est vraiment désespérée..."
Amedeo Offenbach-Moltieri médita un moment. Et pourtant, se disait-il, il faut pourvoir mes scaphandriers en munitions : Krogius attaque à l'aube, et...
* Voir le chapitre "Lépante 2ème mi-temps" du présent ouvrage
** Allusion à l'ouvrage "La Samba des Iguanodons" de l'auteur de ces lignes
*** Voir le chapitre "Le siège de Novara par les Tirailleurs sénégalais" du même présent ouvrage
**** Eeeeh meerde ! Autant tout lire depuis le début :-)
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