Chapitre 2
L’homme a un sourire qui lui mange le visage. Ses cheveux gominés sont coiffés en arrière. Il porte un haut rouge à gros boutons dorés et un pantalon blanc. Me regardant, il se frotte les mains, visiblement ravi.
– Bonjour, bonjour. Vous avez entendu les applaudissements n’est-ce pas ?
– Euh oui.
– Je me présente, je suis le fier directeur de ce cirque pas comme les autres. Je me nomme monsieur Horribilus.
– Ah, charmant.
– Et vous ? À qui ai-je l’honneur de parler ?
– Ezekiel… juste Ezekiel.
– Enchanté.
Le directeur me tend une main blafarde que je serre à contrecœur. Je retiens le geste d’essuyer mes doigts sur mon jean délavé. Je tente d’observer derrière lui, l’intérieur du cirque même, pourtant, alors que l’entrée du chapiteau est largement entrouverte, je ne vois que du noir aussi loin que se porte mon regard. Et le silence… seulement du silence. Horribilus (j’ai du mal à mettre monsieur devant son nom) me jauge avec un air de connivence amusé. Il donne l’impression de partager un mauvais secret avec moi.
– Vous avez envie de visiter, Ezekiel ?
J’aimerais répondre non, mais bien entendu je m’entends dire :
– Oui.
– Parfait, le prix d’entrée est minime vous savez par rapport à la durée du spectacle.
– Tant mieux, car je n’ai pas d’argent sur moi. Depuis l’apocalypse tout cela ne vaut plus rien.
– Vous avez raison, c’est pour ça que je demande un autre style de règlement.
La voix du directeur est suave, doucereuse, je ne peux retenir un frisson.
– Hum, et qu’est-ce que c’est ?
– Quelques gouttes de votre sang.
Voilà, c’est dit. Je me doutais que j’avais dû tomber sur une sorte de secte satanique, maintenant j’en ai la preuve. Je cherche à reculer, mais mes pieds restent fixement au sol. Horribilus éclate de rire en se tenant le ventre.
– Ne vous inquiétez pas, cela ne fait pas mal.
Il sort de l’intérieur de sa veste criarde, un petit poignard, dont l’éclat métallique me brûle les yeux. Il attrape mon bras et plante le couteau dans ma peau, dessinant une croix dont mon sang s’écoule. Je n’essaye même pas d’échapper à son étreinte, je me sens piégé depuis le premier instant où mes yeux se sont posés sur le cirque. Horribilus sort une fiole d’une poche et y laisse tomber mon liquide rougeoyant. Je ne peux m’empêcher d’être curieux :
– Qu’allez-vous en faire ?
Le directeur rit doucement et tapote le petit flacon comme s’il s’agissait d’un trésor.
– Sachez juste que nous en ferons bon usage.
Puis s’écartant, il me libère le passage et je m’engouffre enfin sous le chapiteau.
(à suivre)
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