Mille milliers, liées

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Mille milliers ! Je sortirai enfin, à lumière, à la chaleur, tout prés de mes sœurs.
Mille milliers, liées, je n'ai pas peur, j'ai fait ma vie, j'ai tout goûté, il me manquait la liberté.
La reine l'a permis. La chaleur tant m'attire. Je me suis approchée de la sortie rentrée, où j'ai vu tant de mes sœurs danser.
Mille milliers ! J'entends leurs voyages, dans leurs pas comptés, je les suis quand elles giguent… Je sais où c'est, ma reine… Croyez-moi, je saurais retrouver la chair des fleurs !
Impatiente ! Impatiente !
Dans la ronde, sur le tracé de ses pas, ma sœur si sage, si vieille, souffle mon proche départ, me pousse à la frontière vers l'inconnu d'un ciel… Mon abdomen bat son rythme. Le matin commence à peine. J'ai hâte, je me presse dans la foule de mes sœurs. Nous investissons le passage rétréci sur toutes les parois, toutes les alvéoles, marchant parfois, les unes sur les autres, rien ne peut arrêter la vague d'un essaim.
Mille milliers, liée, mes ailes me portent au-delà de l'univers connu, dans l'espace soudain sans limite mon cœur explose.


LE MONDE EST IMMENSE MES SŒURS ! LE MONDE EST SANS FIN !


La danse recommence et la carte se dessine tout droit vers le soleil...
C'est donc cela un arbre ?
Tourner à l'ouest, encore cent-quatre-vingts battements d'ailes.
Et le vent m'accompagne : voler, c'est si facile. J'espère qu'il tournera quand je rentrerai, si elle est contraire, même une brise fatigue.
L'essaim se concentre.
Cent-quatre-vingts battement d'ailes sont passés. Et là sous le ciel, devant, il y a mille milliers de fleurs en un extraordinaire banquet. Diffractées par mes facettes, les fleurs se balancent au vent, Chantent la poésie et la beauté d'une promesse d'abondance.
Mille milliers, je me roule dans la soie du pollen, je me couvre de poussière, odorante, jaune, si légère. Ma fleur chérie je sais où trouver ton nectar. De toute ma vie de larve, à celle d'ouvrière, j'ai rêvé de cet instant où mon proboscis plongerait dans la vie sucrée et secrète de ton puits. De l'une à l'autre perfection végétale, je reconnais le sens de ma vie. Ma reine, mes sœurs je reviens nourrir la ruche.
Mille milliers, liée, je suis repue, comblée et mon jabot est plein…
Mes sœurs se rassemblent. D'autres en avance ont ouvert la voie. La sensation de liberté me donne une force que je ne me connaissais pas, et contre le vent je ne lutte pas. Je fends l'air sans effort malgré mon poids. Il me reste peu de temps pour jouir du monde sans frontière, pour connaître les crépuscules, les pluies, les arc-en-ciel. Il me reste peu de temps pour goutter les nectar, pour connaître les champs et me laisser emporter par la vie au-delà.
Peu de temps, chaque seconde est précieuse maintenant…
Plonge en mon jabot ma sœur, il me tarde ! Je repars à l'instant.

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