Chapitre 13, Alan III

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Je pensais avoir plus de temps.

Dès qu'il avait reçu la nouvelle Alan n'avait pas hésité un seul instant. La traversée entre les deux îles n’était pas longue à parcourir, pourtant cette fois-ci elle semblait durer une éternité. Cheryne, l'apothicaire s'occupant de l'île d'Esp, était formelle, s'il voulait avoir une dernière chance de pouvoir parler une dernière fois avec sa femme, c'était maintenant ou jamais. En quittant l'île, il était évident, au vu de son état, qu'elle ne pouvait pas se débrouiller seule, alors, il avait gracieusement demandé qu'elle soit mise sous surveillance. Ayant travaillé toute sa vie en tant qu’archiviste, les autres membres de l’île n’avaient pas hésités une seule seconde avant d’accepter de prêter assistance à un de leur vieille amie. Cheryne passait ainsi plusieurs fois par jours s'occuper de sa femme, n'envoyant de message seulement en cas de dégradation important de son état. Ce pigeon finissait malheureusement par arriver ce matin-là. Aiden fût évidemment mis au courant, lui qui semblait déjà fragilisé émotionnellement par ses premiers jours sur la prison, notamment en raison de son premier meurtre. Ils n'en avaient pas encore reparlé pourtant il sentait que cela le tracassait. Alan craignait de ne pas trouver les mots corrects à lui dire, c’était justement le rôle de Camilia dans leur couple de savoir parler à leurs enfants.

Comment un père peut-il expliquer à son enfant que ce n'est pas grave de tuer une autre personne ? Quand bien même pendant un combat. D'autant plus que c’est ma faute.

Son fils, renfermé avait refusé de l’accompagner pour ce voyage, lui ayant simplement dit qu'il n’aurait pas le courage nécessaire de la voir dans cet état, que c'était trop pour lui. Puis il s'était enfui quelque part sur l'île avant qu’Alan ne puisse tenter de le raisonner, probablement par besoin d'être seul. Par manque de temps, il laissa alors son fils à la prison. Chaque minute comptait pour Camilia. Il regrettera de ne pas l'avoir accompagné, il n'avait pas pu dire adieu sa sœur, et il ne pourra pas le faire non plus à sa mère.

Ce pigeon envoyé par Cheryne n'était pas le seul oiseau à avoir eu la patte lourde. Un autre lui avait rendu visite, du Yama cette fois-ci. Il s'était montré anxieux de prime abord, car il n'attendait aucun message, laissant supposer qu'il aurait possiblement fauté quelque part et que sa supercherie avait déjà été dévoilée. Une fois ouvert, c'était en faîtes une excellente nouvelle qui se profilait :

Jorel,

J'ai appris la récente rébellion qui se profilait entre vos mûrs, entraînant de faîtes le confinement de l'île Hangar pendant plusieurs mois.

Je vous envoie ce message car je suis actuellement aux portes de la ville de Maltan, traînant derrière moi plus de deux cents prisonniers que je comptais vous envoyer. En raison du nombre important de personnes à transférer et de la situation catastrophique que connait malheureusement mon royaume depuis des années, je vous implore de bien vouloir prendre en considération ma requête, et d’accepter mon fardeau, de façon exceptionnelle.

Avec mes salutations, Arrel, Roi légitime du Yama et Prince du Feu.

Ce message, adressé à l'ancien directeur de la prison, lui prouvait bien que son plan avait marché, les royaumes voisins ne se doutaient de rien. Alan était au courant qu'une bataille était en cours dans cette région, entendu lors du conseil des Sept. Il savait que des soldats ynoxiis ou karakoliens viendraient grossir ses rangs, mais il n'en espérait pas autant. Ce serait autant de combattant lors de son invasion du Dume, que de main-d’œuvre supplémentaire pour construire sa flotte. Il pourrait même lancer l'attaque bien plus tôt que prévu. La lettre lui indiquait également qu’il était même en position de force dans cette histoire, le roi Arrel l'implorant de lui prendre ses prisonniers. Là aussi, il avait sauté sur l'occasion d'en avoir encore plus. C'est ainsi qu'il avait demandé une rémunération exceptionnelle en contrepartie en bois, acier ou armes, du moins ce qu'il pouvait. Chose qui, il n'en doutait pas, qui serait acceptée au vu de la faveur qu'il lui faisait. En revanche il devait tout de même assurer sa couverture. Ainsi il demanda plusieurs jours de préparations avant de commencer à les accueillir. Il n'en avait pas besoin, mais cela cacherait les soupçons potentiels qui pouvaient arriver, à savoir d'accepter autant de personnes alors que la prison était censée être en alerte. Evidemment, cela l'obligeait une fois de plus de prendre la vie des gardes qui transporteront les nouveaux arrivant dès leurs arrivées sur l'île. Cela en valait pourtant la peine, il y gagnait bien plus qu’il n’y perdait. Et il n'avait pas le choix.

A peine ses pieds touchaient la terre de l'île d'Esp qu'il se mettait aussitôt à courir en direction de sa demeure. Inconsciemment sa mémoire lui rappelait qu'à chaque fois qu'il courrait de cette manière, à en perdre son souffle, il arrivait toujours trop tard. Il se revoyait monter deux par deux les marches du phare pensant sauver son frère, puis pour tenter de secourir sa fille après sa chute. Chaque fois il repartait en marchant un cadavre sur les bras. Là encore l'issu finale de sa course semblait inéluctable.

Je vous en prie seigneur, laissez-moi juste lui parler une dernière fois, c'est tout ce que je demande. Laissez-moi enfin faire mes adieux à quelqu'un que j'aime.

Arrivé près de la maison en marche soutenue, il apercevait deux personnes devant la porte. Il ne pouvait pas imaginer que c'était déjà fini. La première était Cheryne, l'apothicaire s'occupant de Camilia depuis son départ. A côté, un homme assez âgé, Il ne lui avait jamais parlé, mais le reconnaissait physiquement, faisant partis des ermites s'occupant de la grande librairie des archives.

Alan prenait garde de cacher son épée sous les robes de sa longue tunique. Il ne pouvait évidemment pas partir en laissant cet objet si unique sans sa surveillance, maintenant que chacun avait vu ce dont il était capable de faire avec. En revanche il voulait éviter que d'autres personnes, extérieur à sa mission ne soit au courant d'un tel pouvoir. Il était suffisamment près désormais pour leur parler.

— Où est-elle, où est ma femme ?

— Ne vous inquiétez pas, elle se repose dans son lit, vous pouvez aller la voir. Mais je préfère vous prévenir, elle est très faible, avec quelques périodes où elle perd le sens des réalités, répondit doucement Cheryne.

Merci, elle est encore en vie.

Après un signe de tête, il se tourna vers l'homme qui se tenait toujours à côté d'elle.

— Vous êtes ?

— Euh oui nous ne nous sommes pas présentés, je me nomme Ralf.

Il avait une voix assez grave en plus d'être très petit et disgracieux.

« J'aide Cheryne avec votre femme.

Il ne lui inspirait pas vraiment confiance. Il n’aimait pas que des personnes qu’il ne connaissait pas personnellement tourne autour de sa famille. Néanmoins il comprenait qu’une personne comme Cheryne pouvait avoir besoin d’assistance.

— Alors je vous remercie. Veuillez m'excusez maintenant je voudrais rester seul avec ma femme.

— Bien évidemment. Nous attendrons ici au besoin.

Il entra, se dirigeant immédiatement vers la chambre. Elle était là, encore à demi-réveillée. Sa peau était encore plus pâle que d'habitude. Ses lèvres semblaient extrêmement sèches et elle avait l'air d'avoir encore perdu du poids depuis qu'il était partit.

— Alan, disait-elle très faiblement. Tu es venu.

— Evidemment que je suis venue mon ange. Je t’avais promis que nous nous reparlerions.

Jamais je n'aurais pensé que son état puisse se dégrader autant en si peu de temps.

— C'est la fin Alan, je le sens.

— Qu'est-ce que tu racontes, tu es rayonnante.

— Tu mens très mal tu le sais ?

— Je te trouve magnifique mon ange, je l’ai toujours pensé et je le pense encore aujourd’hui.

Il lui embrassa le front, lui effleura le nez de ses lèvres, avant de lui donner un baiser qu'elle s'efforcée du mieux qu'elle le pouvait, de lui rendre.

— Où est Aiden ?

— Ne lui en veux pas, il n’a pas pu venir. C'était plus dur pour lui que ce que je ne l'avais imaginé sur l'île. Sa sœur, Ciro envoyé à l'autre bout du monde. Je pense que te voir comme ça l'aurait déchiré encore plus.

— Je comprends, surtout dit le lui. Et que je l'aime plus que tout. Quand Ciro reviendra, je ne sais pas où il en est dans son voyage j'ai un peu perdue la notion du temps, mais dis-le-lui aussi, c'est notre enfant aussi maintenant.

Il était d'accord, il ne manquerait pas de leurs dire. A Aiden dès qu'il retournerait à la prison, et à Ciro dans quelques mois. Au vu des eaux toujours mouvementées des côtes Est du continent il devrait bientôt arrivée à l'escale prévu sur l'île Jappolomonia pour les ravitaillements, avant de reprendre la mer pour Iuyt et rencontrer la nouvelle reine.

« Et Alan..., murmurait-elle à bout de souffle. N'envoie pas Aiden combattre. Je sais qu'il ne comprendra pas, mais juste fais-le. Sauve notre fils s'il te plait.

— Tu as raison, j'y veillerais, il ne combattra pas.

Elle acquiesçait de la tête avec un sourire. Il lui restait plus qu'à trouver les mots à dire à son fils pour le convaincre. Mais ce serait une autre histoire, pour un autre jour.

— Alors où en es-tu dans ton plan ?

— Tu es sûr de vouloir parler de ça maintenant ?

— Si ce n'est pas maintenant quand le feront nous ?

Elle toussait. Il la nettoyait avec un chiffon, puis devînt blême quand il apercevait des traces de sang sur le tissu.

« Ce n'est pas la première fois ne t'inquiètes pas, racontes moi où tu en es. Cela m'aide de penser à autre chose. Et à entendre ta voix.

Mon pauvre petit ange.

Son cœur se crispait à chaque nouveau symptôme de sa femme. Il trouvait tout de même la force de lui répondre.

— Ça avance bien. Nous allons même être en avance. C'est pour bientôt.

Son plan fonctionnait même mieux que ce qu'il ne pensait. Son intervention divine y était évidemment pour quelque chose, pourtant il préférait s'attacher aux choses plus réelles. Les plaines jouxtant la prison s’étaient muées en un chantier navale géant. L’édifice en lui-même servait de dortoir et de garde-manger, les cellules restaient ouvertes en permanence. La cour, encore marquée par la foudre, était utilisée comme terrain d'entraînement. Aucun crime n'était à signaler, aucune tentative d'évasion non plus, là encore ce n’était pas gagné d’avance. Les renforts qui étaient arrivés avant l'envoi des pigeons annonçant la mise en état d'alerte de l'île ont été tous pris dans une embuscade sanglante. Il ne pouvait pas y avoir de survivant, s'encombrer de prisonniers n'était pas un luxe dont il pouvait se permettre, même si ironiquement il régnait désormais sur une prison.

Il avait réussi à organiser sa nouvelle armée pour que chacun ait quelque chose à faire. Les anciens soldats formaient aux maniements des armes ceux qui en avaient moins l'habitude. D'autres personnes avaient la charge de la cuisine ou du rationnement de la nourriture. D'autres encore de la construction de la flotte. Le plus important était pourtant que partout où il passait, les têtes se baissaient, par peur ou par respect, peu importait, tant que l’ordre régnait dans ce désordre qu’il avait créé.

Peu de gens savaient lire et écrire dans le monde. Lui avait eu cet avantage d'être dans un endroit où la seule chose à faire pour passer le temps était de prendre un livre. Sa femme, de pars son travail, le savait évidement aussi. Ainsi Aiden et Nérilia avait naturellement reçu cet apprentissage, comme Ciro et Bestyn après leurs arrivés dans la famille.

Encore plus rares étaient les personnes qui connaissaient cet art, tout en étant prisonnier sur l'île Hangar, et surtout au même moment où Alan voulait préparer sa vendetta. Plus il en avait, plus il pourrait déléguer de tâche comme la supervision du chantier naval, via des plans qu’ils avaient pu dénicher dans la grande librairie. Heureusement il y avait bien un homme qui correspondait en tout point. Un dénommé Lotabaga.

Alors qu'Alan arrivait près de ce chantier pour s'informer des avancées, il en profitait pour faire ce qu'il appréciait faire quand il travaillait pour la prison ; parler aux gens.

— Lotabaga c'est ça ?

L'ancien détenu ne l'avait pas vu arrivé, trop concentré sur ses croquis et à regarder d'autres prisonniers découper de longues planches de bois. Au son de sa voix il se retournait.

— Oui c'est bien ça, en revanche moi je ne sais pas comment je dois vous appeler ?

C'était un homme fin, plus âgé que lui, ce qui était rare, la détention ne permettant que rarement de vivre si longtemps. Cela lui avait cependant certainement rajoutée quelques années sur le visage. Sa barbe avait grandement poussée avec le temps, noire tirant sur le blanc aux extrémités. Il pouvait deviner, qu'avant son emprisonnement, avec sa voix, son regard perçant et sa fière allure, il ne devait pas avoir trop de mal à se faire respecter non plus.

— Alan. Pour l'instant cela ira très bien.

— Pour l'instant ? répétait-il en haussant un sourcil.

— Je ne suis pas encore devenu roi, si j'y arrives, enfin si nous y arrivons alors à ce moment-là je mériterais que l'on m'appelle sir. Je n’ai pas la prétention d’être un roi avant d’avoir la couronne sur la tête.

— Honorable à vous.

De sa façon de parler Alan n'arrivait pas à véritablement le percer à jour, à part qu'il devait être quelqu'un d'important. Néanmoins il n'arrivait pas à différencier le ton sérieux du ton ironique. Ce qui l'intriguait d'autant plus.

— J'ai l'impression que quoi qu'il se passe de l'autre côté de la mer dans quelques semaines, vous ne m'appellerez jamais de cette manière.

— Quand vous serez sur le trône, j'aurais payé ma dette que j'ai envers vous, mais je ne serai plus là pour vous y voir assis dessus. Et j’ai déjà une reine à vénérer et un royaume à rejoindre.

— Un royaume qui vous a envoyé ici. Pourquoi y retourner alors ?

Un pic involontaire qui semblait l’avoir contrarié. Les yeux du Todayi se rapetissèrent comme pour mieux le scruter.

« Je veux dire, non pas que vous n'en n'aurez pas le droit, puisque j'ai promis que chacun pourra me suivre où partir après la bataille, mais je suis simplement curieux. Qu'est-ce qui vous empêche de rester, où vous oblige à partir ?

Il le scrutait toujours, laissant un silence s'installer quelques secondes avant de répondre.

— L'amour. Evidemment. C'est ce qui m'a amené ici, et c'est ce qui me fera y retourner. Quelles choses au monde ne faisons-nous pas par amour ? Je suis sûr que c'est votre cas aussi. Quelque part dans la haine que vous semblez transpirer contre votre ennemie, il y a de l'amour pour une personne qui rentre en jeu.

Il marque un point.

— C'est vrai. Je me bats aujourd'hui pour ma fille et mon frère que j'ai perdu, ainsi ma femme et mon fils que j'espère protéger de ce fléau que représente Nora. Et vous ?

— Mon fils, répondit-il cette fois-ci sans attendre, avant de lui tendre le collier qu’il portait à son cou. Il y a des années de ça, j'ai fait une promesse à mon fils. J'ai brisé ce médaillon en deux, lui laissant l'autre moitié. Un jour, je rassemblerais les deux morceaux, et je retrouverais mon fils. Quand vous m'avez libéré, vous m'avez donné l’opportunité de tenir ma parole.

Le médaillon représentait la partie avant d'un bateau naviguant sur l'eau. Il était joli, sans plus, c'était surtout un objet sentimental. Il le lui rendit.

— Quand je serai roi, si je le peux, je vous viendrais en aide pour retrouver votre fils. Je sais ce que sait d’être séparé de son enfant.

— Vous aurez beaucoup à faire dans le Dume, quand je marcherais jusqu'au Todaï, tellement que vous en aurez oublié mon existence, ce qui sera bien légitime. A ce moment-là, ce sera ma quête. C'est par ma faute nous avons était séparé, alors je réparerais moi-même mon erreur. Je retrouverais mon fils, je retrouverais Kyzen.

Alors qu'il lui contait les nouvelles personnes qui formait son entourage, les différentes fonctions attribués à chacun, il se rendait compte que les yeux de sa femme commencèrent à se fermer.

— Hey, mon ange, reste avec moi.

— Je suis si fatiguée Alan, si tu savais.

Je le sais.

— Je suis désolée de ne rien pouvoir faire.

L'émotion commençait à prendre le dessus. Il se doutait que ce moment allait arriver.

— Ne t'en fais pas pour ça. Tu es l'amour de ma vie, je n'avais rien besoin de plus de ta part. Mon temps est simplement passé.

Une simple phrase, qui sortant de sa bouche, lui déchirait à nouveau le cœur. Il lui caressait les cheveux, contemplait chaque partie de son visage comme pour l'imprimer indéfiniment dans son esprit.

— Qu’est-ce qui te ferais plaisir ? Dis-moi, n'importe quoi, j'irais te le chercher.

— J'aimerais tellement retourner dans la librairie, ce fameux jour où je t'ai vu la première fois. J'ai su tout de suite que ce serait toi Alan. Revivre cette journée.

— Moi aussi je l'ai su dès que j'ai croisé ton regard.

— Je sais que ce n'est pas possible malheureusement.

Alan sécha une larme qui coulait le long de sa joue.

« Mais peut-être pouvons-nous aller sur la plage, je n'ai pas pu y aller depuis si longtemps à cause de mon état ? Ça me ferait plaisir d'y retourner une dernière fois.

L'aube ne s'était pas encore levé mais il n'hésita pas une seule seconde. Il passa un bras dans son dos, puis l'autre sous ses jambes, et la souleva. A ce moment il pouvait sentir à quel point elle était devenue si légère. De son côté, elle s'agrippait comme elle le pouvait à son cou. Ils quittèrent la chambre, puis la maison. Ils passèrent devant Cheryne et Ralf, qui attendait sur un des bancs disposés sur la devanture de la demeure.

— Mais qu'est-ce que vous faîtes ? s'étonna la soigneuse. Vous ne pouvez pas la déplacer ainsi !

— Elle a raison, rajoutait Ralf, toujours aux côtés de Cheryne. Laissez-moi au moins vous accompagner.

Je suis encore chez moi, j'ai le droit d'aller où je veux avec ma femme !

— Nous allons sur la plage. Seuls !

L’intonation était suffisamment claire pour les stopper net, ce qui était le but recherché. Camilia se cramponnait toujours à son cou, souriant les yeux fermés. Il les entendait baragouiner dans son dos, pendant qu'il s'éloigné mais n'y prêtait pas attention. Il n'avait pas le temps pour ces conneries. Il ne pensait qu'à sa femme.

Après des dizaines de minutes de marches, il s’arrêta au milieu du sable, à quelques mètres seulement de la mer. D'un coup d'œil en arrière, il vérifiait que la maison était désormais hors de sa vue, et qu’aucune autre personne ne pouvait les apercevoir. Ils étaient enfin véritablement seul. Le soleil n'allait pas tarder à se lever, des vagues rouges parsemant l'horizon.

Il la déposa le plus délicatement possible sur le sol, avant de s'asseoir à ses côtés.

— Merci Alan.

Elle ne quittait pas l'océan des yeux, comme émerveillée par le spectacle qui s'offrait devant ses yeux.

— Tu n'as pas besoin de me remercier mon ange.

Alors qu'il se mettait à regarder dans la même direction qu'elle, l'émotion commençait alors à le submerger encore en pensant que c’était peut-être la dernière fois qu’il verra un lever de soleil avec elle.

— Sais-tu où nous sommes ? finit-il par lui demander.

Elle tournait le regard vers lui, comme s'il avait posé une question idiote.

— Eh bien, sur la plage.

— Non, mon ange. Regarde mieux l'horizon. Nous sommes dans la grande librairie, il y a bien longtemps de cela.

Je vais te ramener à cette journée que tu voulais.

Ses yeux se plissait pendant qu'elle souriait, faisant disparaître les cernes qu'elles portaient. Elle se retournait vers l'océan.

— Oui, c’est vrai, j’étais si jeune.

— Nous sommes le jour où je suis rentré pour la première fois ici. Je recherche des plans, pour des bateaux, pour des armes. Mais je suis perdu dans l'immensité de cet édifice. Puis te voilà. Tu me viens en aide, et la mes yeux se sont posés sur toi.

— Et les miens sur toi.

Il posait sa tête contre la sienne, leurs regards dirigeaient vers l’océan. Elle commençait à respirer difficilement. Elle ne lui signifiait pas, mais il le voyait, l’entendait. Ses phrases et ses mots avaient plus de mal à sortir désormais, alors elle prenait autant de temps que nécessaire. Le moment approchait. Il avait peur mais ne voulait pas lui montrait, pas maintenant. Il préférait continuer son histoire, arrêtant même de sécher les larmes qui parcouraient ses joues.

— Alors que tu viens vers moi, j'oublie ce que je recherche. Tu es si belle.

— Je viens vers toi. J'ai mal au ventre à l'idée de te parler, mais je sens qu'il le faut. Je n’avais jamais ressenti ça avant. Quelque chose m'attire vers toi, je me laisse aller.

— Bonjour, je m'appelle Alan, pourriez m'aider peut-être, je suis perdu ?

Ses sentiments actuels mélangés à ce premier souvenir commun commençaient à le paralyser. Le soleil avait quant à lui démarré son ascension. Le ciel était orange, et les nuages qui passaient par là ne venaient que rajouter du relief à ce magnifique tableau.

— Je m‘appelle Camilia. Je serais ravi de vous aider à retrouver votre chemin.

Elle avait besoin de grandes respirations désormais pour pouvoir parler, alors ils ne firent qu’imaginer la suite de leur texte, sans le prononcer.

— Je t'aime Alan, réussissait-elle finalement à dire.

— Je t'aime aussi mon ange. Je t'aimerais toute ma vie.

Ils restèrent ainsi à contempler l'astre se grandir dans le ciel minutes après minutes. Seul le bruit des vagues s'écrasant à leurs pieds se faisait entendre. Il n'avait jamais réellement pris le temps d'observer de lui-même un levé de soleil. Bien trop occupé à planifier sa vengeance. Il se rendait compte à ce moment-là de tout ce dont il était passé à côté, de ce dont la vie avait à offrir, mais dont il n'avait jamais prêté attention.

« C'est magnifique, tu as eu raison de vouloir venir ici.

Toujours captivé, il mit plusieurs secondes à se rendre compte qu'elle ne lui répondait plus. Doucement, il décollait sa tête de la sienne, la tenant toujours avec son bras. Ses yeux étaient fermés. Elle semblait dormir paisiblement, pourtant il savait que ce n'était pas le sommeil qui l'avait gagnée.

Je ne me suis même pas rendu compte de l'arrêts de ses respirations. Alors cette fois c’est…vraiment fini ?

Il l'allongée au sol, ne la quittant pas des yeux. Ses seuls réconforts étaient qu'elle était partie paisiblement, du moins il l'espérait, et qu'elle était parmi les anges désormais, près de Dieu.

« Je t'aime.

Il lui posa un dernier baiser sur le front en guise d'adieu, laissant tomber sur elle quelques larmes au passage.

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