La rencontre
Je suis réveillée par un rayon de soleil frappant mon visage à travers les rideaux. Je cligne plusieurs fois des yeux. Pendant quelques instants, je suis surprise de me trouver dans un lit douillé. Puis je me souviens : la course poursuite à New-York, le mur de brique, le Pokémon fée, le parc, Madame Bell. Ce n’était pas un rêve. Tout ceci est réel. Peut-être qu’ici, je pourrai m’en sortir. Trouver un petit travail. Les gens ont l’air plus gentils et je pourrai surement tout recommencer à zéro. Je ne trouve pas mes habits dans la chambre. J’enfile alors les vêtements que j’ai emprunté hier à la fille de Madame Bell. Je descends dans la cuisine où je trouve Monsieur Mime et Madame Bell attablés devant des bols de céréales. Une troisième place a été préparée pour moi avec un bol de céréale et un verre de jus d’orange. Je les salue, les remercie de leur attention et m’installe avec eux.
« Que vas-tu faire maintenant Abi ? » me questionne Madame Bell.
- C’est difficile à dire. Je pense rester un peu en ville, voir si je trouve un petit boulot. J’ai un peu d’argent mais je ne sais pas si ça fonctionne ici ? »
- La monnaie courante est le Poknur. Si tu passes au commissariat, un agent pourra te convertir ta monnaie. Il est assez fréquent que des jeunes de ton monde migrent vers le Pokeworld. Il s’agit généralement d’une décision volontaire et ils utilisent l’une des portes permanentes. J’ai cru comprendre que ce n’avait pas été ton cas ? »
- Euh non… J’ai suivi un pokémon qui m’a fait traverser un mur de brique. »
- On raconte que si l’on souhaite très forte partir de son monde et qu’un Pokémon fée nous entend et nous en estime digne, alors le Pokémon exauce notre vœu et nous permet de migrer dans le Pokeworld. »
Nous finissons le petit déjeuner. J’aide Madame Bell et Sweety à ranger et nettoyer la cuisine. N’ayant pas réussi à trouver mes vêtements ce matin, j’interroge Madame Bell qui me dit avoir demander à Monsieur Mime de me les laver pendant mon sommeil. Ils sont actuellement dans le petit jardin à l’arrière de la maison en train de sécher. Je les remercie tous les deux. En attendant qu’ils sèchent, nous nous rendons dans le jardin. Je fais un peu de jardinage avec Madame Bell. Nous cueillons des baies et arrachons des mauvaises herbes. Le soleil brille au milieu d’un ciel sans nuage. Il fait doux avec un léger vent de printemps emportant les senteurs des fleurs. La matinée se termine quand nous finissons. Monsieur Mime a préparé un repas de salade. Madame Bell me convit une nouvelle fois à sa table arguant que je ne peux me mettre en route le ventre vide. Si elle savait qu’avoir plus d’un repas par jour est un luxe auquel je n’osais plus rêver jusqu’à hier. Après le repas, mes vêtements ont eu le temps de sécher. Je prépare mes affaires. Mon sac à dos contient mon couteau suisse, une gourde, un matériel de toilette succinct, quelques élastiques, un porte-monnaie contenant mes maigres économies. Voyant mes humbles possessions, Madame Bell me confie deux tenues de rechange et un k-way, une serviette de toilette prenant peu de place et un vieux réchaud avec un petite casserole. Elle tient à me donner une partie des baies que nous avons cueilli ce matin. Monsieur Mime m’a dessinée une carte simpliste de la ville pour que je ne me perde pas. Il y a indiqué un magasin de fourniture, une épicerie, le commissariat, un café qui chercherait une serveuse et une auberge pratiquant des prix modestes. Devant tant de cadeaux et de gentillesse, j’ai les larmes aux yeux, ce qui la fait rire. « Tu as dû traverser bien des tourments pour être émue pour quelques baies, n’hésite pas à revenir me voir Abi. J’aurai grand plaisir à t’accueillir à nouveau. » Je la prends dans mes bras tout comme Monsieur Mime. En partant, je ne cesse de me retourner pour leur adresser de grands signes de la main.
Je me dirige d’abord vers le commissariat qui est à deux pâtés de maison. Il s’agit d’un bâtiment aux murs bleus dont les doubles portes vitrées sont surmontées de la mention « POLICE ». J’entre avec appréhension dans le bâtiment. Dans mon monde, j’évitais les commissariats comme la peste de peur d’être à nouveau confiée aux services sociaux. Je n’ai que 16 ans et chez moi ça ne faisait pas de moi quelqu’un d’indépendant. Ici, les choses semblent différentes. Madame Bell m’a dit que de nombreux jeunes partent à 10 ans de chez eux pour explorer le monde et devenir dresseur de Pokémon. La criminalité est tellement basse que les gens font preuve d’une hospitalité déconcertante et sont toujours prêt à aider les jeunes. Je m’approche du guichet derrière lequel se trouve une femme au képis bleu. Me voyant entrer, elle se lève souriante et un gros chien orange sort de derrière le comptoir et s’assoie en me gardant bien en vue.
« Bonjour Madame, Agent Lory à votre service. Que puis-je faire pour vous ? »
- Euh… Bonjour Madame. Je… J’aimerai échanger des dollars contre des… euh… la monnaie locale… Si c’est possible ? »
- Bien sûr. Vous souhaitez des Poknur, c’est ça ? Vous venez d’arriver au Pokeworld ?
- Oui… »
- Bienvenue ! »
- Je vous remercie. »
Je lui tends mes économies qui se résument à 57,90 euros. Elle me fait patienter sur les fauteuils dans l’entrée sous la surveillance du chien orange. Elle revient quelques minutes plus tard avec une liasse de billet.
« Et voici qui font 231.70 Poknur. »
- Je vous remercie. C’est beaucoup ! Je n’ai jamais été aussi riche ! » je m’exclame, surprise.
- 1 Poknur équivaut à 0.25 euros. Vous allez vous y habituer. Avez-vous besoin d’autre chose ? » me sourit-elle.
- Euh… non, je ne crois pas… Enfin, peut-être… est-ce que je peux vous demander ce qu’est le chien orange ? »
- Il s’agit d’un Caninos. Ce sont des Pokémons de choix pour accompagner les policiers. Ils sont loyaux et courageux. Si vous vous intéressez au Pokémon il y a un professeur Pokémon dans le village voisin. »
- Un quoi ? »
- Un professeur Pokémon. C’est comme ça qu’on appelle les personnes vouant leurs vies à l’études des Pokémons et à l’accompagnement des jeunes dans leur quête Pokémon. A Ebréla, le village dont je vous parlais, vit le Professeur Psiro. »
- D’accord. Je vous remercie. Au revoir Madame. Au revoir Caninos. »
Je sors du commissariat avec un soulagement. On ne chasse pas si facilement les vieux réflexes. Je suis assez fière de moi en tout cas. Je me sens incroyablement riche. M’aidant de ma carte, je me rends au magasin de fournitures. A l’intérieur, on trouve de tout. Ne perdant pas mon esprit pratique et mon instinct de survie, j’investis dans une lampe de poche, du gaz pour le réchaud et un sac de couchage. Je dépense ainsi 59 Poknur. Il me reste donc 172.70 Poknur. Je sors de la boutique.
Je profite du beau temps pour me rendre au parc et flâner un peu aux milieux des promeneurs. Je ne sais pas pourquoi mais le nom du Professeur Psiro s’est inscrit dans ma mémoire et je ne cesse de penser à ce qu’a dit l’agent de Police. Est-ce que je suis intéressée par les Pokémons ? Est-ce que le professeur pourrait me confier un Pokémon ? Qu’est-ce que je ferai ? Je regarde les gens interagirent avec les Pokémons. Ils sont l’air tellement contents, ils jouent, rient, s’entraînent à des figures compliquées. Un genre de tortue fait des bulles d’eau que les enfants d’un couple s’amusent à faire exploser dans de grands éclats de rire. Je continue à errer dans le parc encore quelques temps. Il va falloir que je réfléchisse où dormir cette nuit. J’erre dans les rues. Le soleil commence à se coucher. Je ne suis pas très inquiète. Finalement, ce ne sera pas la première fois que je dormirai dehors. De toute façon, je ne peux décemment pas retourner chez Madame Bell dès la première nuit, c’est un coup à ne jamais plus partir.
Soudain, mon attention est attirée vers une ruelle où je vois deux espèces de Pokémons ressemblant à des chiens noirs. Ils semblent s’acharner sur ce que je prends initialement pour un sac. Je m’apprête à passer mon chemin me disant qu’ils doivent avoir faim et qu’ils sont en train de faire les poubelles quand j’entends des couinements de douleurs. Je regarde plus attentivement ledit « sac » et distingue une créature de petite taille, il ressemble à un chiot. Il se débat malgré les coups des deux Pokémons noirs plus gros que lui. Je me revois courir dans les rues de New-York, il y a seulement 24 heures. Je ressens de nouveau la peur d’être rattrapée. Sans réfléchir, je m’élance vers les chiens. Mon cœur bat à grands coups dans ma poitrine, je n’entends plus rien hormis les aboiements du chiot. Je crie « Arrêtez ! Laissez-le ! » Arrivée à leur hauteur, je les repousse, essayant d’atteindre le chiot pour le mettre à l’abri. L’un des chiens noirs me griffe à l’avant-bras droit. Je sens les griffes s’enfoncer profondément dans ma peau. La douleur ne me ralentit pas. Je les repousse d’autant plus. Je sors mon couteau d’une poche de mon sac au moment où j’entends une voix appeler « Malosses, revenez. Il a eu sa dose. » Aussitôt les Malosses s’éloignent et retournent vers l’entrée de la ruelle.
Relevant la tête, je ne distingue qu’une silhouette à l’extrémité de l’allée. D’un coup, les deux Malosses se volatilisent en deux rayons lumineux rouges qui filent vers les mains de la personne les ayant appelés. Déjà, l’homme fait demi-tour et disparait au coin de la rue. Prise d’une rage intense, je me mets à courir après lui en criant « Mais pour qui tu te prends ?! » Derrière moi, un faible aboiement me stoppe net dans mon élan. Lentement, je me retourne et contemple pour la première fois, la créature pour laquelle je viens de me battre. Il ressemble à un petit chien d’un marron crème avec des pattes, la truffe et le bout des oreilles d’un brun plus foncé. Il a une queue touffue et un collier de poils plus long autour du cou dans lequel des morceaux de pierres semblent pris. Il est recouvert d’égratignures, griffures et morsures. Il semble proche de la perte de connaissance.
Je m’accroupis à ses côtés. J’avance mon bras gauche vers sa tête. Soudain, avant que je ne puisse esquisser un moment de recul, je sens ses mâchoires se refermer autour de ma main. Je ne peux réprimer un glapissement de douleur. Je lutte pour ne pas retirer ma main et garder mon calme. Je vois quelques gouttes de sang commencer à couler sur ma peau.
« Aïe… Tu as une sacrée poigne, petit… Tu es un caïd, c’est bien… Laisse-moi t’aider maintenant. Tu as besoin de soins… Je m’appelle Abi. S’il te plait, laisse-moi t’aider. »
Je sens des larmes couler le long de mes joues, je ferme les yeux, luttant pour ne pas laisser s’exprimer ma douleur. Doucement, je sens l’étaux de ses mâchoires se relâcher puis quelques coups de langue sur ma paume. Je rouvre les yeux. « C’est bien, petit. On va te trouver un docteur ». Je le prends délicatement dans mes bras. Je cale le maximum du poids en appuie sur mon bras gauche. Le bras droit me tire là où j’ai été griffé par le Malosse. Je n’ose pas regarder. Ce n’est pas le moment de défaillir. En me relevant, j’ai la tête qui tourne. Bon, et maintenant, je fais quoi ? On trouve ça où, les docteurs pour Pokémon… Je me retrouve de nouveau à courir dans les rues à la recherche de ce qui pourrait ressembler à un cabinet médical ou un hôpital. D’ailleurs, faut-il que je cherche un véto ou un médecin ? Dans mes bras, le Pokémon a perdu connaissance, il faut faire vite. Pourvu qu’il ne soit pas trop tard… Après plusieurs minutes, à courir dans tous les sens, j’interpelle un Monsieur avec un grand haut forme pour couvre-chef.
« Monsieur ! S’il vous plait, aidez-moi ! J’ai trouvé ce Pokémon, il a besoin de soins, je ne sais pas où aller ? »
- Il y a un centre de soins Pokémon à cinq minutes d’ici. Continuez tout droit puis tournez à gauche au niveau du fleuriste. Vous ne pouvez pas le louper, c’est un bâtiment au toit rouge avec une Pokéball pour enseigne. »
- Merci ! »
Je cours dans la direction indiquée. Pourvu qu’il ne soit pas trop tard. J’ai le souffle court, les courbatures de ma course d’hier se rappelle à moi et la douleur dans mon bras s’accroit à chaque soubresaut. Je parviens finalement devant le bâtiment. Je trépigne devant les portes automatiques le temps qu’elles détectent ma présence. Dès que je peux me faufiler à l’intérieur, j’accoure au guichet.
« Aidez-moi ! Il est blessé ! Il faut faire quelque chose ! »
Une femme en tenue blanche se penche vers moi. Elle jette un œil au Pokémon que je tiens serrée contre moi.
« Mais qu’avez-vous fait à ce Pokémon ? Ça ne va pas de le faire combattre jusqu’à ce stade ?! » s’énerve-t-elle.
- Mon… quoi ? Non, il n’est pas à moi. Il s’est fait attaquer par deux autres bestioles, et il y avait un type aussi. J’ai fait ce que j’ai pu… » Les larmes coulant le long de mes joues redoublent d’intensité.
- Pardonnez-moi. » Se calme-t-elle de suite face à mon désarroi. « Montrez-le-moi. » Ajoute-t-elle d’une joie douce.
- Vous pouvez faire quelque chose ? » je demande avec appréhension, la voix tremblante.
- Je vais l’emmener aux soins intensifs. Je ne peux rien promettre pour le moment mais ce Rocabot a l’air coriace. »
- Merci… » je souffle.
L’infirmière s’éloigne pour passer derrière de grande porte battante marquant la limite entre l’espace d’accueil et le reste de la clinique. Je me retrouve seule à l’accueil ne sachant quoi faire ni où aller. Je ne veux pas partir, je ne veux pas le laisser seul, je voudrais aller avec lui. Mes pensées s’embrouillent. J’ai mal. Je baisse les yeux et je vois mon bras droit en sang marqué par les profondes entailles des griffes de Malosse. Ma main gauche n’est guère mieux. Mince, j’aurai dû montrer ça à l’infirmière. J’ai dû perdre pas mal de sang. J’ai l’impression qu’on me parle. Je distingue du mouvement autour de moi, je vois l’infirmière revenir vers moi, pourquoi court-elle ? Pourquoi tout est si flou ? Je… Tout devient noir.
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