Adaptation
A la fin du repas, Mathilda s’approche de moi.
« Aujourd’hui, tu vas aider Isham à la plonge et ensuite tu rejoindras Marcus dans le grand chapiteau. » me dit-elle en me désignant un petit homme bedonnant au visage joufflu. « Ce soir, tu assureras le guichet d’accueil avec lui, il te montrera les ficelles. »
- « D’accord. »
Mathilda s’éloigne aussitôt rejointe par son Snubbul qui semble toujours aussi mal luné.
« Elle t’a à la bonne ! Tu as de la chance. » me souffle Cédric.
- « Ah bon ? » je demande surprise.
- « Oh que oui ! Quand je suis arrivée, j’ai été de corvée de balayage pendant trois semaines et j’ai dû en attendre encore 2 autres avant d’avoir le droit de faire le guichet d’accueil. »
- « Ça, c’est parce que tu as manqué mettre le feu à la roulotte de Mathilda dès ton deuxième jour. » fait remarquer Phil en passant derrière nous pour débarrasser, déclenchant les rires des personnes autour de nous.
Je me lève et aide Phil à débarrasser. Je le suis dans la seconde tente, Echo sur mes talons. Celle-ci est effectivement une sorte de cuisine aménagée. Elle est centrée par des plaques de cuisson placées juste sous le trou d’évacuation de la fumée. Tout autour des tables de travail sont disposées alternant avec des cagettes de baies et de multiples produits d’assaisonnement. Deux grandes armoires sont fermées mais je ne doute pas qu’elles regorgent de victuailles. Tout est déjà impeccablement rangé, c’est incroyable. Phil traverse cet espace et m’entraine sous un autre pan de toile. Je me retrouve sous un auvent, face à deux grands bassins.
« Un bac sale et un bac d’eau propre. Le produit de nettoyage est dans ce bidon. Tu as un Pokémon eau ? »
- « Euh, non… »
- « Pas de soucis. Moustillon va te filer un coup de bain. » dit-il en libérant un de ses Pokémons.
- « Bonjour Moustillon. »
- « Moustiii ! » s’exclame-t-il juste avant de se ruer vers la bassine d’eau propre. Phil se penche prestement et rattrape le petit Pokémon loutre.
- « Interdit de se baigner dans la bassine ! Tu veux bien aider Abi à faire la vaisselle ? »
- « Mousti mousti ! »
- « Oh… je ne veux pas l’embêter. » j’essaye d’intervenir.
- « Oh mais tu ne l’embête pas. Moustillon adore le contact de l’eau, la vaisselle c’est un peu son activité préférée ici. Regarde. » dit Phil en tournant Moustillon vers moi. Je vois alors qu’il est tout sourire, et semble avoir hâte de commencer.
- « D’accord. Hey ! bien, merci Moustillon. Je vais demander à Yucca de nous filer un coup de main. »
- « A plus tard, Abi. » me dit Phil avant de disparaître.
Je libère Yucca qui fait la connaissance de Moustillon. Le petit Pokémon aquatique est surexcité. Plusieurs personnes nous apportent la vaisselle sale et rapidement la bassine commence à déborder.
« Allez ! Il faut s’y mettre sinon on va se faire déborder. Je flotte, Yucca tu passes à Moustillon qui rince et tu les disposes en pile sur cette table. Prêt ? Partez ! »
Chacun prend son poste et nous commençons notre ouvrage. Moustillon a l’habitude et utilise son pistolet à eau pour les taches récalcitrantes. Yucca est appliquée et précautionneuse. Echo, peu à l’aise à proximité de l’eau, va s’installer dans un coin et me surveille du regard. Nous avançons assez efficacement. Au final, ça nous prend tout de même deux bonnes heures pour finir et ranger les couverts dans le buffet de la tente salle à manger. Isham est venu à deux reprises vérifier notre avancée et n’a pas dit un mot, ce qui doit signifier qu’il est satisfait. Lorsque nous avons tout finit, je décide de récompenser Moustillon qui n’a en rien perdu son énergie. Je vide la bassine et Moustillon la remplit à nouveau d’eau clair avec son pistolet à eau. Puis je l’autorise à jouer dans l’eau. Yucca reste à l’extérieur de la bassine mais tend ses lianes au-dessus du bassin improviser et Moustillon sort de l’eau pour essayer de les saisir. Tous deux s’amusent bien. Attirer par le bruit, Isham passe la tête sous la toile de tente.
« Je vois qu’on s’amuse bien… » commente-t-il.
- « Euh oui… Moustillon m’a bien aidée, je me suis dit qu’un peu de détente lui ferait du bien. »
- « Oui, oui. Vous avez bien travaillé. Viens boire un thé, va. » dit-il avant de retourner à l’intérieur.
Je fais signe à Echo de me rejoindre. Yucca reste avec Moustillon, absorbés par leur jeu. Je rejoins Isham dans la cuisine. Il me sert une tasse emplie d’un liquide bleuté et fumant. Je le renifle avec précaution puis risque une gorgée. Le goût est subtil et épicé. Je ne peux retenir un « hum » de contentement.
« Alors, tu t’appelles Abi c’est ça ? » me demande Isham de sa voix grave et posée.
- « Oui. »
- « Bienvenue à toi. Désolé pour l’accueil mais quand c’est le feu, il faut y aller. »
- « Je comprends. »
- « Alors tu viens d’où ? » me demande-t-il doucement.
Sans m’en rendre compte, je commence à discuter avec Isham en sirotant mon thé. Il est originaire du Pokéworld et ne connait rien à mon monde d’origine. Il m’interroge avec curiosité et de façon suffisamment réservée pour que je ne me sente pas acculée. Petit à petit, notre conversation dévie sur la cuisine. C’est une véritable passion pour lui, lorsqu’il en parle ses yeux brillent d’une toute autre lueur et son visage s’anime d’émotions intenses. Je perds toute notion du temps jusqu’à ce que Yucca et Moustillon ruisselant d’eau entre dans la cuisine.
« Ah non non non ! Pas d’eau dans ma cuisine ! » s’exclame Isham.
- « Yucca, revient. » je rappelle Yucca avant qu’elle ne se fasse gronder. Je vais prendre Moustillon dans mes bras. Je sens l’eau fraiche à travers mes vêtements mais au moins ainsi il ne goutte pas partout sur le sol.
- « Ouh la la ! mais c’est que le temps passe. Je vais me remettre aux fourneaux… » me dit Isham en jetant un œil à l’horloge posé au-dessus du plan de travail.
- « Je vais y aller aussi. Je dois trouver Marcus. Merci pour le thé. »
Je prends congés. Une fois sortie de la tente, je dépose Moustillon sur le sol à côté d’Echo.
« Merci Moustillon pour ton aide. Est-ce que tu restes avec moi jusqu’à ce qu’on croise Phil ou tu penses pouvoir le retrouver tout seul ? »
- « Mousti mousti ! » s’exclame-t-il sans faire mine de s’éloigner.
- « Dans ce cas, direction la grande tente. »
Nous rejoignons la tente centrale. Lorsque je pénètre à l’intérieur, je m’émerveille une nouvelle fois en découvrant le plafond étoilé. Dans les gradins et sur les poteaux soutenant la toile, les artistes sont en train de nettoyer et assurer les derniers réglages avant le spectacle de ce soir. Au centre de la piste, un dresseur assure l’entrainement d’une troupe de trois Ponyta et deux Galopa. Les Pokémons équins crachent le feu dans une danse rythmée, frôlant leur dresseur qui évolue entre eux avec grâce. Le jeune homme est svelte et porte une impressionnante tignasse d’un roux flamboyant. Je m’approche de la piste pour l’observer de plus près. Je suis la valve des Ponyta comme hypnotisée. Une voix finit par me tirer de ma contemplation.
« Tu dois être Abi ? » sonne une voix flutée.
- « Euh… oui. Bonjour… » je réponds en découvrant à ma droite, l’homme au visage joufflu que Mathilda m’avait désignée tout à l’heure. Comment a-t-il fait pour s’approcher si prêt sans que je m’en aperçoive ?
- « Marcus. Bienvenue parmi nous ! Viens, je vais t’expliquer ton rôle pour ce soir et on passera voir Céline pour ton costume. » m’invite-il souriant.
Marcus me fait faire le tour de la tente, m’apprenant la répartition des fauteuils numérotés. Ce soir, j’aiderai à placer les gens dans les gradins selon leurs billets. Puis, il me montre l’arrière-scène. J’y découvre un monde encore plus riche en activité. Chacun s’entraine, perfectionne des mouvements, étire ses membres, des balles, des rubans, des boules de feu et des bulles d’eau volent en tous sens. Tant les Pokémons que leurs dresseurs font leurs exercices avec application. Ici, il semblerait que les humains poussent autant leurs capacités que leurs Pokémons. Je sens un choc contre ma jambe gauche et vois Moustillon passer en courant devant moi. Je le suis du regard et le vois sauter dans les bras de Phil. Ils se font un câlin, puis Moustillon et Phil se tournent vers moi et me font de grands signes de la main. Marcus, pour sa part, ne s’est pas arrêté et a continué son chemin. Tout à son discours et ses explications enthousiastes, il n’entend s’arrêter en si bon chemin. Je fais un signe à Moustillon et Phil et file rejoindre Marcus, Echo sur mes talons. Marcus se révèle un personnage bon enfant, riant beaucoup et enchainant les blagues. Il met facilement les gens à l’aise et il connaît le cirque et chacun de ses habitants comme sa poche. Il me présente tous ceux qu’il croise accordant la même importance aux Pokémons qu’à leur dresseur.
« Tu as déjà eu l’occasion de voir notre spectacle ? » me demande Marcus au bout d’un moment.
- « Non, pas encore. Je me préparais pour l’arène Pokémon jusqu’ici. »
- « Ah, une dresseuse ! Tu risques de ne pas rester longtemps parmi nous alors… M’enfin, ça te fera une belle expérience. Malheureusement, tu n’auras pas l’occasion de voir le spectacle ce soir… Ta mission sera d’accueillir les visiteurs ce soir, de les placer dans les gradins, puis pendant le spectacle, tu assureras l’accueil pour si les gens sortent. Les orienter vers les toilettes ou la zone de restauration. »
- « D’accord. J’imagine que je pourrai voir le spectacle une autre fois. »
- « Oui. Si tout se passe bien, j’essayerai de t’accorder un petit moment pour découvrir les coulisses pendant le spectacle. Tu verras l’ambiance à ce moment est électrisante ! »
- « Merci Marcus. » je souris.
Marcus me montre encore le fonctionnement de l’accueil, où ranger les tickets, quelles brochures donner, les consignes à donner pour le bon déroulement du spectacle…
« Voici la caisse enregistreuse pour les achats de dernière minute, Cédric s’en occupera ce soir. On ne laisse pas une jeune recrue trifouiller dans les sous. Ordre de Mathilda ! » m’informe Marcus en prenant un air de moralisateur, l’index levé, la mine sévère avant de retrouver son sourire habituel et de me faire un clin d’œil « Tu ne seras plus si nouvelle, demain ! »
Marcus me conduit ensuite chez Céline. Sa roulotte ressemble beaucoup à celle de Mathilda. Lorsque nous entrons, il y a du tissu absolument partout, des découpes et des assemblages inachevés trainent tout autour de la pièce. A la place d’une machine à coudre, se tient une grande table à dessin. De derrière le panneau, une femme portant d’énormes lunettes rondes lève la tête rejetant en arrière de long cheveux bruns ondulés. Derrière elle, un petit Pokémon brun lévite au-dessus de son épaule, les yeux clos. Le Pokédex m’informe qu’il s’agit d’un Abra, un Pokémon aux pouvoirs psychiques puissants.
« Qui est là ? » demande-t-elle semblant atterrir dans le monde réel.
- « Céline, voici Abi. Elle va faire l’accueil aujourd’hui. Tu aurais un costume pour elle dans tes rayonnages ? »
- « Abi… l’accueil… hum… rayons… » Céline a un air pensif et rêveur. Pendant de longues secondes, elle semble avoir complètement oubliée notre présence. Marcus ne bouge pas et ne semble pas s’en offusquer. Il me fait un sourire qui se veut rassurant. Très lentement, Céline se lève et commence à errer dans la pièce, touchant du bout des doigts différentes étoffes.
- « Doux… clairs… Abi… » au bout d’un moment, elle se place face à moi, plonge son regard lunaire vert d’eau dans le mien, pince une mèche de mes cheveux d’ébène. « Noir… » et retourne à ses étoffes.
- « Qu’est-ce qu… » je commence.
- « Shhut. Céline pratique son art. ça ne va plus tarder. » me chuchote Marcus.
J’attends quelques minutes, observant le manège de Céline et Abra qui flotte derrière elle. Soudain, Abra ouvre grand les yeux qui brillent d’une lueur rouge et Céline semble s’animer :
« Veste à queue de pie noir, liseré doré, chapeau haut de forme, cerclé d’un ruban rouge, pantalon noir et bottines rouges ! »
Elle se saisit prestement des vêtements sur les ceintres, me prend la main, et me tire derrière elle en courant, prenant juste avant de sortir un chapeau haut de forme sur une étagère. Je me retrouve à courir derrière elle, regardant flotter ses longs cheveux bruns à sa suite. Elle me conduit chez Mathilda, fait irruption dans la pièce sans s’annoncer, déclenchant les aboiements enragés de Snubbull.
« Céline ? » demande Mathilda, surprise, en la voyant débouler à toute allure. Puis Mathilda pose son regard sur moi. « Et Abi… J’imagine que vous êtes là pour ton premier costume ? » me dit-elle avec un air de malice.
- « Oui ! » juste au moment où Céline parle, Abra se matérialise juste à ses côtés, comme sorti de nulle part. « Chapeau, veste, brillant, noir, les liserés qui volent… Tu vois l’image ? la féérie ? le rythme, la valse des bottines, rouge papillon ! extravagant ! » enchaîne Céline comme prise de frénésie.
- « Oui, Céline. C’est très joli. Je vais arranger tout ça. Assis toi en face de la machine. Tu veux un chocolat chaud ? » dit Mathilda d’une voix douce et maternelle que je ne lui connais pas.
- « Oui… joli… chocolat… » Céline a de nouveau les yeux dans le vague et va s’installer à l’endroit indiqué par Mathilda. Elle est suivie d’Abra qui a fermé les yeux et vient se poser dans ses bras.
- « Vient Abi. Enfile tout ça pendant que je sers Céline. »
Mathilda a ramassé le tas de vêtements que Céline a apporté et me les dépose dans les bras. Je vais me changer dans la petite salle de bain attenante. La veste tombe toute droit et les manches sont beaucoup trop longues, le pantalon tombe bien, un simple ourlet devrait faire l’affaire. Lorsque je rejoins les deux femmes dans la pièce principale, Céline dessine sur une feuille blanche. La tasse de chocolat chaud fumante est posée devant elle. Une cuillère en remue toute seule le liquide, Abra tournant doucement sa main à trois doigts dans sa direction.
« Viens face à moi, Abi. » me demande Mathilda.
Elle me fait tourner sur moi-même. Elle retrousse mes manches et les fixe à l’aide de quelques épingles astucieusement placées. Elle finit par poser le chapeau sur ma tête, l’incline et passe un ruban de soie rouge autour de la base. Elle fait un nœud et laisse les extrémités pendre sur le côté gauche du couvre-chef. Puis, elle s’approche de Céline et regarde son dessin. Je tends le cou et aperçois l’esquisse d’une silhouette qui me ressemble.
« Une couture pour le ruban sur le chapeau ou un flot ? » demande doucement Mathilda.
- « Un flot… le papillon vole… »
- « D’accord. Et la veste cintrée, c’est ça ? »
- « Oui… bottines rouges, espiègles. » ajoute Céline.
- « Très bien. »
Sur ces quelques indications, Mathilda fait encore quelques ajustements puis elle me fait enlever la veste, s’attable et entreprend de coudre, fixer les ourlets, adapté la taille de la veste et fixer le ruban sur le chapeau avec un nœud aux larges flots. Elle disparaît ensuite derrière une pile de cartons et en ressort avec de jolies bottines rouges. Je les passe et suis surprise de voir qu’elles me vont comme un gant.
« Que crois-tu ? J’ai l’œil ma chère ! » me taquine Mathilda en voyant mon étonnement.
Après un dernier essayage, mon costume me va parfaitement. Je ne suis pas très à l’aise ainsi vêtue mais j’imagine que je m’y ferai. Mathilda me passe une ceinture ornée d’un petit sac de cuir. J’y glisse les balles de jonglages que Phil m’a donnée.
« Allez ! Maintenant filez. » Dit Mathilda.
Céline se lève lentement et suivi d’Abra prend congés sans un mot.
« Céline, tu demanderas à Abra de me ramener mes petites cuillères, s’il te plait ? » dit Mathilda.
Je remarque alors que la cuillère suit Abra en volant dans les airs paresseusement. Céline ne montre aucun signe d’avoir entendu la couturière. Mais Abra claque des doigts et la cuillère file se poser dans l’évier.
« Merci. » lance Mathilda à l’adresse du chapardeur. « Plus qu’une vingtaine à récupérer… » soupire-t-elle une fois que Céline et Abra sont hors de portée d’oreilles. « Tu devrais aller te mettre au guichet les gens ne vont pas tarder à arriver. »
- « Merci Mathilda. »
Je traverse le camp et me présente à l’entrée de la grande tente. Marcus m’y attend. Je remonte la longue file de spectateurs qui attend d’être placé. Voyant que Cédric, Phil et d’autres artistes ne passant pas dans les premiers numéros ont déjà commencé à installer les visiteurs, je prends exemple sur eux. Je guide les familles à leurs places. Marcus et Cédric me surveillent du coin de l’œil et me corrigent discrètement quand je ne m’oriente pas vers la bonne allée. En vingt minutes, chaque siège a trouvé son légitime occupant. Cédric me fait signe de le suivre. Juste au moment où je sors de la tente, la musique éclate en fanfare, de multiples artistes et Pokémons entrent sur scène. Au centre, un homme à la carrure imposante, haut de deux mètres et quasiment tout aussi large apparait accompagné d’un magnifique Pokémon renard roux à neuf queues. Le Pokémon fait tourbillonner une lame de feu déchainant les exclamations du public. Le pan de toile retombe et dissimule à mon regard la suite du spectacle. Cédric et moi nous installons dans la petite cabane d’accueil. Commence alors une longue attente. Cédric a libéré son Racaillou, un petit Pokémon pierre. Il semble aussi facétieux que son maître et enchaine les cabrioles en équilibre sur ses mains. Il s’intéresse particulièrement à Rocabot qui tente de rester de marbre face aux pitreries de son camarade. Nous discutons de tout et de rien avec Cédric, il se montre comme toujours enjoué et drôle. Quelques rares spectateurs sortent pour trouver les toilettes ou acheter une boisson rafraichissante. Nous les orientons et accompagnons pour qu’ils trouvent leur bonheur. Nous ne pouvons pas assister au spectacle mais les exclamations de joie, de surprise ou de peur du public nous parviennent, attisant ma curiosité. Pour passer le temps, j’ai sorti mes balles de jonglage et Cédric et moi nous les passons alternativement. Je retrouve petit à petit mes réflexes. Les balles passent d’une main à l’autre sans que j’aie besoin d’y réfléchir, le contact de la membrane sur ma peau est fugace et doux. Ses balles ont déjà beaucoup servi. A l’entracte, Marcus apparait.
« Abi, vient ! Pour la deuxième partie, tu vas m’aider en coulisses. »
- « J’arrive. A plus tard Cédric ! » dis-je en rangeant mes balles dans le sac de cuir à ma ceinture.
- « La chance… Profite bien ! » me répond-il.
Je me faufile en coulisses avec Marcus. Son numéro de clown est déjà passé. Nous nous mettons à aider qui le demande pour ajuster un costume, lacer un ruban, échanger un bâton qui se révèle tordu... Je me retrouve entourée par une foule d’inconnus, nouant un foulard au cou d’un Simularbre, puis tendant des gants à une voltigeuse… Je ne sais plus où donner de la tête. Le spectacle a repris, je suis entraînée dans un rythme effréné pour que le show ne soit pas ralenti. Marcus est plein de bienveillance, il m’a à l’œil. Les autres artistes sont plutôt patients avec moi et m’aident comme ils peuvent, me soufflant où trouver tel ou tel ustensiles, comment faire un nœud de cravate, où ranger un tabouret… Je vois défiler tous les costumes, parés de mille couleurs, assorti à leurs Pokémons coéquipiers…
« Tu t’en sors bien, Abi… » me souffle une voix derrière moi.
Je me retourne et tombe nez à nez avec Phil. Il a revêtu sa tenue de spectacle noir et rouge. Reptincel est à ses côtés.
« Merci… » je me sens troublée. Phil est très impressionnant dans son costume de scène, il semble plus âgé, plus mature.
« J’ai bien fait de te dire de venir. » conclut-il avant de rejoindre la piste. Je le suis discrètement et me dissimule derrière le rideau. De là où je me tiens, je peux voir la scène. Phil et Reptincel se lance dans un numéro de jonglage enflammé. Ils sont encore plus impressionnants que la première fois que je les ai vu. Reptincel a enflammé des bâtons à chaque extrémité et Phil les fait tournoyer à une vitesse affolante donnant l’illusion de roue de feu dansant sur la piste. Leur prestation allie grâce et élégance, leurs mouvements sont vifs et précis, ils semblent en totale communion. Alors qu’ils saluent, je m’éclipse, reprenant ma besogne avant que quelqu’un ne s’aperçoive de mon échappée.
Lorsque le spectacle se termine, tous les artistes retournent sur scène saluer l’auditoire. Je rejoins Cédric pour l’aider à encadrer la sortie des visiteurs. Une fois, le cirque vidé de son public, le silence s’abat sur les lieux. J’aide Cédric et Marcus à nettoyer les gradins, puis dans les coulisses chacun entreprend de ranger son matériel. Pour finir, les dresseurs libèrent leurs Pokémons et leur proposent des étirements après tant d’efforts. Je libère Yucca et Akui et me joins à eux. Evidemment mes Pokémons ne sont en rien fatigués mais une petite séance d’étirements ne peut pas leur faire de mal. Je regarde avec curiosité les autres dresseurs procéder à leurs séances. Je m’en inspire pour adapter les mouvements à mes Pokémons.
« Et maintenant, a table la troupe ! » raisonne la voix d’Isham.
Les artistes finissent leurs séances et tout le monde se dirige vers la tente « salle à manger ». Le repas y ait déjà servi, Simiabraz et Kicklee fidèles au poste. Une fois que tout le monde est installé, Mathilda se lève.
« Encore une nouvelle journée de passée. Merci à tous pour votre investissement. Le spectacle était d’une grande qualité, poursuivons nos efforts pour la joie et le sourire des petits comme des grands ! » Un tonnerre d’applaudissements lui répond.
« Et bienvenue à Abi qui nous a rejoint ce matin. Elle nous a bien aidé sans faire de bourdes pour une première journée. » ajoute-t-elle.
Les applaudissements reprennent, Cédric me fait de grand sourire, Line m’adresse un clin d’œil. Je jette un regard discret vers Phil qui me regarde en applaudissant doucement. Le repas est une nouvelle fois un vrai délice. Simiabraz et Emolga sont venus manger à côté d’Echo qui refuse toujours de me quitter d’une semelle. J’ai laissé Yucca et Akui sortis afin qu’ils fassent connaissance avec les autres Pokémons du cirque et dans l’espoir que leur présence rassure un peu Echo. Au moment du dessert, je ne peux réprimer un bâillement. Line assise en face de moi, me fait signe de la suivre. Nous quittons la table et rejoignons notre roulotte.
« Va te coucher Abi, il te faudra être en forme demain. »
- « Bonne nuit Line, merci. »
- « Bonne nuit. »
Je me roule en boule dans mon petit lit, pelotonnée contre Echo et Yucca. Akui s’est posé à la tête du lit. Je m’endors sans demander mon reste.
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